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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 19/05/2011 à 02:27
» Dernière mise à jour le 19/05/2011 à 18:52

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Vindicte.
(Troisième partie)

Sinnoh. Voilaroc. Ambassade du Consortium, accueil.

Mercredi 26 Mai, 21 heures 20 minutes.



La cour brilla d'un éclat intense l'espace d'un infime instant alors que le contenu des billes entrait en résonnance avec celui de leurs réservoirs et n'atteigne fatalement en une fraction de seconde le stade de combustion. L'énergie de propulsion rendue instable par le procédé, retrouvée alors piégée dans les circuits du moteur, arriva presque instantanément au seuil de l'instabilité critique. Puis les moteurs ne tinrent que quelques instants de plus avant que la matière des composants interne, qui s'effondraient fatalement sous l'effet de la chaleur, ne finissent par ouvrir une fissure dans la structure de leurs circuits fermés. Par laquelle toute la terrible pression accumulée en son sein s'en éjecta vindicativement sous la forme d'une mini-nova.

La déflagration éclata comme le cri du tonnerre râlant sa rage d'une détonation vengeresse alors que tous les véhicules explosaient à la suite dans un roulement d'éclair, et ne se retrouvent projetés en l'air, nimbés de flammes, dans un fracas assourdissant. Leurs moteurs, réduits à l'état de charpie informes par la puissance de la détonation, volèrent dans une pluie pâteuse de shrapnels brulant qui s'abattirent sur les jardins faisant office de décoration, et mirent instantanément le feu aux nombreux buissons épais et aux feuillages dense des arbres composant la fragile flore du petit ilot rocailleux.

Mais la damnation qui en résultait ne s'arrêtait pas là. Quelques instants avant que la détonation ne se déclenche, les effluves de la concoction affolante des premières billes s'étaient répandus dans les moindres recoins de l'aire centrale et furent respirées par la moindre personne s'y trouvant. Employés comme gardes : tous sombrèrent instantanément dans la confusion alors que l'assemblage contre-nature des essences des baies Figuy, Wiki, Mago, Gowav et Papaya plongèrent leurs perceptions dans un abîme de troubles sans fin – sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Ce n'est que lorsque l'écho de l'explosion leur parvint, avec elle le bruit des vitrages volant en éclats dans un fracas de verre brisé, que leur confusion les fit céder instantanément à la panique, et ne les amène tous à la folie alors que leurs sens émoussés leur faisait croire que la fin du monde venait de se déclarer en ces lieux maudits.

La chaleur et le bruit ardent des jardins en feu se répandirent rapidement dans les moindres recoins des lieux, de même que les effluves de folie se répandaient lentement de plus en plus loin en apportant avec eux leur lot de tromperies et d'illusions effrayantes. Les systèmes anti-incendiaires en interne s'activèrent pour venir arroser les pauvres victimes de cette mascarade alors qu'aucune flamme ne s'était encore déclarée à l'intérieur ; au contraire de l'extérieur ou le système d'arrosage restait curieusement silencieux en laissant le brasier se répandre de plus en plus vite. Ce qui ne contribua qu'à renforcer l'état de panique qui se généralisait à toute l'ambassade en faisant croire que le feu se propageait déjà à l'intérieur.

En l'espace d'à peine quelques instants, le petit îlot silencieux, incarnant l'image impassible et inflexible du roc, se trouva plongé dans un brasier infernal à l'image cauchemardesque d'un bûcher funeste sur lequel était consumé vif, à la vue de tous, la personnification même de l'espoir.

L'enfer venait d'ouvrir en grand ses portes pour rendre son jugement damné. Il n'en laissait sortir que son plus implacable messager pour s'assurer que la sentence soit appliquée.


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Alors qu'elle se trouvait toujours profondément tiraillée par le doute et la nécessité de vouloir tout avouer au seul être en qui elle pouvait avoir confiance, sa stressante réflexion fut littéralement soufflée comme une bougie par celle de l'explosion ; dont les échos destructeurs se répandirent jusqu'à ses fenêtres. La forçant à se coucher à terre alors qu'elles éclataient en débris de verre qui rebondirent jusque sur son bureau.

Elle ne put même pas se remettre du choc initial que sa porte fut enfoncée en trombe par les agents de sécurité stationnés à proximité. Ceux-ci allèrent immédiatement venir lui porter assistance en la relevant et l'emporter loin des éclats qui parsemaient la pièce avec les documents répandus de partout, en ça et là de l'ordre et du soin porté à leur archivage qui n'était plus que de l'histoire ancienne.


«Madame, est-ce que vous allez bien ?» S'enquit immédiatement le premier agent arrivé à ses côtés.

Cette dernière, encore sous le choc, mit plusieurs instants à retrouver ses esprits.

«Je… je vais bien.» Finit-elle par dire en acceptant l'aide apportée par l'agent pour la relever. «Qu'est-ce qui se passe, quelle est cette explosion ?»

«L'ambassade subit une attaque, nous devons évacuer immédiatement !» Lui répondit-il en l'empoignant fermement par les épaules sans même attendre son consentement.


Ceci s'avéra en effet judicieux, car la gouvernante s'était immédiatement figée à l'entente du mot «attaque» et ne pouvait plus effectuer le moindre mouvement par sa propre initiative. La seule chose qu'elle put s'autoriser à faire fut de tourner la tête vers le bureau qu'elle quittait, celui de son père, et n'y voir à la place de la vision magnifique du panorama de la ville un rideau de fumée opaque par-dessus un crépuscule ardent de flammes vociférant leur désir de destruction et de mort.


«Contrôle, ici l'équipe de sécurité 19.» Reprit à l'oreillette l'un des gardes parmi les cinq autres accompagnants celui qui menait la gouvernante. «Nous avons la gouvernante. Mise en application du protocole Zeta : évacuons directement par la sortie losange de l'accès privé Nord. Sonnez l'évacuation d'urgence. Puis converger vers nous avec le reste des équipes 12, 14, et 21 afin de mener l'escorte.»

«Négatif équipe 19. Les employés et les gardes de l'aire d'accueil principale sont sujets à une folie furieuse que la majorité de nos équipes cherchent à contenir en même temps que l'incendie déclaré dans les jardins qui se répand à une vitesse alarmante. Et Les caméras semblent relayer des vagues images d'ennemis s'introduisant par les accès Sud, Ouest et Nord du dédale. Seul l'accès Est n'est pas compromis. Vous êtes seuls pour assurer la sécurité de la gouvernante et assurer son retrait jusqu'à ce point.»

«Bien reçu contrôle. Prenons la direction Est du labyrinthe par la sortie Cirtion.» Confirma l'agent avant de se tourner vers ses collègues. «Lance, avec moi à l'avant ; Sébastien, Philipe à l'arrière ; Grégory, tu te charge de la gouvernante au milieu. Couvrez tous les angles. Equipe 19, en avant !»


D'un mouvement de tête les gardes acquiescèrent, avant de se mettre en formation en prenant leur position respective sans s'être arrêté un seul instant, ce qui se révéla un poil plus compliqué pour ce dernier assurant la sécurité immédiate de la gouvernante ; qui faisait tout son possible pour la forcer à marcher sans la brusquer au risque de la faire chuter.

Mais bien que cette dernière n'ait pas encore été atteinte par les émanations confuses de la substance de folie, la panique qui s'était emparée initialement d'elle venait d'atteindre le stade de l'horreur pure et simple en réalisant seulement de qui ne pouvait venir une telle démonstration de puissance. Sa gorge en resta nouée par le choc, et elle n'en put même penser à chercher à avertir ses protecteurs de ce qu'ils risquaient à partir de maintenant.

La Faucheuse venait pour elle.


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Tel un phare dans les ténèbres, l'incendie qui ravageait le sommet de la colline sur laquelle se trouvait l'ambassade attisa tous les regards de la population qui observaient incrédule les volutes de fumée noire s'élevant de l'ambassade comme le seul sombre nuage masquant le ciel vierge de la pleine lune. Les habitants s'arrêtaient dans leurs activités, les passants dans les rues tout autant que les automobilistes, y comprit les pokémons –sauvages comme dressés-, et même les joueurs du Casino furent arrêtés dans la folie du gamble pour assister stupéfait au spectacle de l'îlot de roc en flamme.

Les pompiers se ruaient déjà sur place devant un tel débordement incendiaire, ainsi que les policiers en cherchant à boucler le secteur pour permettre aux premiers de pouvoir s'occuper de l'incendie en écartant la population. Mais ils furent freinés dans leur élan par le barrage central qui les interdisait de toute possibilité d'action rapide ; permettant ainsi à l'incendie de se propager de plus en plus vite. Ce qui, au final, fit circuler la nouvelle telle une trainée de poudre dans tous les secteurs de la ville où l'on ne pouvait voir l'incendie en attirant de plus en plus de monde.

L'inquiétude grandit encore plus dans la population alors que l'information faisant état que la gouvernante Matis se trouvait toujours dans l'ambassade en flamme se répandit parmi les habitants ; les laissant comme témoins impuissant devant l'ampleur de l'horreur qui se dressait sous leurs yeux.

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Nombreux étaient les spectateurs qui assistaient à la scène depuis la terrasse ou les rambardes des immeubles de leurs habitation. Mais ils n'en étaient qu'une poignée dans un seul appartement à ne pas se rendre visuellement compte de l'ombre qui planait sur la ville, de par la discrétion de leur repaire. Seulement du bruit des sirènes et de l'agitation plus forte que jamais qui leur mettait la puce à l'oreille qu'il se passait quelque chose.


«Bordel, il s'passe quoi ?» Fit Miles en se levant en trombe du canapé.

«Ouvrez les volets !» Cria Fusty depuis la communication.

«Cet appartement est sensé être désert.» Coupa platement Léonid d'une tentative visant à calmer le jeu. «Ouvrir les fenêtres ruinerait nôtre couver-»

«Ouvrez les volets j'vous dis : l'ambassade est en flamme !»


Oubliant d'un coup tout protocole établit, les agents se pressèrent tous vers les fenêtres aux volets clos de l'appartement pour les ouvrir en grand, et restèrent interdit devant la vision du «mini-roc» au sommet enveloppé par les flammes réduit à l'état d'un bûcher funeste.


«C'à passe déjà aux infos, sur toutes les chaines !» Annonça Zaon qui s'était déjà remit sur ses écrans.

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Passant à nouveau rapidement d'un point à l'autre, la demi-douzaine d'agent délaissa la scène du brasier qui s'étendait à l'horizon pour passer à celle du flash d'information en direct affiché en gros via l'hologramme.


[«… D'après les passants proches à ce moment là, le feu se serait déclaré des suites d'une puissante explosion dont la nature reste indéterminée. Mais la violence des flammes, et l'absence totale de fonctionnement du système anti-incendiaire interne ayant permit la soudaine rapidité de leur propagation, tendent à indiquer qu'il serait d'origine criminelle…»]

La simple mention du terme «origine criminelle» par association d'idée avec l'image du bâtiment en flamme, soi-disant réputé pour être une forteresse imprenable, ne fit faire qu'un tour à leurs sangs.

«Putain de nom de dieu !» S'exclama Hawke. «On s'est fait damné le pion : la Faucheuse est déjà là !»

«Comment elle a fait pour passer toutes les défenses de l'ambassade sans que l'alerte n'ait été donnée ?!» D'exclama Miles, abasourdis.

«C'à n'a aucune importance pour l'instant !» Coupa fermement la directrice. «La gouvernante Matis est encore à l'intérieur, tout comme une centaine d'autres employés et personnel de sécurité. Mais les communications avec l'intérieur de l'ambassade sont coupées, leur système électronique et informatique visiblement hors de contrôle par l'inactivité marquée de leur système anti-incendiaire, et le dôme de toile ainsi que le barrage d'entrée se retournent contre eux en empêchant les secours de pouvoir intervenir. Il n'y a qu'une personne qui puisse être capable d'un tel stratagème et c'est bien celle que nous recherchons.»

«Mais on a quoi comme plan d'approche ?» Répliqua Léonid. «Même si elle est encore à l'intérieur : comment on est sensé intervenir avec la présence de la police ou les médias ?»

«Le message d'avertissement à été relayé à la Ligue et au directeur de police de la ville : ces derniers quadrillent intégralement le secteur immédiat de l'ambassade et bloque tous les accès de la ville en instaurant le blocus d'urgence, pendant que des topdresseurs déjà présents apportent toute l'aide possible jusqu'à l'arrivée de Lovis et ses pokémon eau ; ils s'occuperont d'attirer l'attention des médias et du public pendant qu'on se chargera de la Faucheuse.»

«Et on entre comment ?» Continua Hawke. «J'veux dire qu'on n'est pas comme elle ; on va pas entrer dans l'ambassade comme dans un moulin.»

