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La Faucheuse. de T-Tylon



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Informations

» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 15/03/2011 à 03:04
» Dernière mise à jour le 16/03/2011 à 00:16

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Intervalle.
Sinnoh. Route 210 A, Café Cabane.

Vendredi 23 Avril, 19 heures 22 minutes.



Le Café Cabane. Le nom fait cruellement penser à un manque d'originalité, tout comme les services très limités y étant proposés ; seulement servir du lait MeuMeu aux clients potentiels toute la journée… Et pourtant, ce Café est sans doute le lieu le plus incontournable de la route 210 A : idéalement situé à l'embranchement menant à Célestia ou sur la route 215 menant à Voilaroc, aucun dresseur –qu'il soit débutant ou non- ne peut le manquer durant ses péripéties dans cette partie de la région : le lait produit et vendu par le café est l'un des plus énergétiques qui soit et peut revigorer même les pokémons les plus fatigués après une seule gorgée ; ce qui, dans ce qui est considérée comme la plus grosse zone naturellement sauvage de l'île, est un atout non négligeable.

L'autre particularité du Café –à quoi est dû sa popularité- tient au fait qu'il n'y a pratiquement aucune règle établit dedans (à part celles évidentes de la bienséance). Aussi, tout habitué ou nouveau venu peut venir s'y reposer sans se prendre la tête, apporter sa propre nourriture et manger avec ses pokémons, et même livrer des combats face à d'autres dresseurs pour profiter de l'atmosphère reposante de l'endroit (à l'extérieur une terrasse est aménagée pour, qui est aussi prévue pour la pluie), tout en pouvant très vite se remettre après un bon verre de lait MeuMeu. Par-dessus tous les serveuses sont jolies, et le café est en libre accès 24h sur 24 (le service s'arrête à 22H et reprend vers 6h 30). Ce qui pour seulement 500 pokédollars d'une généreuse bouteille de lait, et juste un peu d'auto-responsabilité à assumer la nuit, n'est pas cher payé.

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En parlant d'habitué, il y'en a une qui était bien connue d'eux et qui ne loupait jamais une occasion de venir profiter de leurs services depuis leurs tout début ; a l'époque jeune dresseuse amateur, et aujourd'hui doyenne d'une petite ville perdue en montagne. Aussi, lorsque Carolina Céleste poussa la porte d'entrée du Café accompagnée de sa petite fille, la réaction ne se fit pas prier pour les trois jeunes serveuses.


«Bienvenue, mademoiselle Carolina.» Récitèrent-elles en même temps.

«Toujours aussi flatteuses.» Répondit-elle d'un sourire presque gêné.


Sourire qui lui fut rendu par le trio serviable ; certes le sourire restait commercial, tout comme la phrase d'accueil personnalisée, mais les serveuses appréciaient les visites toujours pleine d'entrain de la doyenne, tout comme leur prédécesseurs avant elles. Et ce, depuis l'ouverture du Café.

D'autres habitués se trouvaient aussi là, que la doyenne reconnut et salua à la volée : Dalton, un vieux montagnard aux allures d'Ursaring bourru, pourtant aux manières d'un gentleman (qui se leva d'ailleurs pour saluer la dame en retirant son chapeau). Les jumeaux pokéfanatic comme on les surnommait ; ils ne sont pas liés par le sang, mais la même passion coule dans leurs veines au point qu'il est impossible de les différencier. Ou encore Sylvia, une aromathérapiste de Bonville qui –tout comme la doyenne- ne loupait non plus jamais une occasion de venir faire son plein de lait. En parlant de ça justement…


«Désolée de vous décevoir pour ce soir, je ne reste pas plus longtemps.» Commença-t-elle en posant son sac sur une chaise.

«C'à n'est pas grave. Du moment que vous faites un détour pour nous en passant par ici, c'est toujours un plaisir.» Lui rendit la serveuse derrière le comptoir. «Comme d'habitude ?»

La doyenne sortit de son sac pour poser sur le comptoir une bonne bouteille vide en verre.

«Comme d'habitude.» Rendit-elle joyeusement.


La serveuse prit la bouteille aux formes datant de la première édition, la première vendue à l'époque de son ouverture (et religieusement entretenue par la doyenne, aussi transparente qu'au premier jour), pour l'ouvrir et la placer sur l'embout du fût, depuis lequel se déversa le précieux nectar quand elle en déclencha le mécanisme. Puis, une fois pleine à ras bord, la serveuse rendit la bouteille que la doyenne s'empressa de remettre dans son sac.


«Et voilà. C'à fera 200 pokédollars.» Dit-elle poliment.

L'annonce du prix fit élever certaines voix derrière d'un ton faussement scandalisé.

«300 pokédollars de ristourne ? Mais quelle arnaque pour nous autres, pauvres clients.»

«Je dirais même plus, une pure injustice.» Releva son voisin sur le même ton sarcastique.

«Le privilège de l'âge, les jumeaux. Un jour peut-être y aurez-vous droit.» Rendit-elle sur une note d'humour.


Ils s'inclinèrent devant la modeste boutade de la doyenne, un fin sourire faussement blessé à cette perspective. Puis comme elle leur avait prédit, elle ne resta pas longtemps dans le Café en reprenant la porte de sortie ; ce qui n'empêcha pas chaque personne de lever son verre pour lui souhaiter le bon départ.

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Lorsqu'elle eut passée la porte, un geste vif de sa part entraina sa petite fille et elle à couvert hors du potentiel rayon de vision des autres habitués et clients. Habituée à ce comportement, mais toujours pas à la brusquerie de la chose, sa petite fille ne put réprimer un éclat de surprise. Suivit rapidement d'un soupir en voyant sa grand-mère regarder dans tous les sens, comme un Miaouss qui s'assurait d'être à l'abri de tout danger après avoir volé quelque chose, pour finalement faire sortir la bouteille de lait qui venait tout juste d'être remplit.


