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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 21/10/2011 à 22:30
» Dernière mise à jour le 23/10/2011 à 12:17

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Bonus - Droit d'Asile (Nathaniel)
Attention ce bonus contient un texte qui peut choquer les plus jeunes (sans contenir de la violence gore et des passages érotiques il montre une certaine torture mentale entre un adulte et un adolescent)



Nathaniel - Droit d'Asile-

Sa mère s'appelait Marylène.
Son père se nommait Jacob.
Pourquoi avaient-ils choisi d'appeler leur premier et unique enfant Nathaniel ?

Son géniteur travaillait dans les livres et voulait faire plaisir à son patron, sa génitrice elle, plus axée religion ne voyait pas d'autre signification plus appropriée pour le prénom de son trésor que « Dieu a donné ».

Peu importait la raison pour le gamin. Il s'appelait comme ça et puis c'était tout. Il ne comprenait pas les enfants qui se plaignaient de tels maux.

En vérité, il ne comprenait pas grand monde.

Il n'avait pas beaucoup d'amis non plus. Quel intérêt ? Ils se fâchaient tous pour des détails qui lui passaient par dessus la tête, ils se sociabilisaient, s'imposaient des devoirs sous un prétexte fumeux qu'ils appelaient tous « amitié » et qu'aucun ne finissait par réellement suivre. Quel intérêt de dresser des lois, des façons de vivre, pour les trahir aussitôt ? Il ne comprenait pas. Quel intérêt ? Il ne comprenait pas. Quel intérêt ?

Quel intérêt ?
Quel intérêt ?
Quel intérêt ?

Petit déjà, les adultes le jugeaient bizarre. Ses parents n'écoutaient pas. Petit déjà, les enfants le fuyaient. Les psys et les professeurs ne voyaient pas. Petit déjà, il était tout seul. Il s'en fichait.

C'était comme s'il était né sans but, sans curiosité ou passion.

Il errait.

Peut-on naître sans le souhaiter ? Peut-on être ingrat face au don de la vie ? Peut-on, juste se contenter, d'exister ?

Toutes ces questions avaient obsédées son enfance, peuplant les silences de ses souvenirs. Etait-ce une voix qui lui parlait, ou l'écho de ses réflexions. A vrai dire, Nathaniel lui-même l'ignorait. Il savait juste qu'elles étaient toujours là, omniprésentes, tonitruantes. Elles couvraient les propos de ses enseignants en classe, surplombaient la cohue des cours de récrés, écrasaient le tic-tac des horloges, la mélodie de la vie s'écoulant, par delà cet espèce de voile. Il était là, parmi eux, parmi les autres, mais son esprit lui, ne participait pas. Tout était si lent, et parfois si rapide à l'extérieur de ses propres pensées. Il les préférait largement à la réalité, elles aux moins, n'agissaient pas comme une vieille horloge aux engrenages rouillés, dont le cliquetis nous obsède ou nous fait perdre pied, porté par nos rêves, jusqu'à son hurlement strident réclamant qu'on la remonte, comme pour leur rappeler le triste présent. Oui, il préférait ses pensées et son monde intérieur. L'autre, ce qui se trouvait derrière le voile, le dérangeait, le mettait mal à l'aise, lui rappelait constamment son indifférence et son propre exil. Il était différent, il pensait de façon différente. On ne veut pas des différents dans ce bas-monde qui se nomme société et qui n'a pourtant pas moins de barbarie que les autres peuples dit sauvages.

Les hommes, Nathaniel ressentait une sorte de dégoût à leur égard, la plupart du temps, il les ignorait, se contentait de survivre parmi eux sans leur prêter grande attention, puis un geste, un mot, et toute la condition, la cruauté, la futilité de ces êtres le heurtait, si violemment, qu'il se plongeait encore plus profondément dans ses questions.

Ils se souciaient tous de leurs biens, ses parents s'inquiétaient des crédits, de pouvoir garder leur petit appartement en plein centre de Celadopole. Sa mère pleurait pour un vase brisé. Son père hurlait pour une collection de livres abîmés. Lui, on pouvait bien lui prendre ses jouets, il n'en avait que faire. Ce n'était que du bois, ce n'était que du plastique.

Le soir, il rentrait chez lui, de l'école, il traversait les trois rues qui séparaient son chez lui du bâtiment où il passait huit heures par jour, non pas à apprendre, mais à se parler à lui-même. Il arrivait, il ouvrait la porte d'entrée, et il n'y avait pas de lumière dans le hall. Sa mère travaillait à Safrania au secrétariat des Sarl, son père imprimait des livres à Parmanie. Il n'y avait que lui et le vide. Le silence. Se préparer à manger, faire ses devoirs, devenir autonomes, dans le silence, entre les pièces dépeuplées du studio. Il s'écoulait des heures ainsi, sans un bruit.

Pourtant Nathaniel n'avait jamais été seul, comme dit plus haut. Il avait ses voix. Des voix imaginaires qui lui répondaient, qui peuplaient ses débats mentaux. Parce qu'à défaut de jouer, il se trouvait une autre occupation, la même qui lui permettait supporter les bancs durs et les bureaux de bois de primaire.

Réfléchir. Sur rien. Sur tout. Sur le monde, sur ses habitants, sur la solitude, l'amitié, le bonheur, le malheur. Ce n'était pas grand-chose, ce n'était pas de la philosophie, ce n'était pas primordiale. Mais il se le demandait quand même, toujours, continuellement.

Pourquoi nommait-on une chaise, une chaise ? Pourquoi les gens s'attachent les uns aux autres quitte à se détruire ? Qu'est-ce qu'on désignait comme de l'amour ?

C'était toujours mieux que de se demander pourquoi l'homme est être supérieur aux animaux et aux Pokémons, alors qu'ils ressentent tous deux des sentiments.

Il avait déjà essayé d'en parler. De trouver des réponses. De débattre. Parce que pourquoi se poser ces questions, si on est seul dans ses déductions et ses découvertes ? Si personne n'est là pour infirmer ou confirmer ses hypothèses. Il avait essayé de parler. Mais ses enseignants lui parlaient de lecture, de mathématiques. Ses camarades parlaient de jeux, d'enfantillages.

Ses parents ne parlaient pas.

Il ne doutait pas que son papa l'aimait. Mais ils n'avaient rien à se dire. Il n'imaginait même pas que sa mère l'adorait, mais ses étreintes étaient froides et sans réponse, sans explication. Il aurait pu entamer le dialogue, il aurait pu faire le premier pas. Mais est-ce à un enfant d'être adulte, de se confier ? Ces personnes qui se disaient si proches de lui, ne pouvaient-elles pas voir toute seule qu'il avait besoin d'aide ? Qu'il avait besoin de mots, qu'il avait besoin que ce silence cesse ?

Mais son père s'intéressait plus à ses cigarettes et à l'alcool que lui. Sa mère, plus à ses rêves et ses souvenirs envolés, au passé révolu, de sa beauté d'adolescence…Ils tenaient à lui, mais il n'était pas important au point qu'ils se détachent de ce cycle autodestructeur dans lequel ils se noyaient. Ils tenaient à lui, mais ils l'emmenaient avec lui, l'entraînaient au fond de l'abysse, le faisait suffoquer dans ce silence oppressant, seul présent qu'ils étaient capable de lui offrir. Ils se souriaient les uns les autres, à table, ils parlaient de bêtises qu'ils n'entendaient même pas entre eux, des banalités.

« Qu'as-tu fait aujourd'hui à l'école ? Des math. C'est important les maths. J'ai fait moi aussi des maths, mais je n'y comprenais rien ! Il faut faire des maths pour bien vivre plus tard. »

Nathaniel souriait, il leur racontait ses journées, mais n'obtenaient qu'une oreille à peine disponible, et quand il abordait les sujets qui le rongeait petit à petit, qui obnubilait ses pensées, il n'obtenait qu'un « Ah ». Qu'une œillade étonnée, des balbutiements, des « Quelle importance ? » et des silences butés ou gênés. Son père ne savait pas pourquoi on disait d'une chaise qu'elle était une chaise. Sa mère ne savait pas expliqué ce qu'était l'amour. Alors ils souriaient. Et Nathaniel leur souriait en retour. Mais il avait envie de hurler. Leur hurler de répondre, leur hurler de l'aider, leur hurler d'essayer au moins !

Mais, il préférait sourire. Pourquoi ? Il souriait toujours finalement, derrière ses questions, ses déductions, sa colère grandissante qui parfois se mélangeaient, jusqu'à se confondre à de l'indifférence. Il souriait.

Parce qu'il avait peur du silence peut-être. De leur silence. Peut-être était-ce pour ça, qu'il s'inventait ces voix. Peut-être, tout simplement avait-il besoin de quelqu'un à qui parler ? De quelqu'un de franc, pour relancer ses questionnements.

On dit que la curiosité est un vilain défaut. Mais les professeurs eux, disent que la curiosité est une qualité inestimable pour le savoir. A l'instar de ces deux versions, Nathaniel ignorait s'il qualifiait son désir de réponse, sa soif inassouvie, expansive, infinie, comme une tare ou une gloire. Il supposait qu'il s'agissait un peu des deux. Il n'appréciait pas d'être ainsi à part à cause d'elle, il enviait parfois la simplicité d'esprit de ses congénères qui ne se souciaient pas de cela, et pourtant l'idée même de leur ressembler l'horripilait.

Petit à petit, de fil en aiguille, Nathaniel se rendit compte qu'il n'aimait pas les humains. L'indifférence, l'entente cordiale entre eux et lui s'affaissait, écrasé peu à peu par une vague de dégoût et d'exaspération.

Ils ne faisaient pas attention à lui, ils ne lui répondaient pas. Pas comme il le souhaitait, pas comme il le voulait. Ils ne se contrôlaient pas. Il aurait souhaité, peindre d'autres expressions que la surprise sur leur visage quand il se confiait, il aurait voulu pouvoir extirper les mots qu'ils se gardaient de partager avec lui. Il aurait désiré leur faire briser le silence. Mais on ne contrôle pas les humains. Ils sont bêtes, ils sont intelligents, ils sont insouciants, ils sont rusés, ils sont généreux et égoïstes. Ils sont différents. Des uns et des autres. De lui. Surtout de lui.

Pourquoi sont-ils si différents de moi ? Est-ce que je ne suis pas né correctement ? Qu'est-ce qui me sépare d'eux ? Est-ce que, je suis vraiment le seul à penser comme ça ? Je suis tout seul ?

Tout seul au monde ?

Tout cela avait duré…Si longtemps. Si longtemps. Tant de temps gâché, perdu, gaspillé. A fermer les yeux, se boucher les oreilles, à fermer la bouche, étirer ses lèvres et sourire, pour refouler les hurlements intérieurs.

Sa grand-mère était morte durant ces années. Elle avait toujours été pour lui, que sa grand-mère, mais le jour de son enterrement il avait rencontré des gens, il avait entendu des anecdotes, des histoires. Sa mamie avait été quelqu'un, avait eu un passé, une vie avant lui. Pour lui, elle n'avait jamais été que « mamie ». Celle qu'il délaissait un peu, qu'il oubliait trop souvent d'appeler. Mais, elle avait eu un père elle aussi, un père qu'elle n'avait connu qu'à six ans, un père à qui elle avait hurlé un jour « tu n'aurais jamais du revenir ! On était mieux sans toi ! » des paroles qu'elle avait regretté toute sa vie.

Dans son esprit d'enfant, c'était si incongru : il imaginait bien celle qu'il avait connue, ridée et soudée à sa machine pour respirer, hurler cela à une ombre à cause d'une assiette de betterave. Mais cette image mentale lui soulignait bien combien son esprit était tordu.

Maintenant, le temps avait passé. Il ne saurait jamais, si sa grand-mère aurait pu le comprendre. Il ne saurait jamais si hurler, l'avait un peu libéré du poids qui l'avait fait ployer, plus efficacement que la vieillesse et la maladie.

