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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 19/05/2011 à 02:27
» Dernière mise à jour le 19/05/2011 à 02:27

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Pantomime.
(Seconde partie)


Sinnoh. Voilaroc. Canal 44-SE du réseau d'épuration publique. Sous-accès 22 du secteur Centre-ville catégorie privé A : système d'égout de l'Ambassade du Consortium de Voilaroc.

Mercredi 26 Mai, 21 heures 05 minutes.



La progression (pour ne pas dire le simple tour du propriétaire) au travers du réseau d'égout évoluait sans la moindre encombre : pas de caméra, de micros, ou même d'une simple sécurité quelconque n'a croisé sa route jusqu'à présent. Cela pouvait surprendre, concernant la réputation de forteresse de l'Ambassade, qu'une faille aussi évidente dans leurs défenses pouvait exister. Et surtout qu'aucune mesure ne soit prévue en contrebalancer la lacune qu'elle représentait. La raison tenait en un mot : contraintes. Car il était vrai que militairement parlant (excepté pour ce point) l'ambassade était exempte de défaut. Mais c'était une toute autre histoire publiquement parlant.

Même si cela n'apparait pas approprié, il fallait se poser la question. Si les constructions militaires sont basées avant tout sur le principe d'une sécurité efficace : pourquoi ces mêmes doctrines d'architecture ne sont pas appliquées à tous les bâtiments publics ? Chaque immeuble, chaque restaurant, chaque maison jusqu'à chaque appartement ; pourquoi tout le monde ne posséderait pas sa propre version miniature d'une forteresse ? La réponse est si évidente que nombre de personnes, si elles n'y prennent pas le temps d'y réfléchir, n'arrivent pas à se rendre compte eux-mêmes de l'impossibilité purement technique que cela représente : C'est la fonction choisie qui établit la forme que prendra le bâtiment dévolu à son rôle ; la fonction créer la forme, la forme née de la fonction. Il s'agit de la règle la plus élémentaire en architecture, et aussi la plus inviolable. De façon plus concrète : si l'on veut un bâtiment dont la fonction se doit d'être militaire ses critères principaux répondront avant tout à couvrir le plus de zone possible en réduisant les possibilités d'approche au strict minimum ; comme des barbelés et des murs entourant une base de tous les côtés avec très peu d'accès sous étroite surveillance. A l'inverse, si l'on veut un bâtiment dont la fonction se doit d'être, par exemple, administrative, alors ses critères répondront avant tout au besoin d'avoir une facilité de parcours et une liberté de manœuvre absolue entre ses murs, sans être ralentit par des couloirs étroits ou autres accès à sens unique.

Pour représenter cela plus concrètement, un centre commercial est crée avant tout dans le but d'attirer des gens et leur permettre de parcourir le plus facilement et librement sa surface lors de leurs courses. Mais s'il était conçu sur le principe d'une forteresse, dont la fonction est de repousser les intrus –en considérant de ce fait les clients par défaut comme intrus-, alors la partie «pratique appliquée» de la fonction irait contre la partie «pratique établie», et tout le monde y perdrait à cause d'une erreur d'appréhension fondamentale.

Pour en revenir à l'Ambassade, le bâtiment est avant tout prévu à la fonction publique et administrative. Pas militaire. Lors de sa construction sur la colline rocheuse où il se trouve actuellement, les architectes furent obligés de composer avec un point incontournable : le traitement des eaux usées par les égouts de Voilaroc. Pour un bâtiment situé sur une colline rocheuse, il est contraint de devoir intégralement s'en remettre à ces égouts s'il ne souhaite pas finir par devenir un énorme dépotoir. Evidemment il était toujours possible de créer un égout parallèle avec un réseau de canaux annexe, mais la procédure bureaucratique, le coût, le temps, les moyens et les ressources à mettre en œuvre étaient si élevés que l'idée fut purement et simplement abandonnée.

Mais le principal problème n'était ni les moyens technique ou financier, mais le personnel qui se chargeait de l'entretien. S'il s'agissait d'un véritable bâtiment militaire sous l'autorité pleine et entière de l'armée, le personnel compétent serait directement affilié à ces derniers comme une seule et même entité. C'à n'est pas le cas pour l'ambassade qui reste du domaine public, donc sous la responsabilité de la ville et de son service sanitaire ; ce qui signifie que chaque employé extérieur à l'ambassade devrait se faire contrôler à chaque entrée et sortie des lieux pour être autorisé à faire son travail.

Et là les choses se compliquent… Rien que le réseau d'égout sous l'ambassade se trouve être un vrai dédale. Ce qui veut dire que le sécuriser parfaitement voudrait dire d'installer à chaque carrefour ou croisement de canal au moins deux caméras (pour couvrir les angles mort) et un poste de relais technique pour chacune d'elles. Ce qui était sans compter qu'il faille aussi embaucher le personnel qui se chargerait donc de cet entretien (en plus des égouts), des pokémons sauvages qui pourraient endommager le système, d'un problème technique quelconque lié à l'installation d'un pareil système dans des lieux forcément insalubre, l'interdiction en plus au personnel d'avoir ses pokémons sans lesquels ils se retrouveraient à nus contre les sauvages dont ils sont sensés s'occuper, etc… Cela rendrait les choses si compliqué qu'il serait impossible d'entretenir aussi bien ce système que celui de l'entretien du réseau d'égout, menant au final à la catastrophe sanitaire pure et simple.

Perdu pour perdu, la seule solution qui vint à l'esprit de ces architectes militaire fut de laisser tout le réseau sous la supervision de la ville et de sécuriser uniquement les points clés permettant d'accéder à l'Ambassade. Puis d'installer un système basique de verrou très perfectionné aux grilles extérieures, autorisant uniquement l'accès au personnel d'entretien, et d'inciter la sécurité intérieure à mener régulièrement des patrouilles pour prévenir tout danger.

Mais pourquoi s'ennuyer à mettre au point un système de patrouille dans un labyrinthe d'égout puant, en dessous d'une ambassade du Consortium ; le bâtiment à la base dont on ne voit pas pourquoi il avait besoin d'être transformé en forteresse vu qu'on ne verrait pas pourquoi il pourrait se faire attaquer ? (Sans compter le Labyrinthe qui se trouvait déjà de l'autre côté des accès en question ?)

Voilà pourquoi la Faucheuse entrait si facilement dans les lieux : on ne rencontre pas de résistance de la part de défenseurs qui ne voient pas l'intérêt de défendre leur poste.

Bien sûr, depuis la mort de Matis, la sécurité s'est bien renforcée autour de sa fille, mais ça n'était pas suffisant pour outrepasser l'inintérêt qu'il subsistait envers une surveillance active en sous-sol. Surtout que de toute manière avec la sécurité des grilles, qui était strictement la même que celle dans le Roc, il était impossible de passer à travers sans les autorisations accrédités ; en plus des brouilleurs empêchent la téléportation pour les types Psy, la progression par liquéfaction ou évaporation des pokémons pouvant changer de forme et/ou de consistance, de même que l'alliage composant la grille en elle-même était conçu pour résister à des températures et des pressions extrêmes. Techniquement parlant, aucun moyen technique connu ne permettait de passer cette grille sans que l'alarme ne soit donnée…

Aucun moyen connu… Ce qui ne concernait pas les baies.

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Sa marche était mesurée ; ni trop lente, ni trop rapide. Ses pas se succédaient sur le béton solide de la rive droite comme une brise soufflant sur le sol, mais restaient invariablement silencieux. D'après ses observations et les renseignements engrangés, elle n'était pas sensé ici trouver le moindre obstacle en la présence d'un garde, d'un civil, ou même d'un moindre pokémon (le dernier passage effectué remontant à moins d'une heure.) Cependant, à partir du moment où elle avait passée la barrière, elle se trouvait en terrain ennemi : tous ses sens étaient en alerte. La moindre erreur d'inattention était simplement inconcevable… Jusqu'à ce qu'elle s'arrête proche d'un énième croisement d'où s'échappait une claire source de lumière artificielle. Elle venait d'atteindre la première partie de son plan.

Elle ne se trouvait qu'à un mètre du croisement qui continuait dans deux directions opposées, droite et gauche, mais restait à distance dans le couvert des ombres. Car en s'engageant dans ce nouveau canal, que ce soit par la gauche ou la droite, elle rentrerait instantanément dans le champ de vision des caméras surveillant l'accès en question. Mais elle n'aurait pas fait tout le chemin sans prévoir de quoi se charger de la sécurité, ou sans son pokématos «noir». Ce dernier avait d'ailleurs revêtit la couleur représentative de son statu pour l'occasion ; tout comme la petite caméra araignée dont il était équipée…

D'un simple geste vacant d'aller-retour de la main sur son dispositif noir elle activa son petit insecte mécanique, dont les pattes sortirent par le dessus comme une fleur aux pétales en zébrures, avant de se mettre immédiatement à monter docilement sur sa main en l'attente de ses directives ; directives déjà implantées qui furent automatiquement activées au retour, en même temps qu'elle profita du geste en une fois pour lancer son appareil au plafond –auquel il s'accrocha par les crochets de ses pattes comme une véritable araignée. Puis, soudain prit d'une vélocité frénétique, comme animé d'un désir propre d'accomplir sa tâche avec la plus grande diligence, le petit insecte mécanique se mit à parcourir vélocement la surface du plafond en ligne droite… En plein dans la direction de l'accès sécurisé de l'ambassade.

