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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 27/11/2011 à 16:46
» Dernière mise à jour le 27/11/2011 à 16:48

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Chapitre 2 : Un jeu dangereux
Un cri strident déchira l'air. Le Piafabec, ailes repliées dans le dos et bec en avant, fondit sur la Férosinge. Cette dernière évita l'assaut au dernier moment, et abattit ses griffes sur le crâne de l'oiseau. Des plumes volèrent. Étourdi, le bestiau battit des ailes pour reprendre de l'altitude, mais la Férosinge ne lui en laissa pas le temps, le fauchant proprement d'un coup de pied. L'oiseau tomba au sol, assommé.

- Bien joué, Teigne !

Mon Pokémon sautilla sur place, heureux de recevoir des compliments.

- Féro, Férosinge !

- Bulbizarre ! commenta Salade qui avait observé le combat à côté de moi.

Trouver la route 22 s'était révélé être l'enfance de l'art, surtout avec la carte que m'avait gentiment fournie la soeur de Zack. Elle ressemblait beaucoup à son frère question physique, mais au niveau de la mentalité, c'était son exact opposé. Toujours prête à rendre service, elle m'avait également dispensée de précieux conseils concernant Jadielle et la forêt que j'allais devoir traverser.

- Fais pas attention à Zack, avait-elle dit quand j'avais soulevé le sujet de son frère. Il joue au gros dur, mais au fond il a bon coeur.

- Difficile à croire, mais je garderai ça en mémoire, avais-je répondu avant de prendre congé.

L'arène de Jadielle était fermée en ce moment, ce qui n'était pas plus mal car je ne me sentais pas encore de taille à affronter un champion. Je m'étais donc dirigée vers la route 22, et Salade et moi étions tombés presque aussitôt sur un Férosinge qui cognait furieusement contre une barrière. En nous voyant, il avait immédiatement sauté sur Salade, qui s'était défendu avec son brio habituel, utilisant ses lianes pour le maîtriser. Comme il s'agissait de mon premier Pokémon rencontré sur cette route, j'avais tenté de le capturer, et après avoir gâché deux Pokéballs, la troisième avait tenu.

Mon Pokédex avait bipé, m'apprenant que le Férosinge en question était une femelle, et avait déblatéré tous un tas d'informations qui étaient rentrées par une oreille et aussitôt ressorties par l'autre. Franchement, qui avait besoin de savoir que les Férosinges laissaient des empreintes de pas qui sentaient le fromage ? J'en venais même à douter de la véracité de la chose.

J'avais baptisé Teigne le deuxième membre de l'équipe et m'étais mise en devoir de l'entraîner, faisant intervenir Salade lorsqu'elle peinait. À présent, une ou deux heures plus tard, mon ventre commençait à gargouiller, et le ciel s'était considérablement assombri. Il était peut-être temps de rentrer se mettre à l'abri pour se reposer et manger...

- Allez, on va retourner à Jadielle, déclarai-je à voix haute. Vous avez bien travaillé, tous les deux.

- Féro ? Singe, Férosinge... baragouina Teigne, l'air triste.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

C'était ça le problème avec les Pokémon. Ils étaient mignons, mais impossible de comprendre ce qu'ils racontaient. Ils avaient pourtant l'air de se comprendre entre eux, ce qui honnêtement me laissait perplexe. Teigne sautilla, et pointa du doigt un Piafabec sur un arbre, à quelques mètres de là.

- Un dernier ? déchiffrai-je.

- Férosinge !

- Bon, d'accord. Mais ensuite, on y va.

Ce n'était jamais que la troisième fois qu'elle me faisait le coup. Elle avança en bondissant vers le pauvre Piafabec qui ne soupçonnait pas que le ciel allait bientôt lui tomber sur la tête, puis monta à l'arbre avec une incroyable agilité, et s'avança lentement vers sa proie. L'oiseau ouvrit un oeil, vit qu'un gros singe poilu avait envahi son domaine, et, ni une ni deux, se barra à tire d'ailes. Décidée à ne pas renoncer, Teigne le suivit en se baladant d'arbre en arbre.

- Attends ! lui criai-je, mais elle n'en fit qu'à sa tête.

Je me mis à courir le long du chemin, m'efforçant de ne pas la perdre de vue. Pour couronner le tout, elle s'éloignait dans la mauvaise direction, tournant le dos à Jadielle. Quand on coure le nez en l'air, on a cent fois plus de chance de se ramasser la gueule par terre (si, si, j'ai même fait des calculs et tout). Comme déjà je ne suis pas chanceuse pour commencer... Je trébuchai sur un caillou et m'étalai à terre lamentablement, m'éraflant les paumes au passage dans une vaine tentative d'amortir ma chute. De ma bouche s'échappa un chapelet de jurons bien sentis.

Un ricanement parvint à mes oreilles.

- Bah alors, on tient plus sur ses jambes ? fit une voix moqueuse que je commençais à connaître.

J'aurais voulu rentrer sous terre. Pourquoi ça devait être lui qui me voit me rétamer, de toutes les personnes que j'aurais pu croiser ? Grrr. Vite, une répartie cinglante.

- Espèce de PNJ ! lui lançai-je sans réfléchir.

Il fronça les sourcils.

- Espèce de quoi ?

Zut. Je me creusai la tête pour trouver quelque chose de plausible, tout en me relevant lentement. Le silence s'étira.

- Espèce de Petit... euh, Nul. Et Jaloux.

Merci, cerveau, ajoutai-je intérieurement.