Parce que le temps s'écoule, et les choses évoluent, passent, trépassent. Pour la première fois de sa vie, Nathaniel comprit ce jour là, ce qu'était la perte et le vide. Pourquoi les gens s'attachaient, pourquoi ils se montraient égoïstes, matérialistes. De manière vague. Il comprenait que tout avait une fin, et qu'un beau jour, ce qu'il croyait d'acquis, sien, disparaissait, et qu'il fallait en profiter, garder jalousement ce à quoi on tenait, le dévorer jusqu'à l'os, pour que rien n'en reste avant que la mort et l'absence, le silence, ne vienne le lui ravir.

A dix ans, quelques jours après cette perte, il obtint comme Pokémon à l'école un Miaouss. Un magnifique chaton blanc et noir. Et pour la première fois de sa vie, même si Nathaniel ne s'en rendit pas vraiment compte, il aima. Il aima de tout son être, et s'appropria ce petit être. Et pour la première fois, il eut l'impression de recevoir autre chose que du silence, de la part de ce petit chat. Son ronronnement peuplait ses moments de solitudes qui étaient devenus coutumes dans son quotidien.

Et ce sentiment vague de compréhension qui fit reculer les voix pour un temps…Prit toute son ampleur, le jour où il rencontra George.

Si George avait été un Pokémon, dans l'esprit de Nathaniel, il était comme son starter. Un miaouss, collant, et parfois un peu snob. Beau et aristocrate comme un Persian. Mais au petit regard perfide et brillant d'intelligence. Il s'allongeait, ronronnait montrait clairement sa joie, emportant les autres avec lui dans ce doux roulement, puis s'affaissait, ployait dans l'herbe haute et se chassait. Patientait jusqu'à trouver sa proie pour se jeter sur elle. George resterait toujours similaire à son starter pour Nathaniel, poussant le vice jusqu'à leurs fins si similaires. Tout comme leurs rencontres avaient paru presque aussi prémédités que la remise du Pokémon académique lors des dix ans traditionnels.

Ils avaient 14 ans, lui n'était pas parti en voyage initiatique car ses parents n'avaient pas assez d'argent. Entretenir un enfant qui parcourt les plaines au hasard, coûte bien plus cher que de l'envoyer à l'école. George, lui, venait spécialement en ville pour déjà se spécialiser et suivre un enseignement axé sur l'architecture.

Nathaniel avait fait un pas vers la salle, pour vérifier les options d'avenir qui s'offrait à lui. Un avenir, qu'il avait du mal lui-même à se voir vivre, alors qu'il avait déjà eu tant de mal à survivre jusqu'ici. Son miaouss dans ses bras, il avait regardé, ou plutôt contemplé.

Contemplé quoi ? Ce qui serait son existence ? Ces choix qu'on disait si vitaux à son âge, et qui après, bien après, quand on y regarde plus attentivement, aidé par le poids des années et de l'expérience, on trouve si futiles ?

« Architecture, Science, Physique, Décoration, Lettre, Secrétariat, Intendance… » Tous ces chemins qui se mélangeaient et disparaissaient sous la brume d'un futur incertain.

Il était encore là à se questionner sur les buts d'une carrière floue, silencieusement, quand le rouquin s'était posté à côté de lui. Il avait croisé les bras derrière sa nuque, et fait la moue. Sa peau blanche piquetée de tâches de rousseurs lui rongeant les joues et le nez s'était empourprée brutalement quand il s'était tourné vers lui pour lancer avec un sourire :

-Hey, moi c'est George !

Et quand Nathaniel avait répliqué son prénom, d'un œil blasé, il avait simplement répondu.

-Enchanté. Tu sais ce que tu vas faire toi ?
-Non.
-Ouais, c'est difficile de choisir déjà, mais mes parents veulent pas que je perde mon temps en voyage. Boarf, j'adore les maisons, je crois que je vais prendre architecture. En plus ça fera chier mon père. Puis, si jamais j'me goure, bah je ferai autre chose, ça a pas grande importance, on a le temps !

Et la première pensée, le premier verdict, opinion que se fit Nathaniel sur son compte, ce fut : « Qu'est-ce qu'il est bruyant. » Et en un sens, peut-être fut-cela qui lui plut.

-Tu as peut-être le temps, mais mes parents n'ont pas l'argent, il ne faut pas que je me trompe. Avait-il répliqué.

George l'avait alors regardé, et il avait simplement ricané.

-Bah, moi mes parents ont de l'argent, si tu veux j't'en prête !
-T'es bête.
-Ouais, on me le dit souvent, je crois que c'est une bonne fée qui s'est penché sur mon berceau, tu sais, genre comme dans les contes, sauf que elle, elle a dit : « tu seras bête, et trop franc pour ton propre bien tu diras que des conneries. » Ouais, enfin, en mieux dit, parce que les bonnes fées elles parlent bien dans les contes. Ou alors c'était une mauvaise fée –j'aime pas dire sorcière, c'est coller une étiquette, pourquoi une sorcière serait méchante ?- qui avait pas été invitée, et elle, au lieu de me jeter un sort de mort elle m'a jeté un sort de bêtise.

Nathaniel avait détourné les yeux de la liste pour plonger ses iris disparates sur le nouveau. Le visage carré de George s'était penché et sa chevelure flamboyante bien coiffée comme il se doit pour un gosse de riche avait été défaite en un simple mouvement.

-T'as de beaux yeux tu sais !

Et il avait explosé de rire, devant un Nathaniel qui avait préféré tourner les talons et fuir, écarlate. Le pas de son Miaouss le talonnait dans le couloir, mais bientôt il fut rejoint pas une autre cadence inconnue. Et quand Nath s'était retourné il avait croisé les yeux sombres de George.

-Qu'est-ce que tu fais ?

Pourquoi s'obstinait-il ? Pourquoi le suivait-il ?

-Je te suis, j'aime bien stalker les gens. -Avait-il simplement haussé des épaules. –Hey, ça te dirait, puisque tu sais pas quoi faire comme option, de suivre les mêmes cours que moi ?
-Pourquoi je ferai ça ?
-Et bien, parce que j't'aime bien, et parce que tu souris depuis que j'te parle et c'est sympa.
-Je souris tout le temps.
-C'est pas possible ça.
-Bien sûr que si.
-Bah non, puisque quand on parle on peut pas sourire !

Et c'est comme ça, que George lui avait simplement coupé le sifflet. Là où toutes les voix de son crâne échouaient, là où ses propres parents cultivaient le silence extérieur sans voir le chao de pensées en leur fils, lui, ce simple rouquin, imposa une chape de vide en lui. Un silence, d'une milliseconde où trop ébahi par la répartie, Nathaniel n'avait pensé à rien. Le silence l'avait envahi tout entier.

C'est bête en fait. Des fois on s'attache à des personnes, parce qu'on a besoin de quelqu'un. N'importe qui, mais quelqu'un. Quelqu'un pour nous répondre, quelqu'un pour nous aimer, quelqu'un, tout le monde, plutôt que le silence. Sa relation avec George, c'était ça, et à la fois tout son contraire.

Elle le blessait, profondément au début, car elle lui imposait le silence. Lui rabattait son caquet, faisait taire totalement les voix et les questions en lui. Et le silence faisait peur, le gênait, l'embarrassait. Pourtant, elle lui apportait tellement. Il croisait ses grands yeux noirs francs et sans détour, il lui répondait. Des bêtises, des vérités. Jamais il ne se taisait, jamais il ne disait qu'il ne savait pas, même à la plus absurde de ses interrogations.

-Pourquoi une chaise s'appelle une chaise ?

Nathaniel au début, et tout au long de sa vie avec son ami, se persuadait que n'importe qui pouvait prendre sa place. N'importe qui pouvait le suivre comme son miaouss, comme George le faisait, sans qu'il ne les chasse. Il se contentait de grogner. Mais c'était faux. Plus ils devenaient proches, plus il s'en rendait compte. Ce qui avait débuté comme une simple volonté de combler le silence de la solitude, était devenu vital à ses yeux. Sans qu'il ne l'avoue.

-Bah, je sais pas. Tu trouves pas ça un peu abjecte toi de penser que le nom de l'objet désigne ce qu'il est ? Puis je veux dire, y-a plein de façon de dire chaises dans d'autres langues. Si ça se trouve les extraterrestres ils appellent une chaise Ziguiswick. Dans les livres de fantasy, y-a toujours des histoires avec le véritable nom des choses, mais je trouve ça fichtrement ethnocentriste, pas toi ? C'est vrai quoi…Tu crois sincèrement que la nature elle a donné un nom à chaque chose ? Tu crois qu'elle a attendu de trouver un nom pour créer un truc ? Une chaise, c'est du bois, des vis, de la paille. Comment on peut donner qu'un nom à tout ça ? Comment on peut croire qu'un nom suffit pour signifier l'essence même d'une chaise ? Je veux dire, c'est peut-être nous qui l'avons construite la chaise, mais, elles sont toutes différentes, y-en a jamais une qui est pareille à l'autre, à ce moment là, faudrait trouver un nom particulier pour chaque chaise dans le monde pour capter leurs véritables essence à chacune !

Et encore, il ne savait pas quoi répondre. Il ne savait jamais quoi lui répondre à lui. Et c'était, agréable. Pas un silence effrayant finalement, plutôt, la paix. Les doutes qui partent. Une main qui prend la sienne quand il la tend, un sourire quand il en attend un, une réponse à ses questions.

Assis sur la côte attenant à la cours de récrée, assis dans l'herbe, les livres à côtés de lui, son miaouss sur les genoux de George, les deux qui semblent ronronner. Nathaniel se mit brusquement à aimer cette simplicité. Le voile qui le séparait des autres lui apparaissait de moins en moins lourd, de moins en moins opaque.

-Hey, Nath, tu trouves les filles comment toi ?

George lui avait dit ça, un jour, alors qu'ils s'installaient dans leur coin habituel, à regarder les autres enfants de Celadopole se livrer des matchs. Il avait posé ses livres sur l'architecture, Nath lui avait laissé tombé l'économie pour se concentrer sur les mêmes options que lui (Ce jour là, George s'était exclamé : Le stalker finit par être stalké ! J'ai peur !...L'abruti.).

-Je sais pas. J'ai jamais vraiment fait attention à elles.

Ni au reste du monde, d'ailleurs. Ils étaient tous trop différents de lui. Il n'y avait que George et Miaouss. Même ses parents lui paraissaient trop vagues pour être intéressants.

- Mmh, moi je ne sais pas, j'ai pas trouvé de filles qui m'intéressent, mais j'ai bien envie d'en voir ! Mais je sais pas du tout comment ça se passe ! Enfin, tu vois, les bisous tout ça ! C'est la honte si le mec sait pas embrasser alors que la fille sait, non ?
-Je sais pas, ça a de l'importance ?
-Bien sûr que ça en a !

George s'était levé, ses yeux noirs flamboyants. Nathaniel ne comprenait pas où il voulait en venir. La honte ? Ce sentiment quand on est gêné ? Quand les autres nous regardent de haut ? Ne suffit-il pas de détourner les yeux pour qu'elle passe ?

-Raaah, je veux me trouver une fille !

Et il s'était roulé dans l'herbe en enlaçant Miaouss qui avait fini par le griffer pour retourner auprès de Nath –beaucoup plus calme, lui.

-Quel genre de fille te plait ? Avait alors hasardé Nathaniel.
-Celles pas comme les autres !

Ils allaient aller loin avec ça.

Leur débat s'arrêta là pendant longtemps. Contrairement à tous les autres, c'était devenu leur seul et unique sujet où Nathaniel revoyait le voile le séparer du reste du monde. Le taboo. Un sujet, c'est pas énorme, c'est même infime. A part ce tout petit détail, George lui appartenait tout entier. Et lui, en un sens, il appartenait tout entier à George. Ils pouvaient toujours passer des heures à refaire le mondre, chez lui dans sa chambre, ou sur ce petit monticule herbeux. Ils regardaient toujours la plèbe humaine se tortiller à leurs pieds, et contemplaient le monde si simple des Pokémons de l'autre côté des buildings.