La manœuvre pouvait paraitre totalement suicidaire, et elle le serait effectivement s'il n'y avait pas une autre faille de sécurité «dans la faille» déjà présente. Celle-ci consistait en un mauvais placement des caméras, dû aux contraintes du lieu et d'une simple mauvaise appréhension des distances de surveillance. Car les caméras étaient disposées chacune en face de l'autre, à deux mètres de distance, toutes deux au plafond en surveillant l'arrière de l'autre. Ce qui serait effectivement une bonne défense s'il fallait omettre volontairement l'angle mort commun aux deux : l'arrière même des caméras. (Pour voir la chose autrement, il suffirait d'imaginer deux personnes se regardant l'une l'autre. Visiblement il parait impossible que quelqu'un passe derrière sans être vu. Mais cela ne marche que sur les côtés, et/ou à condition que l'intrus ne soit pas plus petit que la personne surveillée ; comme une araignée caméra quatre fois plus petites que son homologue commune fixe, par exemple.)

De la même manière que les serpents de la Callidus s'étaient occupés des caméras dans le poste de Verchamp, son araignée fit de même avec celle de l'accès. Bien qu'assez différemment en plusieurs points.

Premièrement c'est une image continuelle en boucle qu'elle leur faisait passer, dont elle n'avait pas besoin que son araignée reste collée jusqu'à ce qu'elle passe pour remettre la vue normalement. (Ce qui était logique car, contrairement au poste de Verchamp, personne à cette heure n'était sensé passer par ici ; voir les canaux complètement vides de vie n'a alors strictement rien d'étonnant pour les gardes qui ne se doutent de rien.)

Deuxièmement, étant solitaire par rapport aux serpents, mais aussi bien plus autonome qu'eux (car moins gourmande), elle était bien plus lente qu'eux dans la procédure de hacking (déjà bien trop rapide par rapport aux standards actuels), mais aussi bien plus méthodique. Ce qui faisait qu'elle prenait son temps pour tisser sa toile de duperie dans leur réseau, mais qu'il était pratiquement impossible de s'en dépêtrer même une fois qu'elle était repérée.

Enfin troisièmement, elle était équipée dans son abdomen d'une multitude de petits dispositif transmetteur qu'elle laissait dans les appareils qu'elle infectait comme tout autant d'œufs parasites qui continuerait de tromper les systèmes de sécurité, tout en interceptant et relayant ce qu'ils voyaient et entendaient par elle sur le pokématos (à l'image d'une véritable toile d'araignée ; sauf qu'elle fut tissée par l'ambassade, et que c'était elle qui en prenait lentement mais inexorablement le contrôle à chaque nouvelle caméra infectée.)

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Une fois assurée que les caméras n'étaient plus un problème (bien au contraire, désormais la servant) elle sortit de son couvert pour s'avancer dans le couloir, et arriver juste devant a porte blindée d'accès qui la séparait de l'intérieur du bâtiment.

Bien que déjà préparée à ce qu'elle y trouverait, elle se mit à étudier de loin la serrure équipant cette dernière, ainsi que le digicode y étant associée. Mais n'avança pas plus d'un pas ; il subsistait une autre sécurité retors qui l'en empêchait en la présence du bon vieux système de détection laser… Système disposant lui aussi d'une faille ; à qui pouvait l'exploiter. Cette faille n'en était pas une dans le sens point faible du terme, mais dans le sens pratique : cet accès pouvait aussi bien servir de sortie de secours en cas de problème majeur, et les lasers se désactivaient automatiquement quand la porte s'ouvrait de l'intérieur –ou considéraient qu'elle s'ouvrait de l'intérieur.

Aussi, en ayant finit avec les caméras, et suffisamment petite pour passer les lasers sans encombre, sa petite araignée continua dans sa zélée lancée en s'accrochant au digicode, et commença à rapidement en décoder la combinaison à seize chiffres… Ce qui, même avec ses capacités techniques, allait prendre un certain temps ; temps dont elle ne disposait pas énormément et qui filait rapidement devant elle. Mais il n'y avait pas à s'inquiéter de la limite de délais qu'elle s'était imposée (quand bien même elle était stricte au sens le plus exagéré qui soit), car son plan n'allait pas consister à infiltrer l'ambassade pour arriver jusqu'à sa proie. Non, c'était bien plus subtil et insidieux que cela :

Elle allait faire en sorte que ce soit sa proie qui vienne à elle.


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Pendant ce temps, à plusieurs dizaines de mètres au dessus. La «proie» en question se trouvait encore enfermée dans son bureau ; recluse dans la pièce qui était devenue sa nouvelle résidence en la seule compagnie de l'homme en qui elle avait le plus confiance. Mais ce dernier, bien qu'il remplisse ses fonctions au delà de ce qu'on attendait normalement de lui, commençait à éprouver une forme certaine d'inquiétude quand à voir sa réaction craintive qu'elle peinait exagérément tant bien que mal à lui dissimuler. Il ne l'avait encore jamais vu comme cela, même quand elle s'inquiétait pour son père alors qu'il était sous une protection maximale (avant l'incident fatal). Mais c'était surtout le fait qu'elle ait commencée à éprouver ce qui lui apparaissait véritablement comme de la peur juste après la fin de l'entretien avec les dresseurs de la Ligue…

Elle disait ne pas avoir prit leurs avertissements jugés ridicules en compte. Mais force était de constater que depuis qu'ils l'avaient avertie, lui-même n'arrivait plus à l'approcher sans qu'elle n'émette un mouvement de recul… Par prudence. Et pour avoir déjà eu à faire avec des témoins devant faire face à de dangereux agresseurs dans la procédure de reconnaissance, et surtout à se souvenir de leurs réactions à chaque fois : il s'avait quand reconnaitre la peur quand il la voyait…

Actuellement : c'était le cas.

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Il tenta une nouvelle fois de s'approcher d'elle. Lentement. Sans faire le moindre geste brusque pour ne pas la surprendre outre mesure, alors qu'elle le voyait parfaitement venir vers elle ; une précaution qui lui valu pourtant un nouveau mouvement de recul de sa part. Malgré le côté excédentaire de sa démarche.


«Tatia…»


La future gouvernante ne répondit pas, même à l'entente de son diminutif dans la bouche de son fiancé. Le malaise était parfaitement perceptible dans sa voix, à s'inquiéter vraiment pour elle à la voir dans son état qu'elle savait qu'il ne parvenait pas à se l'expliquer… Mais elle n'arrivait pas à réfléchir posément. Elle était au calme. Ses heures de travail étaient finies. Le sommeil devait bientôt normalement venir prélever son dû. Elle était pourtant animée par un stress qui l'empêchait de se reposer un seul instant ; stress qu'elle faisait d'autant plus tout ce qui était en son pouvoir pour qu'il n'en perçoive rien… Sans succès.


«Tatiana…» Reprit-il d'un ton plus plaintif. «Dis-moi au moins quelque chose. N'importe quoi…»


Mais quoi ? Qu'est-ce qu'elle pouvait bien trouver à lui dire avec ce qui se passait, et dont il n'avait pas conscience de la gravité de la situation ? Ni «comment» elle en était sûre qu'à ce point c'était angoissant ?


«Tu veux qu'on te fasse apporter ton repas ?» Tenta-il à nouveau pour attirer son attention.


Mais elle ne manifestait toujours aucun signe d'écoute, et il commençait à désespérer qu'elle ne lui en accordera aucune s'il ne se montrait plus insistant. Mais, vu son état, il doutait encore fortement que cette approche là se révèlerai plus fructueuse. Si ce n'est pire.

Néanmoins il savait que le sujet de la nourriture devait éveiller quelque chose en elle, car elle était très ponctuelle (pour ne pas dire trop stricte) sur les horaires de repas : «un esprit sain dans un corps sain ne marche qu'en prenant ses repas à heures fixes.» N'arrêtait-elle pas de lui répéter à chaque fois qu'il lui proposait quelque chose quand ils étaient ensemble ; même dans l'ambassade… Du moins, jusqu'il y'a encore quelques heures.


«Une salade niçoise alors, avec des olives verte ?» Lui proposa-t-il d'un sourire, sachant que c'était l'un de ses plats préférés.


Rien à faire ; il semblait même que l'argument de la nourriture ne l'atteigne pas comme il le croyait. Mais entre parler d'un plat et l'avoir sous les yeux, la marge pouvait faire toute la différence…

Il commença à s'éloigner de la jeune femme, qui lui releva finalement son attention en le voyant se diriger vers la porte. Puis, alors qu'il était sur le point de sortir en empoignant cette dernière, il se tourna vers elle par simple réflexe et esquissa un sourire rassuré de la voir réagir.