- Dans ce cas-là, qu'est-ce que tu dirais d'une petite bataille ? C'est pas comme si je pouvais gagner, puisque je suis un nul...

Il me décocha un sourire de défi. Incroyable ce qu'il avait le don de me taper sur les nerfs.

- D'accord. Tu sais que je suis toujours partante pour t'humilier. Salade, en piste, ordonnai-je.

- Férosinge !

Nous nous tournâmes dans un bel ensemble. Perché sur la barrière qui bordait le chemin, un Férosinge nous regardait. Zack porta une main à sa ceinture, se saisissant déjà d'une de ses Pokéballs.

- Encore un Pokémon sauvage ? remarqua-t-il. Ça grouille par ici.

- Attends. Je crois que c'est le mien.

- Quoi ? Mais il vient de surgir de nulle part, comment ça pourrait être le tien ? protesta-t-il. Ah, je vois... Je te préviens, si tu comptes violer le règlement, compte pas sur moi pour te couvrir.

Je fis un pas vers le Férosinge qui n'avait toujours pas bougé.

- Teigne ? C'est toi ?

- Zarre ?

Ni ma question ni celle de Salade ne le firent réagir.

- Bon sang, fais gaffe Léa, si jamais tu te trompes... Les Férosinges c'est pas du petit calibre, ça pardonne pas.

C'était mon imagination, ou bien un filet d'inquiétude filtrait dans sa voix ?

- Et bah tu vengeras ma mort avec ton super Salamèche, répliquai-je, concentrée sur le Férosinge.

J'avançai encore d'un pas.

- Je suis sérieux, là. On dirait qu'il est à deux doigts de te sauter dessus pour te réduire en bouillie.

Oui, mais les Férosinges avaient toujours cet air-là, même quand ils dormaient. Était-ce possible pour un Pokémon récemment capturé de redevenir sauvage ? Voilà une question que je me promis de poser au prochain expert que je rencontrerais - si j'étais toujours en vie d'ici là.

- Alors, ma fille, tu l'as trouvé ce Piafabec finalement ?

Ma voix ne tremblait pas, je tiens à le préciser.

- Férosinge ! beugla-t-il, avant de se précipiter sur moi d'un seul bond.

J'entendis Zack pousser un juron qui n'avait rien à envier aux miens, puis le bruit caractéristique d'un Pokémon sortant de sa Pokéball.

Mais je peux pas mourir ici, ce serait trop bête... eus-je le temps de penser.

Le Férosinge n'atteignit jamais sa cible, car alors que ses griffes n'étaient plus qu'à quelques centimètres de mon visage, il fut la cible de trois attaques simultanées. Une liane claqua dans les airs, s'enroulant autour de ses pattes, un jet de flammes vint roussir tout son côté gauche, et une masse de poils blancs sortie de nulle part termina le travail en le plaquant à terre. Il resta prostré, vaincu, tandis que le deuxième Férosinge le piétinait en sautillant avec application.

- Ha non, c'est celui-là mon Pokémon, rectifiai-je.

- Je vois ça, fit Zack avec un rire bref. La chance, t'as réussi à choper un Férosinge. Moi qui pensais que tu racontais des bobards...

- Hein ? Pourquoi ? demandai-je.

- Ils sont vraiment féroces en combat. Limite suicidaire, m'expliqua-t-il. Pas faciles à entraîner, par contre. Tu risques d'en baver.

- Mais non, on s'entend déjà très bien.

Une pause.

- Au fait, merci.

Il haussa les épaules.

- Normal. On est en compétition, mais de là à souhaiter ta mort...

- Ta soeur avait ptet raison, en fait.

- Qu'est-ce qu'elle t'a encore racontée, celle-là ? grogna-t-il en donnant un coup de pied dans un caillou.

- Rien d'important, éludai-je. Tu le veux toujours, ce combat ? Je crois que Teigne a envie de se défouler.

- Et comment que je le veux. Ton Férosinge a l'air faiblard, je vais être gentil et le faire combattre contre mon Roucool, dit-il en rappelant son Salamèche. Il perdra moins vite comme ça.

- T'as vu ça Teigne ? Un oiseau en vaut un autre, alors occupe-toi de ce Roucool comme si c'était ce Piafabec qui t'a échappée.

Elle frappa ses deux poings ensemble, sautillant sur place. Le Roucool entama le combat en lançant des jets de sable à tout va, conformément au ordres de Zack. Aveuglée, Teigne peinait à le toucher, l'effleurant sans jamais parvenir à lui faire vraiment mal. Au final, sa persévérance paya, et un de ses coups de pieds faucha l'oiseau en plein vol alors qu'il lui fonçait dessus. Projeté à terre, le Roucool piailla de douleur. Teigne bondit, s'apprêtant à finir le travail.

- Attends ! m'écriai-je.

Elle se retourna vers moi, l'air perplexe - pour autant que je puisse en juger.

- Laisse-lui dix secondes, le temps de se relever.

Elle inclina la tête de côté, puis recula, obéissante.

- Oh, comme c'est mignon, tu veux jouer fair-play, se moqua Zack. Je ne te rendrai pas la pareille, tu m'en vois désolé.

- Chaque dresseur fait comme il le désire, répondis-je, mais je commençais déjà à sentir que Zack serait certainement le premier d'une longue liste de dresseurs sur ma route qui ne se battraient pas à la loyale.

Le Roucool ouvrit ses ailes et prit son envol tant bien que mal, puis tournoya au-dessus de Teigne, attendant les ordres.

- Recommence la manoeuvre, Roucool. Pas de quartier.