«Grand-mère, tu pourrais attendre d'être à Bonville tout de même…»

Comme dans un état second, presque à l'image d'une possession, la vieille dame se tourna vers elle d'une posture aussi ridicule que cupide.

«Mon précieux…» Fit-elle en grattant le verre de la bouteille.

«Grand-mère…»


Sa petite fille dépitée de la voir réagir à chaque fois comme ça, malgré ses recommandations et ses tentatives désespérément futiles de la faire changer d'attitude. Mais vu qu'à chaque fois cela la faisait rire, comme maintenant, la doyenne n'était pas prête de s'arrêter avant longtemps.


«Je plaisante.» La rassura-t-elle en sortant deux pailles, en lui en tendant une.

«Je sais… C'à n'empêche que tu es aussi droguée au lait qu'un junkie. Il faut te faire soigner…» Fit-elle sur une note de dépit.

«Tant qu'il n'y aura pas une loi à Célestia pour m'empêcher de cuver mon lait à souhait, rien ni personne ne m'en empêchera.» Déclara-t-elle d'une voix grave aux intonations se voulant rocailleuses et intimidantes. Avant de virer à un doux visage de Leuphorie à la première lampée du nectar. «Et comme il faut l'aval de la doyenne pour élire une loi, et que la doyenne c'est moi, tu peux toujours rêver.»


Elle lui adressait un sourire et un visage heureux comme une gamine de dix ans, prenant son pied tout comme. Et sa voix qui prit l'intonation aigue de cet âge là renforçait encore cette impression (au point que cela pouvait presque être sa petite fille qui passerait pour plus vieille qu'elle ; de loin.) La pauvre jeune femme ne put que se contenter de mollement acquiescer, sachant qu'il était inutile d'argumenter là-dessus avec elle (elle aurait toujours le dernier mot ; elle a toujours eut le dernier mot), et planta sa paille à sa suite dans la bouteille de lait ; appréciant elle aussi la fraiche douceur sucrée du liquide.

Non, vraiment, certaines choses sont trop bonnes pour que l'on ait la volonté d'attendre avant d'en profiter.

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Quelques lampées plus tard (soyons franc : la bouteille était vidée aux 3/4), la doyenne s'arrêta dans son siphonage lacté pour regarder pensive dans le vide. Sa petite fille s'arrêta à son tour, étonnée de ne pas la voir aller jusqu'au bout (peut-être était-elle rassasiée ? Non, vu l'état de la bouteille c'était fort peu probable)


«Quelque chose ne va pas ?» Lui demanda-t-elle intriguée par ce changement d'attitude flagrant.

Elle détourna le regard du vide pour le poser l'espace d'une seconde sur elle, avant de regarder à nouveau devant soi ; ce qui la surprit d'avantage.

«Dis-moi, Corrine…» Commença-t-elle lentement. «Qu'est-ce que tu penses de la maitresse des baies ?»


La jeune femme resta interdite un petit moment. La question en elle-même paraissait déjà incroyable, mais le ton hésitant avec lequel elle fut formulée, presque réticent… Non, plutôt douteux… Voir même suspect… C'à ne lui ressemblait pas du tout.


«Le meilleur souffre-douleur possible pour Cynthia et Florianne ?» Tenta-t-elle dans l'esprit en soulignant ce qui s'était passée durant le repas pour voir sa réaction.


Mais cela ne marcha pas. La doyenne se contenta de la regarder le plus neutralement, mais aussi le plus sérieusement du monde. Le genre de regard quand qu'elle que chose ne lui plait pas, qu'elle ne sait pas quoi, mais que son intuition lui disait très clairement à l'oreille que c'était bien le cas… Le genre d'intuition qui ne s'était jamais trompée jusqu'à présent.


«Et bien, comment dire… Tu me prends un peu de court.» Fit-elle hésitante. «Mais voyons… Je dirais que c'est une jeune femme qui en impose quelque part : elle est timide, voire peureuse, n'a l'air de pouvoir s'affirmer qu'en présence de personne qu'elle connait bien –à condition que ces mêmes personnes la pousse à bout. Elle possède des connaissances et un sens logique d'un vrai scientifique, mais sans ce côté légèrement mégalomane patent qu'ils possèdent tous un peu. Elle n'essaye visiblement jamais de s'imposer par la force dans ses raisonnements, plutôt d'en exposer tous les arguments possibles pour laisser libre choix à ses interlocuteurs en s'assurant que ça soit en toute connaissance de cause. Enfin pour être aussi chétive et malgré tout avoir suivit ma sœur et la championne dans de telles péripéties, sans compter l'aide inestimable qu'elle leur a apportée, tout en restant si réservée… Je dois avouer qu'elle m'impressionne.» Finit-elle sincère. «Et toi, grand-mère ?»


La doyenne se tourna à nouveau vers sa petite fille l'espace d'un instant, avant de regarder au sol et d'enchainer à nouveau vers le vide devant elle, sans dire un mot. Sa petite fille était en droit de lui demander ce compte, car toute deux savaient bien que cela ne s'arrêtait pas à une simple discussion au sujet d'une amie de Cynthia. C'à allait plus loin, mais pas dans le bon sens…


«Je t'avouerais que je ne sais pas.» Finit-elle par dire neutralement. «Tout ce que tu soulèves est vrai, et je pense aussi qu'elle mérite qu'on lui accorde nôtre confiance. Elle nous a même répondue sans réelle hésitation au sujet des baies en nous indiquant où elle s'était procurée ces documents, en insistant bien sur le côté fondé ou non de ces informations, et a avancée des arguments d'une sagesse et d'une perspicacité rare pour son âge pour convaincre ses amies de ne pas tomber dans l'emprise du mysticisme au sujet de ces fruits ; tout comme dans les anciens temps les premiers humains à saisir les concepts de la nature des pokémons avertirent leurs semblables de ne pas les considérer comme la solution miracle à tous leurs problèmes…»

«Alors, qu'est-ce qui te tracasses ?» Lui demandait-elle inquiète.