Puis un jour, à ce même emplacement, assis dans l'herbe, ils avaient trouvé un sac. Curieux comme d'habitude George avait farfouillé dedans, l'avait retourné comme une chaussette.

-On va peut-être avoir un indice à qui ça appartient comme ça !

Nathaniel s'était bien gardé de lui dire que le nom du propriétaire brodé sur la lanière trônait bien en évidence. Seulement George n'avait même pas eu le temps de lire le premier livre « Terre en jachère » qu'une main le lui déroba.

-Non mais, t'es pas bien de prendre les affaires des gens toi !

Une blondinette, ronde comme un petit tonneau, le toisait du haut de son petit mètre 50. Derrière elle, un grand type blond aussi, lui, avait 1m80 en renfort pour souligner le regard furieux de la plus petite et l'accentuer, très, très efficacement.

-Désolé, mais ça traînait par terre !
-Non ça traînait dans mon sac !
-Qui était par terre, c'est du pareil au même, non ?
-Non ! J'avais laissé mon sac le temps d'aller acheter de quoi manger !
-Tu es sûre que tu as besoin de manger ?

Et la franchise de George envenima la situation comme d'habitude. La petite s'empourpra brutalement et ses grands yeux bleus envoyèrent des éclairs, bien plus effrayants que ceux, verts mais doux, du colosse dans son dos.

-Je suis pas le genre de fille à crever de faim dans un régime pour avoir un poids qu'on dit idéal ! Fourre-toi ça dans le crâne, si j'ai faim, je mange et si tu t'en mêles je t'enfourne ma bouffe par le nez jusqu'à ce que tu exploses !

Et dans un mouvement de talon elle était repartie. Abandonnant ses affaires. Il s'était écoulé une petite minute, durant laquelle George resta coi, devant un Nathaniel et un miaouss blasé. Puis soudain, une phrase.

-Je crois que je suis amoureux.

Cette fois George, entouré de ses petites étoiles de joie, devint totalement incompréhensible aux yeux de Nathaniel. Ce soir là, le rouquin passa son temps à babiller sur l'inconnue, pour son plus grand ennui. Le brun espéra qu'inviter son ami chez lui pour la soirée lui permettrait de changer de disque, mais ce fut peine perdue. Que ce soit pendant leur habituel débat qui durait des heures dans sa chambre, ou devant un film quelconque, il n'y avait qu'un seul sujet qui sortait de ses lèvres.

La télé grésillait depuis un bon quart d'heure, le fim fini, devant un Nathaniel qui commençait sérieusement à s'enfermer dans son ancien mutisme solitaire et blasé, quand enfin, George lança :

-Nath ?

Entendant pour la première fois son prénom de la soirée, le dénommé tourna la tête en direction de son ami. Il ne s'attendait pas à ce que George l'embrasse. Il ne bougea pas pour autant et ne le repoussa pas sous le coup de la surprise. Miaouss s'éclipsa pour aller faire ses besoins dehors et leur laisser un peu d'intimité. Quand les lèvres du rouquin se détachèrent des siennes, Nathaniel se contenta de le toiser, droit dans les yeux, à attendre des explications.

-C'était comment ? S'inquiéta George, rouge.

Nath s'essuya la bouche avec sa manche.

-Si nul que ça ?! Oh là, là, comment je vais faire si je dois embrasser la fille de tout à l'heure ! Je vais être nul !
-T'es con, t'as qu'à t'entraîner. Tu entraines ton Machoc pour qu'il devienne fort, et donc tu le fais combattre.
-T'as raison c'est l'expérience qui fait tout ! Mais je veux pas embrasser d'autres filles qu'elle moi…

A nouveau un silence, le grésillement de la cassette qui se rembobinait dans le magnétoscope, et cette fois encore, George envoya :

-J'te revaudrai ça Nath !

Puis à nouveau la même scène que la précédente.

Nathaniel à cette époque croyait ne jamais autant haïr un être humain de sa vie. Cette fille, Lyndis, elle devait avoir une famille, elle avait déjà ce type blonds dans son dos, cette espèce de garde du corps. Ne pouvait-elle pas lui laisser George ? Elle avait tout gâché dans sa relation avec lui.

Pourquoi fallait-il que les gens s'attachent et se séparent ?

Ils avaient 15 ans, et cette constatation mina le moral de Nathaniel. Allez savoir combien cet état d'esprit influença le drame qui se déroula peu après, cela n'avait plus d'importance maintenant que tout s'est écoulé cet espèce de ciment qu'est le temps, si immuable et lourd.

Le rouquin décida d'aller stalker quelqu'un d'autre, de partir à la recherche de la fille « Pour lui rendre ses affaires ». Epluchant les classes de nouveaux –car la gamine devait être plus jeunes qu'eux- portées sur l'agriculture. Lui, en l'absence de son ami, retourna dans son silence et ses voix intérieures. Il s'enfonça corps et âme dans les combats Pokémons.

C'était bête, mais il ne lui restait plus que Miaouss dans sa tête.

Bien entendu George ne l'abandonna pas complètement, il venait tout de même traîner, mais si c'était pour servir de mannequin d'entraînement, si c'était pour entendre constamment parler de cette fille…

Nathaniel savait qu'il exagérait, que George lui accordait beaucoup de temps et d'attention. Mais il ne pouvait s'empêcher d'envier celle qu'il détournait au service de l'inconnue.

Elle aurait du être pour lui.

Il valait bien mieux que cette gamine non ?

Lui au moins, il avait de la conversation.

-Désolé vieux, mais t'as pas de seins.
-Elle non plus. Elle doit à peine avoir 12 ans ! C'est de la graisse qu'il y a sur sa poitrine.
-Théoriquement des seins c'est de la graisse non ?

Pourquoi n'arrivait-il pas à lui répliquer quoique ce soit ?

-N'empêche que si cette fille apprend que j'ai mis comme argument pour elle ses seins je vais me prendre une tarte.
-C'est bon les tartes.
-Pas dans la figure Nath !
-Les filles n'aiment pas qu'on parle de leurs seins ?
-Je crois pas non. Ca leur fait genre croire qu'elles sont que de la viande.
-On est tous de la viande.

En plus cette fille était irritable facilement. Lui il n'était pas si pointilleux, on pouvait bien dire ce qu'on voulait de lui.

Pourquoi intéressait-elle tellement le rouquin, tellement plus que lui ?

Miaouss évolua finalement en un magnifique Persian, sans que l'humeur de Nathaniel ne s'arrange véritablement. Fatigué et revenu au stade d'avant, loin de tous, entouré de voix, il fallut que le drame se produise.

Un week-end comme les autres, où George avait prévu une sortie avec lui –comme toujours- à une sorte de fête se déroulant près de l'arène, tout bascula. S'il y avait bien une chose qu'il fallait savoir à propos du rouquin qui l'accompagnait : c'était que ce dernier ne pouvait pas s'empêcher de parler. Dès qu'on lui tendait une perche, il la prenait, parfois même sans réfléchir, comme un réflexe. Inutile de dire que ce petit défaut lui attirait quotidiennement des ennuis. Ce jour-là ne fit pas exception, l'habitude marcha comme il était de coutume, ce qui l'était moins, c'était les personnes qui se virent renvoyer leurs propos avec franchise.

-Hey, les mecs, vous êtes sur notre territoire dégagez.

Ce fut cette phrase que Nathaniel et George entendirent aboyer dans leurs dos alors qu'assis sur un banc ils partageaient une glace. Jamais Nath ne l'oublierait. Pendant un an, elle ne cessa de l'obséder, chaque nuit, chaque heure matin, il se demanderait ce qui se serait produit si les mots avaient été différents. Parce que si ce voyou en cuir et sa bande avaient employés autre chose que « territoire », jamais George n'aurait put répondre :

-Ah oui, vous avez l'habitude de pisser ici ?

Inutile de préciser que les types leur avaient vivement conseillés de les suivre dans une ruelle sombre, avec une telle force, de poigne, qu'ils n'avaient pas put refuser l'invitation. Inutile de préciser qu'une fois à l'abri des regards les grognards les ceinturèrent.

Nath fut le premier à recevoir un coup dans la figure. Mais il ne broncha pas vraiment. Ca faisait mal, mais ce n'était pas insupportable. En revanche quand George eut le droit à un coup à son tour et que Nathaniel le vit relever la tête, le nez en sang pour sourire :

-Moi j'pisse le sang en tout cas, là !

Il vit rouge. Un coup de folie. C'est comme ça que les psys et les flics décrivirent son état au commissariat et durant le procès rapide. Nathaniel n'aurait pas vraiment qualifié ça comme ça, il n'avait pas perdu connaissance, pas eut de « black out » ou d'absence.

Non, il avait clairement vu le vieux tuyau qui gisait près d'une poubelle. Il avait clairement ordonné à son Persian d'attaquer celui qui l'immobilisait, et il avait frappé à la tête de ces types de toutes ses forces avec la barre de fer.

Il ne savait pas s'il avait eut l'intention de les tuer véritablement. Mais personne n'avait le droit de toucher au peu qui lui appartenait. Il n'était pas prêt pour ça. Pas prêt à se voir ôter ce à quoi il tenait.

Lorsque le massacre fut terminé et que les voyous coururent cafter aux flics, portant leurs blessés, Nathaniel ne chercha pas à fuir. Il aida George à se relever, et celui-ci prit sa main sans même une hésitation.

-Bah dis donc tu leurs bien botté le cul. Tu sais normalement on fait ça avec un martinet !

Nathaniel avait avisé son tuyau totalement déformé après la bagarre. Persian vint ronronner dans ses jambes.

-J'aime pas faire les trucs normalement.
-Je sais, puis va trouver un martinet ici ! Ricana George.
-T'es bête aussi, qu'est-ce que t'as à aller chercher des mecs pareils ?
-Et toi qu'est-ce que t'as à pas avoir peur de mecs pareils ?
-Tu n'as pas peur toi non plus.
-Tu rigoles je me suis pissé dessus, c'est juste que j'suis comme ça, la bonne fée tu sais, elle a dû ajouter « Tu feras de l'humour même dans les pires moments ! ».

Puis pour la première fois, le rouquin avait pris une mine grave.

-On va avoir des ennuis.

Quand la sirène des flics retentit dans les rues de Celadopole, Nathaniel se demanda s'il n'aurait pas mieux fait de frapper pour tuer.

Deux semaines plus tard, les juges décidèrent non pas de le placer en institution pour délinquants mais à l'asile, sous conseils du psychologue employé par un avocat de ses parents. George s'en était sorti sans gros problème grâce à l'argent de sa famille, et il avait aidé à payer les frais pour la défense des Kazamatsuri. Cela ne changea rien au verdict contrairement à son cas.

Jamais Nathaniel n'avait vu ses géniteurs pleurer pour lui. Mais ce fut de voir George larmoyer également qui lui fit réaliser qu'il était dans la merde jusqu'au cou, comme disait les autres.

-Tu seras sage, hein, et ça passera vite, mon ange. J'ai tout mis dans ton sac. Sanglotait sa mère.
-Vérifie toujours tes affaires, que personne ne te vole. Je t'accompagne à l'institut. Tu verras c'est pas loin. Marmonna son père, qui puait l'alcool.

Il avait bu. Nath ne voulait pas monter dans la voiture de son père quand il puait l'alcool.

Finalement il tourna la tête vers George qui tenait son Persian dans les bras, le petit Pokémon couinait, et tentait de se dégager de la prise de son ami pour rejoindre son maître.

-T'en fait pas. J'viendrai te voir avec lui. Tous les jours.
-Je n'aurais pas le droit aux visiteurs les premiers mois.
-Bah j'demanderai le droit d'asile alors !

Le rictus et le hoquet qui secoua sa phrase ne dupa personne, pas même lui, si ignorant des mœurs humaines. Une heure plus tard, à pied, juste derrière les bosquets et les immeubles de Celadopole, il entra à l'asile.

C'était un bâtiment assez beau vu de l'extérieur. Gris, couvert de lierre, il n'avait pas de barreaux aux fenêtres ; et avait un grand parc vert où se promenaient, entourés d'infirmières, des gens en fauteuils roulants. Un homme se tenait sur le parvis, une blouse et les bras croisés dans le dos. Il les attendait.