«Je t'apporte ça de suite, je reviens.» Lui dit-il gentiment avant de prendre la porte et sortir de la pièce.

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Le son de la porte se refermant derrière lui, lui apparut comme le pire qu'elle n'ait jamais entendue jusqu'à maintenant. Le claquement fut calme. Posé. Parfaitement discipliné. Il n'empêchait en rien qu'il lui était aussi douloureux et insupportable que la douleur sourde d'un coup de couteaux dans l'estomac.

Au bout de plusieurs minutes d'un intense silence de part son absence, elle prit sa tête entre ses mains d'un lourd et pesant soupir. Elle n'avait même pas eut le cran de lui demander de rester en laissant à un autre de se charger de cette basse besogne ; une simple demande à laquelle il se serait empresser d'y répondre au moindre prétexte qu'elle lui aurait avancée, même complètement ridicule ou stupide… Mais et après ? Il lui aurait forcément posé à nouveau des questions, en s'attendant à ce qu'elle lui réponde. Mais elle ne le pouvait pas… Elle se trouvait dans une impasse d'où elle ne voyait pas comment s'en sortir, et n'arrivait plus à penser à autre chose que l'entretien avec les dresseurs de la Ligue…

Plus à celui avec le tueur contre lequel ils l'avertissaient justement.

Elle n'arrivait plus à comprendre ce qui se passait, plus le moins du monde. Que l'on attente à la vie de son père, elle ne voyait en tête personne qui y trouverait un véritable intérêt : Rising Sun risquaient plus à sa mort qu'à sa vie et avouaient s'être mit le tueur à dos ; il n'y avait aucun moyen qu'ils aient pu faire appel à elle de ce fait. Sa réputation de gouverneur était publiquement irréprochable et personne n'aurait voulu s'en prendre à lui pour des raisons personnelles futiles comme la jalousie, pas sans savoir qu'il provoquerait un véritable vent de panique dans la population ; en tout cas personne de sain d'esprit (mais qui de malade d'esprit pourrait s'en prendre à toute une armée et en sortir vainqueur ?) Quand à ses adversaires politiques, jusque dans le Consortium même, elle ne verrait aucun d'entre eux prendre un tel risque de voir son nom associé à ce meurtre en engageant une armée de mercenaire, ou la Faucheuse… Quand à cette dernière, elle lui avait clairement avancé ses conditions. Mais aussi ses raisons… Comme celles expliquant pourquoi elle tuait…

Un frisson d'effroi la parcourue de tout son être alors qu'elle réalisait l'horreur de sa naïveté : le rapport d'enquête publique faisait l'état d'un raid mené par une organisation bien entrainée et équipée, mais sans trouver la moindre réelle trace matérielle d'une preuve pouvant incriminer quelqu'un ou pour ne serait-ce qu'appuyer cette théorie. Rising Sun reconnaissait avoir dépensé beaucoup de ressource de leur côté pour aussi trouver les potentiels meurtriers de son père, mais firent un incroyable choux blanc. Et pire que tout, il semblait même que la «Mouche» ait prit sa retraite dans l'underworld ; presque en même temps que son père était déclaré mort. Et elle se rappelait que la Faucheuse lui avait dit n'avoir aucune raison autre que l'argent pour tuer quelqu'un, tout comme elle reconnaissait qu'elle pouvait s'être occupée de son père : mais surtout qu'elle n'avait aucun compte à lui rendre. Et en politique, de la règle de base parmi les règles de base, il en est une qui doit toujours rester en tête : les paroles s'envolent, les écrits restent. Car tout le monde ment.

Même la mort.


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Seize chiffres, comprenant aussi deux symboles Diez et Etoile : l'équivalent de centaines de millions, de milliards de possibilité de code pour une porte blindée renforcée capable de résister à l'ultimapoing d'un Machopeur à son meilleur niveau. Cette même porte se trouvait déjà bien loin derrière elle ; le moindre verrou intégré ayant complètement cédé devant la morsure de son araignée. Cette même araignée qui s'était chargée durant toute la progression de toute caméra rencontrée dans le dédale de l'ambassade avec son efficacité coutumière. Ne laissant dans son sillage que des yeux électroniques ne voyant seulement qu'à sa volonté.

Il était inutile de faire de même avec toutes les autres occupants le reste des couloirs du labyrinthe, par manque de temps autant que par moyen ; surtout qu'il y'avait une méthode bien plus rapide et efficace qu'elle avait déjà en tête bien avant d'avoir pénétrée par les égouts. Une méthode qui, si le lieu et les personnes le gardant sont différentes, restait toujours la même : viser la salle de contrôle et tout le système serait sien. Bien sûr, en l'absence de la Callidus, et de par la présence bien plus omniprésente de gardes, la salle en question restait hors de portée pour une telle ambition. Mais elle n'avait pas besoin de prendre le contrôle intégral pour réussir son coup ; juste de leur faire croire que c'était le cas. Rien de telle que de répandre la panique jusque dans la sécurité comme de donner un coup de pied dans la ruche pour que toutes les abeilles paniquent et laissent la reine sans défense ; ce qui était encore mieux si les abeilles s'affrontaient entre elles… Il se trouvait qu'elle avait justement les arguments pour ça.

Il n'y avait qu'à trouver le système d'aération pour que le spectacle commence.

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Puis arriva une nouvelle intersection virant à un nouveau couloir ne débouchant que sur la droite ou la gauche, mais dont cette fois-ci des voix pouvaient être perçues venant de la gauche ; celles de deux hommes. Et à nouveau elle s'arrêta, et laissa la tâche à son petit insecte.

Ce dernier s'élança à nouveau en traversant la distance qui le séparait d'eux par le plafond ; si rapidement et silencieux de part son apparence noire qu'il semblait comme une ombre défiant la lumière. Pour aller se placer juste au dessus d'eux et les suivre durant leur ronde ; comme leur ombre…

Une ombre à l'œil et l'ouïe funeste.

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Alors qu'ils passaient à nouveau par le même énième couloir, de ce énième parcours de ronde inchangé, d'une énième nuit sans histoire qui recommencerait encore pareil demain, aucun des deux gardes composant l'équipe de sécurité 30 continuant la marche n'émettaient de plainte quand à ce sort ou leur condition. Ils savaient parfaitement ce qui les attendait lors de leur engagement dans la sécurité, et avaient été de toute manière formés à la possibilité d'interminables rondes dénuées de toute forme d'action pour ne jamais relâcher une seule seconde leur attention ; règle qu'ils appliquaient jusque dans leur façon de respirer avec les évènements récents…

Du moins, était-ce qu'ils étaient sensés garder comme attitude. Car pour l'instant, alors qu'ils se trouvaient en dehors des rayons des caméras (justement pour ça), ils en profitaient pour discuter entre eux librement en abordant les derniers sujets de discussions et autres ragots qui circulaient ; pour la plupart inintéressant. Jusqu'à ce que…

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«Dis, qu'est-ce que t'en penses du flic ?»

L'autre garde, s'arrêta un instant par l'apostrophe plus ou moins inattendue de son collègue, dont le ton neutre de la remarque masquait pourtant bien un sentiment intrigué «peu professionnel».

«Qu'est ce que tu veux que j'en pense.» Renvoya-t-il sans plus.

«Oh arrête dix secondes «les lunettes noires» avec moi. Avoue que toi aussi l'histoire de ce flic «garde du corps privé exceptionnel» de la dame Matis t'intrigue.» Reprit l'autre d'un petit rire forcé. «Tu dois admettre, que pour un flic, il est très loin d'être banal. En tout cas certainement pas aux yeux de la gouvernante.»

«Y'a certains sujets et discussions qu'il ne faut pas aborder à la légère, même dans des moments creux comme celui-là.» Répliqua à nouveau le second d'un ton plus amer.

L'amertume fut perçue aisément par le premier garde ; ce qui le surprit d'autant plus qu'il croyait qu'il conservait toujours un avis neutre concernant les clients et leurs relations.

«Je rêve ou t'as une dent contre lui ?» Releva-t-il authentiquement étonné.

«Parce que toi non ?» Répliqua-t-il acerbe. «Sa seule accréditation «sérieuse» le fait qu'il soit dans les petits papiers de feu le gouverneur Matis, et semble être en très bons termes avec la gouvernante. S'il n'y avait que ça je n'y porterais pas plus d'attention qu'à un autre. Mais lorsqu'on lui a demandé de se soumettre à une identification plus poussée avant de lui autoriser à pouvoir seulement approcher cette dernière, c'est LUI qui nous a rembarré en nous disant d'être ceux qui devaient lui «montrer patte blanche» !» Déclara-t-il en haussant la voix. «Non mais tu le crois ça ? Ce type débarque de nulle part avec comme seule expérience de protection celle de sa profession de flic. Mais il ose nous faire la leçon sur nos compétences et remettre en cause nôtre intégrité avec comme seul argument l'IDEE que «PEUT-ÊTRE» il puisse s'être trouvé un garde corrompu dans la sécurité du gouverneur qui serait responsable de sa mort. Je m'occupais de la sécurité de demi-douzaines de personnes en même temps alors qu'il ne devait même pas capturer son petit malfrat de supérette !»