La manoeuvre, c'était jet de sable, jet de sable, et jet de sable pour finir. Mes yeux me piquaient à force, et l'on n'y voyait plus grand chose. Je détournai le regard tout en toussant pour expulser le sable que je venais d'avaler. De Zack, je ne distinguais guère plus qu'une silhouette indistincte. Il y eut un bruissement d'ailes au-dessus de nous, suivi d'un choc mat. Lorsque le sable retomba sur la scène, Teigne sautillait sur place, le Roucool à ses pieds. Zack ne fit aucun commentaire, le rappela dans sa Pokéball, puis envoya son Salamèche.

Le tonnerre gronda au-dessus de nos têtes. Je levai les yeux vers le ciel et ses nuages noirs, lourds de pluie. Ça n'allait pas tarder à nous tomber dessus.

- Qu'est-ce qu'il y a ? On a peur de l'orage ? fit-il, sarcastique.

- J'ai surtout pas envie de me faire doucher.

- Si tu veux déclarer forfait, moi ça me va. (Il tendit la main.) Ça te fera deux cent Pokédollars.

- Ton grand-père aura une mémoire à toute épreuve avant que je te paye quoi que ce soit.

- Qu'est-ce que t'attends, alors ?

Je fis rentrer Teigne dans sa Pokéball.

- T'as bien travaillé ma fille, mais sur ce coup-là c'est Salade qui s'y colle.

Bulbe vert VS lézard orange, la revanche. Quelques heures à peine s'étaient écoulées depuis leur premier duel, et j'avais tant appris depuis. La fonction la plus utile du Pokédex, c'était qu'il listait les attaques d'un Pokémon donné. Salade en avait appris une nouvelle durant la matinée, et je comptais bien la mettre à l'épreuve. Son nom pouvait prêter à rire, mais d'après la description qu'en avait fait le Pokédex, elle était diablement utile.

Les deux Pokémon commencèrent par se tourner autour, chacun surveillant l'autre du regard.

- T'es prête à prendre ta pâtée ?

- Tu parles beaucoup pour ne rien dire.

Ma réplique dut l'énerver, car il ordonna immédiatement à son Salamèche d'attaquer.

- Salade, Vampigraine, énonçai-je alors que le Pokémon adverse se ruait sur lui.

Salade se ramassa sur lui-même, et de son bulbe jaillirent des centaines de petites graines qui allèrent se greffer sur le lézard. Ce dernier secoua la tête sans s'arrêter dans sa course, infligeant une griffure à Salade dès qu'il fut à portée. Et une autre. Et encore une autre. Tandis qu'il se déchaînait sur mon Pokémon, les graines sur son corps s'enfoncèrent dans sa peau et se mirent à briller à intervalles réguliers, tandis que Salade brillait lui aussi en écho.

- C'est quoi cette combine pourrie ?

- Transfert d'énergie, répondis-je. Et maintenant Salade, passe à l'attaque !

Comme pour saluer mes paroles, la pluie se mit à tomber, lourde et épaisse. Nous nous retrouvâmes trempés en quelques secondes, mais je m'en fichais pas mal, concentrée sur le combat. Comme la fois précédente, les deux Pokémon échangeaient coups de griffes contre coups de têtes, grognant ce qui étaient peut-être des menaces dans leur langage. Le sol commençait à devenir glissant, et ils trébuchèrent plusieurs fois, se relevant couvert de boue.

Désavantagé par la pluie, le Pokémon de feu peinait à éviter les attaques de Salade. Le Vampigraine drainait peu à peu sa force vitale, et malgré tout ses efforts, il ne parvenait pas à se débarrasser des graines plantées dans sa peau, qui s'étaient insinuées jusqu'entre ses écailles. Salade, quant à lui, saignait de plusieurs blessures aux endroits où les griffes acérées du Salamèche avaient frappé. Un liquide d'une étrange couleur verte s'échappait des plaies, mais il tenait bon.

Au final, Salade réussit à acculer son adversaire contre la barrière, et lui asséna un coup dans les pattes, ce qui le fit s'écrouler. Mon Pokémon recula, m'adressant un regard interrogateur. Je hochai la tête.

- Bien, laisse-lui un peu de temps.

Le Salamèche tremblait de tous ses membres. Il releva la tête, et tenta courageusement de se remettre debout. Les graines brillèrent, volant son énergie vitale pour la donner à Salade. Un gémissement s'échappa de sa gueule et il s'écroula à nouveau.

- Relève-toi, Salamèche ! lui ordonna Zack.

Le Pokémon fit un nouvel effort, mais retomba sans force dans la boue. La flamme au bout de sa queue vacillait sous la pluie battante.

- T'as perdu, constatai-je. Admets-le.

- Non ! Il va se relever. Il n'a pas encore épuisé toutes ses forces. Allez, bon sang, relève-toi !

- Zack...

- La ferme ! me lança-t-il. Tu n'as aucune idée de quoi ce Pokémon est capable ! C'est un battant, il va pas abandonner après cinq minutes de combat !

Les graines brillèrent. La flamme vacilla.

- Écoute, je pourrais l'achever n'importe quand, alors...

- Alors fais-le ! (Un sourire vicieux.) Mais non, tu ne ferais pas ça, c'est pas ton genre. Tu n'ordonnerais pas à ton Pokémon de frapper un adversaire à terre. C'est une de tes faiblesses pathétiques et je compte bien l'exploiter, que ça te plaise ou non.