Ce type, Mr. Niccol, était le médecin qui allait suivre son cas pendant un an. La personne que Nathaniel haïrait le plus durant toute son existence, une haine si virulente, que celle enfantine qu'il avait porté à Lyndis lui semblerait plus tard, aussi importante que la longueur des moustaches de son Persian. Pourtant le docteur accueillit la famille avec un sourire chaleureux. Il montra une chambre impersonnelle dans laquelle Nathaniel allait vivre pendant un an.

Froide, au carrelage blanc, au mur gris, un lit en fer, une commode grise, un bureau avec une lampe de chevet et la bible comme seule lecture. Une unique fenêtre dépourvue de rideau donnait sur un arbre qui tentait vainement de camoufler la piste cyclable.

Quand ses parents furent partis, rassurés, après avoir signé des papiers attestant qu'ils faisaient entièrement confiance au docteur et le nommait tuteur, celui-ci revint dans la chambre de Nathaniel. La porte crissa derrière son passage : elle avait besoin d'être huilée, ce fut le seul constat du garçon.

-Petit, tu es ici, parce que tu es un enfant violent. Un danger pour la société. Un rebus. Un monstre et un futur tueur en série si l'on n'endigue pas la fuite : un sociopathe.

Comme Nathaniel ne réagissait pas à ce qui n'était pour lui, que des mots, que les psys avaient répétés et re répétés pendant son procès pour le défendre, le docteur s'agenouilla près de lui.

-Tu sais ce qu'est un sociopathe ?

Nathaniel secoua la tête, négativement. Le docteur en profita pour prendre le sac que lui avait préparé sa mère contenant ses affaires.

-La sociopathie est à différencier de la psycoptahie, qui sont deux pathologies différentes. Commença à Expliquer d'une voix douce Niccol.

La lanière de son bagage glissa dans les doigts de Nathaniel.

- Il s'agit d'un trouble de la personnalité qui caractérise les personnes antisociales et particulièrement ceux pour qui les normes sociales sont ignorées et prompt, généralement à un comportement impulsif.

Nathaniel se mordit la lèvre inférieure, et le docteur se releva pour le surplomber de toute sa hauteur. Les normes sociales, ignorées ? Il ne savait même pas ce que les gens attendaient de lui pour qu'il soit normal.

-Les personnes diagnostiquées comme sociopathes présentent des troubles liés entre autres à l'expression et au ressenti des émotions humaines aussi bien à l'égard d'autrui qu'à eux-même. Concrètement ils ne peuvent ressentir aucune peur ou crainte à la possibilité d'une quelconque souffrance ou douleur physique.

Il n'avait pas eu peur quand ces voyous avaient tenté de le massacrer. A vrai dire, à part le silence et la perte d'un être qui lui appartenait, il n'avait jamais craint grand-chose. Et ce voile, qui le séparait des autres, qui l'empêchait de les comprendre…

Niccol sourit devant le tic de Nathaniel et tira d'un coup sec sur sa valise.

-Ne t'en fais pas, si tu t'en rends compte toi-même, c'est qu'il n'est pas trop tard pour au moins te rendre inoffensif. Demain aura lieu ta première évaluation mentale avec moi. Il est interdit d'avoir quelconque objet personnel ici, une infirmière t'apportera ton uniforme demain. Le petit déjeuner est de 7 à 8h. Le Déjeuner de 12 à 13h, le diner de 18 à 19h. Loupe-en un et tu seras convoqué dans mon bureau.

La porte se referma dans un claquement. Nathaniel regarda la pièce vide, sombre, et il en fit le tour en dix pas, avant de s'asseoir sur le lit. Il remarqua les poignées de cuirs qui pendouillaient aux barreaux. Il se demanda une seconde s'il risquait d'être attaché au lit s'il devenait violent. Puis il finit par s'allonger et s'enrouler dans la couette. Le tissu, assez doux, l'entoura alors qu'il se recroquevillait.

Alors, pour peupler le silence oppressant, les voix revinrent. Douces, insidieuses.

« Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas devoir te tenir bien sagement pour sortir vite. Si je me conduis normalement, ils n'auront pas le droit de me garder. Pas la peine de paniquer. Tu es un sociopathe ? Oui, et alors ? A part cette fois tu n'as jamais fait de mal à personne. Qu'on me laisse vivre en paix. Je ne fais de mal à personne. Tu ne fais du mal à personne. Tu n'embêtes même pas cette fille-là. Tu as des bonnes notes et les gens n'ont rien à dire sur toi. Tu vas t'en sortir. Tu vas t'en sortir. »

Nathaniel s'endormit, roulé en boule sous sa couette.

Une ordure, un rebus hein ? Pas plus que ces dégénérés qui constituaient la norme. Le monde était déjà une poubelle, une de plus une de moins. Qu'on le laisse tranquille et pourrir dans le coin qu'il avait choisi.

-Tu étais en borderline, d'après tes récentes évaluations, durant le procès.

Le lendemain, il endossait une espèce de pyjama vert apporté par l'infirmière et se tenait dans le bureau de ce type qui était devenu son unique tuteur. C'est étrange de voir un homme, un total inconnu, et de se dire que nos joies, nos peines, l'avenir, aussi flou pouvait-il être dans sa situation, dépendaient des humeurs de ce type.

Là, il avait l'impression de se trouver dans un dessin animé, la table d'acajou, les étagères remplies de livres, la mappemonde, le crâne, le squelette, le jouet avec le pendule, tout y était. Ainsi que l'immonde papier peint vert en trompe-l'œil pour faire croire qu'il y avait des boiseries couteuses sculptées sur les murs.

De toute évidence ce type essayait de se donner un genre, une classe, qu'il ne possédait définitivement même pas avec ses cheveux blonds plaqués en arrière, sa peau claire et ses yeux gris.

-Dis-moi Nathaniel, si je te dis que des enfants sont en train de mourir, partout dans le monde, que ressens-tu ?

Qu'il ne pouvait rien y faire.

-Rien.

Le docteur nota quelques mots sur un bloc-note avec le même air qu'un rat qui grignote un biscuit providentiel.

-Et si je te dis qu'un des garçons que tu as frappé est aujourd'hui paralysé parce que tu as touché la partie de son cerveau qui contrôle ses fonctions motrices ?

Nathaniel regarda le médecin et tâcha de se souvenir où il avait frappé ses agresseurs durant la bagarre. Il se souvenait avoir fracassé un bras contre un mur, et avoir touché une tête. Non, deux. Mais ils avaient tous put repartir sur leurs jambes et prévenir les flics.

-Rien.

Ce n'était pas lui. Et même si c'était lui, il voulait quoi ? Qu'il ne défende pas George contre ces brutes ? Les imbéciles qui se battent devraient être capables de juger les risques qu'ils encourent et ne pas se plaindre quand cela leur arrive.

Niccol hocha gravement du chef, nota quelques mots et croisa les bras.

Signe typique d'un homme qui reste sur ses positions et se ferme aux autres. Au bout d'une longue minute de silence il éteignit le dictaphone qu'il avait enclenché au début de l'entretien. Puis il sortit d'un tiroir deux feuilles translucides en noir et blanc. Des comptes rendu de radio.

-Tu vois, à droite – il lui désigna une feuille- ce sont les résultats d'un tueur en série célèbre. Tu vois son cerveau ? là ? Tu vois la partie toute rabougrie ici ?

Non. Nathaniel ne voyait pas. Il ne savait même pas à quoi ressemblait une radio normale d'un cerveau. Là il avait l'impression de voir une noix. Est-ce que ça ressemblait vraiment à une noix, un vrai cerveau humain ? D'un autre côté, ce serait assez représentatif de ce qu'il pensait des aptitudes intellectuels de la peuplade.

-Ici, - Le docteur lui montra une autre radio- C'est une image de ton cerveau. Tu vois, ils sont identiques.

Nathaniel regarda le docteur, droit dans les yeux. Celui-ci se taisait, attendant une réaction de sa part, impassible.

Il mentait. Nathaniel le savait, il n'avait jamais accepté qu'on fasse un scanner de sa tête, il n'était jamais passé par une quelconque machine, jamais, pas même après l'agression pour vérifier qu'il n'avait rien. Jamais. Il ne savait pas d'où sortait ce papier, mais ce n'était sûrement pas son cerveau là-dessus, sauf si la technologie avait avancé au point qu'on pouvait faire ça sans que le patient ne se rende compte, sans matos coutant aussi cher qu'un voyage initiatique et aussi gros qu'un wailord.

-Vous mentez. Grommela-t-il.
-Tu me traites de menteur ?

Nathaniel roula des yeux. Evidemment sinon il ne l'aurait pas dit ! Il était idiot ou quoi ? Ou sourd ?

En plus, son cerveau ne POUVAIT pas ressembler à celui d'un autre.

Niccol se contenta d'écrire encore quelques mots sur son bloc-note. Le bruit du crayon qui glisse pendant l'écriture agaça un peu le brun.

-Attitude paranoïaque, absence totale de culpabilité, et de confiance en l'autorité. Commenta simplement le médecin. –Tu viens encore de prouver à quel point tu es proche du profil type du sociopathe.

Le docteur se pencha vers son patient avec un sourire.

-Explique-moi pourquoi je te mentirai Nathaniel ? Quel intérêt aurais-je à te faire croire que tu es malade ?

Cela ne changeait rien, Nathaniel n'avait jamais compris quoique ce soit au comportement humain. Le psy soupira.

-Je vais te prescrire ces médicaments. Ainsi que des séances de sports encadrées et surveillées, il faut évacuer la violence qui est en toi.

Pourquoi en parlait-il comme les prêtres parlent d'exorciser un démon ? Nathaniel n'était même pas sûr d'avoir de la brutalité à revendre. Il préférait largement poser des questions et débattre sur des sujets qui lui passaient par la tête.

-Tu prendras ces comprimés avant chaque repas. –Il lui envoya trois boîtes différentes, et Nathaniel lut clairement sur la boîte de cachets qu'il y avait plein d'effets secondaires.
-Mes parents, ils viennent quand ?

Ils devaient savoir ce qu'il prenait. C'était toujours comme ça, tous les médicaments chez lui passaient par le filtre imposé par sa mère. Elle lui avait dit un jour que prendre trop de médicaments ou les mauvais, pouvaient tuer. Le docteur en revanche remit en place des lunettes si fines qu'elles en étaient presque invisibles sur le bout de son nez.

-Ils ne viendront pas Nathaniel.

La nouvelle ne le secoua pas particulièrement, mais on lui avait dit qu'il aurait droit à la visite de ses géniteurs durant son procès, il ne comprenait pas pourquoi cela avait été changé.

-Tu comprends, Nath. Je peux t'appeler Nath ?

Non.

-Avec les sociopathes comme toi, il est vital pour voir une amélioration, de te couper de l'environnement dans lequel tu étais. Ton père boit pas mal non ? Et ta mère, elle prend beaucoup d'antidépresseurs ? Non ? Tout ça fait partie d'un tout très mauvais pour toi. Tes parents n'ont plus le droit de venir te voir pour le moment.
-Dans ce cas je ne veux pas prendre vos médicaments.

Simple, direct. Si sa mère ne pouvait pas lui dire à quoi correspondait ce qu'il avalait, il ne l'avalait pas. L'expression du psy changea radicalement.

-Je vois. Tu peux sortir alors.

Nathaniel se releva, la chaise crissa légèrement sur le parquet. Soudain une alarme retentit. Niccol venait d'appuyer sur un bouton près de son office. La porte s'ouvrit à la volée, et une panoplie d'infirmiers arrivèrent dans la salle, alertes.

-Un problème docteur ?

Nathaniel vit le psy se tenir l'estomac et prendre une mine altérée, pour grommeler simplement :

-Le patient est récalcitrant, il montre des signes de rébellion et de violence comme je le pensais ! Mettez-le en isolement !