«C'est là que nôtre statut de dresseurs affiliés à la Ligue va servir.» Reprit Nathaniel. «L'entrée de fonction secondaire Nord est par là où transit tout le service privé servent à ravitailler ou débarrasser l'ambassade de ses déchets ; c'est aussi par là que se dirige Mélina, la championne, avec toute son arène pour prêter assistance.»

«En gros on se fond parmi un groupe de karatéka en kimono, avec nos manteaux et nôtre dégaine tranchant totalement avec la leur, en n'espérant que ces derniers et les gardes présents, qui doivent être sur les nerfs, ne nous suspectent pas d'être de potentiels intrus ?» Releva Miles.

«La championne n'a pas participée à l'assaut dans le marais, mais elle sait le rôle que nous y avons joué. Cela lui suffit amplement pour nous faire confiance et vous permettre d'évoluer tranquillement parmi ses dresseurs en se portant garante pour vous. Dès que les gardes chercheront à savoir qui vous êtes, vous montrez vos cartes de dresseurs et la championne se chargera du reste.»

«L'heure n'est plus à la discussion, mais à l'action.» Reprit la directrice d'un ton cassant. «Les renforts du maitre n'arriveront pas encore avant un moment, les rares topdresseurs présents sont surchargé à aider comme ils peuvent les pompiers, et la police est éparpillée à maintenir son cordon de sécurité autour de l'ambassade et à surveiller tous les points de passage de la ville. Ce qui ne laisse que les dresseurs d'arène comme seule chance pour la Gouvernante. L'escouade Léonid fera jonction avec celle de Louge pour l'ambassade, mais l'équipe Miles et Zaon restent en réserve pour attendre l'arrivée des champions du Sud. Vous avez vos ordres, préparez-vous au combat !»

«A vos ordres !» Répondirent-ils tous en même temps.

«Et les champions ?» Continua Zaon dans le mouvement.

«Ils arrivent tous à peu près en même temps : l'héritier et le kamikaze doivent déjà être arrivés au port, au Nord de la ville, tandis que Lovis et la championne de Kanto vont arriver par le Sud d'ici peu.»

«Et que fait-on si on arrive trop tard ?» Posa platement Gaston.


Les agents se stoppèrent net. Voilà la question si redoutée que personne n'osait poser, tout en sachant qu'il fallait la poser. De son côté la directrice aurait espérer, comme le reste des autres agents, qu'aucun ne daigne à la poser pour rester concentrer sur l'idée que leur intervention serait utile. Mais elle savait pertinemment qu'avec l'adversaire qu'ils avaient en face ils devaient se préparer à la pire des éventualités.


«L'explosion est une diversion.» Commença-t-elle. «Toute l'attention est posée sur l'incendie qui ravage le sommet, et l'absence de réaction de la part du système anti-incendiaire doit obliger les gardes à diviser leurs forces pour s'en charger en même temps que d'assurer la sécurité des employés. Mais le fait est que personne n'est encore sortit par l'entrée Nord qui peut servir de plus grande sortie de secours justement en cas d'imprévus de cette gravité ; ce qui veut dire qu'ils restent tous bloqués à l'intérieur pour une raison inconnue. Hors si la gouvernante était tuée, il serait certain que tous seraient sortis et qu'elle en aurait profitée pour se fondre dans la masse et s'exfiltrer en toute discrétion.»

«Alors elle a de grandes chances d'être encore en vie.» Conclut-il.

«Chances qui ne cessent de s'amoindrir au fur et à mesure que vous rester là sans réagir.» Renvoya-t-elle d'un ton si cassant qu'il s'attendait à sentir leurs tympans se briser comme du verre. «Vous avez vos ordres, EXECUTION !»


La demi-douzaine d'agents quittèrent promptement les lieux en passant par la porte principale au lieu de celle secondaire (personne ne devait avoir vu leurs volets ouvert en comparaison de l'incendie ; de toute façon il était prévu qu'ils le quittent lors de leur retour), avec une telle rapidité que cela ressemblait même plus à une fuite qu'à une sortie. C'à n'était pas comme si leur directrice était dans la pièce, mais l'idée d'y rester un instant de plus leur apparaissait comme une plus mauvaise idée que de se jeter droit dans les flammes d'un incendie – littéralement ; incendie dans lequel devait évoluer le tueur le plus dangereux de l'histoire de surcroit… C'était à se demander qui était la plus terrifiante des deux : la directrice ou la Faucheuse ?

Probablement, la solution la plus prudente serait de faire attention avec l'une comme de l'autre.


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«N'approche pas ! N'APPROCHE PAS !!!»

«Je vous approche pas, c'est vous qui me coursez !»

«N'APPROCHE PAS, SALE MONSTRE !»


L'homme, un des nombreux employés de pause à la cafétéria parmi tant d'autres lorsque l'explosion éclata, se rua sur le garde du corps personnel de la gouvernante, un couteau en plastique «menaçant» tendu fiévreusement dans ses mains, en poussant un cri. Mais sa «charge» fut aisément esquivé par ce dernier d'une feinte sur le côté, et continua sur quelques mètres avant de s'arrêter pour refaire face à son «agresseur»… Son regard, emplit de panique, suffisait à lui indiquer que l'employé en face de lui avait totalement perdu le contrôle de lui-même. Mais pas lui ; bien qu'il ne comprenne pas pourquoi. Ce qui n'était alors pas sa préoccupation principale, comparée à celle d'essayer de raisonner l'homme paniqué en face de lui qui voulait le poignarder, et surtout celle d'éviter de se faire taillader par la même occasion !

L'homme fou chargea d'un beuglement, à nouveau esquivé sans la moindre difficulté par le garde honoraire, mais se vautra lamentablement sur le sol alors qu'il avait profité du moment où l'homme le manquait pour lui faire un croche-patte tout ce qu'il y'a de plus simple (très bien porté dans le sens où il perdit son couteau par la même occasion). Il profita immédiatement de l'ouverture qu'il s'était crée pour se positionner dans son dos, poser son genou au milieu de sa colonne en même temps que ramener de force son bras à l'arrière, et le neutraliser en à peine un instant (plutôt pas mal en considérant qu'il négociait depuis le début avec un bol de salade en main.)

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La menace que représentait l'homme désormais écartée (bien qu'il vocifère encore férocement), Théo Lagarde reporta son regard sur le chaos qui s'abattait tout autour de lui, et constata interdit les effets de la folie qui avait gagnée presque la moitié des personnes, employés comme gardes, présentes au moment où l'explosion avait violemment retentie. Mais n'arrivait toujours pas à en croire ses yeux. Partout où il les posait, il ne voyait toujours que la même scène : des hommes et des femmes affolés se jetant les uns sur les autres en hurlant de panique, et ceux n'étant pas atteint par l'accès de folie généralisé qui tentaient aussi péniblement que possible de les éviter pour sauver leurs vie ; la tâche se révélant herculéenne pour les gardes qui perdirent le tiers de leurs effectifs dans cette folie furieuse, et dont les deux tiers restant étaient répartis chaotiquement à devoir faire face à ces derniers en même temps qu'à gérer l'incendie.


«Lagarde !»


Ce dernier se tourna pour faire face, au figuré, à l'un des gardes de l'ambassade, qui n'avait pas visiblement l'air affecté par la folie. Cette nouvelle aurait pu lui permettre de souffler un instant, mais la vitesse à laquelle le garde se dirigeait vers lui le fit au contraire siffler d'exaspération ; exaspération qui se confirma lorsque le garde tenta de lui enfoncer à son tour une forme de pic incapacitant dans le corps pendant qu'il retenait l'autre homme, et qu'il esquiva de justesse par ses réflexes. Bien que ce faisant il fut obligé de relâcher l'homme qu'il maintenait à terre.


«Bordel, mais on peut savoir ce qui vous prend ?!» Finit-il par s'écrier par-dessus le tumulte du chaos ambiant.

«Je savais que c'était trop dangereux de laisser un civil aussi instable et arrogant qu'un flic vaquer à sa guise, et j'avais raison !» Rendit ce dernier en lui pointant le pic. «Si on ne t'avais jamais laissé entrer ici, rien de tout ça serait arrivé !»

«Hein ?! C'est quoi ces conneries ?!»

«Nous faire passer nous, les gardes du corps, du personnel privé de protection compétent et entrainé, pour des moins que rien ne te suffisait pas ; il fallait que tu fasses brûler l'ambassade pour démontrer que nous étions inutiles et faire retomber toute la faute sur nous ! Mais ça n'arrivera pas, sale traitre !»


La violence et l'invraisemblable des propos vociférés par le garde le laissa littéralement sur place. Sur le coup, cela s'avéra presque fatal alors que son désillusionné «ex-allié» fit décrire un large arc de cercle de son long pic en direction de sa tête, et en esquiva la foudroyante morsure de peu lorsqu'il sentit le faible appel d'air caresser sa peau là où aurait dû toucher le coup.


«Mais vous avez complètement perdu la tête ! Y'a pas un jour depuis que je suis arrivé que je n'ai quitté le bureau du gouverneur en dehors des repas ou de l'angle de vision des caméras : comment j'aurais pu déclencher un truc pareil sans que personne le voit ?!» S'écria-t-il en tentant vainement de le raisonner.

«MEURT !»


C'est avec amertume qu'il constata l'échec de sa dernière tentative lorsque le garde s'élança vivement sur lui, pic en avant, dans ce qui s'apparentait à une frappe d'estoc mortelle visant le cœur. Mais si son adversaire était un personnel compétent et entrainé, il n'était pas non plus en reste de son côté. Avec un énorme avantage en comparaison : lui avait l'expérience de la pratique sur le terrain. Les petites frappes dans la rue qui se croyaient dangereuses avec une arme blanche à la main, il les mangeait comme ses céréales au petit déjeuner.

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Alors que la logique instinctive aurait voulu qu'il recule pour se mettre hors de portée du coup, le policier s'élança au contraire à l'encontre de son agresseur ; le bol de salade tenu juste au cœur. Ce dernier, surpris par l'aspect suicidaire de la manœuvre, n'avait pourtant pas l'intention de s'arrêter dans sa course. Mal lui en prit. Etant emporté dans son élan par l'estoc, le pic contondant de son bâton incapacitant fut légèrement détournée par la forme oblique du plat à salade lorsque la pointe le toucha, et la charge en entière fut esquivée dans le même mouvement alors que «l'instable et arrogant flic» se laissa emporter par le mouvement pour se retrouver sur son côté, et lui donner un coup de sa main libre dans sa course pour le déstabiliser et le faire chuter à terre à son tour.

Malheureusement, comme dit l'adage : jamais deux sans trois. A peine prenait-il le temps de souffler que deux bras, sortis de nulle part, vinrent le prendre par-dessous les aisselles, en le faisant lâcher la salade qui s'étala par terre dans un bruit étouffa par ceux de la panique ambiante, pour finir par joindre les mains derrière sa nuque sous la forme d'une prise qui neutralisait toute possibilité de fuite sans assistance.


«T'es cuit, connard !» S'exclama rageusement la voix de l'énième garde fou qui le retenait prisonnier.

Alors qu'il s'apprêtait à lui répliquer d'une remarque particulièrement cinglante, il s'interrompit à la vue du second garde à terre qui se relevait. Plus déterminé que jamais à se venger.

«C'est finit, va pourrir en enfer !»


Dans un dernier cri de rage guttural le garde s'élança sur lui, son pic en avant, seulement animé par son désir désillusionné de le voir périr de ses mains ; au point qu'il en oubliait totalement son «camarade» derrière lui qui allait se faire empaler par sa rage aveugle. Le policier fut horrifié par la folie furieuse avec laquelle son agresseur voulait si chèrement sa peau, et fut encore plus terrifié de voir que celui qui le retenait semblait lui aussi aveugle à la réalité à préférer ne pas le lâcher au risque de mourir plutôt que de penser à sa propre vie. Mais Il n'avait pas le temps de penser à ça ; s'il ne faisait rien, il allait y passer pour de bon ! Mais il avait beau se débattre comme il pouvait, jusqu'à mettre toutes ses forces dans ses talons en tapant sur ses tibias, rien n'y faisait. Son geôlier ne le lâcherait jamais de son vivant. Et son bourreau au pieu mortel se rapprochait fatalement…

N'ayant plus rien à perdre, et profitant de la poigne de celui qui le retenait, il s'inclina légèrement en avant pour forcer son «partenaire» à suivre la mesure, avant de mettre toutes ses forces dans ses jambes pour sauter en arrière dans l'intention de le déséquilibrer violemment. Cependant, de part la forme de la prise jointe derrière sa nuque, cette manœuvre ne pouvait fonctionner qu'avec un agresseur plus petit que soi ; ce qui n'était pas le cas ici. Mais ça n'était pas son vrai but… Lorsqu'il se retrouva dans l'angle prévu au dessus de son agresseur, ce dernier ployé en arrière pour encaisser et nullifier sa tentative de fuite, il avait conservé sa jambe droite collée le long de son corps pour garder sa balance, pour permettre à sa jambe gauche, déployée dans les airs, de revenir brutalement en cloche dans sa direction… Et de frapper plein talon dans son entrejambe.