«Wow, calmes-toi mon vieux !»Reprit ce dernier en l'incitant à baisser la voix. «Parce que si tu commences à crier ce genre de point de vue, crois-moi qu'ils risquent d'être les premiers à t'entendre.»

Le rappel eut les effets escomptés sur son camarade qui prit une profonde respiration pour calmer ses nerfs, suivie d'une lente et profonde expiration.

«Désolé pour ça. C'était très loin d'être professionnel.» Posa-t-il platement.

«T'en fais pas pour ça. Moi aussi j'aime pas ce genre de malin. Mais on n'y peut rien parce que c'est le chouchou de la gouvernante.» Rendit-il sur le même ton. «Et puis il faut avouer qu'il n'est pas dénué d'une répartie plutôt désarçonnante pour un simple policier.»

«C'est plutôt une grande gueule.» Rétorqua l'autre, toujours amer. «C'est facile de critiquer et d'accuser les autres de ne pas être à la hauteur en les comparant à d'autres personnes de profession semblables qui n'ont pas bien fait leur boulot, mais ça veut pas dire qu'on est tous des incapables. Et c'est ça que je ne supporte pas chez lui : qu'il nous range tous à la même enseigne sous prétexte qu'il est celui qui baise avec la future gouvernante.»

Son collègue l'arrêta dans l'instant d'un geste sec de la main devant la bouche, l'air plus grave.

«Prend garde à ce que tu dis. Y'a des limites à ne pas dépasser ; même entre nous.» Lui fit-il en lui indiquant son oreillette de l'autre main.


L'autre se dégagea du bras de son collègue d'un geste formel, même si les traits de son visage restaient toujours figés dans une expression aigrie. Il ne pouvait pas calmer son ressentiment envers ce foutu policier, malgré les rappels de son collègue donnés comme des conseils amicaux. C'à le rendait juste malade d'imaginer qu'elle, la fille du gouverneur Matis, puisse s'être amourachée d'un tel fanfaron, impudent et vantard, et qu'il devait en plus devoir s'accommoder par force de ses sarcasmes. Il était même sûr qu'en un contre un, si il l'affrontait dans les règles, il pourrait même lui mettre la pâtée sans rien comprendre à ce qu'il lui arrivait avec les techniques de close combat acquises par son leurs instructeurs militaire. Si seulement on pouvait lui donner cette chance… Il était sûr qu'il finirait par lui faire fermer son clapet une fois pour toute.

Mais pour l'heure il faisait son boulot. Coincé ici, une dizaine de mètre sous terre, à désespérément surveiller et patrouiller dans les couloirs vides et monotones d'un labyrinthe que personne n'emprunterait jamais volontairement s'il n'y était pas obligé ; comme eux. C'était l'endroit idéal pour se vider les poumons seul de ce qui lui pesait, mais pas en présence du seul camarade lui permettant de ne pas s'ennuyer plus qu'il ne pouvait le supporter même avec son entrainement. Aussi fallait-il qu'il ravale sa rancune pour rester en bon terme avec lui.


«Tu as raison, je vais pas gaspiller mon souffle et me fatiguer les nerfs d'avantage à cause de lui. Encore désolé pour ça.» Fit-il d'un soupir en détendant ses épaules.

L'autre, satisfait par sa réaction, délaissa son air grave pour retourner dans les tons habituels.

«Bah, oublie ça.» Rendit-il mine comme s'il avait déjà oublié. «Tout le monde peut craquer à un moment ou à un autre, à cause de quelque chose ou quelqu'un, et c'est pas un crime d'exprimer clairement ce qu'on ressent dans ce cas ; faut juste savoir quand tu peux vider ton sac en confiance avec un ami plutôt qu'avec un collègue en plein service.»

L'autre esquissa un fin sourire en guise de remerciement pour les conseils et le soutien qu'il lui apportait, en plus de comprendre ce qu'il ressentait.

«N'empêche, service ou pas, je te promets que je ne continuerais pas à me laisser insulter de la sorte.» Reprit-il de son ton neutre initial de garde avant le détour de la conversation. «Nous sommes des gardes de sécurité privé. Le simple fait que nous acceptons de risquer nos vies pour assurer celle d'une seule autre personne, quitte à mourir et tomber dans l'oubli, démontre la détermination de nôtre engagement à vouloir faire ce qui est juste là où les lois publiques sont démunies et ne peuvent pas s'appliquer. Je ne laisserais alors personne remettre en cause mon intégrité ; chouchou de gouvernante ou pas. Et si jamais je devais un jour risquer de devoir faillir à ma tâche, je préfèrerais encore mourir à me battre jusqu'au bout plutôt que d'abandonner.»


Son collègue esquissa un sourire à sa solennelle déclaration en pensant à répliquer d'une petite vanne avec le flic, juste pour le titiller et l'entendre perdre encore une fois son tempérament stoïque. Ce qu'il aurait fait, si quelqu'un ne lui coupait pas l'herbe sous le pied…


«Quel dommage de ne pas vous tuer alors ; nous avons besoin de vous en vie.»


La tierce voix apparut de nulle part et le réflexe des gardes ne se fit pas attendre, les années d'entrainement et d'expérience intensive mouvant leurs gestes comme des machines sur ressort : ils se tournèrent instantanément vers l'évident intrus en portant la main à leurs armes de choc à leur ceinture. Cette réaction de dégainer son arme avant même de voir son adversaire, quand on sait qu'il est derrière soi, permet efficacement de le prendre par surprise sans perdre l'avantage s'il se montre un peu trop confiant. Ce qui était une excellente technique contre la majorité des personnes qui n'y sont pas préparées.

Mais en aucun cas avec celle se trouvant derrière eux.

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Eurent-t-ils à peine le temps de se tourner en parfaite synchronisation, le premier en rotation droite et l'autre de gauche, tous les deux leurs mains sur leurs armes, que l'intrus se trouvait déjà entre eux à donner un faible mais précis coup dans leurs coudes, et leur faire vriller une désagréable sensation d'éclair tout le long de leurs bras alors qu'il avait touché le point sensible de leurs nerfs qui leur fit lâcher leurs armes.

Il ne leur fut pas même laisser le temps de penser à pouvoir se remettre du premier choc que leur mystérieux mais implacable adversaire s'était penché dans un mouvement continu après la manœuvre sur leurs bras, et récupéra dans la foulée les armes incapacitantes qu'ils laissaient tomber. Puis, d'un mouvement en croisant les bras d'une continuité fluide, pointa les armes respectives des gardes entre eux dans un retournement de situation d'une ironie bien amère ; ironie dont ils ne purent déprécier les nuances quand, dans un bruit de déclic mécanique, les pointes des tazers allèrent se figer dans leur chair, en traversant sans difficulté leurs costumes noir en leurs points les plus fragiles, puis de crier un bref moment alors que la puissance d'un choc électrique de plusieurs milliers de volt se répandait dans leurs corps en saturant leur système nerveux, et ne finissent par les faire s'écrouler à terre ;rendu inconscient par la douleur. Sans même n'avoir pu tenter de relayer l'alerte d'intrusion au central de part sa rapidité d'exécution, ou même de n'avoir aperçut de leur agresseur autre chose qu'une sinistre silhouette à la vague forme d'ombre…

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Bien qu'à l'unité les deux gardes soient plus lourds qu'elle, cela n'empêcha pas leur ravisseur de les trainer tous les deux en même temps sur le sol par leurs pieds, tels de vulgaires charges, pour aller les déposer sans réelle difficulté dans l'une des nombreuses et anodines impasses du labyrinthe parmi les moins visitées qui puissent être. Puis, une fois qu'elle s'assura de leur temporaire silence selon «ses» critères en les droguant d'une nouvelle substance à base de baie (dont elle était la seule à connaitre les secrets), elle s'approcha de celui dont la taille se rapprochait la plus de la sienne et s'afféra à le déshabiller entièrement (en ne lui laissant que la chemise, le caleçon et les chaussettes) Avant de le suivre à son tour alors qu'elle retirait sa sombre tenue pour revêtir ses habits.

Une fois le changement effectué, après avoir rajouté l'oreillette, la montre et les lunettes noires, elle prit la parfaite apparence stéréotypée du garde du corps rigide et anonyme dont personne n'irait à en soupçonner la nature de par le caractère mécanique de ces derniers. (Bien qu'elle dut ranger sa longue chevelure par-dessous ses vêtements pour éviter d'attirer l'attention sur ce critère ; ce qu'elle en n'avait déjà que trop bien l'habitude.) Juste quelques détails par rapport à sa tenue d'emprunt lorsqu'elle rangea celle sombre dans une autre impasse : elle prit quelques fioles remplis de petites bulles semblant faites de plastique multicolore qu'elle rangea dans l'une des poches interne à la veste noire du garde ; suivit de deux petites et fines dagues qu'elle fit méticuleusement et ingénieusement glisser par la pointe dans la doublure de la veste sans la déchirer ; ainsi qu'une autre petite tripotée de gadget et autre petits atouts suffisamment petits pouvant être portés sans attirer l'attention en déformant son costume… Ce qui impliquait qu'elle devait se passer de son pokématos.