Cette fois Nath écarquilla des yeux. C'était faux. C'était faux ! Deux mains lui saisirent les aisselles, forcément, son premier réflexe fut de se débattre, mais sans son persian pour l'aider, seul face à trois opposants, bien plus grands et musclés que lui, il ne fit pas long feu. Il entendit les exclamations étonnées tout autour de lui, et la voix du docteur hurler :

-Un tranquillisant ! Un tranquillisant qu'est-ce que vous attendez ?!

Puis une douleur fine, mais irradiante dans son cou, pour que tout devienne noir. Quelques heures plus tard, il ne vit que du blanc, partout. Des murs capitonnés, immaculés, et une porte close. Cette pièce, durant son séjour, il allait apprendre à la connaître parfaitement.

Dans un premier temps, groggy, il essaya de s'échapper, tenta de défoncer la porte, mais ses muscles semblaient comme atrophiés après la dose de médicament. Il venait à peine de faire quelques mouvements et il sentait déjà la sueur lui couler dans le dos, sa respiration haletante et ses jambes trembler sous l'effort. C'était étrange, l'effet des tranquillisants, comme si tout autour de lui était étouffé, atténué. Il avait l'habitude de voir le monde à son propre rythme, mais là, c'était différent : l'espace tanguait, comme le pont d'un bateau et le haut le cœur montait, brûlant le long de sa trâchée, en même temps que le roulis imaginaire des vagues.

Il tourna, et retourna dans la salle, tel un luxray en cage jusqu'à se laisser tomber contre un mur, trop éreinté pour pouvoir faire quoique ce soit d'autre. Ce type. Ce type l'avait piégé. Ce psychiatre l'avait bien eu. Malgré la brume qui encombrait ses pensées, il parvenait tout même à esquisser quelques bribes de réflexion intérieure. Il devrait en profiter car plus tard dans son séjour, il gouterait à la torture de voir son propre esprit devenir inaccessible sous l'effet des médicaments.

Pourquoi ? Pourquoi il lui avait fait ça au juste ?

« Quel intérêt j'aurais à te faire croire que tu es malade dis-moi ? »

Les mots justes prononcés un peu plus tôt lui vrillèrent les tympans.

Dans ce cas, il avait été violent ? Il lui avait peut-être fait peur. Oui, c'est ça, il devait lui avoir fait peur.
Quel idiot, d'avoir peur juste parce qu'il s'était levé !

La tête commençait à lui tourner, et les heures s'écoulaient, sans aide, sans repère. Pas de lumière, juste de l'obscurité. Les secondes qui s'égrainent. La faim qui tenaille l'estomac. Dans cette pièce, il n'y avait qu'une chose à faire, se tenir recroquevillé dans un coin, et attendre.

Attendre…Nathaniel apprit à détester l'attente.

Par la force des choses, Nathaniel se rendit vite compte que la pièce d'isolement se situait juste à côté de celle où les psychiatres se réunissaient. Un genre de salle des profs. En se collant contre les capitons, et en se concentrant de toutes ses forces, ils pouvaient percevoir des bribes de conversations entre eux. Et espérer faire taire le silence.

« Pourquoi l'avoir si vite mis en isolement ? – Il a montré un comportement violent comme je l'avais prévu ! –Déjà, c'est inhabituel, d'après son profil psychologique du procès, il n'avait jamais montré une grande violence…L'avocat lui-même a hésité à le juger sociopathe, il arrivait à peine au nombre de symptômes voulus pour l'internement. – Et bien maintenant nous savons que c'est un rebus, un monstre à surveiller si l'on ne veut pas qu'il explose. –Personnellement j'ai fait son profil psychologique en détention et ce n'était pas évident, j'ai beau- Peut-être mais il n'est plus votre patient chef, c'est le mien. –Vous avez raison, je n'ai pas à me mêler de ça. –Tout de même, ce qu'il est jeune. Et il n'a aucun élément de la triade. – Mérédith, si vous voulez lui laisser une chance et le relaxer si vous le voulez, mais s'il sort et qu'il devient incontrôlable, qu'il se met à tuer, vous devrez en assumer les conséquences ! Regardez ce qu'il m'a faut en à peine dix minutes !– ARCEUS NICCOL ! VOUS DEVEZ VITE VOIR UN MEDECIN ! »

Il délirait. Il délirait. Il délirait. Il n'était pas un monstre. Pas un monstre. Pas un monstre. Qu'est-ce qu'il avait fait à ce type ? Il ne se souvenait plus de rien après la sensation de la piqûre dans son cou. Il…Il lui avait fait quelque chose de grave ? Il ne se souvenait plus. Il ne se souvenait plus.

Pourquoi ne se souvenait-il plus ?

La première fois il ne resta en isolement que 24 heures. 24 longues heures où Nathaniel resta sans réponse, avec pour seule conscience ses voix et leurs questions. A sa sortie, Niccol l'attendait. Il avait l'air parfaitement en forme, pas un bleu sur le visage. Le brun se remémorait vaguement qu'il s'était tenu le ventre à un moment de la confrontation. D'un geste il souleva le t-shirt de son docteur, il eut tout juste le temps d'apercevoir des marques noires et jaunes sur l'abdomen du blond qu'on le ceintura à nouveau.

Qu'est-ce qu'il avait fait ? C'était lui ? C'était lui qui avait fait ça ?!

Les premières semaines passèrent. Chaque matin il retrouvait le tuteur blond dans son bureau, et chaque fois, les souvenirs de sa journée se fragmentaient. Il lui arrivait parfois d'oublier jusqu'à ce qu'il avait mangé à midi. Les médicaments le rendaient malade, absent. Il n'aimait pas ça. Il ne se sentait pas bien avec eux. Mais dès qu'il arrêtait on l'emmenait en isolement. Dès qu'il refusait de les prendre on le lui injectait en piqûre.

Il voulait sortir. Sortir. Que faisait George, pourquoi George ne venait pas ? Et ses parents ? Ses parents avaient promis de venir le voir. Où étaient-ils ?

-Ils sont venus te voir, tu ne te souviens pas ? Lui déclara un jour Niccol avec un air neutre.

Non. Quand ? Plus le temps passait, et plus le psy le mettait mal à l'aise. Plus il tâchait de garder une expression impassible face à lui, d'être fort, et plus c'était difficile.

-Ils sont venus hier pendant notre balade dehors.
-A quoi ressemble George ?

Niccol sursauta. Nathaniel serra les poings. IL n'aurait pas oublié George. Si George était venu il s'en serait souvenu. Il s'en serait souvenu. Il s'en serait souvenu. Souvenu. Il mentait. Il mentait. IL MENTAIT.

-Il est blond.
-NON IL EST ROUX !

Le cri était sorti tout seul de sa gorge, et Nath perçut qu'il tremblait comme une feuille sur sa chaise. Niccol secoua la tête d'avant en arrière.

-Tes symptômes empirent. Tu ne me fais pas confiance, n'est-ce pas ?

Non, non George était roux. Il était bien roux, n'est-ce pas ? Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu mais il était roux. Roux pas blond. Cela faisait combien de temps qu'il ne l'avait pas vu ?

Depuis combien de temps était-il là ?

Il tâchait de compter le nombre de repas qu'il avait pris depuis son arrivée à l'asile, quand encore une fois le docteur éteignit le dictaphone de son bureau.

-Ca me fait de la peine, mais je veux que tu regardes ça, Nathaniel.

Il saisit une télécommande à son bureau, et une télé que le brun n'avait jamais vue, noyée dans le décor, grésilla. Des images se mirent à défiler, des images d'un enfant entre quatre murs capitonnés. Un enfant aux traits flous dû à la mauvaise qualité des images, recroquevillé dans un coin, au regard fou, qui se balançait d'avant en arrière.

-Ce sont les images de ta dernière séance d'isolement. Ecoute bien.

Il monta le son, et des mots, étranges, rauques, dont il ne reconnaissait pas le timbre se mit à déblatérer.

« Je vais le tuer. Je vais le tuer. Vous aviez raison, je suis un monstre. Je vais le tuer. Il le mérite hein ? vous avez raison il le mérite. Un menteur, un gros menteur. Il mérite un autre coup. Cette fois je devrais le faire avec une fourchette. Ou un couteau. Oui vous avez raison un couteau c'est mieux. Bonne idée c'est mieux de voler l'épée de la séance d'escrime ? où-est-ce que je peux la cacher ? Il la verra. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer. Tuer. Tuer. Tuer. Vous avez raison je dois le tuer. »

La tv s'éteignit. Nathaniel eut soudain froid, il tourna lentement la tête vers Niccol. C'était faux n'est-ce pas ? C'était un montage. N'est-ce pas ? Nathaniel contempla ses mains tremblantes, incapable de se remémorer une telle discussion en détention, et pourtant…Le psy, lui s'avança, s'appuyant un peu plus sur son plan de travail, et il lui murmura, dans un souffle brûlant :

-Dis-moi Nathaniel, ça t'arrive d'entendre des voix ?

Une chape de plomb s'abattit sur le jeune adolescent et ses doutes devinrent des certitudes….il, il avait songé à tuer quelqu'un. Il avait songé à tuer Niccol. Il était vraiment le monstre dans le tas ? Non c'était faux. C'était faux. Il ne savait pas comment ce type avait fait, mais c'était faux, un subterfuge, il le trompait. Il lui mentait, comme toujours.

Une main glacée lui serra l'épaule.

-Ne t'en fais pas. J'ai déjà commis l'erreur un jour de relâcher un gamin comme toi. Ce type a tué trois petits dès sa sortie. Avec toi je ne ferai pas la même erreur. Ne t'en fais pas. Je ne te laisserai pas t'en sortir. Je sais ce qu'il faut faire maintenant avec des pourritures telles que toi. Tu sais je fais ça aussi pour ton bien, comme ça tu ne feras jamais de tort à tes proches, et tu ne seras pas abattu par les policiers qui tentent de t'arrêter.

Le lendemain, en se réveillant, Nathaniel vit le mur de sa chambre couvert de photos. Des clichés des types qu'il avait massacrés dans la ruelle. Mais quand il alla chercher une infirmière, quand il revint en la tirant par la manche, il n'y avait plus rien. Pas même une trace de punaise. On lui donna des médicaments, et on l'envoya faire sa séance d'entraînement quotidienne en escrime avec des regards inquiets.

« Si personne ne s'en souvient, c'est que ça n'a jamais existé »

Ce fut ce qu'on lui répondit, quand Nathaniel rapporta l'accident à un autre psy que Niccol. Il n'était pas fou, il le devenait. Il fallait que ça cesse. Maintenant. Maintenant. Les médicaments ne le rendaient plus lucide. Petit à petit, Nathaniel appris à faire semblant de les avaler, pour les vomir un peu plus tard dans les toilettes. Mais Niccol remarqua vite son geste et lui imposa des horaires pour visiter la salle d'eau, il ne pouvait y aller que bien après avoir ingurgité les comprimés.

Plus personne ne le croyait. Tous se fiaient à Niccol. Il fallait qu'il prouve à tous que Niccol conspirait contre lui. Il fallait…

« Quel intérêt j'aurais à te faire croire que tu es malade ? »

Cette phrase l'obsédait autant que le docteur. Elle avait raison, pourquoi Niccol se serait amusé à le persécuter lui ? Pourquoi ? Cela n'avait aucun sens ? Il était vraiment fou ? Il était vraiment un monstre ? Non. Non. NON !

Tout était de la faute de Niccol ! De Niccol ! Pas la sienne !

Il perdait la tête.

Enfin, alors qu'il entamait le troisième mois de détention, une nuit, on toqua à sa fenêtre. Nathaniel se redressa et alla ouvrir, pour découvrir un George souriant.

-Hey, Nath ! Ca faisait longtemps hein ?

Il n'avait pas changé, ses cheveux étaient peut-être un peu plus longs et emmêlés qu'avant, mais, il n'avait pas changé. Dans l'ombre de l'arbre attenant à sa fenêtre, Nath vit le pelage de Persian briller sous le clair de lune. Le Pokémon se jeta sur son maître pour ronronner, et le garçon sentit son cœur exploser dans sa poitrine, tandis qu'il le serrait contre lui.

