Valdea, la région perdue de Shaam

Cinq jours s'étaient écoulés depuis la remise des diplômes. Ce jour-là marquait le début du parcours de Desmond et Maxime.

« S'il y a bien une chose qui va me manquer c'est mon lit douillet… » pensa Desmond en se réveillant.

Le jeune homme aux cheveux noirs remarqua que ses parents et son frère évitaient de parler de l'évènement du jour mais les expressions sur leurs visages trahissaient leurs pensées. Il y avait un calme pesant à la maison. Plus tard dans la matinée, Desmond prépara ses affaires. La petite famille se retrouva devant l'entrée de la maison pour dire au revoir au fils cadet.

- C'est le grand jour, Desmond, dit le père.
- Hm.
- Ça va faire bizarre sans toi à la maison ! fit Dylan.
- Mon chéri, fais bien attention à toi, c'est entendu ?
- Mais oui. Ça ira maman, ne t'en fais pas.
- Ton premier trip durera deux semaines environ, après tu nous rends visite, d'accord ?
- Oui papa.
- Tu n'as pas oublié notre petit accord, n'est-ce pas ? demanda Dylan. Quand tu rentreras à la maison, tu auras au moins un badge d'arène avec toi. Ok ?
- Ok, ça marche. Quant à toi et papa, faites en sorte que maman ne s'inquiète pas trop.
- Ouais. Bon courage frérot !
- Hm !

Desmond sentait que chaque membre de sa famille avait encore quelque chose à dire mais qu'il hésitait. Il trouvait aussi que la situation commençait à bien faire et préféra en finir avant que quelqu'un - sa mère surtout - n'en rajoute une couche.

- Bon eh ben alors j'y vais. Au revoir !
- Au revoir, fiston.
- Porte-toi bien !
- Fonce !

Desmond tourna le dos à sa famille et marcha d'un pas nonchalant vers la station de bus la plus proche. Un bus allait le conduire jusqu'à la sortie Nord de Féli-cité, cette ville étant trop vaste pour faire le chemin à pied.
La sortie Nord ne contenait rien de spécial. Il n'y avait même pas ce bâtiment-portail qui sépare souvent villes et routes. Juste une voie pour les véhicules, de la verdure des deux côtés, et le paysage urbain qui commençait déjà à paraître lointain derrière soi. Desmond rejoignit Maxime. Le camarade de Desmond était vêtu d'une veste à capuchon verte et d'un jean classique. Le style décontracté était idéal pour un dresseur. Desmond, lui, portait un simple t-shirt à manches longues et un pantacourt.

- Enfin, nous y voilà, dit Desmond.
- Alors on y va ?
- On y va, ouais.

La route 204 est d'un genre commun et dont le parcours est plutôt aisé. Il s'agit en gros de suivre le chemin réservé aux voyageurs. Il est vrai qu'une grotte séparait la route en deux mais son intérieur est petit et linéaire au point que la sortie est visible depuis l'entrée, sous forme d'un petit cercle lumineux. Il ne serait pas exagéré de qualifier la traversée de cette route de balade de santé ; c'était idéal pour entamer un voyage.
Desmond sortit une Pokéball et libéra son Galifeu. Le Pokémon fut ravi de se retrouver dans un milieu plus naturel que d'habitude et sautilla de joie. Maxime décida de faire pareil et fit sortir un bel Elecsprint, qui fut également enjoué à l'idée de se dégourdir les jambes dans ce décor nouveau. Avec Galifeu il entreprit une balade à deux.
Les deux jeunes hommes marchèrent pendant une bonne une vingtaine de minutes sans échanger un mot. Desmond semblait avoir la tête dans les nuages, comme à son habitude, et Maxime ne savait juste pas quoi dire. Au bout de ce tiers d'heure, Desmond interrompit enfin le silence :

- Alors ça ressemble à ça, être dresseur, hein ?
- Ben tu ne trouves pas qu'il est encore tôt pour poser cette question ?
- Si mais le gros d'un voyage consiste à marcher.
- Faire le chemin en autocar ou en train n'a rien de plus excitant, tu le sais très bien. Et dans le gros du voyage, il y a aussi les combats de Pokémon.
- Mouais…

Ils marchèrent longtemps ; au bout d'une heure, ils finirent par tomber sur leur premier dresseur. Il les salua et entra dans le vif du sujet :

- J'imagine que vous connaissez le code des dresseurs, n'est-ce pas ?
- Bien sûr, répondit Desmond.
- Dès que des dresseurs se croisent, ils font un match, dit Maxime.
- Exact ! sourit le jeune homme en face d'eux.
- Maxime, tu peux y aller si tu veux.
- Ok !