Son geôlier hurla de douleur en cessant son étreinte au profit de vouloir apposer ses mains sur ses précieux horriblement profanés, dont le policier saisit l'occasion qui lui était offerte de pouvoir s'échapper. Mais c'était trop tard : le second garde était sur lui dans la seconde qui suivait. Son angle d'approche et sa vitesse ne lui permettait aucun moyen d'esquiver à temps. Et il savait instinctivement que, peu importait la direction par laquelle il choisissait d'esquiver, la décharge provoquée par le bout du pic dans sa chair le sonnerait et le laisserait fatalement à la merci de ses agresseurs.

Perdu pour perdu, il se décida à s'incliner de tout son corps en avant en suivant au maximum le mouvement contraignant imposé par l'homme que le retenait encore un instant avant ; à l'image d'un pokémon combat ou un boxeur préparant un uppercut. Puisqu'à l'esquive basique il allait y passer, autant risquer une dernière attaque à emporter son adversaire avec lui dans le coma. Cependant il n'eut pas besoin d'en arriver à cette extrémité. De même qu'il n'allait ni se faire choquer par les foudres du pic, ou même se faire égratigner son costume par ce dernier. Son salut providentiel n'allait pas venir de l'intervention providentielle d'un humain, d'un pokémon, ou même d'un dieu… Mais d'un légume.

Lorsque le garde belliqueux était sur le point de venir l'empaler de toute la force de sa rage, le dernier pas qui le séparait de sa Némésis se posa sur les lisses feuilles de laitues nappées d'huile d'olive qui, rendues encore plus glissantes par la présence de la mayonnaise fraiche, des tranche de tomates fraiches, et des œufs mollets dont le contenu, éparpillé et mélangé aux autres onguents gustatifs sur le sol, donnaient à ce dernier les mêmes propriétés adhérentes qu'une patinoire. Ce que les deux gardes, l'agresseur comme le geôlier, apprirent tous deux en même temps dans la douleur ; quand le premier, lâchant son pic par le soudain déséquilibre, se prit un formidable crochet ascendant de la part du policier en plein dans la mâchoire, en le faisant littéralement décoller du sol par la puissance du coup ; tandis que le second, toujours derrière, reçut dans la continuité le pic incapacitant voletant en plein sur la partie dénudée de son cou, dont il ressentit la terrible morsure lorsque la décharge purement foudroyante se déversa d'un coup dans tout son corps.

Ses deux agresseurs étaient finalement neutralisés, et le troisième dont il s'était chargé initialement s'était enfuit devant sa démonstration sans demander son reste. Tout ça grâce à une niçoise d'excellente qualité.

Mais alors qu'il regardait les restes de l'allié improbable à qui il devait la vie, la vue des tomates écrasées, des œufs réduits en bouillie, des feuilles piétinées et de la signification qu'il percevait derrière le fit brutalement revenir à la réalité ; sachant à qui elle devait être destinée.

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Il délaissa sans plus d'attention les deux hommes qu'il avait mit à terre pour se diriger vers un groupe de garde, dont l'énergie qu'ils déployaient à combattre l'incendie pour éviter qu'il ne pénètre dans les lieux lui indiquait que ceux-là n'étaient pas fous. Ces derniers n'eurent cependant pas la même perspicacité que lui en le voyant courir à toute berzingue sur eux, et deux d'entre eux se préparaient déjà à le recevoir via deux pics incapacitants. En bonne et due forme.


«Attendez ! Baissez vos armes, je ne suis pas fou !» Fit-il en levant bien se bras en l'air.

«Qu'est-ce que vous voulez ? Vous voyez pas qu'on est occupé à empêcher les flammes de se répandre à l'intérieur ?!» Lui fut-il renvoyé sèchement sans qu'ils ne baissent leurs armes.

«La gouvernante Matis, où est-elle ?!» Pressait-il en sachant qu'elle devait avoir quittée son bureau depuis un moment.

«Sûrement extradée en sécurité dès que l'explosion à retentit.» Lui fut-il éconduit sans plus.

«Mais où ?!» Insistait-il autant que possible.

«Sûrement loin d'ici en tout cas !» Répondit-il d'un ton limite méprisant.

«Est-ce que c'est le fait de voir vos propres coéquipiers se retourner contre vous qui vous rends si antipathique, ou c'est le fait de savoir que j'entretiens une relation avec elle qui vous rend à ce point là crétins que vous en oubliez que tout ce chaos est là exprès pour elle ?!» Explosa-t-il de colère. «Les employés cèdent à la panique en étant devenus complètement fous, vos propres collègues contribuent à aggraver la situation en étant eux aussi atteints, et l'ambassade entière est en proie aux flammes et au chaos ! Mais vous trouvez quand même le moyen de me cracher à la gueule ?! ARRÊTEZ DE VOUS COMPORTER COMME DES CONNARDS D'ABRUTIS ET DITES-MOI OU ELLE SE TROUVE !!!»

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Que ce fut par la force de ses arguments, ou tout simplement impressionné par l'accès de rage sous lequel ils furent énumérés, le garde réticent daigna finir par obtempérer en délaissant son pic pour prendre la communication à l'oreille.


«Contrôle, ici équipe de sécurité 15. Demandons localisation et confirmation que la gouvernante Matis soit en sécurité !»

Le message renvoyé par le contrôle lui fut malheureusement rendu pratiquement inaudible par une sorte de grésillement persistant sur la ligne.

«Contrôle, est-ce que vous me recevez ?!» Recommença-t-il plus fort.

«…*Crrr* -ipe 15 *Crrr* Rés *Crrr* -promis *Crrr* Code S-*Crrr*…»

«Répétez contrôle !»

«Code Sigma *Crrr* Répê-*Crrr* -de Sigma*Crrr*»

Ne sachant rien de leurs codes et leurs significations, la tête paniquée des gardes (encore plus que par le feu) fut suffisante à lui faire comprendre que c'était plus qu'inquiétant.

«Contrôle externe, ici équipe de sécurité interne 15 ; Code d'identification Umicron Nantis Ypsès Siomédès. Code Sigma ! Je répète : Code Sigma !» Répéta le premier garde en criant dans son micro. «Relayez d'urgence l'appel à toutes les équipes de sécurité, et lancez la procédure d'ouverture du dôme !»

«Bien reçu équipe 15. Code Sigma confirmé : Transfert du statu de commandement à la cellule externe. Procédures d'urgence d'ouverture du dôme, déverrouillage des portes blindées de l'entrée engagées et des contres-procédures de blocage forcé des pokéballs. Mise en application des directives de communication d'urgence, et transmission des nouvelles directives relayées à toutes les équipes sur la fréquence d'appel zéro des balises/relais.»


Ses présomptions furent encore plus confirmées en les voyant ranger leurs pics pour sortir le petit relais physique de leurs chemises en question, y effectuer quelques rapides manipulations… Et commencer à courir dans la direction opposée au feu pour revenir dans l'ambassade ; abandonnant purement et simplement la cour à ce dernier.


«C'est quoi ce Code Sigma ?!» S'exclama-t-il choqué par cette fuite organisée qui s'étendait à tout le reste de leur personnel.

«C'à veut dire que tout le réseau du bâtiment est compromis au plus haut niveau de sécurité, et qu'il faut immédiatement passer sur la fréquence d'urgence des cellules externes !» Répondit le garde à la va-vite en oubliant toute forme de protocole sécuritaire à son égard de «civil».

«En abandonnant les lieux ?!» Reprit-il à sa suite dans la course.

«Pas le choix ! Si tout le réseau est compromis, on ne fait que s'exposer inutilement au danger en restant ici plus longtemps ; on recevrait une directive du contrôle qu'on ne saurait pas si elle est légitime ou non. Et si c'est pas le cas, on pourrait foncer droit dans un piège !»

La seule notion du mot «piège» déclencha instantanément une réaction foudroyante de la part du flic, qui se jeta littéralement sur le garde pour l'arrêter de force dans la course.

«Vous êtes dingue ! Qu'est-ce qui vous prend ?!»

«Tatiana ! Dîtes-moi où elle se trouve !!» S'époumonait-il.

«Mais arrêtez ! On vous a dit qu'elle avait sûrement déjà été évacuée en top priorité !» S'écria un des gardes suivant la course qui cherchait à les relever de force avec ses collègues.

«Si tout vôtre réseau est compromis et qu'elle s'est faite évacuer AVANT vôtre code d'urgence, ça veut dire qu'elle fonce dans un piège et qu'elle est en danger de mort ! TROUVEZ-LA, MAINTENANT !!!»

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Réalisant avec horreur la réalité de cette possibilité, il fallut quand même un effort de volonté aux gardes pour accéder d'eux-mêmes à la requête du policier ; l'effroi d'imaginer un seul instant que leur négligence et condescendance puissent être à l'origine d'un tel drame constituait un sentiment de peur comme ils n'en n'avaient encore jamais ressentit avant. L'ironie fut que l'hésitation fut balayée par la panique que cette crainte représentait. Et le plus proche d'eux s'exécuta dans l'instant.


«Contrôle externe, ici équipe 15 : demandons d'urgence état de la situation de la gouvernante Matis !» S'écria-t-il, la main à l'oreillette.

La réponse qui fut donnée après les quelques douloureuses secondes de silence nécessaires à sa formation plongea le policier dans la notion même du désarroi.

«La balise relais dans la broche de fonction de la gouvernante ne fonctionne plus ; pareil pour celle des gardes composant l'équipe s'assurant de sa sécurité.» Répondit platement le personnel relayant les instructions du contrôle.

Son sang ne faisant qu'un tour, le policier arracha de force l'oreillette du garde encore à terre sous lui, ainsi que tout le nécessaire allant avec ; sans même que ce dernier ait pu penser à réagir.

«Où se dirigeaient-ils avant que leur signal n'ait disparut ?!» Reprit-il en récupérant l'oreillette tout en se remettant debout.

D'abord réticent à répondre, en ne reconnaissant pas leur timbre discipliné habituel venant de cette voix, la dureté dont elle était imprégnée excluait toute tentative de dissimulation –volontaire ou non.

«Leur dernière position connue, transmise par leurs balises avant de s'éteindre, les situait dans l'aile Est, pour la Sortie Cirtion…»


Le personnel n'eut le temps de rajouter quoique ce soit qu'il avait déjà délaissé les gardes pour s'élancer à toute vitesse vers l'accès du labyrinthe menant à la sortie en question ; sans attendre leur approbation ou réaction. Une seule chose lui occupant l'esprit alors qu'il courait comme il n'avait jamais couru aussi vite de sa vie jusqu'à présent : Tatiana.


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Cette dernière, de son côté, bien que désormais loin du vacarme qui ébranlait l'ambassade et de toute l'agitation qui en découlait, n'avait toujours pas réussit à formuler un mot envers ses protecteurs. Les couloirs du labyrinthe qui se succédaient sans fin devant ses yeux lui paraissaient ternes et monochromes ; dont chaque virage menant à un nouveau couloir lui semblait qu'une extension du dernier sans aucun repère pour l'aider à se situer, la laissant complètement perdue sans l'aide de ses gardes. Cette vision l'inquiétait plus que de la rassurer. Elle, qui n'était pas pourtant claustrophobe, devait reconnaitre que chaque nouveau détour lui donnait l'impression de s'éloigner de là où elle voulait vraiment se trouver. Sans plus jamais pouvoir faire marche arrière.

Elle n'arrivait pas à croire ce qui se passait, encore moins à le réaliser. Encore quelques heures plus tôt elle rédigeait calmement ses rapports, signait fastidieusement les documents présentés sur son bureau, et menait tranquillement sa vie de bureaucrate en profitant de la vue de la ville roc par les grandes fenêtres du bureau, depuis la position surélevée procurée par la «petite» colline rocailleuse sur laquelle avait été construite cette ambassade aux allures de forteresse. Elle n'avait jamais comprise pourquoi le Consortium déployait de tels moyens et une telle énergie à construire ses édifices de manière à vouloir paraitre outrageusement imposants en faisant un étalage inutile de sa puissance économique ; qu'elle ne considérait plus que comme une forme puérile de caprice sous l'impulsion d'une crise d'égo que d'une réelle nécessité. Mais elle savait reconnaitre quand le projet d'une entreprise était parvenu au but qu'il s'était fixé. Et quand elle posa les yeux la première fois sur le bâtiment dans lequel son père allait officier, sachant déjà à l'époque l'inquiétude qu'elle lui portait quand à son bien-être, même elle dut reconnaitre qu'elle s'était sentit soulagée de savoir qu'il était à l'abri de tout danger dans un endroit aussi sûr…

Endroit étant tombé en une nuit, comme le fragile colosse aux pieds d'argile qu'il s'était réellement révélé être.