Enfin, enfin quelqu'un. Enfin quelqu'un. Enfin !

George entra dans la salle, et posa un pied sur le carrelage. Nath vit à ses grands yeux écarquillés qu'il n'aimait pas ce qu'il voyait. Mais quand ce dernier eut un sursaut en le voyant, il comprit aussi qu'il ne devait pas avoir bonne mine.

-Mais…ça va Nath ?

Nathaniel se contenta de sourire, les mots se bloquèrent dans son gosier. George s'agenouilla près de lui.

-Je suis désolé, j'voulais venir plus tôt, mais ils m'ont refoulé à l'entrée, j'ai mis du temps à trouver où était ta chambre…Et…Je croyais qu'ils te traitaient bien, alors j'voulais venir juste pour te donner des nouvelles quoi…Qu'on…qu'on puisse parler. Mais ce soit j'avais une super nouvelle et…Tu manges bien ici ? tu as vu ta tête, on dirait que tu vas mourir ! Ca…

Il se tût, embêté, et se massa la nuque.

-Hum…tu sais la fille…Elle s'appelle Lyndis en fait…Et…heu…On est fiancés maintenant ! Voilà.

Nathaniel ne se sentit même pas malheureux. On lui parlait. On lui parlait d'autre chose que de son état, de sa sauvagerie, de sa violence, de sa monstruosité. Il n'aurait jamais pu imaginer combien ça pouvait compter pour lui.

-Heu, tu sais quoi ? Hum, j'ai une super question pour toi ! On va pouvoir discuter. Attend, j'ai même fait une liste pendant trois mois.

Il extirpa un bout de papier froissé, qui avait dû en vivre des péripéties sous les bols de lait et les tartines de confiture.

-Alors, la première c'est, pourquoi, à ton avis, la betterave c'est rouge, alors que la pomme de terre, c'est couleur terre ?

Il ricana, et secoua la main, pour annoncer :

-Attends, attends, celle-là j'ai eu envie de te la poser avant d'aller parler à Lyn pour la première fois : Tu en penses quoi du mariage ?

Nathaniel rigola.

-Bon bah, comme t'étais pas là, j'ai dû improviser sur le moment hein, et paf, chuis fiancé !
-Tu fais que des bêtises sans moi !
-La bonne fée, j'te dis, tout est de sa faute !

Et comme avant, ils parlèrent, débattirent, échangèrent des points de vue. George essaya à un moment de lui faire dire ce qui lui arrivait, mais Nathaniel dès qu'on abordait le sujet, ne trouvait plus ses mots. Finalement le rouquin n'insista pas. Il se contenta de peupler le silence. Nathaniel se contenta d'étreindre son Pokémon. A l'aurore, quand des bruits dans le couloir se firent entendre, le rouquin sursauta. Il finit par secouer son ami qui à moitié assoupi.

-Je dois y aller. S'ils me trouvent ici c'est toi qui va t'en prendre plein la tête !
-Att.

Nathaniel essaya de le retenir, mais quand il dut trouver une explication, il ne parvint qu'à balbutier :

-C'est vrai qu'un des garçons que j'ai attaqué est paralysé ?

Le visage de George s'assombrit.

-Oui.

Nathaniel sentit son monde lui échapper. Comme l'agitation grossissait de l'autre côté de la paroi, George se détacha.

-Je reviens demain promis. Je te laisse Persian ! Il t'aidera. Cache-le, je reviens avec ses affaires ! Oh, t'en fais pas Nath je reviens ! Promis !

Persian se cacha dans l'amoire. L'infirmière n'y vit que du feu. Pendant plusieurs jours, Nathaniel parvint à reprendre peu à peu pied, malgré la nouvelle. La présence de son Pokémon la nuit le rassurait un peu, comme un charme, il l'empêchait de délirer et de cauchemarder. Même si avec les médicaments il ne parvenait toujours pas à se rappeler de chaque étape de la journée. Une sorte de monotonie s'installait, le matin, rendez-vous avec Niccol. Nathaniel pensait à persian, et à George qui viendrait pour ne plus entendre ce que ce type lui disait. Médicaments, petit déjeuner. Matinée à s'entraîner à l'escrime. Déjeuner, nouveau rendez-vous chez Niccol. Parfois isolement. Sinon études et lecture de la bible. Médicaments. Diner. Douche, toilettes, coucher. Puis venait les rendez-vous nocturne. Cela lui minait ses forces de ne pas dormir la nuit, résister à l'influence des somnifères, mais…

Parler avec quelqu'un qui le considérait comme normal, retrouver un semblant de vie normale. Cela n'avait pas de prix. Jamais Nath n'aurait cru apprécier un jour ce mot « Normal ».

Cela devenait sa lueur d'espoir, sa manière de tenir. Jamais George ne loupa un rendez-vous. Persian était toujours là, il faisait attention, personne ne le dénichait, il sortait par la fenêtre pour faire ses besoins et passait pour un Pokémon sauvage pendant les balades, amusant les pensionnaires. Comme ça, Nathaniel pouvait même le cajoler en public sans qu'on ne le soupçonne.

Doucement, les choses s'arrangèrent.

Les infirmières commencèrent à le trouver plus doux, elles lui parlaient de temps en temps. A contrario, Niccol devenait de plus en plus détestable et il n'était pas rare qu'il trouve une excuse bancale pour l'envoyer une heure en isolement à la fin de chacun de leur entretien.

Mais Nath tenait, il entendait les échos de leurs conversations dans la salle de repos.

« Vous êtes vraiment certain Niccol ? Vous l'avez vu récemment il est doux comme un wattouat. Il a trouvé un persian sauvage et joue avec lui quand je le sors. Ne dites pas n'importe quoi ! Les sociopathes sont les rois de la manipulation, ils peuvent tous nous berner ! Vous savez ce n'est pas parce que votre dernier cas a mal tourné que…J'ai AUTORISE SA SORTIE ! TROIS ENFANTS SONT MORTS PARCE QUE JE ME SUIS LAISSE BERNE ! –Mais enfin regardez Nathaniel, il est certes toujours aussi dans sa bulle mais…-Qui sait s'il ne pense pas à tous nous tuer, dans sa bulle ! Vous avez vu ses résultats en escrime ? il est fort ! –Cela nous prouve quoi ? – Qu'il y a de la VIOLENCE en lui ! –Je ne vous crois pas. – De toute façon vous êtes toujours trop impliqués dans vos cas Niccol. –Moi ? MOI ? – regardez comme vous vous emportez, moi je suis sûre que Nath ne fera jamais de mal à personne, c'est un grand bébé, c'est tout. – ET BIEN VOUS NE VIENDREZ PAS DIRE QUE JE NE VOUS AI PAS PREVENU MERIDITH ! »

On ne croyait plus Niccol. Même si la dose de médicaments tripla, cette victoire permettait également à Nathaniel de tenir.

Puis un jour, alors qu'il rentrait dans sa chambre après le déjeuner, l'estomac tout retourné, les idées embrouillées par le médicament, il trouva Persian inerte sur le carrelage. Son pelage était froid. Il avait l'air de dormir, mais il ne respirait plus.

Nathaniel mit du temps à réaliser.

Un temps incroyablement long.

Peut-être ne réalisa-t-il jamais vraiment… ?

En tout cas devant cette vision, ce petit corps flasque qui lui avait tenu chaud dans les pires moments, le ronronnement qui l'avait bercé pour s'endormir quand il n'en pouvait plus du silence, il n'arriva plus à penser. Son esprit se vida une seconde, puis ce fut l'explosion. Cacophonique, tonitruante, assourdissante, à l'image de la douleur déchirant sa poitrine.

« Il est mort. Il est mort. Il est mort. Comment ? Pourquoi ? Il allait bien. Je le soignais bien. Il n'avait rien. Il. Il est mort. Il n'a rien. On dirait qu'il dort. Il n'a pas de blessure. Il n'était même pas vieux. Il a été empoisonné ? Oui on l'a empoisonné. On l'a empoisonné on me l'a pris , qui ? Qui l'a emprisonné ? Niccol. Oui c'est Niccol qui l'a empoisonné. Il le détestait. Il nous détestait. J'allais mieux. Donc il a tué Persian. Personne ne me croira. Ils le croiront tous. Il me faut des preuves. Des preuves qu'il a tué persian. Il a tué Persian ! Il a tué mon persian ! »

Quand il reprit ses esprits il avait un couteau dans une main et l'autre plongée dans les tripes sanguinolentes de son Pokémon mort.

« A quoi ça ressemble des entrailles empoisonnées ? Je ne sais pas. Comment je vais prouver qu'il l'a tué alors ? Je ne sais pas. Je dois lui enlever l'estomac. J'ai envie de vomir. Je vais vomir. Je vais vomir. Il a tué persian et je ne peux pas le prouver. Je vais vomir. »

Alors qu'il se redressait pour ravaler sa bile, le contenu de son déjeuner encore fumant sur le carrelage, un cri retentit dans son dos. Une infirmière le contemplait pétrifiée.

Une seconde, une seconde. Nathaniel croisa son regard, et elle croisa le sien, disparate, qui effrayait tant de monde déjà. Une seconde et Nathaniel dans les brumes de la folie comprit qu'il venait une fois de plus de commettre une erreur. Une seconde, et la jeune femme lâcha son bloc-note qui tomba dans un bruit sec sur le sol, avant de partir en hurlant dans les couloirs.

Les mêmes hommes qui l'avaient enfermé la première journée revinrent accompagnés de Niccol. Il eut beau se débattre, rien n'y fit.

-Ce n'est pas moi ! Il était déjà comme ça ! Il était déjà comme ça ! Il a été empoisonné ! C'est lui qui l'a empoisonné ! C'est pas moi ! Je voulais ! Je voulais !

Personne ne l'écoutait, il se débattait, mais on le maintenait bien fort.

-Je vous l'avais dit qu'il passerait à l'acte : JE VOUS L'AVAIS DIT ! Criait Niccol.

Dans la cohue, Nathaniel vit quelqu'un emporter le corps sanguinolent de son persian, et il hurla. Il hurla. Hurla à s'en déchirer les poumons, jusqu'à ce que l'air lui manque. Jusqu'à ce que sa vision se pigmente de taches blanches aveuglantes, puis ne se teinte de noir. Le noir total. Comme au premier jour.

Il se réveilla en isolement. Cette fois, on lui avait mis une espèce de chemise où ses manches sont trop longues, disparaissent dans son dos, coupant ses mouvements. Une camisole. La première image qui inonda sa rétine, ce fut celle de Persian, mort, tout seul. Sur le carrelage.

Est-ce qu'il avait miaulé pour l'appeler ? Est-ce qu'il avait eu mal ? Il avait été tout seul. Il avait compté sur lui, et Nathaniel n'avait pas pu être avec lui. Il avait été tout seul. Tout seul.

Nathaniel n'avait pas peur de la mort. Elle ne l'inquiétait pas. Même, il était curieux quant à son statut. Mais il n'aimait pas que Persian y soit. Il ne voulait pas que Persian soit tout seul là-bas. Lui, ça ne le dérangeait pas d'y aller. Mais…mais…S'il était ici, et persian là-bas alors…

Persian n'était plus avec lui.

Maintenant. Maintenant qu'est-ce qu'il pouvait faire pour que Persian reste avec lui ?

-Nathaniel.

Une voix survint, en provenance de la porte. C'était celle de Niccol. Nathaniel ne bougea pas. Il était fatigué. Il avait mal. Il sentait le vomi et il avait encore envie de vomir. Il sentait le sang. Le sang de persian. Il sentait son absence. Elle lui écrasait le ventre et le cœur, ce qui était paradoxal, pour une entité qui n'est plus.

-Dis-moi Nathaniel, pourquoi as-tu tué ce Pokémon ? Demanda Niccol.
-Ce n'est pas moi. C'est vous.
-L'infirmière Joëlle que nous avons appelé situe l'heure de la mort un peu vers les 10h. Tu étais le seul à pouvoir faire ça. Moi à cette heure-là, je m'occupais des cuisines pour préparer le déjeuner comme d'habitude.
-Vous mentez.
-Tu te souviens de ce que tu as fait ce matin ? Tu avais quartier libre non ?