- Je ne le fais pas parce que je n'ai pas envie de tuer ton Pokémon. Arrête de jouer les idiots, tu vois bien qu'il est mal en point. Ravale ton foutu orgueil deux secondes ! Tu peux même garder tes sous si tu veux !

Brille. Vacille.

- J'en ai rien à foutre de te refiler du blé ou pas ! hurla-t-il, le vacarme du tonnerre couvrant sa voix. C'est à propos de ce Pokémon et de moi, et rien d'autre ! Et maintenant, pour la dernière fois, Salamèche, relève-toi !

La flamme au bout de la queue du lézard en était réduite à une minuscule lueur.

- Mais bordel, tu vois pas qu'il va crever si tu continues, ton Pokémon ?

- LA FERME !

Une lumière blanche éblouissante crépita en tombant du ciel. La foudre s'abattit sur un arbre juste en face de nous, déchirant l'air, manquant de nous jeter à genoux, tel un mortel fouet électrique venu nous frôler. L'arbre se fendit en deux dans un craquement sonore, des débris de bois volant dans toutes les directions, et prit feu malgré le déluge qui s'abattait du ciel, une odeur âcre envahissant l'air. Tous les poils de mon corps se hérissèrent, l'adrénaline déferla dans mes veines, suivie par une envie primale et instinctive de me rouler en boule. Le roulement de tonnerre fut là une fraction de seconde plus tard, assourdissant, monstrueux. Sans nous concerter, nous rappelâmes nos Pokémon dans le même mouvement. Je me tournai vers la direction qui menait à Jadielle, prête à courir comme si ma vie en dépendait, mais Zack m'arrêta en m'attrapant le bras.

- Non, c'est trop loin, trop dangereux ! s'écria-t-il tandis qu'une bourrasque de vent nous faisait chanceler. Je connais un meilleur endroit, on y sera dans une minute !

La foudre frappa à nouveau tout proche de nous, m'ébranlant jusque dans la moelle de mes os. À ce moment-là, j'aurais suivi n'importe qui, n'importe où. Nous détalâmes côte à côte, glissant dans la boue, la pluie martelant nos épaules. Le chemin bifurquait plus loin, s'incurvant vers la droite, et menait jusqu'à un bâtiment qui constituait, d'après ce que m'avait dit la soeur de Zack, l'entrée du chemin vers la Ligue Pokémon.

Nous battîmes des records de vitesse sur les derniers mètres, galvanisés par l'idée de se retrouver à l'abri. Les portes s'ouvrirent automatiquement à notre approche, et nous nous effondrâmes sur la moquette rouge du hall d'entrée, essoufflés. Je me mis à rire, sans trop savoir pourquoi. Simplement heureuse d'être en vie.

- J'ai bien cru qu'on allait y rester...

Mon rire se bloqua dans ma gorge. La mine sombre, Zack venait de libérer son Salamèche. Le Pokémon gisait sur le tapis, inerte. Aucune flamme ne brillait au bout de sa queue. Je sentis une main de fer me broyer le coeur.

- Il est... ?

Le dernier mot mourut sur mes lèvres. J'étais incapable de le prononcer. Zack s'accroupit et posa deux de ses doigts sur le cou du Salamèche.

- Pas encore. Mais il le sera bientôt si on ne fait rien.

L'angoisse me noua le ventre. Comment pouvait-il être aussi calme ? Son Pokémon était à l'agonie, et il avait prononcé cette phrase comme s'il parlait du temps qu'il faisait.

- On retourne en courant au centre Pokémon, alors ? proposai-je, même si je savais bien que c'était une suggestion stupide.

Il fallait que je dise quelque chose, que je fasse quelque chose, je ne pouvais pas simplement rester plantée là pendant qu'un Pokémon glissait lentement vers la mort. Je ne m'étais jamais sentie aussi impuissante.

- Non, il ne tiendra jamais jusque là, répondit Zack d'une voix égale. De toute façon, la machine serait inutile au point où il en est, tout comme nos potions.

Il fouilla dans son sac à dos, en sortit un bout de tissu froissé qui devait être un T-shirt de rechange.

- Je vais avoir besoin d'une bouteille d'huile et d'allumettes, dit-il tout en commençant à frotter vigoureusement son Pokémon avec.

Il aurait parlé dans une langue étrangère, ça aurait été pareil.

- ...Quoi ? (Puis, quand mon cerveau se remit en marche :) Tu penses vraiment que c'est le moment de faire du shopping ?

Il émit un petit sifflement.

- Tu penses vraiment que c'est le moment de faire de l'humour ? Bouteille d'huile. Allumettes. Vas-y.

- Et pourquoi tu vas pas les chercher toi-même ? lui renvoyai-je, les nerfs à fleur de peau. Et puis d'abord, où tu veux que je trouve ça ? Tu viens toi-même de dire qu'on ne pouvait pas retourner à Jadielle.

- Parce qu'il faut que je reste ici à maintenir Salamèche en vie. Pour répondre à ta deuxième question, tu te doutes bien qu'on n'entre pas à la Ligue Pokémon comme dans un moulin. Il y a quelqu'un qui vit ici en permanence pour surveiller les allées et venues des dresseurs, et je suis sûr qu'il y a ce qu'il nous faut dans sa cuisine. Maintenant si tu pouvais te dépêcher, ça m'arrangerait, chaque seconde perdue diminue les chances de survie de Salamèche.