Elle ne comprenait pas… Pourquoi… Pourquoi lui avoir menti, pourquoi avoir tué son père, et pourquoi aller jusqu'à prendre d'assaut un bâtiment public tout entier juste pour elle ? Tout lui donnait l'impression d'être prise dans une spirale dans lequel elle ne savait même plus discerner le haut du bas, qui était allié ou ennemi, qui disait vrai ou faux. Son propre père lui cachait des choses, ses «subordonnés» étaient versatiles au-delà de la moyenne, et le tueur voulant sa mort, qui se prétendait être la neutralité incarnée, déployait des moyens incommensurables pour mener à bien son macabre objectif ; sans penser un seul instant aux dommages collatéraux…

Elle n'arrivait pas à penser à autre chose : pourquoi elle ? Qu'a-t-elle fait qu'il faille déployer de telles mesures pour la réduire au silence ? Qui a-t-elle bien pu même ne serait-ce qu'irriter un jour qui veuille à ce point se venger d'elle ? Qu'elle pouvait être la raison motivant le fait que l'on désire sa mort à ce point ; elle qui avait toujours tout fait pour paraitre la plus exemplaire et irréprochable possible aux yeux du monde, et même de ses adversaires ? C'est comme si d'un coup elle apprenait que, peu importait la grandeur de ses actes, la noblesse de son image modèle, ou même le poids de ses paroles, l'appui qu'elle représentait sur la balance du pouvoir, et tous les combats qu'elle mena jusqu'à présent avec son père et sa mère ne représentaient rien…

Quand bien même, aussi dure que cette révélation lui eut apparut, cela ne changeait rien à la peur qui l'habitait de tout son être : celle de ne pas accomplir le rêve de son père et de sa mère, de réaliser leur idéal de ramener les îles à leur état originel, et de pouvoir graver à jamais le nom de leur famille dans l'histoire ; et que cette seule chance lui échappe à jamais entre les griffes cruelles et injustes de la réalité qui désirait plus que tout au monde qu'elle échoue. En un mot : la peur de mourir.

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C'est alors qu'ils arrivaient au bout d'un énième détour qu'elle se décida finalement à vouloir savoir combien de temps cette course infernale devait durer. Mais au moment où elle s'apprêtait à poser la question quand ils pénétrèrent dans un nouveau couloir anonyme, au fond du détour de celui-ci apparut une nouvelle silhouette à l'apparence semblable à celle des gardes ; à la différence près que celle-ci semblait reculer de là où elle venait, comme si elle surveillait quelque chose derrière elle, et semblait essoufflée…


«Hey, identifiez-vous !» Fit le premier garde d'un ton fort et clair.

La concernée se retourna un instant sans réagir, comme sous le coup de la surprise, avant de finir par répliquer.

«Mais qu'est-ce que vous faites ici ?! Retournez en arrière !» S'exclama-t-elle en retour en venant à leur encontre.

«Plus un geste !» Renvoya-t-il en sortant son pic, rapidement imité en cela par ses collègues. «Identifiez-vous dans l'instant, c'est un ordre !»

«Nélise Sisca, équipe de sécurité 33, matricule privé A107B21C33, code d'identification : Tétra, Alpha, Lapis, Epsilon.» Répondit-elle immédiatement, sur une note monocorde mais ferme en montrant la fiche holographique projetée par sa montre.

«Basile Timkamp, équipe de sécurité 19, matricule privé A202B81C05, code d'identification : Alpha, Roméo, Orion, Nantis.» Renvoya ce dernier en montrant sa propre fiche.

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Alors que les regards étaient concentrés sur les fiches d'identification qui se passaient respectivement par une batterie de vérification lorsque les montres s'analysèrent via un échange de donnée codé (dont le cryptage ultra sophistiqué les encodant, à part de celui du réseau, interdisait toute forme d'usurpation de donnée), la gouvernante s'intéressa plus sur l'apparence de la dernière venue : un peu plus petite qu'eux, elle conservait pourtant la même apparence, jusqu'aux lunettes noires. Cependant, même si son visage apparaissait sur la fiche aux yeux de tous, son col plus relevé que les autres et le noir de sa chevelure mate l'empêchait de la voir correctement ; ce qui lui fit penser qu'elle puisse ne pas être qui elle prétendait être.

A peine eut-elle imaginée cette possibilité que sa peur se réveilla de plus belle. Mais elle fut balayée presqu'aussi rapidement lorsque l'intense, mais rapide, batterie de vérification les gratifia d'un code de confirmation reconnu et parfaitement viable qui l'innocentait totalement.


«On peut savoir à quoi vous jouez : qu'est-ce qui vous prend de foncer droit sur l'insurrection armée ennemie avec la gouvernante ?!» Reprit cette dernière d'une note exaspérée, tout en reprenant son souffle.

La partie surprise seule s'étendit à tout le reste du groupe par la réplique à l'apparence de réprimande qu'elle leur lança ; à laquelle, de réaction, elle parut encore plus troublée.

«Attendez, ne me dîtes pas que vous venez ici sans savoir qu'on se fait attaquer ?!» Continua-t-elle presque stupéfaite.

«Bien sûr qu'on sait qu'on se fait attaquer ; tout comme l'on a reçu l'ordre d'évacuer la gouvernante ! Mais le contrôle nous a assuré que l'insurrection venait par tous les autres accès, et que seule la sortie Est était sûre !» Se défendit un autre garde fermement.

«Quoi ? Mais c'est tout faux : c'est de l'accès Est dont est arrivée l'attaque !» Répliqua-t-elle sur le même ton.

«Mais pourquoi le contrôle irait nous relayer des informations érro-»


L'étonnement passa à la stupéfaction sur le visage du garde et de son interlocutrice, avant de se transmettre rapidement au reste du groupe qui n'arrivait pas à croire ce qu'il fallait comprendre par là ; auquel le premier se devait de vérifier ses craintes en mettant la main à son oreille.


«Contrôle, ici équipe de sécurité 19, me recevez-vous ?»

Seul le grésillement parasitaire vint en retour sur leurs fréquences, ce qui n'était pas pour les rassurer.

«Contrôle, répondez s'il vous plait !» Pressait-il à nouveau d'entendre une réponse.


A nouveau le désespérant grésillement continuel fit écho sur leurs transmissions en l'attente d'une réponse. Mais alors qu'il allait abandonner l'idée de continuer l'appel, c'est enfin qu'une réponse décente se fit entendre.


«Ici Contrôle, nous vous recevons équipe 19.»

Bien que rassuré à l'idée d'entendre à nouveau le côté monotone caractéristique de son personnel, l'attente inhabituellement longue dont ils firent preuve l'incita à continuer sur la voie de la prudence.

«Contrôle, demandons mise à jour sur l'itinéraire d'évacuation.»

«Inchangé.» Lui fut-il répondu dans l'instant. «Le chemin devant vous menant à la sortie Cirtion est complètement dégagé. Continuez, équipe 19.»

«C'est faux, tout l'accès Est du Dédale est compromis !» Répliqua-t-elle immédiatement. «Je le sais, c'est moi même qui vous ai donnée l'alerte lorsque mon coéquipier s'est fait descendre !»


Un lourd et douloureux silence s'installa dans le couloir à la suite de cette révélation, dont les gardes du groupe savaient qu'il ne pouvait n'y avoir qu'une seule vérité. Et lorsque cette dernière éclata, elle leur fit descendre à l'unisson un frisson désagréable le long de l'échine.


«Ah merde, vous êtes tombée sur la gêneuse qui a réussie à s'être barrée.» Rendit la voix du «contrôle» d'un ton blasé. «Dommage, vous auriez continués encore quelques dizaines de mètres et vous auriez eut le droit à une mort rapide et indolore. Mais bon, maintenant va falloir faire preuve de moins de finesse.»

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Eurent-ils à peine réalisés qu'ils s'étaient faits manipulés depuis le début que des bruits en direction des couloirs d'où venait la «gêneuse» en question résonnèrent des échos de dizaines de pas se rapprochant fatalement d'eux, et dont la source se rapprochait de plus en plus dangereusement.


«Grégory, passe la gouvernante à Nélise, et Lance, Philipe, Sébastien, avec moi à l'avant ! Formation en M !» Ordonna Basile.


Alors que le premier s'apprêtait à délaisser la gouvernante pour la confier à leur alliée d'infortune, pendant que les autres s'avançaient autour d'elle pour indiquer qu'il la relevait déjà, celle-ci émit une vive opposition.


«Mais qu'est-ce que vous faites ?! Vous n'arriverez jamais à les contenir, même à cinq ; il faut s'échapper de là tout de suite !» S'exclama-t-elle.

«Essoufflée comme vous êtes, en plus de la gouvernante, on n'arrivera jamais à les semer.» Posa-t-il platement. «Partez : nous restons en arrière pour couvrir vôtre fuite et vous donner autant de temps que possible.»

«Justement ! Mieux vaudrait l'un d'entre vous encore en pleine forme pour assurer sa sécurité, plutôt que moi !»

«Vous seriez plus un poids qu'une aide.» Répliqua-t-il sèchement.

«Je peux encore me battre !» Se défendit-elle.

«Garde Nélise, ce n'était pas une requête : c'était un ordre !» Tonna-t-il fermement pour couvrir le bruit des pas qui se rapprochait dangereusement.


Sans la laisser tergiverser d'avantage, le dénommé Grégory délaissa la garde de la gouvernante entre ses mains pour rejoindre ses collègues en formation autour de leur leader : deux à l'avant, éloignés de deux mètres l'un de l'autre, et deux juste à l'arrière, séparé juste d'un mètre, là où leur leader se situait virtuellement au milieu comme le sommet inversé central d'un «M» ; une formation purement encaissante. Devant laquelle la gouvernante et la jeune garde restèrent pantoise, malgré l'approche du danger et les ordres reçus.


«Qu'est-ce que vous fichez encore ici ?!» S'énerva le leader sans même se retourner, trop concentré sur la garde de son pic comme les autres. «Prenez la gouvernante, escortez-là jusqu'à la sortie Nord et évacuez les lieux ! Obéissez !»

«Mais… Vous ne pouvez pas espérer affronter autant d'ennemis tout seuls ; vous allez mourir !» S'exclama-t-elle d'une dernière tentative visant à les convaincre.

Quelques longues secondes de silence s'écoulèrent avant que ce dernier ne finisse par répondre.

«Bleusaille, tout le monde meurt un jour.» Commença-t-il calmement. «Nous avons dédiés nos vies à la protection d'autrui, et aujourd'hui nous ait offerte l'occasion de le prouver. Si ce jour là est celui de nôtre mort, qu'il en soit ainsi. Mais par Sinnoh, nous ne reculerons pas d'un pas !»

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D'un seul homme, les quatre gardes reprirent d'une même voix en raffermissant la prise sur leurs pics ; les traits de leurs visages figés dans une froide détermination impassible. Il s'apprêtait à affronter leur destin, mais allait le faire les yeux dans les yeux.

Pour la gouvernante, une telle démonstration de résolution la laissait sans voix, figée sur place de la même manière que les expressions de leurs visages. Elle qui craignait pour sa vie, des traitres de partout prêts à lui sauter à la gorge et, elle devait l'admettre, pensait même qu'il puisse y'en avoir parmi sa sécurité immédiate, de ses propres yeux elle voyait cinq d'entre eux, cinq personne, juste de chair et de sang, s'avancer au devant du danger pour la protéger avec tout ce qu'ils ont ; alors qu'ils allaient sans doute même affronter des pokémons avec l'inégalité que cela représentait en un contre un. Ils n'attendraient pas de médailles, pas de citation pour leur exploit, et on ne se souviendrait probablement jamais d'eux, ni même de leurs noms. Pourtant, ils étaient prêts à mourir pour elle au nom de leurs convictions, qui continueraient de vivre avec elle tant qu'elle était en sécurité. Elle n'avait pas de mot pour décrire le courage dont il faisait preuve, ni même pour exprimer sa gratitude de voir qu'il existait des êtres en qui avoir totalement confiance au point de leur confier leurs vie. Elle aurait aimée même juste leur dire un simple merci, mais que valait-il, ce merci, pour le sacrifice ultime qu'ils allaient faire ?