Non il ne se souvenait pas ! C'était la faute des médicaments ! Il ne se souvenait pas !

-Tu n'es pas venu à l'escrime ce matin, personne ne t'a trouvé. Où étais-tu ? A tuer ce pauvre Pokémon ?

Pas à l'escrime ? Si, si ! Il y était allé ! Il y était. Il y était.

-Ton professeur d'escrime veut te parler.
-Nathaniel ?

Il reconnut sans trop de peine celle de son professeur.

-Où étais-tu on t'a cherché partout ce matin ! Tu sais, tu peux tout nous dire, on va t'aider. On est là pour t'aider. Tu as tué ce pauvre Persian ?

Il avait tué Persian… ? Non.

-Non il a été empoisonné il était mort quand je suis arrivé !
-Nath, la cause de la mort de ton Pokémon, c'est la blessure au ventre qu'il a. Tu avais le couteau. Où as-tu trouvé ce couteau ?

Il…

Nathaniel déglutît, et il se sentit basculer pour vomir.

Non. Non. Non.

Il ne se souvenait pas. Si, il se souvenait ! Persian était froid quand il était arrivé. Il ne respirait plus. Il ne respirait plus. Mais il ne se souvenait pas. Qu'est-ce qu'il avait fait avant ? Qu'est-ce qu'il avait fait avant ?

-Dis-moi Nathaniel –Reprit Niccol. –Est-ce que tu as déjà eu envie de tuer les gens ? De les ouvrir, comme tu as fait pour ce persian ?
-N-Non, je voulais juste voir ce qui n'allait pas…je voulais juste…Je voulais juste…

Prouver qu'il avait été empoisonné.

-Oh. Tu voulais voir ce qui le différenciait de la norme, Tu as déjà pensé à le faire sur des humains ? Les ouvrir pour trouver ce qu'ils avaient de différents avec toi ?

Nathaniel ne parvint pas à en supporter davantage. Il plaqua ses mains sur ses oreilles. Mais il entendait toujours. Il entendait toujours. Niccol. Et les voix. Les voix. Et si c'était vraiment lui qui avait tué Persian ? Il ne se rappelait plus. Il avait tué persian , C'était vrai, il avait toujours rêvé de savoir pourquoi il était si différent des autres. Le jour où Niccol lui avait montré les radios…Il avait pensé à quoi pouvait ressembler un cerveau humain ce jour-là. Et puis l'autre fois. Il avait parlé de tuer des gens. Il avait tué Persian ?

Il ne savait plus. Il ne savait plus.

C'était affreux, il ne pouvait pas avoir fait ça ! Persian comptait sur lui. Persian aurait miaulé s'il lui avait fait du mal, son miaulement l'aurait réveillé ! Ou alors, il avait ronronné ? Il avait ronronné comme il le faisait dans ses bras le soir, pour le calmer et l'apaiser avant de dormir ? Il avait ronronné en lui faisant confiance, alors qu'il allait le tuer ?

Cette image insupportable s'imposa en lui et il se recroquevilla davantage, incapable de la chasser de sa rétine.

C'était quoi ça ? Il voyait, il sentait presque le contact du poil de son starter, cela semblait si réel dans ce souvenir. C'était donc forcément un souvenir ? Il ne pouvait pas aller jusqu'à inventer le regard de son pokémon mourant dans ses bras, si ? Non. Si ! Si il fallait qu'il que ce soit un tour sadique de son imagination morbide. Rien que ça.

Rien que ça.

Pitié, rien que ça.

Il voulait rentrer chez lui. Il voulait revoir ses parents et Persian. Il voulait retourner à l'école revoir George. Il ne se plaindrait plus jamais de cette fille. Cette Lyndis. Il voulait rentrer. Rentrer chez lui. Il en avait assez, assez.

-LAISSEZ-MOI SORTIR DE LA ! LAISSEZ !

Avant de s'en rendre compte, il essayait de défoncer les portes, il fonçait sur les capitons, et criait. Encore. Toujours la même phrase.

Il devait sortir. George allait arriver cette nuit et il ne trouverait ni lui, ni Persian. Il devait sortir. Il devait sortir. IL ne voulait pas rester là. Persian était mort. Mort. Mort ! Mort !

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Pourquoi personne n'ouvrait ? pourquoi personne ne le croyait ?! Pourquoi ? POURQUOI ? POURQUOI PERSONNE NE LUI REPONDAIT JAMAIS ! Il allait devenir fou. Fou. Il voulait sortir. Sortir. Sortir ! SORTIR !

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Sa voix finit par mourir dans son gosier, et ses muscles cédèrent. Il avait beau marteler la paroi jusqu'à sentir ses phalanges exploser, personne n'ouvrait. Personne n'ouvrirait jamais.

C'est vrai qui ouvrirait à un monstre comme lui ? Lui aussi, s'il avait un monstre comme ça sous l'aile, il l'emprisonnerait et le laisserait mourir dans cette pièce. Personne ne veut d'un monstre qui tue son propre Pokémon.

Les jours suivant lui paressèrent horriblement flous. Tantôt en isolement les membres courbaturés, déformés par la camisole, tantôt allongé sur son lit, les poignets attachés aux pieds de son lit. On tripla la dose de médicaments. Dans ses rares moments de conscience, quand il se battait à l'escrime, il ne croisait que des regards effrayés. Les infirmières le fuyaient. Les docteurs chuchotaient sur son passage. On lui prépara des repas à des horaires différents des autres pensionnaires. Il n'avait plus le droit de les voir.

Comme s'il s'était un jour intéressé à eux…

On ne le changea pas de chambre. Il y avait une trace rouge au pied de son lit. Elle ne partait pas. Il essaya un jour de la nettoyer avec ses draps, frénétiquement mais une infirmière le surprit et on l'envoya de nouveau en isolement avec des sédatifs.

Plus personne ne le croyait. Pas même lui.

Il était un monstre. Il avait tué Persian. Il avait tué son starter. Il détestait les hommes. Il était définitivement le possessif narcissique sociopathe que Niccol décrivait à chaque détour de couloir.

Tout le monde vénérait Niccol, en isolement, dans la chambre de repos attenante, Nath n'entendait plus que des éloges à son sujet. La seule et unique fois où quelqu'un dressa une objection contre lui, ce fut quand il proposa de le faire murir en lui proposant des jeux d'adultes.

« Vous n'y pensez pas voyons, il a la personnalité d'un enfant en bas-âge, il fera comme pour tout le reste, s'il y prend gout il y jouera jusqu'à s'en dégoûter. Il aime déjà tuer, vous voulez en plus le transformer en Sadique sexuel ? – Je pense que si Nathaniel trouvait une compagne, il pourrait détourner la mauvaise énergie qu'il a lui. Mieux vaut être accro au sexe qu'au meutre ! Je suis totalement contre ! Hors de question. Mais chef, si on ne trouve pas un moyen de le guérir à 18 ans il sortira, comme le veut la loi et…Et bien trouvez un moyen, un autre pour éviter le pire ! J'ai déjà essayé les méthodes conventionnelles avec Garcia et…-Je me fiche de votre méthode, mais hors de question qu'un autre sociopathe sorte de chez nous pour aller tuer des gens ! – Et si on tentait les électrochocs alors ? – Les électrochocs ? – Oui, nous avons encore la vieille machine dans la cave. – Vous n'y pensez pas, certes, cela se fait encore, mais…-Quoi, les effets ne sont pas démontrables en procès ? Pourtant ils existent, beaucoup d'hôpitaux le font ! – Oui mais…Cela réduit le cerveau en bouilli si…- Allons, au moins, ça aura un effet. -…Je ne veux pas en entendre parler Niccol, faites ce que vous voulez, mais ne mêlez personne d'autre que vous à ça. Comprenez bien que vous jouez votre carrière seul. »

De mieux en mieux, il était un animal maintenant qu'on pouvait accouple et euthanasier par onde létal directement dans le cerveau. Il voulait sortir. Sortir d'ici.

Mais s'il sortait d'ici, est-ce qu'il risquait de faire du mal à George ?
Ses parents méritaient de mourir, ils le laissaient tout seul ici.
Mais George ? il allait faire du mal à George ? Comme il en avait fait à Persian… ?
Et si jamais la machine lui broyait le cerveau ? Il serait toujours vivant, mais mort dans la tête ? Cela marchait comme la vrai mort ou pas ? Ca faisait mal ?

Un matin, Niccol le fit se lever aux aurores et le convoqua dans son bureau. Arrivé là-bas il ferma la porte derrière lui. Le loquet grinça sinistrement, mais cela n'effraya pas nathaniel. Pourtant, le matin, c'était encore un des seuls moments où il avait une vague conscience de ce qui lui arrivait, la nuit ayant estompé les effets médicamenteux.

-Déshabille-toi. Ordonna Niccol.

N'importe qui aurait eu peur. Pas Nathaniel. Il obéit sans broncher. C'était pour des tests. C'était pour n'importe quoi. Il s'en fichait éperdument, il était fatigué.

Niccol l'emmena dans une autre pièce, qui avait des allures de salle de bain. Un table en métal trônait au milieu, anormale dans le décor. Il lui colla des électrodes sur le torse et lui fit signe de s'allonger.

-Je vais te tenir la mâchoire pendant les électrochoc comme ça tu ne te couperas pas la langue à cause d'un spasme. Expliqua-t-il, l'air absent.
-Vous allez me donner des médicaments ?

Le docteur eut un drôle de regard.

-Je croyais que tu détestais les médicaments ?

Si Nathaniel s'était demandé si ça faisait mal, il le sut très vite. C'était comme si son corps entier de fragmentait, il ne lui obéissait plus, se courbait, se cambrait avec affolement sans qu'il n'ait de prise sur lui-même, trop obnubilé par la souffrance qui semblait lui déchirer chaque veine, lui arracher chaque muscle, lui briser les os et lui brûler les entrailles.

Mais il en réchappa. Aussi étrange que cela puisse lui sembler après cette simple minute, il en ressortit vivant. Lucide. Epuisé. Niccol l'examina, et prit une expression étrange.

Le jeu dura longtemps. Une semaine, ou deux ? Nathaniel ne savait plus très bien ces séances amplifiaient le délabrement progressif de son corps et sa lassitude.

Fatigué. Un matin, Niccol lui donna des gélules et comme il tardait à les avaler il sortit une panoplie pour une piqûre. Il en avait sûrement assez de le voir ressortir de ces séances d'électrochoc avec un air lucide et préférait bien plus l'anesthésier. Après Nathaniel ne se souvint plus de rien. Parfois des voix, les voix mais en légèrement différentes.

« Tu ne feras plus jamais de mal. J'y veillerai. Tu es un monstre, un monstre. Les garçons comme toi méritent de mourir. C'est tout. Tu sèmes le mal autour de toi. Il faut sortir ça de toi. Tu es le mal. Je vais te briser Nathaniel. Je vais te briser tu m'entends ? Tu ne feras jamais de mal ! Je te le promets, tu ne feras jamais de mal à personne, j'y veillerai. »

La semaine suivante il resta alité. Il avait mal partout. Il n'arrivait même plus à aller aux toilettes. Il y avait du sang dans ses selles, ce qui alerta le personnel. Mais il voyait bien que tous ceux qui le touchaient se révulsaient. Ils n'avaient pas envie de le côtoyer. Ils avaient peur. Ils allaient le laisser. Ils s'en fichaient éperdument. Normal, c'était un monstre.

Qui allait sauver un monstre ?

Alors qu'une nuit il cauchemardait, tourmenté encore par les voix, George apparut à la fenêtre. Le rouquin le trouva réveillé, et son visage s'illumina.

-J'avais peur ! Nath, les dernières fois que je suis venu tu dormais, j'avais beau te secouer tu te réveillais pas…Et je trouvais pas Persian.