«Je ne sais pas… Il y'a quelque chose chez elle, dans sa façon de se comporter, qui me semble… Machinal. Comme calculateur, artificiel… Voir vide…» Continuait-t-elle difficilement. «J'ai l'impression d'avoir à faire à une vraie personne, une vraie identité avec qui je peux avoir un dialogue réel, mais en même temps comme si c'était un rôle… Comment te l'expliquer… C'est comme si je voyais un reflet dans une glace, mais qui reflétait ce à quoi je crois devoir m'attendre au lieu de refléter ce qui est vraiment…»

«Grand-mère, tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?» La reprenait-elle légèrement contrariée par ses divagations.

«Je sais ce que tu penses, moi-même je n'arrive pas à comprendre comment je peux penser un truc pareil sans me croire devenu folle.» Se défendit-elle sur le même ton. «Mais je te promets que c'est l'impression que j'ai ressentie en sa présence. Même si c'était aussi frêle et invisible que l'ombre d'une fumée de bougie qui venait de s'éteindre en plein brouillard, je n'arrive pas à me débarrasser de cette impression…»

«Tu te causes du soucis pour rien, car ça peut s'expliquer très facilement.» Reprit-elle en cherchant à la rassurer. «Elle est amnésique, et n'a aucun souvenir de sa vie initiale. Il n'est pas étonnant qu'elle soit quelque part une sorte de rôle ; que sa personnalité timide soit un palliatif pour éviter de s'accrocher à quelque chose afin d'éviter de le perdre à nouveau. Comme ses souvenirs.»


Ce qu'elle avançait était parfaitement plausible, surtout qu'après avoir étudiée la médecine à travers l'histoire (donc y comprit la médecine de l'esprit) elle était la plus à même de pouvoir la convaincre sur de bons arguments. Mais la doyenne restait réticente.


«Oui, ça pourrait l'expliquer…» Concéda-t-elle à demi oui. «Mais la petite Lisa a beau connaitre le même problème, en plus d'être devenue une Ectoplasma, j'arrive encore à sentir ce côté présent et vivant en elle qui caractérise l'identité d'un être à part entière. Mais chez Luna… Non.»


Sa petite fille aurait bien aimée lui dire que tout dépendait de la nature des souvenirs qu'elles refoulaient, aussi bien l'une que l'autre. Mais vu qu'on ne devient pas une Ectoplasma Shiny avec juste un problème de cœur, et qu'elle arrive encore à la considérer comme «vivante», alors que l'autre demoiselle est encore de chair et d'os… C'était inexplicable. Ou peut-être partiellement.


«Grand-mère, sans vouloir être méchante ou dénigrante, les enfants sont toujours beaucoup plus sensibles que les adultes durant cette période qui est la leur ; une petite remarque qui te ferait à peine dresser un sourcil pourrait faire pleurer de malheur une petite fille de six ans. Hors Lisa en a à moins de dix mentalement en se basant sur son apparence spectrale, là où Luna approche de la majorité et est amnésique depuis l'adolescence. Ces deux périodes sont particulièrement sensibles dans le développement d'un être humain, mais à l'adolescence on a plus tendance à prendre les choses avec de plus en plus de cynisme et de dédain pour évoluer et endurer moralement la vie.» Argua-t-elle doucement. «Et tu as vue son attitude, elle conserve presque tous les traits sensibles d'une enfant : timidité, manque d'affirmation, docilité dans le cercle privé des connaissances, fragilité morale par rapport à ces mêmes connaissances jusqu'à enchainer les mêmes peurs de ce stade : peur de la déception, de décevoir, peur de perte de l'estime qu'on lui porte, etc. Cela est symptomatique d'une attitude de rejet d'intégration volontaire dans son intégralité : ne pas faire le premier pas de peur de chuter durement ; et même si le premier pas est tournée vers elle, faire un pas de recul pour ne pas faire chuter celui qui l'a fait.»

«Un Foretress faisandé dans sa coquille.» Résuma-t-elle cyniquement en souriant.

«Grand-mère…» Lui rendait-elle passablement lassée.

«Excuse-moi, je n'aurais pas du rajouter le «faisandé».» S'excusa-t-elle platement. «Mais je vois ce que tu veux dire : Lisa cherche à se diriger vers son passé, là où Luna cherche au contraire à le rejeter. Et vu que je suis une Célestéenne étudiant le passé, il parait logique que tomber sur une personne y étant naturellement sourde m'agace malgré moi. Serait-ce que tu voulais sous-entendre ?»


Vieille ne voulait pas dire gâteuse. Au contraire, plutôt expérimentée et incroyablement perspicace. S'attendant à la tactique habituelle de sa petite fille, qui est de passer par un nombre conséquent de détour et d'argumentation avant d'arriver au fait, elle l'avait devancée en déduisant à la base ce qu'elle cherchait évidemment à lui faire comprendre : arrête de te faire des films. C'à quoi elle vu juste lorsqu'elle lui décrocha un nouveau joli sourire de Delcatty.


«Bien. Au moins je dois reconnaitre que tu as eut l'insidieux tact de ne pas me traiter de folle avec mes intuitions, mais me donner une excuse parfaitement justifiée à mes inquiétudes. Pour cela je t'en remercie, car tu m'as convaincue.» Lui rendait-elle à nouveau souriante et détendue.

«De rien.» Fit-elle en continuant ce sourire. «Et qui sait, avec la nature directe de Florianne, aidée de celle plutôt hautaine de ma sœur et accompagnée par l'innocence de Lisa, peut-être qu'elles réussiront à la faire sortir de cette attitude prostrée, et que la prochaine fois que tu la croiseras tu la verras telle qu'elle est vraiment ?»