Puis, alors qu'elle était toujours là à les contempler silencieusement, elle reporta son attention sur la seule garde restante à qui était désormais confiée sa sécurité et la voyait toujours de dos juste devant elle, encore proche de ses collègues. Immobile et silencieuse… Elle se demanda ce qui pouvait se passer dans son esprit, si peut-être, tout comme elle l'était, cette démonstration rare d'altruisme était ce qui la bloquait à ne pas vouloir exécuter l'ordre qui lui avait été donné, sachant tout ce qu'il allait coûter, ou peut-être qu'à l'inverse, en voulant rester, il lui était donnée l'occasion de pouvoir se venger de ceux qui ont prit la vie de son partenaire tout en accomplissant son devoir, mais qu'ainsi à devoir obéir elle lui était refusée… Dans tout les cas elle ne la voyait pas bouger, et ne pensait pas à lui poser la question. Car elle savait que c'était la dernière fois qu'elle verrait ses collègues, et parce qu'elle savait aussi que même si l'ennemi arrivait à dix, à vingt, ou même à cent : aucun d'eux n'allait tourner le dos à la mort…

Finalement la garde mit fin à son indécision silencieuse en rangeant le pic qu'elle avait dégainé en même temps que les autres, ce qui marquait la seconde partie de ses présomptions à vouloir elle aussi se battre jusqu'au bout, et en fut quelque part soulagée ; car en rangeant son bâton, cela signifiait qu'elle reniait son désir au profit de son devoir… Du moins c'est ce qu'elle crut au début. Parce qu'une fois le pic rangé, celle-ci se mit alors à se rapprocher des deux gardes juste devant elle dans une manœuvre d'approche dont elle ne comprenait pas le sens entre alliés... Jusqu'à ce que les bruits dans le couloir, qui annonçait une arrivée ennemie imminente, ne s'arrête tout d'un coup.

Et que leur «alliée» ne révèle ses intentions lorsqu'elle vit l'éclat de deux fines lames acérées sortirent de ses manches.


«Je vous prends au mot.»

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Avant même qu'ils n'eurent pensé à réagir en conséquence, des cinq gardes, les deux plus proches d'elle furent les premiers à mourir lorsqu'elle étendit d'un coup ses deux bras vers l'arrière de leurs crânes, et que les deux lames au tranchant mortelle tracèrent leur voie jusqu'à leurs cervelets sans aucune résistance. Les tuant sur le coup. Sans un son.

Les trois gardes restants réalisèrent finalement le danger, ils se tournèrent pour faire face à leur traitresse Némésis. Du moins le tentèrent. Car à peine les deux corps privés de vie commençaient à vaciller vers le sol que les deux ailiers de l'avant les rejoignirent dans l'instant, lorsque la garde «fatiguée» profita du mouvement de rappel de ses bras en croix pour lancer ses deux lames comme des armes de jets qui allèrent se ficher en plein milieu de leurs fronts. N'en laissant plus qu'un encore debout.

Des cinq gardes ne restait plus que leur leader, mais aussi le plus expérimenté. Déterminé à vendre chèrement sa peau… Mais aussi grande que fut sa carrure et son expérience, cela ne représentait rien pour celle qui allait mettre un terme à sa vie. Car l'effet de surprise prônant sur toute autre considération tactique et n'ayant tourné son corps qu'à 180° par la gauche, largement trop insuffisant pour lui permettre de faire face, son adversaire ne lui laissa aucune chance en fondant droit dans l'angle mort sans avoir perdu la moindre seconde de temps ou d'initiative. Au ras du sol, comme un Lineon. Puis s'arrêta d'un coup pour donner deux coups précis à l'arrière de l'articulation de ses genoux, avec l'énergie de la vitesse accumulée pour le faire vaciller en perdant l'équilibre. Puis se redresser de sa hauteur pour arriver à la sienne alors qu'il s'effondrait, tout en apposant ses mains de chaque côté de ses épaules, à tirer sur la gauche et pousser la droite, pour le forcer à continuer dans la rotation. Ce qui le força à chuter de tout son poids, face contre terre, en perdant son pic sous le coup du choc.

Et à peine eut-il comprit qu'il avait perdu la partie, mais avant que l'horrible sentiment amer de défaite ne lui noue l'estomac, la tueuse qui se trouvait désormais sur son dos prit sa tête dans ses bras d'une étreinte lisse et puissante comme celle d'un Arbok ; La main droite passant sous son cou pour arriver du bout des doigts jusqu'à sa mâchoire, et celui du gauche l'accrochant par le menton avec bras gauche le maintenant fermement par la nuque.

La dernière chose que fit Basile Timkamp en comprenant qu'il était arrivé au bout du chemin fut de relever les yeux, de voir une dernière fois le visage de la fille du gouverneur Matis, et d'y lire dans ses yeux désespérés le reflet de son propre avenir. Avant que dans un bruit de nuque brisée il n'alla rejoindre sans un mot ses compagnons dans l'après vie. Alors qu'il se rendait compte qu'à ne pas vouloir reculer devant la mort…

Il ne savait pas qu'elle se trouvait déjà derrière lui.

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Cauchemar. Alors qu'encore quelques instants plus tôt elle ne savait pas quoi dire pour exprimer ses sentiments aux gardes, le revirement terrible de situation lui fit immédiatement mettre le doigt sur le mot du sentiment qu'elle n'espérait jamais ressentir à nouveau. Cinq hommes ; cinq gardes surentrainés dévoués jusqu'au bout pour elle qui furent éliminés en l'espace de tout autant de seconde. Pas un n'avait eu une chance. Pas un n'avait vu venir l'ampleur de la trahison qui se terrait dans parmi eux ni ses implications purement mortelles pour leurs propres vies. Et, au comble de l'horreur, leur meurtrière concrétisa leur résolution en les achevant sans qu'ils n'aient bougés de leurs position ; sans n'avoir ni avancé ou reculé d'un pas. Un cauchemar de voir celle qu'elle pensait être une alliée s'être jouée aussi macabrement d'eux comme d'un Chaglam inique avec un Rattata. Un cauchemar de la voir quitter le corps désormais sans vie du plus dévoué d'entre eux, et de voir le regard tordu et sans vie de ce dernier pointer vers elle de l'expression figée de la mort. Un cauchemar de la voir se relever pour se tourner vers les deux autres hommes à terre tout devant et de récupérer ses deux dagues de leurs crânes, couvertes de sang.

Mais que pire le cauchemar de celui d'assister à leur exécution sous ses yeux, sans une once de pitié, était dans son malheur de reconnaitre l'auteur de ce massacre soigné ; sans n'avoir pourtant jamais vu son visage. De ne savoir qu'il ne pouvait n'y avoir qu'une seule personne au monde qui puisse s'être jouée de ses protecteurs comme des amateurs. D'avoir trompée tous ses ennemis et même leurs systèmes comme si ça n'était qu'une mascarade. Des les avoir manipulée et fait dansée dans sa main comme de simple pantins pour l'amener droit devant elle sur un plateau. Et d'avoir brisé la forteresse de l'ambassade en une nuit sous la lame de sa faux.

Elle était figée. Pétrifiée de terreur, tandis qu'elle voyait le pire assassin que l'histoire n'ait jamais engendrée essuyer ses deux lames d'une petit mouchoir en papier pour leur rendre le même éclat avant qu'ils n'aient tués, de le réduire en une petite boule fripée, et d'esquisser une mimique de dégout horrifiée en la voyant le porter à sa bouche pour l'avaler sans un bruit… Et de passer à l'horreur tout court lorsque la silhouette se tourna vers elle avec la même présence qu'une ombre, et sentir son regard au travers de ses lunettes noires la percer de part en part de l'ordre le plus primal qui existe sur terre : Tuer.

La silhouette s'approcha d'elle. Lentement. D'une démarche lente, méthodique et mesurée. Sans se presser, ni prendre son temps. Une marche normale, mais pourtant si silencieuse que ses pas semblaient fouler le sol. Tandis qu'elle était pétrifiée, incapable de bouger. Ses membres paralysés à la simple pensée que tourner le dos pour s'enfuir, et elle finirait comme le garde au regard inexpressif sur le sol ; le bruit d'os brisé résonnant encore dans sa tête et se déversant dans chaque fibre de son corps. Chaque nouveau pas silencieux diminuant la distance qui les séparait l'une de l'autre, mais qui inversement amplifiait celui du bruit de la nuque cédant dans son esprit.

Plus elle se rapprochait, plus elle sentait sa frayeur atteindre de nouveaux pallier de terreur. Dévisageant son apparence immuable à la recherche du moindre signe lui permettant d'espérer n'importe comment qu'elle conserve un espoir de survie, mais ne constatant avec effroi qu'elle n'approchait qu'avec la froide implacabilité d'une machine. Une machine dénuée de toute émotion, de tout sens moral ou éthique, et uniquement animée par l'ordre de destruction le plus profond ancré dans chaque être vivant : répandre la mort.

Elle n'avait pas d'arme pour se défendre, et n'avait aucune expérience de close combat pour espérer le pouvoir. Les corps des gardes étendus devant elle lui faisaient comprendre qu'elle n'aurait eu aucune chance même si c'était le cas. Le fait qu'elle ait craquée la sécurité, réputée inviolable, et détruit en une seule action toute la cohésion du système dans l'ambassade avec l'incendie dans la cour, lui faisait réaliser qu'elle n'était qu'une fragile femme totalement à sa merci ; à la merci d'un assassin qui n'en montrait jamais aucune.

Réalisant que sa vie ne tenait qu'à un fil, et que ce fil allait être sectionné par la mortelle silhouette qui désormais se trouvait juste devant elle, à un pas à peine, les larmes commencèrent à couler le long de ses joues avec ses brefs sursaut de respiration saccadés ; la terreur poussée au paroxysme. Sans qu'elle ne puisse, dans son malheur, détacher les yeux du visage inexpressif de la silhouette. A regarder le noir mate de ses lunettes correspondant parfaitement à celui de sa chevelure. Jusqu'à ce que dans un geste lent à ces dernières ne se soit portée une main aux traits fins ; l'une des deux ayant brisée la nuque du pauvre garde –devant laquelle la gouvernante émit un sursaut d'inspiration terrifié. Puis les retira tout aussi lentement pour les ranger d'une seule main, d'un geste tout aussi silencieux et mécanique que sa démarche, afin de regarder droit dans les yeux sa victime.

Des yeux d'un jaune ambré aussi doré que de l'or, mais au noir central plus sombre que l'abysse d'une nuit sans lune.

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«Bonsoir, Tatiana Matis.» Commença-t-elle du même ton neutre que lors de leur premier entretien.


Cette dernière était tétanisée. Figée là à trembler et pleurer comme une enfant apeurée. A ne pas comprendre ce qu'il lui arrivait, elle réussit à balbutier quelques mots dans une phrase cohérente cherchant désespérément à comprendre la raison.


«Pourquoi… Qu'est-ce que j'ai fais… Tout ce que je voulais c'était ramener les îles à leur état d'antan, unifiées. Pour être à l'abri du monde extérieur…» Soliloquait-elle à demi-rhétorique.

«Quitte à plonger celui-ci dans le chaos en commettant les pires actes d'hypocrisies qui soient par rapport à vos propres aspirations, comme celles de vos parents ? L'attenta à Carmin-Sur-Mer en est le parfait exemple : vôtre père a proposé et fait accepter le plan de l'expédition des Leveinards pour le monde humain. Pourtant il fut aussi celui qui me paya pour y mettre un terme expéditif aux yeux du monde. Ce faisant il trahissait sa propre parole et les aspirations qu'ils défendaient dans son discours, mais s'était aussi mis au dessus de tout soupçon.» Souligna-t-elle neutralement, sans jugement ou apriori. «La question est : en quoi faire avorter cette expédition par une exécution publique pourrait permettre d'unir les îles ? Aux yeux de la population, cela ressemblerait plus à une tentative de faire éclater l'alliance des îles dans une guerre civile.»

«C'à n'est pas le but… On ne veux pas que des gens soient aveuglément massacrés en masse…» Répliqua-t-elle faiblement.

«Mais vous souhaitez qu'il en éclate une. Non, correction : vous souhaitez que l'alliance des îles s'effondre pour que le Consortium suive dans sa chute, mais prévoyez d'agir avant que cette chute n'évolue en guerre civile.» Posa-t-elle en affirmation. «Vous allez profitez de la fenêtre du temps d'accalmie nécessaire à l'escalade en guerre civile pour mener à bien vôtre plan avant que l'ensemble du conflit ne dégénère jusqu'à ce point. En unifiant les îles grâce à une démonstration de force dont la pierre angulaire serait l'aboutissement du projet 66.»