Ce n'était pas un problème. Ce dernier s'était déjà charger de cracker la montre du garde pour lui servir de précieux relais à sa place avec son araignée ; qui était déjà partie dans sa nouvelle tâche en parcourant les couloirs à la place des deux gardes en relayant les signaux de leurs balises depuis le moment où ils furent attaqués, afin de ne pas attirer l'attention de part leurs absences. Leurs rapport routinier ne seraient pas non plus un problème, car, de part sa silencieuse surveillance, son araignée avait aussi enregistrée et relayer la fréquence de leurs voix à son pokématos, qui s'était déjà chargé de les isoler puis de les paramétrer dans un synthétiseur vocal imitant à la perfection leurs voix ; avec la montre crackée, elle n'avait qu'à simplement réponde à leur place. Et mieux car, avec cette dernière reliée à leur réseau, elle avait désormais accès à toutes leurs communications interne (il existait des sécurités contre ce genre de possibilité, mais elles n'avaient tout simplement même pas eut le temps de lui résister.)

Mais le meilleur était, ou plutôt serait, les gardes lorsqu'ils se réveilleront bien après que tout se soit terminé ; quand ils feront le rapport de ce qui leur est arrivé dans le labyrinthe en expliquant la seule chose concrète qu'ils aient entendu de leur agresseur. Cette simple phrase qui allait faire toute la différence dans le futur, et surtout allait écarter toute possibilité d'association entre une organisation turbulente et arrogante, et un tueur «solitaire» froid, méthodique, implacable, mais surtout silencieux. Parfois laisser en vie un témoin peut s'avérer bien plus rentable que s'il était mort ; surtout s'il n'est témoin que de ce qu'il devait voir.

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Elle laissa à son sort les gardes et sa tenue dans leurs impasses réciproques alors qu'elle retournait dans le dédale de couloirs des sous-sols parue de sa nouvelle apparence (ironiquement plus discrète que l'ancienne) en prenant la direction indiquée par son pokématos, relayée sur sa nouvelle montre, qui l'amenait droit vers le système de ventilation central.

Seconde phase du plan achevée. Début de la troisième phase.


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Pendant ce temps, à plusieurs dizaines de mètres encore plus loin, malgré sa tenue décontractée d'un ensemble bleu qui contrastait avec le mobilier en marron hautain du bois massif, c'était l'esprit pleinement troublé que Théo Lagarde parcourait les couloirs riches en décoration de l'ambassade en direction de la cafétéria située bien loin du bureau du gouverneur ; ou de la future gouvernante.

L'idée était simple mais efficace : partir du bureau en la laissant seule pour prendre le temps de réfléchir en son absence, puis de revenir avec un plat concocté tout frais qui répondrait aux attentes de son estomac ; sa faim rassasiée pouvant lui permettre de délier plus facilement le nœud coulant qui semblait coincé dans sa gorge. Mais plus il réfléchissait en avançant dans les couloirs, et plus il doutait que cette manœuvre puisse se révéler fructueuse avec elle.

Et, plus inquiétant encore, il soupçonnait de plus en plus qu'elle ne lui cache sciemment des choses importantes ; des choses qu'il doutait devoir savoir. Pas uniquement en tant que fiancé, mais aussi en tant que policier…

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Cette pensée quitta son esprit alors qu'il sortait enfin les luxurieux couloirs des étages supérieurs pour arriver à la cafétéria privée du rez-de-chaussée ; dont le mobilier et l'installation, bien que toujours équipé avec de la qualité à la hauteur de leurs prix (plutôt indécents), s'approchait le plus de ce qu'il trouvait normalement dans le commun des mortels. Il fut aussi surprit de voir que plusieurs employés et quelques gardes s'y trouvaient malgré l'heure, mais trouva cela curieusement rassurant quelque part. Il se dit un instant que cela pouvait se révéler intéressant d'aller discuter un peu avec eux pour en apprendre peut-être un peu plus sur l'état d'humeur de Tatiana, vu que, par rapport à ces derniers, il ne la connaissait mieux qu'en dehors du bureau…

Cette idée à son tour fut chassée de son esprit plus vite encore que la première. L'entretien avec les deux membres de la Ligue fut l'élément déclencheur. Et bien que ses collègues de l'ambassade tout autant que les gardes devient être au courant de leur venue, le sujet abordé entre eux n'était pas sortit des quatre murs de son bureau ; ce qui signifiait qu'aucun d'entre eux ne savait dans quel état se trouvait la gouvernante. Aborder le sujet reviendrait à leur faire comprendre que quelque chose ne tournait définitivement pas rond et qu'elle devrait en répondre devant eux dans les instants qui suivraient. Par la force s'il le fallait… Il ne pouvait pas se résoudre à lui imposer cela. Pas en ce moment.

Mais les rumeurs… Elles non plus il ne pouvaient pas ne pas les prendre en compte, ou au moins les ignorer ; ces rumeurs affabulatoires parlant d'un complot en interne dans le Consortium qui liait des personnalités haut placées à des terroristes comme les teams dans le marais n'étaient que pure folie et divagation… Mais elles revenaient de plus en plus. Chaque jour. En gagnant toujours plus d'intensité dans les conversations qui lui arrivait d'écouter par mégarde, ou à espionner intentionnellement. Et plus elles gagnaient en intensité, et plus il doutait que sa fiancée ne pouvait ne pas être au fait de ces histoire.

Matis feu son père n'avait pas uniquement que des ennemis dans le Consortium, il avait aussi des alliés. Des alliés de poids qui plus est. Mais lui-même savait par expérience que même l'allié le plus proche pouvait se révéler d'une nature qu'on ne croyait pas soupçonner. Aussi osait-il se poser la question : son père aurait-il participé à des choses contraires aux principes qu'il prétendait défendre ? Et si oui, était-ce de plein gré ou contre sa volonté ? Et dans le second cas, se pourrait-il qu'il fut réduit au silence à cause de ce qu'il savait et qu'il se révélait de plus en plus gênant aux yeux de ses meurtriers ? Il n'en avait aucune idée. Et les théories à question sans réponse continuaient de naitre dans son esprit pour disparaitre presque aussitôt, faute de données concrètes, en ne faisant qu'accroitre le trouble qui l'habitait. Seule sa fille détenait la clé qui lui permettrait d'y voir plus clair et de lever ses doutes une fois pour toute… Mais plus il réfléchissait à tous ces détails et plus il rechignait à vouloir connaitre la vérité, de crainte que ce qu'elle lui révélerait serait si terrible que cela lui reviendrait à remettre totalement en cause l'histoire de leur amour.

Bien qu'il ne le montre pas alors qu'il passait sa commande au guichet de la cafétéria, il était déchiré entre deux parties : l'une de sa conception propre de la justice qui lui dictait de toujours faire éclater la vérité au grand jour, peu importe sa dureté, et de l'autre le respect et la confiance qu'il portait en elle et en leur entière année de vie commune ; qu'il reviendrait alors à penser n'être qu'un mensonge.

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Pour la troisième fois, sa pensée quitta son esprit plus vite qu'elle n'eut apparu. Cependant, contrairement aux deux autres, celle-ci le fut avec une brutalité inégalée. Pour avoir vu des maris tromper leurs femmes, des enfants confesser le meurtre de leurs parents, et croire pouvoir s'en tirer avec un numéro de cinéma et de fausses larmes pour amadouer leur public en se faisant passer pour les victimes, il savait reconnaitre un menteur quand il en voyait un ; les larmes et l'écho des pleurs qui résonnèrent dans sa chambre, ainsi que le râle de tristesse qu'elle poussa à l'entente de la mort de son père n'en avaient pas été un ; pas plus que la rage qu'elle éprouva et afficha devant les millions de gens composant la population qui écoutèrent et reconnurent sans retenue la réalité de la douleur qui l'habitait, alors qu'elle ne se remettait pas même à peine de la disparition de son père. Cet exemple de courage et de volonté, aucun acteur ne pouvait prétendre à pouvoir la jouer sans s'y être préparé des semaines, des mois à l'avance. Mais ces même mois où un usurpateur aurait pu s'y préparer, elle les avait passés avec lui bien plus intimement qu'avec n'importe qui d'autre. Et même si tout le monde garde ses petits secrets, il la connaissait par cœur pour savoir qu'elle ne simulait jamais ce qu'elle disait ou ressentait.