«Peut-être…» Lui concéda la doyenne, avant de lui afficher le même sourire de Delcatty qu'elle. «Au fait, on est à court de bibine.»


Entre les mains de la doyenne, la bouteille était effectivement vide. Sa petite fille cessa alors de sourire pour lui montrer son air stupéfait, là où la grand-mère continuait honteusement de sourire avec fierté ; revendiquant son geste ouvertement.


«Tu sais ce que ça veut dire ?» Reprit-elle d'une fine mimique carnassière.

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A l'intérieur, alors que les gens et les serveuses vaquaient tranquillement à leurs occupations, dans un claquement de bois dur, la porte de l'entrée s'ouvra en grand pour laisser passer à nouveau la doyenne qui pétait le feu de dieu ; faisant sursauter de surprise l'assistance.


«Deux semaines sans boire du lait, ça vous plombe le moral. Mais maintenant que j'ai la patate, va falloir assurer ! Patronne : dix bouteilles de lait !»

«Au secours, aidez-moi à la calmer !» Suppliait sa petite fille qui tentait de la retenir tant bien que mal au niveau de la taille.

«Ouah, elle a des ressources la vieille !» S'exclama le premier jumeau. «Question, avec dix bouteilles de lait : peut-on devenir saoul ?»

«A défaut de devenir saoul au lait, il est certains qu'elle est soupe-au-lait.» Releva le second.

Un certain rire envahit la salle alors que la caissière s'affairait tant bien que mal à suivre la doyenne, qui d'ailleurs releva la réplique.

«On parie ? Je vous prends tous les deux, toute seule, ici et maintenant, dans un duel du plus gros buveur ! Sauf si vous avez les boules de venir me tester, les grandes gueules !»


Les jumeaux écarquillèrent leurs yeux à cette insulte, et sourirent à l'invitation aux frais de la princesse. Là où sa petite fille avait délaissée son sourire de Delcatty au profit d'une mimique de peur depuis un moment.


«Mais c'est qu'elle insiste la vieille ! Pari tenu !» Releva le premier jumeau.

«Patronne, un fût entier !» Surenchérit le second.

«Un fût, c'est tout ? Mais c'est qu'ils tètent encore le sein de leurs mères !»


Un sursaut d'exclamation retentit dans la salle alors que les jumeaux relevaient la pique d'un regard vengeur à la vue du fût apporté par un Machopeur, et que la tension générale s'intensifiait lorsque le coup d'envoi du match fut lancé.

Des années plus tard on reparlerait encore de cette soirée, où comment après les jumeaux, le montagnard, et une demi-douzaine d'autres challengers affrontèrent et perdirent face à une vieille dame qui vida l'équivalent de trois fût de lait à elle toute seule. La légende du siphon de lait céleste était née.


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Sinnoh. Floraville. Maison de la maitresse des baies, salon/cuisine.

Vendredi 23 Avril, 22 heures 12 minutes.



Si le passage dans le mont Couronné entreprit par la fine équipe prit plus de temps que prévu, à partir du moment où ils en ressortirent de l'autre côté ce fut une toute musique. Les courants dans le ravin de la route 211 Ouest furent d'une clémence à l'opposé de ceux de la route Est, ce qui permit un vol en pokémon des plus calmes et rapides jusqu'à la ville.

Le retour se fit en premier lieu à l'arène, où –malgré son tempérament de cochon- la championne fut accueillit en grande ponte suite aux évènements de Verchamp reportés par le Maitre de la Ligue ; ainsi que d'une façon plus que spéciale pour ses invitées (à quel point faut-il abuser d'une boisson alcoolisée pour croire voir deux ex-maitresses ?) Ces derniers lui avaient déjà préparé tout le nécessaire en vue du voyage officiel à Floraville, en lui rendant les clés de sa maison au passage. Ce qui eut rapidement fait de soulever un maximum de question de la part de ces dernières concernant le groupe de la ville fleur qui logea chez elle durant son absence, et ne reçurent que des bonnes nouvelles : les pokémons furent soignés, bien que les médecins prescrivent encore du repos, et ils purent tous repartirent à Floraville sereinement en apprenant la prise en main de leur maitresse des baies par la Ligue ; ce qui fut un gros soulagement pour cette dernière.

Mais alors qu'ils se préparaient à leur tour à partir dans une escorte digne de ce nom (avec plusieurs dresseurs, rangers et tout le tralala), l'intéressée les avertit gentiment de ne pas mobiliser autant de personnel pour si peu de chose et, au départ, bien sûr la championne refusa. Mais lorsque l'experte en baie fit remarquer que les Durins étaient à l'air libre dans sa maison, le visage de la championne et de l'ancienne maitresse virèrent tellement au pâle que les rangers se sont finalement retirés de l'escorte, et seul au final restaient quelques dresseurs volontaires pour les accompagner.

Le voyage en véhicules roulants fut plus long et moins «divertissant» que s'ils avaient fait usage de pokémons vol, mais se passa globalement bien (à l'approche de l'Est de la forêt de Vestigion, il fut possible d'entendre comme un soupir silencieux venir de la petite fille qui les accompagnait.) Les pokémons étaient à nouveau bien nombreux et la forêt grouillait littéralement, mais ce ne retarda pas leur progression jusqu'à la ville fleur.

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Enfin, quand tard dans la soirée ils arrivèrent à Floraville, ils furent rapidement accueillis en bonne et due forme par la population. La venue d'une petite escorte de véhicule de la Ligue ne passait véritablement pas inaperçu dans une ville comme la leur. Mais lorsque l'ancienne maitresse et la championne sortirent aux côtés de la maitresse des baies, l'accueil se transforma prestement en un rassemblement de masse (une justification toute trouvée pour attirer du monde afin de profiter de la venue de l'ancienne reine de l'île, et du spectacle proprement ahurissant de son dédoublement avec celle des baies.)