Elle en resta médusée, sans que cela change plus son expression qu'à l'actuel. De réputation tout le monde craignait la Faucheuse, mais elle seule était en vie pour comprendre vraiment pourquoi : implacable, intraitable, capable d'atteindre n'importe qui, n'importe où, n'importe quand. Peu importait les forces qu'elle devait rencontrer et affronter en face. Mais surtout disposait d'une froide intelligence calculatrice qui lui permettait de voir au travers du jeu de n'importe quel adversaire ; y comprit ses clients. Ce faisant elle avait toujours accès à l'arme la plus redoutable qui soit sur terre : l'information : l'arme capable à elle seule de terrasser les empires et les religions ; leurs rois comme leurs dieux.


«Le Consortium et sa corruption sont trop ancrés dans les méandres politiques du système et des îles pour pouvoir être ramenés à leur état d'origine ; c'est impossible avec tous les pourris égoïstes et cupides qui siègent à leur tête, mais sans qui cette même alliance s'effondrerait quoi qu'il arrive...» Se défendit-elle aussi sincèrement qu'elle pouvait.

«Donc la meilleure solution qui vous est parvenue est la guerre civile ?» Releva-t-elle neutralement.

«Nous n'avons pas le choix ! Depuis plus de cent ans que l'on surveillait le monde humain et tous ses conflits, il était inévitable qu'un jour ils nous trouvent ainsi que le moyen d'accéder aux îles, et nous forçant à entrer en guerre avec eux. Les voies diplomatiques n'avaient aucune chance de marcher ; pas parce que nous ne pouvions pas négocier, mais parce que nous n'avions plus d'armée !» S'exclama-t-elle dans un sursaut sanglotant. «Tout le système militaire avait été anéantit à la fin de l'âge de l'apostasie car personne ne voulait plus recourir à la violence pour obtenir ce qu'il voulait. Résultat tout était passé dans le commerce et les échanges culturels, et mena à la création du Consortium. Mais à la place d'obtenir les choses par la violence, ce fut par la manipulation quand le Consortium est devenu beaucoup trop puissant et influent. C'est à ce moment là que la corruption s'est installée de manière définitive, sans aucun contre-pouvoir pour l'en empêcher vu qu'il est le pilier économique du monde pokémon.»

«Et comme aucune armée ne peut exister sans les fonds nécessaires à son entretien, de près ou de loin : toute organisation militaire ou public un tant soit peu armée appartient au Consortium. Même la police.» Compléta-t-elle platement.

«C'est vrai… L'armée n'est ni plus ni moins qu'une gigantesque association de mercenaire ; dont les simples soldats qui la compose sont des citoyens normaux abusés par la propagande des officiers à la botte du Consortium. Mais sans cette armée nous n'avons aucune chance de nous défendre contre le monde humain…» Admit-elle larmoyante. «Comparé à ces derniers nous sommes beaucoup moins nombreux. Et même si les pokémons pourraient nous apporter une force de frappe non négligeable, ceux suffisamment puissant pour faire pencher la balance de nôtre côté se trouvent être soit indomptables, soit entre les mains de dresseurs civils n'ayant jamais connu la guerre dans sa forme la plus cruelle ; ils ne tiendraient pas dix minutes sur un champ de bataille face à des centaines de milliers de vétérans ayant traversés des centaines de conflits. Parce qu'il est sûr et certain que les nations unies s'allieront toutes ensemble pour se lancer dans cette guerre contre nous !»

«Concluant que l'affrontement était inévitable et à sens unique, vous avez pourtant décidés d'accélérer les choses avec Carmin-Sur-Mer.» Souligna-t-elle neutralement.

«Carmin-Sur-Mer, aussi horrible que cela apparut pour la population, fut un mal nécessaire !» Se défendit-elle d'un nouveau sursaut. «La période de paix et de prospérité nous a ramolli. Et sans les combats pokémons, nous n'aurions même plus de volonté prompte à combattre et à se défendre comme il faut. Et le Consortium étant tout puissant, malgré sa corruption qui devenait de plus en plus visible, personne n'osait élever la voix : c'est cette manière de pensée oisive qui va aurait eu raison de nôtre monde si nous ne le forcions pas à se réveiller !»

«Bertrand Matis propose et fait accepter l'expédition vers le monde humain en public. Puis la fait échouer en secret sous la forme d'une exécution publique qui choque durablement la population, en leur rappelant que la mort peut toujours frapper de manière totalement imprévue et violente, mais pas sans que quelqu'un le cherche.» Reprit-elle d'une voix d'énonciation monocorde. «La population réalise que la violence brutale et impitoyable existe toujours : toute la haine et la rancune apportée par cette affront est ainsi redirigée intégralement vers le Consortium qui, n'ayant pas de réel bouc émissaire tout désigné et étant les véritables marionnettistes de l'armée, se voit porter le poids de ces accusations sans aucune échappatoire. Son influence décroit de plus en plus sur la population ; pas assez à cause de l'armée et de l'intimidation qu'elle continue d'exercer sur les gens, mais suffisamment pour faire vaciller efficacement la balance du pouvoir. Ce qui, en combinaison des liens directs que vous entretenez avec Rising Sun, leurs dirigeants anciens criminels idéalistes, et les fonds que vous leurs avez débloqués qui font d'eux une force armée suffisante pour s'opposer au Consortium, ne peut indiquer qu'une seule chose : un coup d'Etat à l'échelle inter-archipel ; en faisant passer facilement Rising Sun pour les gentils. Ce qui fait que si le coup d'Etat réussit avant l'escalade en guerre civile : le Consortium tombe, les îles se rallient sous la bannière de Rising Sun, eux-mêmes sous la houlette du gouverneur Matis qui aurait été élevé au rang de héro. Ce dernier aurait exercé une refonte du système dans l'idéal planifié, derrière laquelle toutes les îles suivraient ; à nouveau unifiées. L'armée viendrait gonfler les rangs de Rising Sun devenant alors les gardiens du monde pokémon aux yeux du peuple dans l'intérêt collectif, et serait alors prête à faire face au monde humain ; plus puissants que jamais.»


Immobile, mais sur le point de s'effondrer. La gouvernante était ébranlée par le monologue de la tueuse qui se trouvait devant ses yeux. Elle pouvait réduire à néant tout leur projet, celui de ses parents, d'un claquement de doigt. Elle savait tout. Strictement tout… A un détail prêt.


«A supposer que les îles soient réunifiées telle qu'envisagé, même avec l'apport espéré de nouvelles recrues dans cette armée, l'inexpérience de cette dernière ne permettrait pas de croire pouvoir affronter les armées du monde humain et d'en sortir vainqueur.» Releva-t-elle d'une affirmation de constat. «Les dresseurs pokémons, comme les maitres, à supposer aussi que ces derniers acceptent de prendre part de plein gré à la guerre, reste des civils habitués à commander tout au plus une demi-douzaine de pokémon dans des matchs 6v6 ; grand maximum imposé par les règles de la Ligue. Mais toujours dans le cadre restrictif ne devant jamais entrainer la moindre possibilité d'action mortelle entre participants ; en théorie ils peuvent tuer, mais pas en pratique. Et une armée comptant sur des pokémons d'un dresseur soldat incapable de tuer, tel qu'il lui fut inculqué, est purement et simplement un poids.» Elle marqua une pause volontaire.
«Vous devez avoir un autre argument à faire valoir pour que cette guerre ne se finisse qu'à sens unique en faveur des îles pokémon ; Un argument de poids, qui doit assurer de vous donner la victoire avant même que la guerre ne commence. Une démonstration de puissance et de supériorité si écrasante que le monde humain se résigne à abandonner l'idée d'affronter le monde pokémon dès la première bataille. Sans que la moindre goutte de sang ne soit versée. Mais sans faire appel aux pokémons Légendaires ; la catastrophe d'Hoenn ayant été le parfait exemple de ce qui se produirait à laisser ne serait-ce que deux d'entre eux déchainer leurs puissances titanesques et incontrôlables entre des mains humaines. Je suis ici pour savoir de quoi il s'agit, exactement.»


Malgré la peur, les tremblements et les pleurs, Tatiana Matis ne put s'empêcher d'être stupéfaite. Elle croyait que la Faucheuse, aussi redoutable soit-elle, n'était qu'une tueuse qui posait des questions pour assurer ses propres arrières ; mais force était de constater que ça n'était pas le cas. Elle avait fait tout ce chemin, exécuter ses gardes, l'attirer dans un piège en mettant le feu à l'ambassade UNIQUEMENT dans le seul but de vouloir entendre la vérité de sa bouche ?! Quelle sorte d'être pouvait massacrer tout ce qui se trouvait sur sa route, sans éprouver ni pitié ni remords, dans le seul but de satisfaire sa curiosité ? La question était stupide car la réponse se trouvait devant elle : la meilleure tueuse à gage au monde. Ce qui ne l'empêchait pas de ne pas comprendre pourquoi aller si loin pour savoir, quitte à risquer de révéler son identité comme maintenant.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, cette dernière précisa les raisons motivant ses actes.


«Dans le discours de vôtre déclaration à la télévision, vous vous étiez présentée comme simple humaine condamnant les auteurs responsables de la mort de vôtre père, en avançant qu'il s'agissait là quelque part d'une forme de sacrifice inique qu'ils trouvaient justifiables ; tout comme les innombrables morts inexcusables qu'ils provoqueraient au nom de leur inavouable but illusoire.» Reprit-elle d'un concis résumé. «Vous n'êtes ni la première, ni la dernière des clients avec qui j'ai traité sur cette terre qui prétendaient défendre des aspirations louables aux yeux du public, pour les trahir l'instant suivant sans la moindre hésitation en m'engageant pour tuer leurs opposants. Et je me contrefous totalement du degré d'hypocrisie et de mensonge qui vous anime ; à partir du moment où il n'interfère pas avec moi. Hors là, c'est le cas.»

«Mais… En quoi ?» Fit-elle sur un ton suppliant. «Tout ce que je vous ai fournis comme informations à savoir sur le contrat étaient vraies, y compris les conditions. Je vous jure que je ne vous ai pas mentie un seul instant !»

«On m'a payée pour tuer des gens ouvertement ou faire passer leurs morts pour un suicide ou un accident, et, en de rares fois, certaines conditions de contrat impliquaient que le cadavre soit débarrassée de la surface de la terre pour n'être jamais retrouvé. Cependant, jamais encore il ne m'avait été donné comme condition que le corps de la cible soit livré «intact» à des seconds couteaux pour servir de sujet de test lors d'expériences ultérieures.» Reprit-elle à nouveau neutralement. «Vous qui avez prétendue que les morts sacrifiés au nom de buts illusoires étaient injustifiables, vous m'engagez pourtant à tuer quelqu'un pour que son cadavre vous serve de cobaye lors d'expériences humaines dont vous n'avez aucune assurance de ses aboutissements ; et dont il doit s'agir de vôtre projet 66. Allez-vous me dire que sa mort serait parfaitement justifiable ?»

L'afflux constant de contradictions contenues dans ses arguments, aussi bien de son propre côté que de son comportement, força la Gouvernante à prendre un instant à rassembler ses esprits.

«… Je ne comprends pas…» Commença-t-elle faiblement. «Puisque vous n'éprouvez ni sympathie ou empathie pour vos victimes, ni n'avez aucun avis d'intérêt personnel concernant leurs morts aux yeux de vos commanditaires… Pourquoi vous voulez tellement tout savoir de ce projet… ?»

«Je vous ai posée une question.» Intervint-elle à nouveau neutralement. «Pouvez-vous dire que, pour mener à bien ce projet, la mort de la maitresse des baies, Cynthia Luna, serait un sacrifice justifiable ; quitte à contredire strictement tout ce que vous prétendez défendre dans vos allégations sur la justice ?»

«Mais si cela permet de mener le projet à bien, sa mort permettrait d'éviter celles de millions d'autres ; de la chute de nôtre monde entier. Alors oui…» Reprit-elle le plus sincèrement et désolée possible. «Je sais que c'est un châtiment cruel, capricieux, et même totalement injuste de prendre le risque de sacrifier la vie d'une innocente pour rien. Mais si nous ne prenons pas ce genre de décision avec une seule personne, une seule vie, pour permettre à des millions d'autres de continuer d'exister, nous sommes assurés que le risque de voir ce nombre comme celui des morts soit amené à se réaliser fatalement.»


Sa froide interlocutrice resta de marbre à prendre en compte silencieusement la mesure de ses paroles, et à y réfléchir. Du moins le croyait – l'espérait-elle du plus profond de son âme qu'elle comprenne les motivations l'ayant poussée à faire ce choix, et la nécessité qu'il représente ; si cela était, comme elle le soupçonnait, le véritable but de son insurrection. Malheureusement pour elle, cet instant de répit né de sa réflexion ne dura pas.


«Pourriez-vous prétendre tenir le même discours en face de la personne dont vous ratifiez la mort comme une nécessité absolue, bien que toute aussi illusoire ?» Reprit-elle de son éternel ton neutre. «Pourriez-vous lui expliquer tout ça, lui dire qu'il faut qu'elle meure au risque que ça ne serve à rien, et la convaincre de mourir de son plein gré pour vôtre cause ?»