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Desmond Maevan était étudiant à l'Académie de Dressage Professionnel. Et comme tous les autres étudiants, il attendait le jour où il aurait son diplôme pour entamer son parcours. Mais ce qui motivait réellement Desmond, ce n'était pas de faire le tour de la région en enchaînant les matchs et les badges, mais plutôt de mener des recherches à propos d'une affaire personnelle. Un secret de famille en l'occurrence.

Il fut un temps où Desmond avait un grand-père paternel du nom de Gustave Maevan. Un ancien marin qui savourait sa retraite à Célestia. C'était ce Gustave qui allait tout apprendre à son petit-fils à propos de cette région dite perdue. Le vieil homme profita d'une visite des Maevan chez lui pour prendre à part Desmond, âgé alors d'environ quatorze ans, et lui révéler un secret inimaginable.

- Qu'y a-t-il, grand-père ?
- Mon petit Desmond, j'ai quelque chose d'important à te dire…
- Quoi donc ?
- « Valdea »… ce nom te dit quelque chose ?
- … pas du tout… qu'est-ce que ça peut être ?
- C'est le nom d'une région.
- … mais… si une région portait ce nom ça se saurait !
- Justement, c'est une région quasi-inconnue du grand public.
- Et qu'est-ce qu'elle a de spécial, cette… région ? D'ailleurs comment ça se fait qu'elle existe sans que personne ne la connaisse ?
- C'est là où les choses deviennent intéressantes, Desmond. Figure-toi que c'est une région qui existait jadis, mais qui, maintenant, n'est plus de ce monde.

Desmond fut à peine étonné par cette déclaration tellement elle lui semblait surréaliste.

- … c'est-à-dire ?
- Il est tout à fait normal que ça te semble inconcevable. Reprends-toi, je vais t'expliquer tout ce que je sais.
- Attends, grand-père. Il y a une chose que je n'arrive pas à saisir : pourquoi es-tu en train de me raconter cette histoire, d'abord ?
- Tu poses de bonnes questions, mon enfant, sourit le vieil homme. Il se trouve que toi, ton père et ton frère, moi aussi, bref nous les Maevan, nous sommes originaires de là-bas.

Desmond ne savait pas quoi penser de cela.

- … Ok… mais comment as-tu découvert que nous venons de Valdea ?
- Tu vois le coffre là-bas ? Ramène-le ici, son contenu est intéressant.

Desmond s'exécuta. A l'intérieur reposait une sorte de vieille plaque avec un texte écrit en Zarbi gravé dessus.

- Je suppose que le langage Zarbi ne te pose pas de problèmes, non ?

Desmond écarquillait les yeux.