Mais avant d'aller plus loin il fallait s'occuper en premier lieu de leur tâche. Après avoir éconduit poliment les demandes d'autographe, l'ancienne maitresse promit une séance photo souvenir s'ils pouvaient juste leur laisser régler le problème concernant la maison de Luna ; comme elle l'a appelée malgré elle, et dont le surnom fut rapidement adopté par la petite population (au désarroi de l'intéressée et de la championne, qui espéraient que ce surnom resterait entre eux.)

Première chose quand l'escorte arriva à proximité de la maison, un sacré mouvement de recul de la part de leurs pokémons qui insistèrent fermement pour rentrer dans leurs balls (grande première ?!) plutôt que de rester en dehors. Une dizaine de pas plus tard ils comprirent pourquoi, quand une odeur tout simplement méphitique leur parvint aux narines et manqua de leur faire rendre leur déjeuner (ironie, pour la première fois le facteur n'avait posté aucune lettre et avait une bonne excuse pour ne pas le faire.) Il fallut intégralement laisser faire l'experte dans le domaine en sortant certaines baies qui ne furent pas utilisées durant leur voyage, et qu'elle avait emmenée en prévision de son retour : plusieurs baies Parma ; dont les effluves combinées renversèrent le court de l'odeur et permit d'approcher sans crainte la maison.

Mais sachant que s'éparpiller dans cette dernière ne serait pas la bonne solution, Flo ordonna à ses dresseurs de créer et maintenir un périmètre de sécurité autour de la maison, en se servant des pokémons de leurs équipes (qui pouvaient à nouveau sortir en paix) pour retourner l'avantage du couvert dans la forêt contre un éventuel agresseur qui s'y terrerait encore. Pendant qu'elle, Cynthia et Lisa suivraient la résidente dans sa demeure comme son ombre, et s'occuperait de dégager la voie.

Une fois arrivées dans sa cave et sa serre privée, la scène de voir comment la demoiselle s'était débrouillée toute seule pour la créer et cultiver les fruits dans les meilleures conditions possible laissa l'ancienne maitresse sans voix (quand Lisa se contenta juste de rester silencieuse devant tant de baies différentes) ; elle n'avait pas soupçonnée un seul instant que quand elle parlait de serre, c'était une équivalente à plusieurs cylindres de serre. Son estime envers la demoiselle et ses compétences atteint un pallier qu'elle n'aurait jamais pensée attribuer à quelqu'un d'autre que le professeur Sorbier au niveau scientifique ; lui avait des assistants et des soutiens qui touchaient un peu à tous les secteurs pour le seconder (y comprit certains dresseurs). Mais elle, elle était toute seule, et pourtant devait abattre l'équivalent de travail d'au moins une demi-douzaine de personnes compétentes… «Je ne fais que simplement cultiver des baies.» Lui avait-elle dit pour défendre le fait que cela ne demandait pas tellement de travail. Mais en vérité, savoir et s'occuper à la perfection d'une telle variété de baie en telles quantités pour une seule personne relevait du génie ; qu'elle l'admette ou non, l'ancienne maitresse la considérait comme.

Puis enfin, quand le silo à Durins fut refermé et que l'air était décontaminé de toute radiation (comme l'avait sarcastiquement relevé la championne), elles pouvaient enfin passer à la partie qui nécessitait de faire appel à toutes les compétences de ses dresseurs d'arène, d'elle-même, et de l'ancienne maitresse : fouiller la maison de fond en comble à la recherche de micro.

Avec la pleine et entière approbation de la résidente des lieux.

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Au bout d'une heure de recherche plus qu'intensive, après que chaque tableau, chaque vase, chaque tiroir, et même chacune des deux cuvettes de toilette furent minutieusement fouillées, rien ne fut trouvé. La championne appela au rassemblement dans le salon de la maison à la proposition (vite retenue et acceptée) de l'habitante, qui tapa dans ses réserves de jus de baie pour offrir une tournée générale en guise de récompense de leurs efforts.


«Pour s'être assurés que les Teams n'ont rien tentées à l'égard de nôtre généreuse hôtesse, après avoir fouillés chaque recoins de cette villa au risque de se manger un lumbago, je vous dis : santé !»


Plusieurs bruits de tintement de verre suivirent de plusieurs remerciements, aussi bien pokémon qu'humain, et tous vidèrent religieusement leurs verres en profitant des bienfaits rafraichissant de la myriade de goût se déversant dans leurs gosiers ; content de voir que le voyage valait la peine (d'ailleurs certains ne purent s'empêcher d'abuser la bonté de leur hôtesse en en redemandant ; et c'à n'était pas la championne qui allait dire le contraire, vu qu'elle fut le première à le faire.)

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S'ensuivit l'immanquable séance de discussion qui s'installa dans cette atmosphère détendue.


«Sérieusement, tu vis dans un vrai palais.» Commença Cynthia. «A condition qu'une serre et un laboratoire personnalisés rentre en compte dans la définition du terme.»

«Moui… Enfin, c'est toujours presque rien en comparaison du manoir de Lisa.» Se défendit-elle gênée en se détournant vers la petite fille.

~Parfois, dans certains pièces, j'avais l'impression d'être dans un vide angoissant qui ne me donnait pas envie de rester là…~ Commença-t-elle timidement à son tour. ~Alors, même si c'est plus petit chez toi, c'est aussi plus vivant. Je préfère comme ça…~

«Et puis surtout Curtis n'a pas chômé côté créativité ; ça m'émerveille à chaque fois de voir comment il s'est arrangée pour que chaque pièce soit si unique, sans pour autant se détacher du tout.»

«Flo, ça fait à peine la seconde fois que tu viens ici ; même si tu es déjà restée presqu'une semaine.» Argua l'intéressée.

«Mais c'est tout de même impressionnant.» Convint l'ancienne maitresse.

~Excusez-moi, qui est Curtis ?~ Demandait-elle innocemment.