La gouvernante ne savait plus quoi réfléchir, terrifiée qu'il s'agisse là d'une question au piège le plus sournois et traitre qui existe, et à laquelle formuler la mauvaise réponse ne l'entraine dans sa chute ultime. Mais si elle devait y répondre honnêtement, si effectivement elle se trouvait devant la jeune femme de l'ère des baies à devoir chercher à la convaincre de mourir et remettre sa vie «au hasard» pour le bien commun : elle ne pourrait pas le faire. Elle s'en savait incapable ; qui le pouvait ? Qui pouvait aller au devant d'une autre personne à lui demander le plus sérieusement du monde «s'il te plait : voudrais-tu bien mourir pour moi ? Parce que j'espère que ton cadavre puisse me permettre de sauver des milliers d'autres vies, mais tant pis si ça n'est pas le cas ?» En tout cas elle savait que si c'était ce qu'il lui arrivait, elle ne pourrait jamais l'accepter…

Mais pourquoi posait-elle la question ? Pourquoi semblait-elle si concernée par ce dilemme, qui ne devait pourtant n'être pour elle qu'un détail sans importance ? Elle a déjà exécutée de sang-froid l'infirmière à Carmin-Sur-Mer devant des milliers de gens en direct sans une once d'hésitation et sans qu'elle ne s'en trouve concernée un seul instant ; à se contre-foutre totalement des retombées politiques et sociales… Alors pourquoi aller si loin pour poser cette seule question ? C'était comme si ça n'était pas le projet en lui-même le problème, mais plutôt l'ingrédient sous la forme de la cible en question, trônant au centre de la discussion.


«… Pourquoi me demandez-vous si je devais justifier sa mort face-à-face avec elle ?» Demanda-t-elle ironiquement le plus innocemment du monde.

«Parce que vous avez commise la même erreur que vôtre père.» Se répéta-t-elle d'un ton plus neutre que la mort.


Un nouveau sursaut de larme s'écoula de ses yeux à comprendre qu'elle avait bien tuée son père et qu'elle était là pour lui faire subir le même sort. La peur poussée dans ses retranchements, la désillusion s'emparait d'elle à lui faire croire qu'elle pouvait toujours avoir un espoir de survie elle lui jurait de faire tout ce qu'elle voulait, de céder à la moindre de ses demandes en contrepartie qu'elle la laisse vivre. Mais cela nécessitait une chose, aussi dure et effroyable que la vérité soit : il fallait qu'elle sache en quoi consistait cette erreur.


«Mais quoi… ?» Demandait-elle désespérée. «Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça… ?»

«Vous avez mit un contrat sur ma tête.» Rendit-elle platement.

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Plus de bruit. Plus de son, de lumière, d'odeur ou de sensation. Elle ne faisait même plus attention au lieu, ni même aux cadavres toujours étendus par terre. Ses larmes s'étaient arrêtées de couler, de même que ses tremblements. Sa respiration s'était coupée, de même que la connexion avec ses jambes alors qu'elle s'effondrait sur place sans un bruit, aux muscles de son bassin qui se relâchaient intégralement à se vider de son urine sous le coup de sa terreur, ayant transcendée le terme, mais sans pouvoir quitter des yeux ceux sans vie de l'incarnation de tous ses pires cauchemars ; elle-même faisant de même sans n'avoir bougée d'un cil, ci ce n'est que la tête inclinée suivit le mouvement pour que son visage reste intégralement opposé à celui de la gouvernante. Par-dessus elle, à la dominer de sa taille en étant simplement debout. Les yeux d'un jaune de mort et d'un noir sans fond la regardant indifférents au sort de son existence.

Ces yeux, des yeux de cauchemar, étaient à la fois la plus sublime et la plus horrible chose jamais engendrée par la création. Le jaune était brillant et puissant comme le soleil, tout en étant pâle et fade comme celui des os jaunis par le temps. Mais contrairement à ses yeux vert-d'eau qui reflétaient la silhouette obscure dans ses iris, aucune lumière ne pouvait se refléter dans le centre des siens. Ils étaient d'un noir sans fond, dénués de forme ou d'essence. Il ne s'y reflétait aucune émotion, aucune trace de vie : pas de haine, pas d'amour, pas de pitié, pas de cruauté, pas de compassion, pas de sadisme, pas d'hypocrisie, pas de sincérité, aucune chaleur ou aucune froideur, ni même la moindre lueur d'existence pouvant prouver qu'il s'agissait toujours là d'un être à part entière… Juste un noir plus absolu et neutre que le vide. La couleur incarnée de l'antithèse même de la vie.

Le noir de mort du néant.

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«Que les conflits naissent ou se terminent, ça n'a aucune importance.» Reprit-elle de ce ton neutre dans le sens le plus absolu du terme. «Prétendre à développer le sens de la vie. Espérer qu'elle vous donne une raison d'être, d'exister. Puis de craindre que cela ne soit pas le cas, de craindre que son appréhension de la réalité soit fausse et n'amène à constater que tout n'est qu'illusion, sont les deux principes ayant toujours menés au conflit. L'anneau de möbius qui incarne le cycle de la vie telle que vous le concevez, défendez, désapprouvez, acceptez, puis rejetez dans un cycle sans fin de contradictions nés de vos ressentiments. Jusqu'à vous rendre compte que tout cela n'a jamais mené à rien, ne mène à rien et ne mènera jamais à rien, car la vie ne vaut rien. Cette réalité, aussi simple soit-elle, vous apparait comme le pire châtiment qui soit, auquel vous comprenez qu'il n'y a aucune échappatoire alors que vous réalisez ce qui rythme ce même cycle universel : rien. Aucun but, aucun ordre, aucun chaos, aucune balance, ni aucun sens. C'est à partir de cet instant alors que vous réalisez que la vie ne vaut rien, peu importe la valeur que vous croyez pouvoir lui donner ; que vous ressentez également que le véritable enfer n'est pas la mort, mais celle d'exister en sachant qu'elle ne vaut pas d'avantage.»


Elle s'accroupit lentement à son niveau, sans que sa victime n'esquisse le moindre geste ; clouée sur place par le poids et la portée intraitable de ses paroles, dénués de toute appréhension basée sur le vice ou la malice. A réciter le constat de la réalité dans sa forme la plus simple et la plus cruelle.


«La mort n'offre aucune libération, aucune absolution, ni aucune promesse de continuité ou d'arrêt. Elle met juste un terme à l'existence du point de vue intrinsèque matériel. Ni plus ni moins. Ce qui pousse les hommes à redouter la mort autant que de l'élever comme la réponse à tous leurs problèmes tient à ce même principe : ils redoutent la mort parce que c'est l'aboutissement final de la vie, la chérisse car elle leur permet de rejeter définitivement tout ce qui fait obstacle aux illusions que sont leurs propres vies.» Continuait-elle dans son long monologue. «Cette réalité dans laquelle vous évoluez est celle-ci : celle de la crainte continuelle de l'existence dans sa forme la plus absolue et fondamentale. Plus précisément à celle de vous rendre compte de cette réalité ; à prendre conscience de sa fatalité. Cette vérité, qui n'en n'est pas plus une qu'un mensonge, vous plonge dans le contexte même ayant donné naissance à la contradiction : l'être humain vient au monde en criant pour mettre en place le système d'auto-alimentation par respiration, mène sa vie en se nourrissant de la matière qui l'entoure pour la modeler à ses besoins, puis finit par dépérir jusqu'à ce que ses cellules cessent d'elle-même de se reproduire. Tout cela dans un cycle sans fin ni finalité. Cette réalité absurde ne vous laisse alors qu'une seule option, mais aussi celle l'incarnant à la fondation même de sa forme et son essence que vous ne pouvez pas accepter : l'oubli. Oublier totalement la vérité sur l'existence, l'inexistence, la vie et la mort. Oublier la douleur, la joie, la peine, la honte, et tous ce qui vous peut vous amener un jour à réaliser de nouveau l'aspect immuable de cette réalité en vous plongeant dans la notion même du désespoir de voir le tissu de mensonge et de duperie que vous vous êtes tissés pour devenir vôtre réalité, à croire qu'elle était la seule et unique qui soit, réduit en cendre à partir du seule moment où vous cherchez à vous souvenir en remettant ne serait-ce qu'une seule fois cette dernière en compte.»


Figée par son regard, sa présence, sa voix. Entièrement à sa merci à devoir écouter et se faire rappeler cet aspect de la réalité qu'elle n'espérait jamais entendre. Elle ne vit pas la forme du petit robot à l'apparence arachnide, responsable de la diversion sonore, revenir dans le giron sombre de sa maitresse juste au dessus d'elle. Et ne le pouvait pas…


«L'oubli est le néant. La notion du vide pour l'être humain dans lequel aucune existence ne peut être, de part le principe d'inexistence qu'il entraine fatalement.» Déclara-t-elle du ton reflétant ce dernier. «L'oubli ne laissant rien, l'être humain cherche à remplir ce vide pour pouvoir donner une forme et une essence à son existence, sans lesquelles il n'est rien. Le souvenir est là pour chercher à le combler. Mais le souvenir implique de poser des questions. Des questions devant entrainer des réponses sur la vie et la réalité. Des réponses auxquelles, par définition, il ne peut pas déterminer qu'elles soient fondées ou non, vu que par l'oubli il ne sait plus. Les questions sont aussi par définition une remise en cause du savoir, de l'information acquise. Mais remettre en cause le savoir vient à reconnaitre de ne pas savoir, ce qui implique remettre aussi en cause le sens de l'existence tel que l'illusion de la réalité, conçue sur les premières bribes de souvenirs, établit comme être la vérité absolue à ne jamais devoir remettre en question. Car la contradiction absolue implique que poser des questions amènera un jour à devoir à nouveau faire face à la réalité telle qu'elle fut oubliée, ce que personne ne veut réellement rechercher. Ainsi voilà le chemin tracé et choisit par l'être humain : ne pas accepter la réalité telle qu'elle est dans l'oubli, mais chercher en même temps à se rappeler pour ne pas cesser d'exister. Enfermé dans un cycle sans fin et sans but d'où il ne pourra jamais s'échapper.»


Lentement, elle prit l'une des dagues ayant conduit à la mort deux des cinq gardes étendus à côté d'elles, pour l'amener le long de son corps accroupit d'un reflet d'argent passif et terne comme sa sentence sur le point d'être appliquée.


«L'univers n'est plus que de réponses attendant des questions. Mais chaque question étant un aspect de la réalité, chaque remise en cause entrant fatalement en contradiction avec les autres, cela amène invariablement l'être humain à entrer en désaccord avec lui-même. Du désaccord né la haine, le ressentiment, le mépris, la honte, le dégout, la trahison ; car tous englobent le même principe de défense développé par l'oubli : le rejet. Le rejet de savoir, de se rappeler, d'admettre la réalité telle qu'elle était, est et sera toujours. Ce rejet est de même condamné par tous les autres sentiments amenant au souvenir, à celui de vouloir exister : la joie, l'amour, la compassion, l'amitié, la loyauté. Ce qui amène tout simplement le désaccord au pallier du conflit : la source de toutes les guerres et les paix.»

Elle marqua une courte pause en faisant sortir lentement sa seconde dague dans son autre main, sans pour autant que la pauvre femme apeurée n'ait remarqué la première.

«Ainsi naissent et meurent tous les mouvements animant le monde : les empires, les dogmes religieux ou scientifiques, les courant de pensée, nihiliste, idéaliste, pacifiste, ou encore ceux jaugeant et jugeant du passé et du devenir de l'être humain et du sens de l'univers, ou non. Et tous finissent invariablement par disparaitre, car tel est le choix qu'il fut induit au vivant. Le véritable aspect le plus implacable faisant de l'esprit humain sa prison et sa demeure : nous n'avons pas le choix d'avoir le choix.»


Le temps sembla se figer alors que la gouvernante prenant conscience de la portée de ses derniers mots : ne pas avoir le choix, d'avoir le choix… Le choix est un jugement de valeur jugée lui-même comme ne répondant à rien d'autre que l'esprit auquel il est associé comme preuve de son identité, de son existence, étant alors le libre-arbitre dans sa définition la plus élémentaire… Mais ce qu'elle venait de lui révéler était la plus terrible révélation d'entre toutes : si le libre-arbitre est l'expression de son identité, de son existence, il incarne aussi un principe élémentaire défendu comme étant là depuis le début même de la vie et la preuve même de l'existence ; et est donc impossible à remettre en cause…

Ni vérité, ni mensonge. La réalité qu'elle lui révélait à nouveau devant ses yeux lui apparut comme l'enfer qu'elle lui rappelait être : l'être humain est conçu pour choisir et mourir de ses choix, parce qu'il n'a pas le choix. La contradiction ultime de l'existence telle qu'elle était réellement, qui n'amène ni à la folie ou au malheur de par son sa propre contradiction, par laquelle n'existait ni n'existait aucune possibilité d'y mettre un terme ; étant de simple jouets entre les mains du destin.