Et les faits parlaient pour lui à sa place : est-ce que la magnifique fille du gouverneur le plus connu et réputé des îles irait entretenir une relation aussi sérieuse avec un pauvre policier des «bas-fonds» si ce n'était pas vrai ? Il fallait réfléchir de la façon la plus cynique qui puisse être : elle est très belle, fortunée, intelligente, célèbre, très estimée aussi bien par ses collègues que par ses adversaire obligés de reconnaitre son talent et sa répartie, et –en poussant le critère de cynisme dans ses recoins les plus abyssaux- était au lit ce qu'était un pokémon légendaire dans l'équipe d'un dresseur : un rêve pour lequel on irait damner son âme. De l'autre côté il y'avait lui, le policier, qui s'il devait reconnaitre être très loin du pou hirsute ou du Ramoloss attardé, n'était en réputation et en argent par rapport à elle ce qu'était une colline par rapport au Mont Couronné. En clair elle incarnait le rêve utopique de la femme parfaite pour les plus égoïstes des hommes (si ces pauvres idiots venaient à oublier le critère de l'intelligence et de la répartie.) Aussi comment lui pouvait-il croire un seul instant qu'elle lui mente, alors que tout indique que c'était lui dans l'histoire qui avait le plus à gagner et elle le plus à perdre ?

S'il ne se trouvait pas en la présence d'autres personne à la cafétéria, il n'aurait pas manqué de se donner une claque. Non leur année de vie commune n'avait pas été un mensonge. Ses larmes de peine tout autant que de joie n'avaient pas été un mensonge. Sa volonté à se relever et sa déclaration à continuer l'œuvre de son père n'était pas un mensonge. Mais elle se trouvait désormais seule pour l'accomplir ; ce qui ne l'empêchait pas de vouloir qu'il reste avec lui. Parce qu'il savait que malgré tout ce qu'il lui arrivait, elle l'aimait.

Comme dans une explosion de clarté, ses doutes furent d'un coup impitoyablement balayés à l'image de feuilles mortes face à un cyclone. Alors qu'il ressortait de ses déductions avec l'inflexibilité d'une détermination renouvelée. Il ne lui appartenait pas de douter de cette vérité, de même de la confiance qu'ils se portaient l'un envers l'autre. Ce qu'il devait faire pour remédier à ses craintes ne lui parut jamais aussi évident : rester à ses côtés et l'épauler jusqu'au bout quoi qu'il arrive. C'était son devoir ; aussi bien en tant qu'homme que flic. Mais avant tout, c'était son choix. Le choix né du désir de vouloir partager sa vie avec celle pour qui il était prêt à strictement tout risquer. Jusqu'à la sienne. Sans la moindre hésitation.

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Cela faisait des jours qu'il ne s'était senti aussi lucide ; que la voie à prendre puisse se révéler si évidente comme un chemin dégagé juste devant lui, n'attendant plus que sa marche pour l'amener à destination. Plus de doute, plus de crainte. Maintenant il savait ce qu'il lui restait à faire : revenir dans son bureau et lui déclarer carte sur table que peu importait ce qui pouvait se passer, ce qu'elle pouvait lui cacher ou refuser de lui dire, il la suivrait jusqu'aux confins de la terre… Il n'y avait qu'une seule chose qui le retenait de mettre sa résolution à exécution…

Il fallait que cette fichue salade daigne se montrer.


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Sinnoh. Voilaroc. Quartier Sud-est du Centre-ville. Immeuble 634 ; appartement 333, troisième étage.

Mercredi 26 Mai, 21 heures 17 minutes.



La lumière tamisée qui éclairait la pièce d'un orange hésitant trahissait sans peine les efforts fournis par l'homme à vouloir réduire autant que possible la déperdition d'énergie pour alimenter les nombreux postes sur lesquels il pianotait passivement, afin de les maintenir à leur état d'opération optimal. Ce qui, avec celle d'un blanc brutal réfléchit par ses consoles, plongeait la pièce dans une pénombre lancinante plus dérangeante que réellement nécessaire. Car la multitude d'écran à eux-seuls dégageaient suffisamment de candelas pour avoir un niveau de visibilité plus qu'acceptable. Mais l'homme n'en avait cure. Son attention était entièrement reportée à consulter passivement les dossiers et les données contenues qui s'affichaient sur les écrans, et il semblait alors peu probable qu'il puisse sortir de sa contemplation de par l'intensité qui se reflétait sur ses yeux… Jusqu'à ce qu'un dossier en particulier capte son intérêt au milieu des autres.

Du bout de son doigt il s'en saisit et en ouvrit son contenu qui s'afficha entièrement sur ses écrans. Il passa en revue les grandes lignes, afin de constater si oui ou non ce dossier se montrait à la hauteur de ses attentes pour qu'il daigne le consulter plus en profondeur. Mais la lecture des premières lignes fut suffisante pour qu'il en soit le cas.

Alors qu'il allait appeler son collègue, qui en profitait pour se reposer sur le canapé de la pièce, une succession de coups sourds résonnèrent depuis le mur à l'opposé.

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Ayant reconnu leur code sans la moindre difficulté, les deux agents délaissèrent leurs tâches respectives pour aller ouvrir le passage à leur «invités» en déplaçant la lourde étagère qui en bloquait l'accès depuis l'appartement voisin par un passage secret ; qu'ils refermèrent derrière eux une fois que tous étaient rentrés.


«Bonsoir Voilaroc.» Commença le plus petit des quatre. «Il paraitrait que vous pourriez avoir besoin de renfort ; alors Unionpolis à répondu à l'invitation.»

«Y'a qu'à espérer que vous ne soyez pas venu pour rien.» Renvoya celui qui se trouvait sur le canapé, en tentant de se montrer le moins inhospitalier possible.

«Commençons déjà par faire les présentations ; sinon cela posera problème à savoir avec qui on travaille.» Posa calmement un des autres agents à la suite du petit. «Je commence : Léonid Castel, chef de section d'Unionpolis. Et voici les autres membres de mon équipe : Hawke, Lérènne, et Gaston.»


Il indiqua calmement à la suite ces derniers d'une geste de la main. En commençant par le petit ; suivit d'une jeune femme portant toujours la capuche, mais dont le teint sombre de sa peau contrastait furieusement avec le décor de la pièce ; et enfin du dernier, un homme à la posture légèrement voutée.


«On va essayer d'éviter les noms de famille pour l'instant, si ça dérange pas ; le temps que je m'habitue déjà au mien.» Releva d'un petit rire d'accueil leur interlocuteur. «Moi c'est Miles, et voici Zaon.»

«Bienvenue.» Reprit à nouveau platement ce dernier. «Les présentations du reste de nôtre équipe en bonne et due forme devront attendre. J'ai trouvé quelque chose dans nos banques de donnée qui pourrait expliquer pourquoi la directrice mobilise toutes nos ressources ici.»

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Aussitôt ce dernier se rassit devant ses écrans, pianota quelques instants sur le clavier, et fit afficher, par le biais d'un petit dispositif au centre de la table, une représentation holographique des données du dossier qu'il consultait encore quelques minutes avant. Avec en gros plan le nom du dît dossier : «La Mouche.»


««La Mouche»...» Répéta pensivement Léonid. «Aussi connu sous le nom de «l'informateur», «le Persiffleur», ou encore «le Passeur». Un sacré lascar.»

«Un lascar que la Ligue a employé.» Souligna platement Zaon.

«Que tout le monde a au moins uns fois employé.» Répliqua calmement Lérènne en retirant sa capuche ; qui attira aussitôt l'attention à la vue de l'élégance de son visage malgré la noirceur de son teint. «La Police, les services de sécurité privé, les entreprises privées, le Consortium, la Ligue, et même les services secrets… Avoir un dossier sur la mouche n'a rien d'étonnant. Même si, comme la Faucheuse, aucune donnée concrète n'existe à son sujet.»

«Parce qu'en vrai, vu que tout le monde l'emploi, il a toujours un coup d'avance sur tout le monde comme il gage toujours ses informations des meilleures sources possible : ses clients.» Reprit Miles en s'asseyant à nouveau sur le canapé. «Parmi le monde de l'underworld, il est confirmé qu'il existe dix lois absolues qui régissent l'équilibrent interne de la société criminelle. Deux principaux critères sont à retenir concernant ce point : ces lois ne sont pas considérées comme des lois dans le sens où elles doivent être respectées, mais parce qu'elles nécessitent d'être respectées par simple logique de survie ; les enfreindre venant tout bêtement à s'assurer à 100% de voir sa tête mise à mort. Et le deuxième point…»

«C'est que deux de ces huit lois sont des personnes, en chair et en os : la Mouche, et la Faucheuse.» Continua platement Zaon en marquant une pause. «Il n'est pas nécessaire de répéter ce que nous savons tous déjà à leur sujet : rien, si ce n'est que leurs compétences surpassent de très loin celles du commun des mortels pour s'être hissés au point où l'on puisse les considérer comme des lois à part entière. Mais il y'a un détail concernant la Mouche qui mérite nôtre attention.»

«Lequel ?» S'enquit Léonid.