Si c'était une tentative de sa part pour augmenter ma culpabilité, ça fonctionnait à merveille. Je me précipitai vers l'unique porte qui ne donnait pas sur l'extérieur, espérant que les infos de Zack étaient exactes et que ce n'était pas celle des toilettes. Mes craintes se révélèrent sans fondement : la porte s'ouvrit sur une petite pièce qui avait l'air de servir à la fois de chambre et de cuisine.

Je dévalisai les placards et mis la main sur une bouteille d'huile à moitié vide presque immédiatement. Maintenant, les allumettes... J'ouvris tous les tiroirs, fébrile, sans trouver la moindre boîte d'allumettes. Où pouvaient-elles bien se cacher ? Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale tandis que je parcourais du regard tous les recoins de la petite pièce, consciente que le temps jouait contre nous. Et s'il n'y en avait tout simplement pas, d'allumettes ? Si la personne qui vivait ici possédait un Pokémon de type feu, il n'en avait pas besoin...

La panique commençait à me gagner quand un objet sur le bureau attira mon attention. Un briquet. Juste sous mon nez. Je m'étais tellement focalisée sur l'image d'une boîte d'allumettes que je ne l'avais même pas remarqué, mes yeux ayant glissé dessus sans s'y arrêter. Je m'en emparai, chopant la bouteille d'huile au passage, et retournai en vitesse auprès du Salamèche.

- De l'huile d'olive, ça ira ?

- On n'a pas le temps de faire les difficiles, dit-il en me prenant la bouteille des mains.
Je le regardai en verser un peu sur son bout de tissu et en enduire la queue du Pokémon.

- Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- Je vais pas te faire un cours d'anatomie, mais en gros les Salamèches ont besoin de leur flamme pour survivre. Elle régule leur température interne et participe à la circulation du sang. Si j'arrive à la faire repartir, il devrait s'en tirer.

Il alluma le briquet. Enfin, essaya d'allumer le briquet serait plus exact. Il y eut une petite étincelle, puis plus rien. Zack laissa échapper un soupir d'irritation.

- Évidemment, il fallait qu'on tombe sur un briquet en fin de vie...

Il essaya encore. Et encore. Rien. En désespoir de cause, il le secoua, et fit à nouveau rouler la molette d'un coup sec de son pouce. Cette fois-ci, une minuscule flammèche apparut. Je retins mon souffle tandis qu'il l'approchait du bout de la queue du lézard toujours inconscient. Le tonnerre choisit cet instant pour gronder juste au-dessus de nos têtes, et les lumières de la salle vacillèrent, nous plongeant dans le noir une seconde. La flamme du briquet rendit l'âme à cet instant, mais celle du Salamèche prit le relais, faible mais stable. Je m'autorisai enfin à respirer.

Zack hocha la tête, puis fit rentrer le lézard dans sa Pokéball.

- Il est tiré d'affaire.

Toujours d'un calme à toute épreuve. Bah, j'éprouvai bien assez de soulagement pour nous deux.

- C'était bien pensé, le coup de raviver artificiellement la flamme, observai-je. T'as trouvé ça tout seul ?

- Tu me croiras si je te dis que oui ?

- Pas une seule seconde.

Un bref sourire illumina ses traits.

- Bon, d'accord, admit-il. C'est Pépé qui m'avait raconté comment il avait sauvé un Salamèche qui s'était noyé en employant cette méthode, alors qu'il débutait comme dresseur.

- Difficile d'imaginer ton grand-père en dresseur débutant...

- Pas plus difficile que de t'imaginer en dresseuse confirmée.

Venant de toute autre personne, j'aurai pris ça pour un compliment. Seulement voilà, c'était Zack.

- C'est un réflexe chez toi, d'avoir recours au sarcasme à tout bout de champ ?

- Plutôt un précieux trait de caractère que je m'efforce de cultiver, corrigea-t-il en se passant la main dans les cheveux.

- Hola, les gosses, z'avez pas le droit d'être là, nous interrompit une voix.

Un homme vêtu d'un uniforme bleu nous contemplait de haut. Il fronça les sourcils quand son regard tomba sur la bouteille d'huile d'olive.

- Qu'est-ce que... commença-t-il. (Il secoua la tête.) Non, finalement, je préfère ne pas savoir...

- S'il vous plaît, monsieur, on cherche juste à s'abriter de l'orage, plaida Zack. On n'a même pas le badge Roche encore, on vient d'obtenir nos premiers Pokémon.

Incroyable. Voilà qu'il était humble, à présent.

- Ah, j'comprends, fit l'homme en hochant la tête. Foutu temps, hein ? J'ai dû renoncer à faire ma ronde, trop dangereux avec cet orage. Tout fout l'camp, en ce moment. Vous avez l'air d'avoir besoin d'une tasse de café, tiens. Je vais vous chercher ça, bougez pas.

Il disparut dans sa chambre/cuisine, et revint presque immédiatement.

- Et voilà, les jeunes. Du café bien chaud pour vous requinquer, dit-il en nous tendant deux gobelets en plastique.

- Merci, firent deux voix en même temps.

Nous échangeâmes un regard sans rien dire.

- Bon, ben moi j'vais aller regarder la télé. J'suis là si vous avez besoin d'aut' chose.

Nous restâmes assis sur la moquette, à boire notre café brûlant. C'était juste un hall d'entrée, fait pour impressionner ceux qui passaient, ce qui expliquait les statues placées stratégiquement et l'absence de chaises. Ça ne me dérangeait pas. Elle était très confortable, cette moquette. Et puis, ça valait toujours mieux que d'être dehors. De temps à autres, un éclair illuminait la pièce, faisant ressortir les ombres.