«Gouvernante Matis. Vous, vôtre père et sans doute vôtre mère, craigniez qu'un jour vienne où le monde pokémon, tel que vous l'envisagez, s'effondre devant ce que vous déterminez être comme la folie des hommes ; une pensée et un modèle de raisonnement différent du vôtre qui entrainera un conflit dont vous ne pourriez sortir vainqueur. Ce que vous traduisez être un châtiment pire encore que la mort : celui de tomber dans l'oubli en ayant échoué à sauver vôtre monde. Cela n'est pas une notion de vie ou de mort, mais de survie.» Reprit-elle à nouveau sans aucun changement de ton. «La survie est la preuve incarnée que l'être humain n'est qu'un assemblage d'éléments organiques programmé pour choisir et affirmer ses choix, le plus longtemps possible avant sa mort. Au nom de la survie, n'importe qui oublie tout ce qui fait de lui un être existentiel pour n'être ce qu'il n'est réellement : un simple être vivant. Pour sa survie on n'oublie les préjugés, les idéaux, la pensée, le raisonnement, la haine, l'amour, ou toute autre considération existentielle inutile et sans aucune valeur ; même si ce n'est que temporaire. Pour survivre l'être humain n'hésitera jamais à agir en ce sens, en ce ne se révèle être au final que le seul véritable but induit et encodé dans nos gènes : trahir pour survivre, sa famille et ses amis, comme ses ennemis, leur mentir, les tromper, les manipuler, les corrompre, et, dans sa forme la plus aboutie, aller jusqu'à les tuer. Car le terme «sur-vie» détermine intégralement sa signification dans sa prononciation : assurer le sens de sa vie quitte à réduire au silence celle des autres, à faire passer sa volonté avant la leur. Ce qui se reflète parfaitement dans le terme même de la culture et de l'identité, jusque dans le règne animal, duquel l'être humain prétend ne pas en faire partie : la famille, les amis, les ennemis, le gouvernement, le quartier, une ville, un pays : tout repose sur le principe du clan ; un modèle de pensée basé sur des espaces déterminés de territoires ou de fonctions dans lesquels se rassemblent ou sont rassemblés ceux qui les contrôlent et les représentent. D'aucun ne peut être seul, car pour que sa volonté se transmette il faut une trace, un héritier. Hors pour assurer la pérennité de sa volonté, il ne faut pas hésiter à réduire à néant celles des autres ; le nombre faisant la force et primant sur toute autre considération. Voilà aussi pourquoi les membres d'un clan réduisent jusqu'à la progéniture même d'un autre à néant, pour que rien ne subsiste d'une chance qu'un jour leur vie soit menacée de représailles en étendant l'influence de la leur. Cela n'a jamais changé, ni ne changera jamais ; même chez les pokémons.»


Lentement, au rythme ponctué par ses mots, elle releva lentement ses bras armés des dagues de chaque côté de son corps au niveau de sa taille ; auxquelles la gouvernante fut finalement réceptives à leur éclat de rasoir, mais restait incapable d'esquisser le moindre geste. Les yeux exorbités vers sa sombre Némésis.


«Si vous comprenez ce que je viens de vous dire, alors vous réalisez pourquoi vous allez mourir ce soir. Je ne vais pas vous tuer par égoïsme, par conviction, pour prétendre rendre justice ou parce que cela est mon bon vouloir : je vais vous tuer pour survivre.» Conclut-elle dans son jugement sans appel. «Je n'éprouve aucun sentiment à répandre la mort, ni même n'en tirer aucun profit derrière la valeur matérielle accordée par ceux souhaitant que je tue. Je suis juste l'incarnation de tout ce que vous redoutez au plus profond de vôtre cœur, mais aussi à quoi vous ne pourrez jamais échapper. Je suis l'être humain ayant fait le choix de ne pas renier la réalité, à la regarder et la constater telle qu'elle est en face, sans en attendre d'avantage que de vivre jusqu'à ma mort ; la volonté de ma survie ne se traduisant qu'à mettre un terme à celle des autres. Je suis l'être incarnant la volonté devant laquelle tous, rois, citoyens, riches, pauvres, noirs, blancs, humain ou pokémon, doivent faire face à la fin : celle de la mort.»


Ses lames étaient désormais immobiles alors que ses bras s'arrêtaient à la taille à l'image des pinces d'une mante-religieuse, n'attendant plus qu'une faible impulsion pour frapper de leurs morsures mortelles. Devant lesquelles, au fin fond du désespoir, la malheureuse épuisait les dernières larmes de son corps.


«Pitié… Je ne veux pas mourir…» Suppliait-elle dans un souffle à l'intonation brisée ; alors qu'elle n'en avait aucune.


La vue troublée par les larmes, elle se rendit compte qu'elle fut parcourut d'un nouveau soubresaut alors qu'un frisson comme elle n'en avait jamais ressenti la traversait de tout son être. Mais ça n'était ni un sursaut de tristesse, de désespoir ou de peur. Mais de la douleur. Une douleur lente, presque lancinante, qui se répandait de plus en plus dans son corps alors qu'elle y prêtait au fur et à mesure plus d'attention qu'au regard de néant de sa meurtrière. Jusqu'à ce que la douleur devienne rapidement suffisante pour l'en faire décrocher et regarder là d'où elle pouvait venir... Et de rester interdite à la vue des deux lames enjoncées dans son corps, de chaque côté de sa taille, d'où s'écoulaient lentement un liquide rouge sombre perlant sur le sol.

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Elle n'avait rien vu, rien sentit, rien entendu. Le moment où ses lames se trouvaient encore à ses côtés et où elle les voyait enfoncées dans sa chair lui semblèrent appartenir au même instant. Effectué avec une vitesse d'exécution et une précision chirurgicale sans pareille ; elle ne s'était même pas aperçue qu'elle se faisait poignarder de face, alors qu'elle voyait son agresseur.

Elle releva la tête pour faire face une dernière fois à celle-ci. A regarder dans les yeux son regard de cauchemar inexpressif de toute volonté, sans émettre aucun bruit, et d'y voir en son absence totale de reflet celui de son avenir proche, l'oubli du néant. Le goût amer du sang se répandait dans sa bouche, d'où s'en écoulait un fin filet s'égouttant vers le sol et allant se mélanger à celui de ses larmes et de ses urines comme tout autant de preuve que la vie la quittait de plus en plus à chaque instant.

Alors qu'elle réalisait que sa vie allait toucher à sa fin, Tatiana Matis comprit finalement que tout ce pour quoi elle avait luttée jusqu'à présent n'avait eu aucun sens et n'aurait jamais pu accomplir le rêve de ses parents. A partir du moment où elle accepta l'idée de faire tuer la maitresse des baies, elle avait déjà abandonnée toute envie de vivre et ce pour quoi elle prétendait se battre. La peur transmise par ses parents et renforcée par celle de perdre sa mère l'avait aveuglée à la réalité, à celle de sa condition d'idole et d'espoir pour toute la génération de son peuple qui attendait d'elle qu'elle ramène leurs îles à l'état de paix et de prospérité datant de la fin de l'Apostasie ; à cette époque bénie où tous se rendaient compte que la guerre ne servait à rien, et profitaient de la paix dans la joie et le bonheur. Cette même vérité qu'ils voulaient voir promulguée et s'étendre jusqu'aux autres pays du monde, sur toute la planète, en misant sur le rêve d'un monde de paix et d'espoir… Ce même espoir qu'elle et ses parents avait anéantis de la plus abjecte des manières, à vouloir remilitariser et forcer les îles à se préparer pour la guerre, à leur mentir et les trahir via les pires actes d'horreurs et d'hypocrisies existant, et au final se rabaisser au même rang que les tyrans qu'ils condamnaient et craignaient à égale mesure en manipulant tout le monde pour forcer une unification qui n'avait pas lieu d'être ainsi ; ce faisant, corrompant et amenant d'avantage la population à plonger dans le désespoir et l'isolationnisme…


«Je n'ai pas de nom. Pas plus que de volonté propre, de choix, d'avenir, de passé ou de présent.» Déclara fatalement l'incarnation de la mort devant elle en retirant ses lames de son corps. «Je ne suis personne.»


Débarrassée des lames dans son corps, celle-ci chuta lentement en arrière, sur le côté dans un de clapotement liquide ténu. Sans un bruit de plus. Les yeux vidés de toute résolution, sapée par celle inexistante de l'ombre relevée qui la regardait de sa dominance, mais qui ne lui éprouvait aucune forme quelconque de condescendance. Simplement à la regarder lentement se vider de son sang, sans aucun espoir de survie…

Au comble de l'ironie, dans sa forme la plus atroce, elle n'éprouvait plus ni peur, ni haine envers sa mortelle exécutrice. Juste de la tristesse… La sentence qu'elle rendait était toujours la même, y comprise pour sa propre survie : tuer, tuer, toujours et encore tuer. Jusqu'au jour choisit pour sa mort. Cette existence, ou inexistence, était révélatrice du monde dans lequel ils vivaient : à renier la vie jusqu'au bout en prétendant la défendre, alors que l'on lui accordait une valeur qui ne faisait que la déprécier au final. Car si en effet la vie n'avait pas de prix, pourquoi en déterminer celle d'une personne basé sur un jugement effectué sur ses choix en disant «vos choix ne se conforment pas à mes idées, vôtre vie n'a donc que cette valeur à mes yeux» ; n'est-ce pas le principe même d'injustice dans sa forme la plus pure que tout le monde cherche pourtant à évincer ? La justice révèle alors sa véritable apparence, celle d'un jugement de valeur. Autrement dit : un choix. Ni plus, ni moins.

Dans un monde qui n'accorde finalement aucune valeur à la vie, comment pouvait-elle prétendre à détester ou à craindre la seule personne qui le voyait tel qui l'était et qui y répondait comme il l'obligeait ? Un métier représente et catégorise les talents et compétences de personnes pour répondre à un besoin de société ; le boulanger pour le pain, l'architecte pour construire, le chirurgien pour opérer. Mais un métier ne se créer que s'il y'a un besoin auquel répondre avant, ce qui était évident ; personne ne devient électricien dans une ville rurale où rien ne marche à l'électricité. Elle était tueuse à gage : profession cherchant les compétences et le talent d'un être pour mettre un terme à la vie d'un autre. Si elle existait, cela n'était pas par choix mais pour répondre au besoin le plus triste et le plus révélateur du cœur humain : le besoin de tuer. Car elle vit dans un monde ne tenant qu'à ce principe et le regardait en face quotidiennement, à chaque instant.

Elle ne lui avait pas mentie un seul instant, elle était bien l'incarnation de la plus effroyable de toutes les vérités : la mort peut frapper à n'importe quel instant, n'importe où, et sans aucune raison. Mais reste toujours la même en touchant tout le monde de manière indifférente : les rois mourraient comme les peuples, les riches comme les pauvres, les croyants comme les non-croyants, les humains comme les pokémons. Tous sans exception. Elle était l'incarnation humaine de la seule loi qui, transcendant le terme de l'ironie, était par la même l'idéal que voulait atteindre la justice en étant le juge, le juré et le bourreau le plus neutre et impartial de l'existence. Celle qui incarnait tous les traits du destin que redoutaient du plus profond de leurs cœurs tous les êtres vivants, et qui venaient toujours à l'heure de la mort pour appliquer sa sentence sur la vie comme elle l'avait toujours faite depuis la nuit des temps.


«Je ne suis personne.» Concluait l'avatar de la mort sur le dernier acte de sa vie. «Mais alors que tu vas rejoindre cette réalité dans les limbes de l'oubli, grave une dernière fois dans ton esprit le visage et le nom de celle qui t'y envoit.»


Alors qu'elle sentait une douce tiédeur la bercer et émousser ses sens, s'accommodant sans peine ni résistance de l'agréable sensation du sang chaud s'écoulant le long de son corps en maculant ses vêtements d'une teinte rouge sombre, elle posa les yeux une dernière fois sur le visage de la seule personne au monde n'ayant jamais céder au doux rêve promis par l'illusion de l'oubli, et qui s'était condamnée par la même à une éternité de mort et de damnation dans l'inconscient collectif ; une dernière larme transparente versée de ses yeux allant rejoindre la mare de sang dans laquelle elle était étendue, pour y disparaitre aussitôt sans que personne ne se souvienne jamais de son existence.


«On me nomme, la Faucheuse.»


[A suivre]