- Eh oui. C'est bien notre nom de famille qui est gravé dessus. Et le texte entier dit « Maevan, fils des anciens habitants de Valdea, la région perdue »
- Mais comment… as-tu acquis cet objet ?
- Il y a douze ans, un ami chercheur a trouvé avec sa bande une épave engloutie non loin des côtes Sinnohites. Ils y ont trouvé nombre de trucs, dont surtout ce coffre et cette plaque.
- … ouah…
- Eh oui. Mon ami m'a contacté et m'a appris la chose. Inutile de dire que ça m'a beaucoup étonné. Mais tu sais quoi ? je lui ai demandé ne pas révéler cette trouvaille au public ou aux médias, ça aurait été trop embarrassant et problématique pour moi. Tu imagines ? je n'ai pas envie que soudain tout le monde s'intéresse à moi et que le sujet de Valdea fasse rage partout. Cette plaque est la preuve que Valdea existe. Je ne veux pas voir tout le monde partir à sa recherche.
- … ok… mais…
- Je sais, tu te demandes comment Valdea a disparu. Il lui est arrivé quelque chose, personne ne sait ce que c'est au juste, mais on appelle ça la « Calamité ». Dieu sait comment, cette région n'est plus de ce monde. Peut-être qu'une catastrophe naturelle s'y est abattue et l'a rayé de la carte. Une autre idée dit que Valdea ne serait que l'ancien nom de l'une des régions connues. Personne ne peut s'exprimer avec exactitude au sujet de cette région. Une autre théorie prétend que si Valdea est si peu connue, c'est que parmi ses habitants qui ont survécu à la Calamité, il y en avait certains qui avaient décidé d'effacer Valdea de l'histoire, pour des raisons qui m'échappent totalement. Mais tu sais, modifier l'Histoire n'est pas aussi invraisemblable qu'on pourrait l'imaginer, reste à savoir pourquoi.

Desmond resta songeur un moment puis reprit la parole.

- Mais… pourquoi moi ? Pourquoi ne le dire qu'à moi et pas à quelqu'un d'autre ? Pourquoi mon père et mon frère ne savent rien de tout ça ?
- C'est parce que de toute la famille, tu es la personne la plus disposée à aller te renseigner sur Valdea. Tu es amené à devenir un dresseur, Desmond. Tu es un étudiant studieux et j'ai confiance en ton succès à l'avenir. Plus tard tu seras amené à voyager, à voir d'autres régions, à te consacrer à tout ce que tu veux sans contraintes. Ton père et ton frère n'auront pas le temps ni même la motivation de s'intéresser au sujet, mais toi si.
- J'imagine que… ce n'est pas la peine d'en parler à eux, hein ?
- Tu m'as compris.
- D'accord… mais il y a encore une question que je veux te poser : tu ne veux pas que tout le monde sache que Valdea existe, mais après tu me révèles ça et tu me demandes d'aller la chercher ? Et si jamais je la trouve, est-ce que je dois l'annoncer au monde entier ou bien garder le secret ?
- Tu feras comme tu voudras. A l'époque ça m'aurait embêté que cette découverte soit révélée mais toi, fais comme bon te semble. Pour le moment je trouve que tu es le seul à être digne de connaître cette histoire. Et ces jours-ci, je pense que ça serait un peu dommage… que ce secret soit enterré avec moi.
- Mais… ne parle pas comme ça, voyons !
- Desmond, inutile de se voiler la face… je sens que mon heure approche. Ma santé s'est beaucoup détériorée ces derniers temps, je crois que je n'en ai plus pour très longtemps. Je le sais.
- ……………
- A vrai dire, j'attendais que tu aies terminé tes études avant de te parler de ça, mais avec cette maladie je préfère tout te dire dès maintenant pour être sûr que tu ne restes pas dans l'ignorance.
- ……………

Desmond s'était retrouvé dans l'incapacité de répondre. Il fournissait un effort considérable pour digérer la masse d'informations qu'il venait d'apprendre. D'abord cette histoire de région perdue et ensuite son grand-père qui sentait la mort venir. En réalité Desmond n'était pas totalement dupe : quand il avait appris que Gustave tomba malade, il s'imagina tout seul le pire des scénarios. Mais de là à ce que le soupçon sorte par la bouche de l'intéressé en personne…

- Desmond… si cette histoire ne t'intéresse pas, tu peux l'oublier, je ne t'en voudrais pas…. le plus important pour moi c'est de te transmettre ce secret et maintenant c'est fait. Je me sens… comme soulagé.

Desmond avait désormais les yeux embués de larmes. Trop secoué par tout cela. Il s'essuya les yeux et se massa le front.

- Bien… grand-père, je… je verrais ce que je peux faire…

Gustave répondit à son petit-fils en lui adressant un sourire affectueux puis en le prenant dans ses bras. Desmond entendit sa mère l'appeler au loin et dut la rejoindre. Gustave fixa des yeux son petit-fils sortant de sa chambre.