«Premièrement : il a beau être recherché par les polices du monde pokémon entier, personne ne peut se passer de ses services ; pas même la police en question. Ce qui est la définition brute de l'hypocrisie et de la bêtise dans toute sa splendeur.» Déclara-t-il d'un constat neutre, se voulant nullement insultant tout en sachant qu'il l'était. «Deuxièmement : il répond à pratiquement toutes les propositions d'appel qu'il reçoit. Et bien qu'elles soient toutes piégées de manière à essayer de le traquer pour le trouver, aucune n'a jamais fonctionnée vu que l'on continu à faire appel à lui. Troisièmement : c'est le point commun qu'il y'a entre lui et la Faucheuse à connaitre la nature exacte de leurs clients, et qui les rend tout aussi dangereux l'un que l'autre. Enfin quatrièmement : s'il existe bien une personne sur terre qui puisse nous donner le plus de chance de trouver la Faucheuse, c'est bien la Mouche…»

Il laissa sa phrase en suspend en se tournant lentement vers les cinq agents derrière lui, comme attendant une réaction de leur part.

«Oui ben quoi ?» Releva Hawke qui croisait les bras en haussant les épaules. «On sait tous que la Mouche est probablement nôtre meilleur ticket de réussite pour trouver la Faucheuse. C'est pour ça que c'est la Ligue qui s'occupe de la contacter à nôtre place ; pour minimiser au maximum les risques qu'ils puissent nous impliquer dans la conversation en ruinant toute nôtre couverture. Mais je ne vois pas ce qu'elle vient faire dans la conversation.»

L'agent Zaon ne répondit pas. Il se tourna à nouveau un bref instant vers le clavier pour tapoter dessus, et à nouveau des lignes du rapport s'affichèrent en surbrillance par rapport au texte.

«Parce que le problème, c'est que la Ligue a cherchée à joindre la Mouche à cinq reprise depuis la mort du gouverneur Matis... Mais toutes sont restées sans suite.»

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La nouvelle laissa les agents muets. Elle en fit décroiser presque automatiquement les bras de Hawke et lever Miles du canapé pour aller rejoindre les autres qui s'étaient rapprochés derrière l'agent Zaon sur ses écrans ; qui s'afférait déjà à la relayer à l'autre partie de leur équipe en patrouille. Il ne fallut même pas dix secondes à ces derniers pour répondre.


«On n'est pas dans la merde.» Déclara en retour une voix depuis l'un des écrans sur la table.

«La section d'Unionpolis est aussi présente.» Termina de préciser Zaon.

«Et ce ne sera pas de trop.» Continua une seconde voix qui s'afficha sur un second écran. «Chef de section Léonid, je suis le chef de section Louge de Voilaroc.»

«Et moi Fusty.» Reprit la première voix. «Mais on n'est pas ici pour les présentations concrètes alors on en reste là pour les formalités, si vous voulez bien.»

«Evidemment. Nous avons d'autres choses à faire.» Confirma Léonid. «La nouvelle d'apprendre - plutôt de déduire que la Mouche se soit «retirée» me passe comme un bol d'aiguille dans la gorge.»

«Vous n'êtes pas le seul.» Intervint une troisième voix sur un ton si ferme qu'il était impossible de ne pas en reconnaitre la détentrice.

Un bref moment de silence se posa dans la pièce et des deux premières voix à l'entente de la tierce.

«Pardonnez-moi de vous poser la question, madame, mais pourquoi ne pas nous avoir fait part de cette éventualité avant ?» Demanda posément Léonid.

«Parce que ma méthode est de toujours se baser sur des faits concrets avant d'établir un raisonnement et de le soumettre à mes subordonnés. Mais je ne me rends compte que maintenant, à ma plus grande confusion, que ce genre de procédé ne peut pas fonctionner efficacement en ce qui nous concerne.» Admit-elle platement. «La disparition tragique du gouverneur Matis nous indiquait que la Faucheuse pourrait en être à l'origine ; la manière dont les traces laissées impliquaient une organisation clandestine aussi ouvertement pouvant être interprétés comme sa signature. Le problème fut que pour en avoir la certitude il fallait contacter en premier la Mouche pour s'assurer que cela fut bien le cas ou non. A partir de là vous connaissez la suite…»

«Aucune réponse.» Reprit platement Lérènne. «Ce qui avec le timing de la mort du gouverneur ne semble pouvoir nous indiquer qu'une chose…»


Un lourd silence s'installa alors dans la pièce, seulement interrompu par le bruit étouffé des activités de la ville roc par les volets fermés de l'appartement. Tandis que l'agent Hawke s'en alla s'asseoir d'un pas hésitant à côté de Miles sur le canapé ; en répétant la seule conclusion qui pouvait en découler sans arriver à en reconnaitre la réalité.


«La Faucheuse a tuée la Mouche…» Cunclut-il d'une voix creuse.

«Je ne voulais pas mobiliser plus de force que nécessaire, tant que l'on ne pouvait pas être effectivement certains à 100% que cela soit le cas.» Reprit à nouveau la directrice. «La Mouche est tout de même réputée pour être capricieuse, et sait se faire désirer de ses clients en les faisant patienter parfois outrageusement longtemps… Mais encore récemment la Ligue a tentée à nouveau de la contacter. Sans succès. Ce qui porte le compte de tentative de communication à six.»


A nouveau le silence. Le fait d'apprendre que leur meilleure chance de réussite n'était plus de la partie, confirmée de plus par la directrice, toucha durement la huitaine d'agents postée dans la ville des rocs ; ce qui était ce que la directrice craignait qu'il n'arrive, et pourquoi elle n'avait fait part de cette théorie. Car ils savaient être à la base à la traque d'un être impitoyable ne connaissant ni le répit ni la compassion quand à l'application de son jugement mortel, mais conservaient toujours l'idée qu'il ne s'agissait à la base que d'un humain –aussi talentueux fut-il. Ce qui leur permettait de garder l'espoir qu'il puisse commettre une erreur, et qu'ils soient là pour en profiter… Sauf qu'en apprenant que celle qu'il traquait s'était certainement occupée du seul autre être pouvant la trouver, alors que personne n'était sensé connaitre leurs identités respectives… C'était comme si la mort elle-même avait choisie son camp.


«Alors qu'est-ce qu'on fait ?» Finit par demander Fusty en brisant le sceau de ce silence. «Si la Faucheuse s'est occupée de la Mouche, qu'est-ce qu'on peut faire ?»


L'appréhension perçue dans sa voix trahissait sans peine l'état déboussolé dans lequel il se trouvait. Et, en bien des points, il n'était pas le seul : La Mouche sait tout, voit tout, connait tout. C'était presque une forme de slogan publicitaire pour elle, car elle assurait tout savoir des autres sans que personne ne sache rien d'elle. Et elle était dans le business depuis plus longtemps que la Faucheuse.

Tout le monde s'accordait à dire que la Mouche avait acquise suffisamment d'information pour pouvoir déclencher une guerre si elles venaient à être révélée publiquement ; ce qui expliquait pourquoi elle fut élevée au rang de lois dans l'underworld. Mais pourtant, même avec cette formidable accumulation de connaissances et ses incroyables compétences d'investigation, il restait un être sur terre envers lequel même la Mouche n'avait pas un iota d'information. Un être qui, s'il réussissait déjà l'exploit de rester anonyme par sa simple existence en défiant la Mouche de changer cet état de fait, accomplissait l'impensable en réussissant là où des dizaines, des centaines, voir des milliers d'autres avant lui échouèrent quand à saisir l'insaisissable…

Aucun d'entre eux n'en montrait clairement les signes, mais cette nouvelle les atteignit sérieusement : comment lutter face à un être invisible, silencieux, capable d'abattre implacablement le travail d'une armée entière, accomplir seul ce que des organisations de tous bords ne pouvaient prétendre à égaler qu'en théorie, qui pouvait échapper aux cinq sens de l'être humain en ne laissant aucune trace derrière lui, tout en pouvant de son côté trouver et atteindre n'importe qui juste d'un claquement de doigt ? C'était comme affronter la définition même de la mort ; une lutte inégale qu'ils n'étaient que très loin de pouvoir remporter.


«On s'en tient au plan.» Statuait platement la directrice.

«Sauf vôtre respect : quel plan ?» Releva Hawke. «Même avec nous quatre en plus Voilaroc reste toujours trop immense. Sans compter qu'on ne sait même pas ce qu'on doit chercher, ni comment le chercher ; ce qui ne risque plus d'arriver sans cet informateur de premier ordre.»

«Et encore moins si on fait de la rétention d'information entre partenaires dans la même galère.» Souligna à la suite une tierce voix sur le canal de la directrice.

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Les six agents dans la pièce s'interpellèrent à l'entente de la nouvelle voix ; aussi bien du contenu qu'au ton léger avec lequel il fut déballer devant eux. Ce qui ne fut pas du goût de quelqu'un…

«Agent Nathaniel, est-ce que la notion de hiérarchie vous évoque quelque chose ?»

«Vaguement.» Répondit simplement ce dernier. «Mais au lieu de tourner autour du pot, on ne pourrait pas leur expliquer clairement qu'on va avoir des champions pour venir nous épauler ; juste pour leur remonter un peu le moral ?»