«C'est l'architecte qui a dessiné les plans de construction de la maison de Luna.» Répondit Flo. «Tout ce que tu vois, le moindre angle, le moindre accès menant quelque part ici, tout est intégralement dû à son talent d'architecte. C'était l'un des meilleurs de l'île. Paix à son âme.»


Un instant de silence à la mémoire du grand homme, puis elle renchaina comme si de rien n'était. Ce qui interpella Lisa, qui s'était mise à vouloir respecter une minute de silence comme la tradition l'exigeait.


~Vous ne respectez pas une minute de silence pour vos morts ?~ Demandait-elle un peu penaude, mais étonnée.

«Pas vraiment, nous respectons plutôt leurs dernières volontés.» Répondit-elle. «Curtis était un homme qui n'aimait pas quand les choses devenaient moroses et ternes. Aussi, selon sa volonté, il préférerait qu'on fasse la fête sur son cercueil comme s'il était encore vivant plutôt que de se mettre à le plaindre une fois mort.»

~Oh…~


De gêne, elle se renferma un peu plus sur elle alors qu'elle sentait poindre en elle le sentiment doucement désagréable du ridicule. Mais, et malgré le frisson que cela occasionnait, Flo lui caressa lentement la tête pour lui faire signe de se rassurer.


«Ne t'inquiète pas, il a toujours aussi été très tolérant envers le sexe opposé ; surtout des jolies petites demoiselles.» Fit-elle sur un sourire amusé en regardant Luna ; qu'elle perdit en voyant le regard fusillant de l'ex maitresse.

«Flo, tu devrais faire très attention à ce genre de sous-entendus.» Fit-elle sèchement remarquer.


La championne s'excusa d'une mimique suppliante, car elle se rendait compte qu'elle avait effectivement évoquée un point à double tranchant comme il ne fallait pas en présence d'une petite fille ; surtout une pour qui l'association entre homme mûr et jeune fille ne relevait d'aucune connotation anormale, et n'avait qu'une seule signification.


«Elle veut dire qu'il me l'a dessinée gratuitement.» Compléta Luna.

La championne fit un bref sourire de gratitude à son attention, pour la remercier de l'avoir sortit de cette situation un brin épineuse.

~Gratuitement, sans rien demander en retour ?~ S'étonna-t-elle.

«Euh… Oui. Enfin… Pas tout à fait.» Avoua-t-elle. «Disons qu'il s'est mit malgré lui dans une situation délicate après un petit laïus concernant mon âge, et… Enfin je ne saurais pas comment te l'expliquer, mais disons que oui : au final il ne ma rien demandé en retour.»

~Je comprends… Enfin je crois.~ Fit-elle hésitante.

«J'espère…» Reprit-elle sur le même ton.


Alors qu'elles se regardaient sans rien dire, visiblement gênées par leurs propres réactions, c'était l'opposé pour les deux dresseuses qui les observaient avec un sourire vraiment amusé. Elles remarquèrent ce point avec une nouvelle pointe de gêne, et les deux dresseuses se regardèrent l'espace d'un instant.


«Elles sont vraiment sur la même longueur d'onde, tu ne trouves pas ?» Avança Cynthia.

«C'est sur, on dirait même qu'elles sont le reflet l'une de l'autre. C'est trop mignon.» Renchérit Flo.

«Mais je ne suis pas à l'aise quand il y'a du monde.»
~Mais je ne suis pas à l'aise avec d'autres personne.~


Les quatre demoiselles se regardèrent comme des ronds de bille, avant que les deux dresseuses se mirent à rire, rapidement rejointes par d'autres dresseurs qui entendirent la déclaration timide synchronisée des deux jeunes demoiselles.

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Alors qu'elles se renfrognaient d'avantage sur elles-mêmes, embarrassées, l'ancienne maitresse prit sur elle de les rassurer pendant que Flo s'adressait à ses dresseurs.

«Avant toute chose, je tiens à vous féliciter pour vos efforts ici et surtout vous remercier pour avoir prit sur vous avec l'odeur.» Il y'eut quelques rires d'approbation. «Mais vu l'heure, va pas falloir pour nous de tarder. Alors préparez-vous à vous descendre à l'hôtel où on a réservé et de profiter de l'endroit pendant les quelques jours durant lesquels on va rester.»

«Tu ne restes pas ?» Fit la demoiselle, visiblement déçue.

«Et pour dormir où ?» Lui rendit-elle d'un sourire amical. «Les chambres de l'hôtel sont réservées pour les membres de l'arène aux frais de la Ligue ; ce serait indécent si la championne logeait à l'œil chez une amie pendant que ses dresseurs se débrouillent tout seul.» Il y'eut d'autres rires discrets.

«Mais il y'a la chambre d'ami-»

«Dans laquelle va loger Cynthia.» L'interrompit-elle, à son étonnante surprise. «Ben oui, tu croyais vraiment qu'on allait te laisser sans protection ? Surtout qu'elle n'a pas réservée à l'hôtel.»

«Pas envie de risquer des paparazzis. Et puis j'aime bien la superficie de ta zone noire…» Reprit cette dernière d'un fin sourire.

«Et vu qu'elle va occuper le lit, qu'il n'y a qu'une chambre d'ami, et que tu m'as explicitement fait remarquer qu'il ne fallait pas que je compte sur toi pour me laisser le canapé… Tout est dit.» Fit-elle d'un sourire presque narquois aux lèvres.

«Je vois…» Reprit-elle timidement en se grattant le menton. «J'aurais bien aimée… si Lisa avait pu rester aussi.»

La championne la regarda d'un air interloqué.

«Mais elle le peut, ça ne me dérange pas le moins du monde ; ni elle d'ailleurs. Pas vrai Lisa ?»

Mais il semblerait que l'intéressée soit d'accord avec la demoiselle, au plus grand étonnement des dresseuses.