Quand mon ventre gargouilla pour la troisième fois, je me souvins que ma mère-zombie avait mentionné un sandwich en me donnant mon sac à dos. Je me mis à farfouiller, et découvris que 'un sandwich en cas de petit creux' se traduisait, en langage mère-zombie par 'deux énormes sandwiches que j'aurais été incapable d'avaler même si je n'avais pas mangé durant trois jours'. Voilà pourquoi ce satané sac à dos pesait si lourd ! Tout était dans les sandwiches pour mammouths.

- T'as faim ? fis-je en en proposant un à Zack.

- Je pourrais avaler un Ponyta.

Ça devait vouloir dire oui. Nous mangeâmes en silence, chacun jetant des coups d'oeils furtifs à l'autre de temps en temps, à attendre que l'autre fasse le premier pas. L'intrusion du garde avait coupé court à notre échange, et je ne savais pas vraiment comment renouer la parole. Sans compter que nous n'avions pas abordé le gros morceau. Qu'est-ce que j'aurais bien pu trouver à dire, de toute manière ? Désolée de m'inquiéter pour ton Pokémon plus que toi ? Et puis, non, décidai-je, c'était à lui de s'excuser.

Je grignotai mon sandwich par petites miettes, me forçant à le finir, même si je savais la tâche impossible. J'avais été élevée dans l'esprit qu'il ne fallait pas gâcher la nourriture.

- C'est ta mère qui t'a préparée ces sandwiches ?

Surprise, je relevai la tête. Zack avait quasiment terminé le sien - le morfale - et me regardait, le visage fermé.

- Euh, oui. (J'agitai le mien.) Je crois qu'elle en a fait un peu trop.

Un sourire que je n'arrivai pas à placer naquit sur ses traits.

- J'aimerai bien avoir une mère comme la tienne. Ou une mère tout court. (Ses yeux dérivèrent dans le vide.) Sûr, Magalie prends soin de moi, mais c'est pas pareil.

Toutes les pièces du puzzle s'emboîtèrent soudain. Bien sûr. Léa, espèce de débile. J'avais envie de me donner des claques. Pourquoi tu crois que le prof Chen s'est empressé de cacher cette photo ?

- J'ai pas la moindre idée ce que je suis censée dire.

Ah oui, mais ça normalement, on le garde pour soi, Léa. Il me sourit.

- T'inquiètes, ça me gêne pas d'en parler.

Il se secoua, s'ébrouant comme un chien.

- Brrr. Tiens, on dirait que la pluie commence à faiblir.

Hop, moment terminé. Il ne le laissait pas voir longtemps, son coeur sous son armure. Je me levai et m'étirai, puis allai passer la tête au dehors. Effectivement, il ne pleuvait presque plus. L'orage s'était éloigné.

- On devrait retourner à Jadielle, dit-il. Faut que je passe par le Centre Pokémon, et ensuite j'aimerais arriver à Argenta avant la nuit.

- Bonne idée, répondis-je.

Je ne tenais pas non plus à devoir camper pour la nuit dans la Forêt de Jade. Nous fîmes nos adieux au gardien (j'en profitai pour lui laisser mon bout de sandwich, qui parut grandement l'intéresser, ça devait changer de son régime habituel), et nous nous mîmes en chemin vers Jadielle. L'air sentait la pluie et l'herbe fraîchement coupée. Nous marchions sans parler, plongés dans nos pensées respectives. Le soleil ressortit de derrière les nuages alors que nous arrivions à Jadielle.

Premier arrêt : le centre Pokémon. Après avoir examiné son Salamèche, l'infirmière réprimanda Zack, ce qui parut ne lui faire ni chaud ni froid.

- Votre Salamèche est tiré d'affaire, mais je vous conseillerai de faire plus attention à l'avenir, jeune homme. Les Pokémon de feu et la pluie ne vont pas bien ensemble. Ménagez-le durant quelques jours. Trop de dresseurs n'apprennent jamais de leurs erreurs, la tour de Lavanville en est la triste preuve. Ne devenez pas comme eux.

Il ne répondit pas "c'est moi le dresseur, et je fais comme bon me semble", mais je suis certaine qu'il le pensait très fort.

- Bon, c'est ici qu'on se sépare, dit-il lorsque l'infirmière fut partie.

- C'est sûr, tu me ralentirais trop.

- Très drôle, grimaça-t-il.

Une pause.

- Bonne chance pour ton combat contre le champion d'Argenta.

Re-pause.

- ...Toi aussi. Au fait, j'ai laissé un truc pour toi sur la table.

Et là-dessus, il s'éclipsa. Monsieur Zack était au-dessus des simples banalités telles que 'Bonjour' et 'Au revoir'. Le truc en question s'avéra être deux cent Pokédollars, assortis d'un bout de papier sur lequel était écrit : 'Garde-les, tu me les rendras lors de notre prochain match, je te le garantis'. Malgré moi, je souris. Puis je me retroussai mentalement les manches. Allez, j'avais une forêt à traverser.

Ce fut avec le moral au beau fixe et Salade sur mes talons que je quittai Jadielle.

***

La forêt de Jade portait bien son nom. Il n'y avait que du vert partout à perte de vue, et j'étais pressée d'en sortir avant que cette couleur ne s'imprime pour toujours sur mes rétines. Même les dresseurs étaient habillés en vert, comme dans une bizarre tentative de camouflage qui échouait à tout les coups puisqu'ils se mettaient à gesticuler dès qu'ils m'apercevaient, et qu'une plante, en général, ça bouge pas des masses. Et des dresseurs, il y en avait un paquet. Tous des gamins d'une dizaine d'années, avec leur lot de Pokémon insectes que Salade et Teigne se faisaient un plaisir de mettre à terre.