«Ce qui était le point que je m'apprêtais à aborder.» Répliqua-t-elle sèchement.

«Ah ? Oups alors, autant pour moi.»


Les agents perçurent une sorte d'infime petit sifflement s'amenuisant de plus en plus venir du canal alors que l'interlocuteur intrus semblait s'effacer devant leur boss. Comme si ça l'amusait… Mais cette brève altercation ne fit qu'occuper leurs esprits que quelques instants, et fut rapidement oubliée au profit de cette information qui accapara toute leur attention.


«Des champions se mobilisent à Voilaroc ?» Répéta Gaston ; dont la naturel taciturne soulignait à quel point la nouvelle pouvait surprendre. «Mais pour quelle raison ?»


Un soupir fut perçut depuis le canal de liaison principal alors que la directrice ne savait par où commencer (merci à l'idiot qui lui avait ruiné sa tentative d'approche planifiée pour aborder le sujet dans les meilleures conditions possibles.)


«On va faire simple et direct.» Finit-elle par conclure. «Le maitre et la championne de la ville nous ont fait part de leur entretien avec la gouvernante Matis, et il semblerait que cette dernière connaitrait «de loin» la Faucheuse.»

Un véritable mouvement d'appréhension parcourut la huitaine d'agent –dont ceux qui écoutaient depuis leur patrouille. Mais la directrice enchaina sans leur laisser le temps de questionner.

«Je souligne le terme «de loin», car il semblerait qu'elle puisse avoir reçu une lettre de menace, selon la théorie du maitre et de la championne, dans laquelle il pourrait être question d'une allusion au sujet de ce tueur en le revendiquant comme le véritable meurtrier de son père. Cependant ceci n'est ni plus ni moins qu'une théorie, et non des faits.» Souligna-t-elle fermement. «Les faits sont que le gouverneur Matis est mort, que tout indique comme responsables une organisation d'ordre paramilitaire, que la Mouche ne semble plus répondre au moindre de nos appels, et que sa fille se présente aux élections exceptionnelles qui auront lieu d'ici trois jours au Parlement d'Unionpolis et qui feront d'elle officiellement la nouvelle gouvernante du Consortium à Sinnoh. Hors si la Faucheuse est réellement responsable de la mort du Gouverneur, alors il y'a de fortes chances que le commanditaire ayant passé le contrat sur sa tête puisse décider de faire de même avec sa fille. Partant de ce constat, on peut suspecter qu'elle puisse être ciblée durant le laps de temps la séparant des élections.» Elle marqua une pause. « Assurer la sécurité de la fille de gouverneur en maintenant une surveillance continuelle devient alors nôtre principale priorité jusqu'à la fin des élections. Et sachant que c'est aussi nôtre piste la plus viable pour le moment, je vous demande humblement de bien vouloir coopérer ensemble pour mener à bien cette mission.»


Seul un silence plat qui vint en réponse de la part des agents fut interprété positivement par la directrice ; qui se prit à penser devoir elle aussi changer ses habitudes si elle voulait que cette opération les mène concrètement quelque part. D'ailleurs un autre lui en fit la remarque.


«Peut-être faudrait-il aussi leur faire part du reste, pendant qu'on y est ?» Tenta à nouveau plus précautionneusement l'agent borné à ses côtés.

«Correct.» Finit-elle par lui concéder d'un ton calme avant de continuer. «Puisque le maitre craignait que la Faucheuse ne puisse frapper durant ce délais sensible, et connaissant le faible nombre de nos effectifs, le champion de Verchamp, le kamikaze de la tour de combat, l'héritier d'hoenn, et même l'une des championne de Kanto –de passage dans nôtre île- se sont portés volontaire pour nous apporter leur soutien en vue d'assurer la surveillance des élections ; ils devraient d'ailleurs d'ici très bientôt. De même que la nouvelle de l'absence de la Mouche fut relayée il y'a peu au directeur du QG de police à Féli-Cité, qui a ensuite relayée la nouvelle en privé avec celui du poste de Voilaroc. En ce moment même ce dernier fait déployer des mesures de sécurité aux frontières de la ville pour filtrer le trafic, officiellement pour tester les nouvelles procédure de sécurité anti-terroriste, ainsi qu'une bonne portion de leurs effectifs restent en alerte en se tenant prêt à intervenir à n'importe quel moment si quelque chose se déclare.»

«En somme, si la Faucheuse pointe le bout de son nez elle risque une belle déconvenue.» Résuma Nathaniel d'une note légère.

«Mais nôtre but n'est-il pas de l'attraper au lieu de la faire fuir ?» Releva Zaon.

«Nôtre but principal est de connaitre la vérité sur l'affaire du Leuphorie Shiny.» Corrigea platement la directrice. «Bien qu'elle soit nôtre priorité numéro 1 à la base, la Faucheuse ne reste qu'une tueuse à gage. Nôtre travail consiste donc à la mettre en cage tout autant que d'empêcher que ne se reproduise une autre affaire Leuphorie Shiny en la laissant tuer une personne, comme la gouvernante Matis à l'image de son père. Si cela demande de nôtre part de rallonger d'avantage la distance qui nous sépare d'elle en la faisant fuir par une démonstration de force, nous devons le faire sans la moindre hésitation.»


Elle fut satisfaite de constater que son message était clairement passé lorsqu'elle ne perçu plus le moindre bruit de la part de son auditoire, qui avait accepté depuis un moment déjà de suivre ses directives sans réellement poser de question (par pure habitude acquise dans leurs services respectifs.) C'était un point qu'elle savait qu'il fallait devoir qu'elle corrige pour instaurer une réelle relation de confiance qui s'avérerait nécessaire pour la suite, et pas uniquement de son côté. L'occasion lui était d'ailleurs donnée pour ces trois jours. Elle n'avait plus qu'à les mettre à contribution…


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Au même instant, de retour dans l'ambassade, la «garde de sécurité» Nélise Sisca achevait son «tour de ronde» en passant par les chemins curieusement détournés du champ de vision des caméras qui l'amenèrent à l'entrée Sud-ouest du bâtiment principal ;idéalement située à quelques mètres du parking ouvert duquel se trouvait de nombreuses voitures de service. Auparavant elle s'était chargée efficacement de disséminer les fruits de ses concoctions dans le système d'aération grâce à cette même ronde (ce qu'il est aisé de se faire passer pour un garde une fois leur modèle rigide de marche mémorisé), et ils n'attendaient plus d'elle qu'elle n'émette un signal sonore à une certaine fréquence (inaudible pour l'homme) afin qu'elles n'éclatent et ne répandent leur contenu dans toute l'aile centrale du bâtiment. Ce qui ferait plonger aussitôt l'ambassade dans un chaos sans nom et qui lui offrirait sa proie ainsi que sa stratégie de sortie sur un plateau.

Elle sortit d'une des poches sous son manteau subtilisé une nouvelle fiole, contenant cette fois-ci des billes à l'apparence métallique, dont elle en vida en grande partie le contenu délicatement dans ses mains en vue de porter la touche finale à son œuvre. Puis, d'un lancé à la précision diabolique, les projeta toute à la fois d'une dispersion en direction des voitures occupant le parking, et dont au moins chacune d'elle atteignit un véhicule. Aucun bruit ne fut émit par leurs chocs répétés sur les différentes carlingues, car leur composition, qui leur donnait des propriétés magnétique, le fit se coller instantanément à ces dernière à l'image d'une pluie de fine perle silencieuse… Même si leur contenu assurait que ce silence n'allait pas durer.

A peine les billes furent-elles collées que leur mineuse était déjà repartie dans la direction opposée à celle du parking et des espaces ouvert du bâtiment, pour retrouver le refuge anonyme du labyrinthe éclairé seulement par la lumière blafarde de ses ampoules de vieille génération (typiquement du Consortium : l'apparence plus que le fonctionnel.) Elle profita du chemin pour fournir de nouvelles instructions à son araignée par la pokémontre volée, lui intimant l'ordre de briser son cycle de ronde «habituel» pour venir rejoindre sa position dans les plus brefs délais. A peine le changement de chemin fut-il noté par les gardes qu'elle profita de l'instant pour lancer l'ultime ordre à son araignée qui, tel les coups de bâton annonçant le lever de rideau, émit la note du son subtile à l'hymne synonyme de requiem pour la nuit qui résonna depuis les tréfonds du labyrinthe jusqu'à la surface : La première note à laquelle les billes dissimulées dans l'aération réagirent en libérant leurs concentrés de baie qui se répandirent instantanément partout dans l'aire centrale de l'ambassade.

Avant que la deuxième note ne fasse à son tour crever celles métalliques sur les voitures, qui virèrent à un blanc de plus en plus brillant et menaçant alors que leur contenu au contact de l'air perdait toute stabilité au profit de propriétés hautement explosives.


Fin de la phase d'infiltration du plan. Début de la phase d'exécution.


[A suivre]