«Il y'a un problème ? Tu as l'air un peu pâlotte depuis tout à l'heure…»

~C'est juste que… Je me sens plus mal à l'aise que d'habitude… Et ça n'a rien à voir avec le trac…~

«Je suis désolée, mais c'est ma faute.»S'excusa Luna profondément. «Même si elle n'en a pas l'air, ma maison est enduite de repousses passifs imperceptibles à l'odorat à l'extérieur de la maison, mais d'autres spécialement prévus contre les spectres à l'intérieur. J'espérais au début que ça ne l'affectera pas, vu sa particularité… Mais je me suis rendu compte que ça n'était pas le cas depuis qu'elle est entrée…»

~C'est pour ça que je me sens si… Désorientée…~ Comprit-elle alors qu'elle se tenait la tête.

«Alors inutile de rester ici plus longtemps.» Trancha-t-elle. «Allez tout le monde, c'est l'heure d'y aller.»


Lorsque les dresseurs rappelèrent leurs pokémons, une certaine vague de stupéfaction les parcourut à la vue de la championne en faire de même avec la petite fille. Elle le prit avec le sourire sur une remarque moqueuse.


«Ben quoi, vous avez jamais vu une Ectoplasma de vôtre vie ou quoi ?»


Elle sourit d'avantage en voyant leurs airs ahuris ; comment pouvaient-ils se douter que c'était un pokémon, et un spectre en plus ? Connaissant Flo, du moins de la rumeur, le jour où elle aurait un spectre dans son équipe les Mangriffs et les Sevipers seront les meilleurs amis du monde… Ben il semblerait que ça soit le cas.

Leur hôtesse les raccompagna jusqu'à l'entrée. Mais juste avant de se quitter, la championne fut interpellée par la demoiselle des baies… Avec une certaine boite contenant des poffins.


«… Tu croyais que j'allais vous laisser partir sans m'excuser… ?» Fit-elle timidement. «Surtout que c'était principalement pour elle, et que c'est toi qui les a fait…»

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La championne sourit naïvement en prenant la boite de ses mains et en la remerciant gentiment d'un bref signe de tête (ayant les mains pleines.) Elles se souhaitèrent tous la bonne nuit avant qu'elle et son arène ne retourne à la ville, laissant les deux jeunes femmes sur le pallier ; juste éclairées par la lampe de la porte.


«Et bien, nous voilà seules.» Déclara Cynthia.

«Pour l'instant…» Releva Luna.

«C'est quoi ce scepticisme, tout à coup ?» Releva-t-elle à son tour sur l'humour.

«Ben… J'espère qu'ils vont revenir.» Se corrigea-t-elle hâtivement.

«Evidemment, quelle question !» S'exclama-t-elle entre l'étonnement et la moquerie, avant de virer au regard taquin. «Dis-moi… T'aurais pas déjà le blues de Florianne ?»

«Oh non… S'il te plait Cynthia, j'en ai déjà tellement soupée pour aujourd'hui…»

«Je te concède ce point.» Admit-elle plus amicalement. «Ok, je ne taquinerais que lorsque tu seras en forme.»

La demoiselle lui lâcha un soupir qui la fait sourire.

«Mais non, je plaisante.» La rassura-t-elle alors qu'elles rentraient en fermant la porte derrière. «Au fait, durant l'accueil de la foule, j'ai entendu quelques propositions de spécialités locales qui pourraient être intéressantes à expérimenter ; Flo m'a notamment parlée d'un plat qui s'appelle poétiquement «la brise arc-en-ciel», mais ne m'en a pas plus dit là-dessus. Tu pourrais m'en apprendre un peu plus ?»

A son agréable surprise, il lui semblait avoir vu poindre un sourire sur le visage de la demoiselle.

«Oh oui, c'est sans doute le plat préféré de Flo.» Commença-t-elle un peu amusée. «Mais plutôt que de te spoiler la surprise, le mieux serait que tu le goûte par toi-même. On peu faire ça demain si tu veux.»

«Proposé si gentiment, je dis pas non.» Rendit-elle d'un sourire en acceptant l'invitation. «Bon et maintenant, avant d'aller se restaurer puis se coucher, j'ai une dernière question pour toi.»

La demoiselle lui offrit toute son attention en se tournant vers elle, mais commença à visiblement regretter son geste en voyant l'air purement goguenard de l'ancienne maitresse.

«Ce Charles, t'as le béguin pour lui ?»


Un long son plaintif s'éleva alors dans la demeure, répondant au doux et unique nom de l'ancienne maitresse, souligné par le rire de cette dernière. La nuit allait s'annoncer longue, très longue…


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Sinnoh. Floraville. Fin fond du chemin rocheux.

Samedi 24 Avril, 03 heures 31 minutes.



Quelles semaines que celles qui passèrent, il était même possible de dire que ce fut l'un des mois les plus intenses de sa vie… Mais cela ne restait qu'à peine notable. Un Grotadmorv Shiny, des données sur les baies légendaires, des graines venant d'une, les alibis et sa réputation augmentée, ses relations avec la Ligue, ses amies, Célestia, Floraville arrivant à un nouveau pallier de confiance, la prise d'otage, la destruction d'une base de Rising Sun, la capture qui en a résulté… Pour elle c'était comme lire le journal. S'il fallait faire état de tout ce qu'a traversé l'humanité sur cette planète, rien qu'en ne prenant que la partie du monde pokémon, c'était aussi dérisoire qu'un grain de sable dans l'immensité de la planète… Avec toujours le même résultat : aucune finalité ; juste un perpétuel désordre qui ne fait que changer de forme et de place.

Et elle dans le lot fait juste en sorte que le désordre ne la prenne pas dans son engrenage infernal.

En parlant d'engrenage infernal, il en est un dans lequel elle savait qu'il allait incessamment sous peu tenter de faire appel à elle. Après la raclée qu'ils reçurent de la Ligue à Verchamp, et de ce qu'elle a pu apprendre et déduire en observant la championne, il devait y avoir du gibier à chasser avec contrat juteux à la clé.