J'avais un peu l'impression de les racketter lorsqu'ils me tendaient leurs Pokédollars, la mine morose, l'air déconfit. Le troisième se mit même à pleurer quand Salade battit son Chenipan, se lamentant entre deux reniflements qu'il n'allait jamais devenir un grand dresseur car tous ses Pokémon étaient nuls. Je dus redoubler de qualificatifs élogieux sur son Chenipan afin de le rassurer sur son avenir ('mais si, je te jure, il est très tenace ton Pokémon, il a tenu deux secondes de plus que celui du dresseur précédent'), et continuai mon chemin en me sentant quelque peu coupable.

Le destin avait semblait-il décidé de me punir pour m'en prendre à des plus petits que moi, parce que le soir approchait, que j'allais bientôt sortir de la forêt selon la carte, et que je n'avais pas encore rencontré un seul Pokémon sauvage. Mais où se cachaient-ils ?

- Même un Chenipan ferait l'affaire au point où j'en suis... marmonnai-je en me baissant pour passer sous une branche qui me bloquait le passage.

Le destin me prit au mot, le petit malin. Au moment où je relevai la tête, je remarquai un truc vert sur la tête de Teigne, qui avait pris les devants et marchait quelques mètres devant nous. Un truc vert avec de petites antennes rouges et des pattes gluantes.

- Haha ! m'écriai-je, victorieuse. Ne bouge pas, Teigne, tu as le prochain membre de l'équipe sur la tête.

La Férosinge s'arrêta, et, pas très futée, leva le nez en l'air, cherchant l'intrus. Le Chenipan ne parut même pas remarquer que la carpette géante sur laquelle il se trouvait avait bougé. Je sortis une Pokéball de mon sac en douceur et m'apprêtai à la lancer sur le Chenipan quand Teigne se passa une main dans les cheveux (enfin, dans les poils de la tête, disons), et récupéra la chenille au bout de ses doigts.

- Pose-la gentiment par terre, Teigne. Pas de gestes brusques, il ne faut pas l'effrayer.

Au lieu de quoi, bien entendu, la Férosinge porta le Pokémon gigotant à ses narines et le renifla un bon coup, puis ouvrit la bouche en grand. Une liane de Salade lui sauva la vie de justesse en l'arrachant à la poigne de Teigne. Maintenant je comprenais pourquoi Zack m'avait dit que dresser un Férosinge allait être un combat de tout les instants. Elle ne le faisait pas exprès, j'en étais à peu près certaine, mais bon nombre de mes ordres entraient par une oreille et ressortaient aussitôt par l'autre.

- Férosinge ! grogna-t-elle, avant de se mettre à poursuivre le Chenipan que Salade baladait au bout de sa liane - il faisait d'ailleurs exprès de lui agiter sous le nez pour lui retirer la seconde d'après.

Je regardai leur manège durant quelques instants, avant de soupirer. Mais qu'est-ce que j'avais fait pour mériter des Pokémon pareils ?

- Teigne, ça suffit.

J'avais adopté un ton ferme, ce qui la fit réagir immédiatement. Elle se laissa tomber au sol en une grosse masse poilue, me regardant d'un air proprement misérable, un peu comme un chien à qui l'on venait d'interdire de poursuivre les chats.

- Féro-singe ?

- Ce Chenipan va rejoindre l'équipe, tu es priée de ne pas essayer d'en faire ton repas. Je te promets que tu auras à manger au centre Pokémon d'Argenta.

À l'instant où je prononçai le mot 'manger', ses yeux s'illuminèrent et elle se releva d'un bond, sautillant joyeusement. Je souris, fière de moi. Léa, maître négociateur. Soudain, une chose verte avec plein de petites pattes dégoûtantes envahit mon champ de vision. Je reculai en poussant un petit cri - mais un petit cri empreint de dignité, hein.

- Bulbizarre, dit Salade en agitant le Chenipan devant mon visage, et j'aurais juré qu'il ricanait.

- Je vois pas ce qu'il y a de drôle, ronchonnai-je. Bon, pose-le par terre, que je le capture.

Salade obéit sans broncher. Le Chenipan commença à s'éloigner, sans nous prêter la moindre attention. De toute évidence, certains Pokémon étaient moins territoriaux que d'autres, et les Chenipans devaient se trouver en bas de la liste. Je lui lançai ma Pokéball dessus, en espérant ne pas l'assommer. Mais non, juste avant l'impact, la Pokéball s'ouvrit d'elle-même et absorba le rayon de lumière qu'était devenu le Chenipan. Me mordant les lèvres, je regardai la Pokéball bouger, une fois, deux fois... Ça avait intérêt à réussir.

Finalement, la Pokéball s'immobilisa avec un léger ding, signe que le Pokémon avait renoncé.

- Ouais ! m'exclamai-je, toute contente. J'ai capturé un Chenipan !

Puis je réalisai que j'avais capturé un Chenipan.

Bon, ça faisait quand même un Pokémon de plus, même si certains dresseurs l'auraient qualifié de faible. Et par certains, je veux dire tous. J'allai ramasser la Pokéball et fis sortir mon nouveau Pokémon, surveillant Teigne du coin de l'oeil afin qu'elle ne tente rien.

- Ce spécimen est une femelle, m'indiqua le Pokédex d'une voix mécanique.