Ce fut la seule fois où Nathaniel fondit en larmes. Son corps entier était brûlant, il mourait de soif, et même ses larmes dégoulinant sur ses joues lui faisaient l'effet de l'acide.

-Sors-moi de là…Sors-moi de là.

Il ne parvenait même pas à entendre distinctement sa supplique ou à voir l'expression de son ami en cet instant. Tout ce qui comptait, tout ce qui avait de l'importance, c'était partir. Même s'il était un monstre. Il allait mourir de toute façon. N'est-ce pas ? Il n'était pas en état de faire du mal à qui que ce soit. Alors, qu'au moins, il ne finisse pas ici. Pas avec Niccol.

-George. Pitié.

Ses propres sanglots lui paraissaient étranglés, et l'étouffaient. Peu importe. Peu importe. Il comprenait que George non plus ne veuille pas le toucher. Lui n'aurait pas voulu se toucher.

Soudain, deux mains, froides, le ceinturèrent, la fraîcheur calma ses hoquets quelques peu. Puis ce fut un murmure, un murmure si doux, si différent des voix, que le simple fait de l'entendre fit monter en lui un haut-le-cœur de soulagement.

-T'inquiète Nath. Je te protège. Je te sors de là.

Le timbre de George vibrait d'émotion et sa prise contre lui tremblait, de rage, de peur ? Qu'est-ce qu'il en avait à faire. Il allait sortir. C'était tout ce qui comptait.

Il lui faisait confiance. Il avait raison. George le sortit de là. Le périple lui sembla interminable, le froid de l'extérieur lui mordait la peau, et lui secouait les entrailles. Il n'était pas sûr, mais il lui semblât qu'il avait vomi. George n'avait pas maugrée, à la place, il avait ricané :

-Ils ne t'apprennent pas à être propre là-bas bon sang ? C'est la base des bases pourtant ! Putain si ça continue il va falloir te mettre des couches aussi, tu sais ?

Il l'emmena dans sa chambre d'étudiant que ses parents lui louaient pour ses études –eux, hauts dignitaires à Cramois'île, n'avaient pas le temps de déménager pour que leurs fils aient de la compagnie.-

Le rouquin l'installa dans son lit, puis disparu aussitôt.

Nathaniel observa les alentours, couverts de peluches, de plans, de photos, de posters. La commode décorée, la lampe bizarre en lampion, le tapis brodé. Tout ça…c'était tellement humain. Tellement, George…Les couleurs mal assorties, les jouets d'enfants au milieu des cahiers de classes, les affaires pour entraîner les Pokémon à côté des marmites, les meubles bricolés avec rien du tout qui traînent près de la tv hi-Tech.

Il était chez quelqu'un. Il était sorti. Sorti.

La nuit lui parut immédiatement plus douce. Errant entre délires et sommeil à demi-comateux, il entraperçut le visage de la fille dont George était amoureux. Elle lui posait sa main glacée sur le front. Il entendait même sa voix. Une voix soucieuse. Inquiète.

« Ses sels sont vraiment mauvaises .-Oui j'avais remarqué aussi quand j'ai vu du sang sur son pyjama tu sais !-George, je veux dire, vraiment mauvaises, du genre…Je sais pas soigner ça ! -Et Tom il sait soigner ?
-Tom est comme moi, il a étudié l'élevage de Pokémon, pas d'humain.-En même temps c'est rassurant ça.
-Il lui faut un vrai médecin ! -Oui mais si j'appelle un toubib, et qu'ils le recherchent ? Ils vont le renvoyer là-bas ! -Tu préfères qu'il meure ?-Je préfèrerai qu'il aille mieux sans toubib. -Désolée, mais ça ne marchera pas comme ça. -Mais si, j'ai confiance, ma petite femme fait des miracles, le miracle de la vie, ça connait les femmes ! -NE M'APPELLE PAS TA FEMME !-MAIEUH ! –Dites, les tourtereaux, je suis pas expert en droit ou flic…Mais ça me semble pas du tout légal ce qu'ils lui ont fait à ton pote. –Tu as raison Tom ! C'est ça ! –C'est ça quoi ? –On va enquêter sur eux, prouver que ce sont des tueurs et comme ça Nath n'aura pas à y retourner ! –Hey, calmos chuis pas détective moi ! – Allez, il suffit d'une petite pipe et…Putain c'est dégueu ce que je viens de dire, oublie je la réserve à…-MEME PAS EN REVE ! –TOUCHE PAS A MA SŒUR ! –Ah-ah vous êtes pas drôles…»

Les jours suivants, Nath reprit peu à peu conscience. Les soins que lui apportaient Lyn étaient silencieux mais efficaces. Mais le manque de médicament faisait autant de mal que son abus, il frissonnait, après avoir suffoqué il avait froid et la douleur de son corps s'en trouvait exacerbée. Il oscillait entre réalités et souvenirs, et il se réveillait souvent en nage, cramponné de toute part par le garçon blond aux yeux verts et George, inquiets. Le petit boudin blond, devenu plutôt grande effrayée au fond.

Le manque. Le manque lui rappelait la mort de Persian. L'absence. Le manque lui faisait revoir des images diffuses et confuses. Il avait l'impression d'avoir constamment les mains pleines du sang de son Pokémon, de toujours sentir un poids au-dessus de lui, la morsure de la piqûre dans son cou, et que son corps se séparait, déchiré en deux.

Lyn finit par lui trouver un médecin, et il fut transporté à l'hôpital.

Nathaniel ignora totalement ce qui se joua dans son dos à cette période, il resta dans un état lamentable pendant deux longs mois. Deux mois. Il savait que ses parents venaient, en pleurs, et lui répétaient que tout irait bien maintenant. Le suppliait de leur pardonner et de tout reprendre à zéro. Et lui il souriait et promettait que oui.

Au final il s'en fichait. Il était sorti.

Un soir, George vint dans sa chambre et lui expliqua longuement que l'asile de Celadopole était sous enquête.

-Tu aurais vu Tom, un vrai pro, il a trouvé pleins de trucs sur eux. Surtout sur un certain Niccol ! Du coup les flics ont renvoyé les pensionnaires chez d'autres. Toi quand tu seras guéri, t'iras à Cramois'île. J'ai vérifié, ils sont bien là-bas. Puis, je vais aller voir mes parents pendant les vacances. Je serai pas loin. Faut juste que tu tiennes trois mois. Et tu auras fait le quota de ton jugement. Tu vas voir, ce sera pas long. Et je serai là.

Nathaniel hocha du chef. George afficha une mine désolée. Il lui prit la main.

-Nath. T'es pas un monstre, t'es mon meilleur ami, t'entends. T'entends ?

Il entendait. Il entendait. Mais il ne le croyait plus. Il alla effectivement mieux, comme George l'avait promis. Il passa effectivement trois mois dans l'asile de Cramois'île et tout se passa effectivement bien. Il se contenta d'y apprendre les normes de la société, et comment mentir effroyablement bien. Effectivement le temps passa, et il se remit, à sa sortie, il recommença à traîner avec George. Comme avant. Il rencontra Lyn, et son frère Tom.

Mais il abandonna l'école aussitôt. Il détestait les uniformes, il détestait les professeurs. Il détestait de devoir rester sur une chaise, devant un bureau, à attendre. Il en avait assez d'attendre.

Parce qu'il ne pouvait parler de son expérience là-bas qu'avec George. Et qu'il voyait à chaque fois son expression se crisper. Qu'il voyait à chaque fois sa peine, et non pas la sienne. Ils débattaient toujours ensemble, mais ce n'était plus comme avant.

Alors Nathaniel partit. Sans rien, en voyage. Le voyage initiatique qu'il n'avait jamais fait, faute d'argent. Il se disait qu'il se débrouillerait au moment venu pour l'argent, et qu'au pire, il mourrait sur le chemin.

Un monstre qui meurt sur le rebord de la route, qui s'en soucie ?

Il attrapa par chance un Hoot-Hoot épuisé, auquel il avait suffit d'une pokéball. Il se refusait de capturer à nouveau un Pokémon Chat. On finit par le juger assez fort, à force de s'entraîner, de se jeter corps et âmes dans cette fonction de dresseur, il devenait plutôt bon. Il arrivait bien à voir ce qui se passait, et aucun geste de l'adversaire ne pouvait l'effrayer. Quand bien même, que pouvait-il perdre de plus qu'un match ? Persian était déjà mort.

Finalement, ses parents moururent dans un bête accident de la route, îvresse au volant, mort au tournant. Il ne revint pas pour les funérailles. Il n'en avait simplement pas envie.

Quand il eut 18 ans, George l'appela, et il retourna pour la première fois à Kanto. Il lui fallut bien 6 mois pour ça, exilé comme il l'était.

Son ami d'enfance avait déménagé, coupé les ponts avec sa famille, et s'installait sur un terrain vierge à Azuria ; où il construisait une maison. Lyn l'aidait tant bien que mal, une main sur son ventre déjà gros, et une moue mécontente sur le visage.

-A 16 ans putain. J'ai que 16 ans et ce con m'a engrossée. Maintenant chuis obligée de me marier avec lui.
-C'est faux, tu te sens obligée de te marier avec moi, parce que tu m'aimes.
-C'est ça, rêve.

Tom était devenu détective à son compte, et aidait sa sœur trop souvent. Elle comptait réaliser son rêve d'enfant et devenir fermière. George voulait l'aider, surtout à la réalisation de l'autre partie de son rêve d'enfant, avoir une famille nombreuse. Mais l'activité de fermier lui plaisait aussi ajoutait-il après s'être pris une tarte –une vraie parce que Lyn était originale selon lui- dans la figure.

-Je veux que tu sois mon témoin, Nath, tu veux bien ? Lui lança-t-il de but en blanc, le jour de son retour.
-Seulement si Lyn est d'accord d'avoir un monstre comme moi, au plus beau jour de sa vie.

Lyn avait haussé des épaules, et sourit.

-Moi j'm'en fiche de mon mariage, c'est pas ce qui compte.

Alors il avait rit.

-Bien, quand se déroule la cérémonie alors ?
-Dans 4 mois ! Tu vas pouvoir nous aider !

Lyn avait levé les yeux au ciel, car habituellement c'est la mariée qui stresse à l'avance pour la cérémonie, mais elle rigola tout de même.

Ils avaient 19 ans et 16 ans. Nath tenait les triplés dans les bras pendant que Lyn s'avançait vers l'autel, 4 mois plus tard.

Il ne ressentait plus vraiment de jalousie à son égard, mais pas non plus d'amour. A vrai dire, il discernait encore plus mal ses émotions depuis l'asile. Beaucoup de choses avaient empiré depuis l'asile.

Ce soir-là, alors que George riait aux éclats avec sa belle-mère et son beau-frère, à table, Lyn se tourna vers Nathaniel pour lui prendre les bébés des bras. Elle lui sourit, en observant avec émotion George.

-Comment ne pas l'aimer ?

Nathaniel sourit. Pour la première fois il comprenait parfaitement Lyn. La blonde, toujours aussi boudinée le regarda avec tendresse.

-Nathaniel, si tu n'as nulle part où aller, tu peux venir à la maison. Quand tu veux. Je sais que George tient à toi…

Nath secoua la tête, mais Lyn lui prit la main avec compassion.

-Des monstres, Nathaniel, j'en ai déjà trois. Un de plus, un de moins. Je serai heureuse que tu sois avec nous.

La petite Alice gazouilla, et agrippa le doigt de Nathaniel pour le sucer consciencieusement. Pas le moins du monde effrayée. Et, nathaniel ce soir là, s'entendit accepter. Parce que ça faisait du bien, pas de peur dans leurs yeux, juste de la tendresse et de la sollicitude. Et puis, comment ne pouvait-il pas aimer trois mini répliques de son ami ?

George s'approcha d'eux, et rit aux éclats, passant un bras autour de sa femme, et un autre autour de Nathaniel.

-C'est pas le paradis comme ça, rien que la famille !

Et effectivement, aux yeux de Nathaniel, cette époque, loin des heures sombres qui ne se départiraient jamais de leurs zones d'ombres, avait tout d'un Eden.