- Tu étais avec grand-père ?
- Oui.
- De quoi vous parliez, tous les deux ?
- Oh, rien.

Et puis cela arriva, à peine un mois et une ou deux semaines après. Gustave Maevan perdit le combat contre la maladie et rendit l'âme. Inutile de dire que cela a vivement secoué Desmond. Qui du coup devint résolu et déterminé à découvrir le plus de choses possibles quant à Valdea. Il ne pouvait pas ignorer l'ultime volonté de son aïeul, et même en mettant cela de côté, cette histoire animait une curiosité croissante chez lui.

Il commença par mener des recherches intensives sur Internet. Mais à son propre étonnement ce ne fut pas très fructifiant. Aucune page Wikipédia n'était dédiée à Valdea. Une entreprise en biosciences portait cette appellation mais c'était probablement le fruit du hasard puisqu'il s'agissait d'un acronyme. Desmond envoya quand même un e-mail où il demanda s'il y avait un quelconque lien avec la région perdue, mais ne reçut aucune réponse. On ne l'avait probablement pas pris au sérieux. Pour le reste, Desmond parcourut la toile mais ne trouva aucune information autre que ce que Gustave lui avait raconté.

Il parvint à la conclusion qu'il était quasi-impossible d'en savoir davantage sur Valdea sans avoir à se déplacer vers d'autres lieux. Ce n'était pas pour rien si son défunt grand-père l'avait désigné lui et personne d'autre pour enquêter sur Valdea. Une fois devenu dresseur, il pourrait se rendre là ou bon lui semblerait, librement et sans contraintes. Il dressa une liste des lieux à visiter quand il aurait empoché son diplôme.

Et le premier lieu à visiter, où Desmond pouvait se rendre avant de devenir dresseur, c'était la fameuse bibliothèque de Joliberges. Il n'avait guère envie d'éveiller la curiosité de sa famille à l'annonce d'une décision pareille et prétendit donc qu'il allait simplement passer la journée chez Maxime. Il prit la sortie Ouest de Féli-cité, traversa la rivière qui coupait la route 218 en deux à dos de Mustéflott et poursuivit le reste du chemin à pied. Bien sûr, il aurait pu se payer tel ou tel moyen de transport, mais il préférait se familiariser avec le parcours typique du dresseur.
Ce n'était pas la première fois que Desmond se rendait à Joliberges ; il y était déjà allé pour se mesurer au champion local, Charles. En effet, arrivés en fin de troisième année, les étudiants de l'Académie de Dressage se voyaient confrontés à une épreuve assez importante : affronter un champion d'arène, sauf que celui-ci ne devait pas les ménager comme c'était le cas avec tant de challengers. Le champion était supposé déployer sa pleine puissance, et l'étudiant était supposé au moins lui donner du fil à retordre. C'était une chose parmi d'autres qui distinguait les dresseurs professionnels des dresseurs lambda. La victoire de l'étudiant n'était pas nécessaire et on le notait plus sur la technique et la stratégie. Mais s'il gagnait il avait droit au badge Mine.

Arrivé la bibliothèque, Desmond y passa des heures… et en sortit déçu et frustré ; aucun ouvrage ne s'intéressait à Valdea.

Avec le temps, l'intérêt de Desmond quant à Valdea évolua en une totale obsession. C'était même devenu sa majeure ambition. Il considérait le diplôme de dresseur professionnel comme une simple question de temps et se voyait déjà avec ; en réalité il n'avait pas réellement tort de penser de la sorte, étudiant studieux comme il était.

Desmond passa ses trois dernières années à l'Académie avec deux passions principales : Valdea et les Pokémon. Peu avant la remise des diplômes il parla de son secret à son meilleur ami Maxime. Desmond allait faire des recherches durant leur voyage et il n'avait pas besoin de lui cacher. Il considérait Maxime digne de connaître cette histoire à son tour.

A présent, Desmond se rapprochait de Floraville, où il y avait un antiquaire susceptible de savoir quelque chose sur Valdea.