Je la baptisai Ficelle, et nous repartîmes tous ensemble, le nouveau membre du groupe juchée sur la tête de Teigne. Quelques minutes plus tard, un deuxième Pokémon sauvage croisa notre route. Un Pikachu. Tandis que Salade lui réglait son compte, je me félicitai d'avoir attrapé Ficelle : je n'aurais pas supporté de devoir intégrer la mascotte de Pokémon dans mon équipe. Je ne perdais pas de vue mon objectif : ce jeu m'avait volé mon frère et j'allais le lui faire payer. S'il s'imaginait que me retrouver dans la version réelle de Pokémon allait me faire renoncer, il se trompait lourdement.

Nous étions presque sortis de la forêt quand un gamin surgit de derrière un arbre, et lança une Pokéball dans ma direction en criant :

- Chrysacier, en avant !

Je levai un sourcil.

- Bonjour, déjà.

- On s'en fiche de ça, on est là pour faire s'affronter nos Pokémon, répondit-il en haussant les épaules. Chrysacier, armure !

- Je n'ai même pas encore accepté ton défi, lui fis-je remarquer.

- Chrysacier, armure ! répéta-t-il.

Je soupirai. Bon, d'accord. S'il voulait la jouer comme ça...

- Vas-y, Ficelle, ordonnai-je à mon Chenipan. Charge-le.

La chenille verte descendit de son perchoir et se jeta sur le Chrysacier, la tête la première, ce qui eut pour effet de le faire bouger d'un demi centimètre. Je sentais que ce combat allait être long...

- Attentions, tiens-toi prête à éviter son assaut, prévins-je.

Mais le dresseur répéta son ordre précédent, et la carapace du Chrysacier brilla à nouveau, renforçant sa défense. Ficelle s'acharna sur son adversaire encore et encore, sans que ce dernier ne paraisse remarquer qu'il se faisait attaquer.

- Chrysacier, armure ! hurla le gamin pour la trente-six millième fois.

- Pourquoi tu n'attaques pas ? demandai-je, exaspérée. Tu ne risques pas de gagner avec cette stratégie...

- Pfff, bah parce qu'il connaît aucune attaque, répondit-il comme si je venais de poser la plus débile des questions. Et on sait jamais, peut-être que ton Chenipan va finir par s'effondrer de fatigue.

L'échange de coups unilatéral dura encore de longues minutes, et juste au moment où j'envisageai d'envoyer Teigne l'achever, le Chrysacier bascula sur le côté, inerte. Les coups d'antennes de Chenipan avaient enfin fini par payer.

- Chrysacier, reviens !

- Le prends pas mal, tu n'es pas le premier à perdre face à moi... commençai-je.

- J'ai pas encore perdu, me coupa-t-il. Chrysacier, en avant !

- Aaaaargh.

Heureusement pour ma santé mentale, Salade s'en débarrassa en deux temps, trois mouvements, et j'empochai cent Pokédollars de plus.

- Allez, on est presque arrivé, indiquai-je à mes Pokémon tandis que le gamin s'en allait en traînant des pieds. On devrait...

Je me tus. Des ombres sinistres dansaient sur le sol de la forêt tandis que Ficelle se retrouvait progressivement enveloppée dans un cocon de lumière brillante. Je regardai, médusée, tandis qu'elle grandissait, se transformait. La lumière diminua pour disparaître complètement au bout d'une quinzaine de secondes, laissant place à un Chrysacier.

- Chry, pépia-t-elle.

- ...T'es déjà moins moche comme ça.

Teigne vint la renifler, puis la souleva dans ses bras et se mit à la câliner comme un bébé. Elle était vraiment bizarre, ma Férosinge... Impossible de prédire ses actions. Je secouai la tête avant de me remettre en marche, suivie par la bande de compères.

Nous sortîmes enfin de la forêt, et arrivâmes en vue d'Argenta bien après le coucher du soleil. J'étais fourbue, j'avais les jambes en compote, mes pieds étaient au supplice, et je ne rêvais que d'une bonne nuit de sommeil. Le combat contre le champion de l'arène attendrait le lendemain matin. Je découvris que les centres Pokémon offraient des services pour les dresseurs et leurs Pokémon à un prix très abordable, fonctionnant un peu comme un hôtel. Je remplis donc mon estomac, ainsi que celui des mes Pokémon, puis sacrifiai dix minutes au dieu de l'hygiène en prenant une douche rapide, et me rendis dans la salle plongée dans le noir qui faisait office de dortoir. Je me glissai sous la couverture rêche en essayant de ne pas faire trop de bruit afin de ne pas réveiller les autres dresseurs, trop fatiguée pour me donner la peine de déballer mon sac de couchage.

En dépit de mon épuisement, le sommeil fut long à venir. Des milliers de pensées tournoyaient dans ma tête. Ma famille avait-elle remarqué ma disparition ? Ma mère s'inquiétait-elle pour moi ? Comment allais-je me sortir de ce pétrin ? Quel pouvait bien être le but du jeu ? Certainement pas de collectionner tous les Pokémon... Peut-être devais-je obtenir tous les badges, et affronter ce Conseil des Quatre dont avait parlé le professeur Chen. Je me retournai dans mon lit en soupirant. Si je gagnais, retournerais-je dans mon monde ? Et si j'échouais, que se passerait-il ? Allais-je rester coincée ici pour toujours ?

Tant de questions, si peu de réponses. Lorsque je m'endormis enfin, j'accueillis l'oubli à bras ouverts.

***

Équipe actuelle :
SaladeTeigneFicelle