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Ses déductions se révélèrent exactes lorsqu'une fois la SCS remise sous tension, son écran indiquait un contrat message venant de son indic. Encore une fois, ils ne se firent pas prier pour se faire annoncer. Heureusement que cette fois-ci ils l'avaient fait dans les règles : communications privée et pas contrat «publique». Vu la qualité des prisonniers de la Ligue, et l'histoire sur le sort du sbire à Verchamp, il ne faudrait pas être étonné de voir un nombre significatif de zéro derrière le chiffre. Et encore moins pour comprendre à quel point ils étaient désespérés.

Dans le métier, comme dit l'adage : plus la prime est grosse, et plus ça sent le roussi ; soit pour l'exécutant, soit pour l'exécuteur.

Mais comme elle l'avait compris depuis longtemps, le meilleur moyen de savoir était de s'en assurer.

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«Ils sont prêts.»


Une fois encore, l'indic s'effaçait de l'écran pour faire place à la même image de neige brouillée que lors de leur dernier entretien. Et comme pour la dernière fois, le silence qui s'installait dans la grotte ne se voyait brisé que par celui du grésillement émit par le brouilleur.


«Contrat.» Demanda-t-elle neutralement ; comme si leur précédent accrochage n'avait jamais eut lieu.

«Eric Moltan. Nom de code : Yooku Dhalm.» Répondirent les échos synthétiques de la Cour. «Âge : 53 ans. Poids : 71 kilos. Profession : officiait comme Capitaine de l'organisation de l'ost de Sinnoh. Prime de contrat : vingt millions.»

«Situation.»Continuait-elle de ce ton machinal.

«Actuellement prisonnier dans la cellule de sécurité provisoire 4 du QG de police de Féli-Cité, en attente de son transfert au Roc prévu pour aujourd'hui.»

«Conditions.»

«Coup monté : faire en sorte de faire passer sa mort pour une directive venant du Consortium mise en application par les forces de l'ordre.»

Et voilà la partie tant redoutée, le critère qui rendait n'importe lequel de ses commanditaires –même habitués- anxieux.

«Raisons.»


Une très nette hésitation fut perçue de la part de la sombre assemblée. Malgré le fait de connaitre ce critère, cette condition incontournable, cela restait toujours difficile d'aborder si «ouvertement» le sujet sensible par définition.


«Homme détenant toutes les informations concernant les activités de l'organisation sur l'île, y comprit les plus secrètes. Doit être éliminé pour qu'il en reste ainsi.»

«Quels genres d'activités secrètes ?»

Un mouvement de recul et d'étonnement fut perçu d'entre les grésillements.

«Comprenez bien ceci, Rising Sun, je ne m'arrêtais au critère d'avant qu'avec ceux qui respectaient mes conditions. Ceux qui m'ont menti une fois et qui sont encore là pour en témoigner passent par une seconde investigation plus poussée ; est-ce trop cher pour vous ?»


Le ton conservait ses intonations désespérément neutres, mais le sous-entendu s'y étant doucement glissé soulignaient dans quel coin ils étaient douloureusement acculés.

Bien que certains d'entre eux aient déjà fait appel à elle, il était une question qu'il fallait se poser la concernant. Actuellement, à sa réputation, il était logique qu'elle puisse se permettre de demander des comptes à ses employeurs avant l'acceptation du contrat. Mais à l'époque où elle débutait, non… La question était la suivante : comment a-t-elle pu sortir de l'ombre et se hisser à un tel statu en conservant cette même condition depuis le début ? Personne ne devait logiquement s'expliquer devant un tueur à gage inconnu avant de l'employer, c'est absurde ; surtout sachant qu'il y'en a d'autres plus «sûrs» qui ne posent aucune question. Et même si elle demandait une explication il suffisait juste de mentir, comment pourrait-elle en vérifier sa véracité ? Au pire en lui expliquant, il suffisait d'engager un autre tueur sur sa tête ensuite, ou des mercenaires pour la faire taire : tout bénéfice dans tous les cas…

Mais les faits étaient là : la Faucheuse existait bel et bien, et ils faisaient appel à elle. Elle réussissait toujours sa tâche, réussissait toujours à tout savoir, et surtout réussissait toujours à rester en vie… Contrairement à ceux qui se trouve sur le chemin de sa faux. Et en se souvenant de leur dernier entretien avec elle et des résultats désastreux que cela à donner de tenter de la doubler, ils ne pouvaient plus se permettre la moindre erreur.


«Alors ?» Fit-elle mine de s'impatienter, alors qu'en vérité c'était bien eux qui étaient pressés.

«Non…» Finirent-ils par admettre (pour ne pas dire céder)

«Bien.» Rendit-elle de ce même ton neutre. «Faites-moi parvenir ces informations en même temps que celles que vous avez subtilisées aux forces de l'ordre.»


Un frisson se répandit dans la Cour. Donner à l'oral ces détails servait juste d'appui pour «convaincre» la Faucheuse ; mais des documents sensibles sous forme de données consultables à volonté, et donc une «preuve tangible», c'est une toute autre histoire !


«La dernière fois c'était aussi passée simplement à l'oral, comme vous avez simplement omit de me faire part de vos deux hommes censés m'intercepter. Comprenez là encore qu'avec vous cela se passera désormais au visuel ; mais vous conservez vôtre brouillage et le secret de vos identités. C'à n'est pas négociable.» Trancha-t-elle.


C'à par contre ils ne s'y furent pas préparés. Ils auraient dû s'en douter qu'elle n'allait pas juste passer l'éponge comme si de rien n'était et ne demander une forme de compensation en échange, mais n'avait pas pensés qu'elle irait aussi loin… Par simple logique, risquer de telles données en guise de garantie revient à traiter ses clients de menteurs et de leur faire la guerre ouvertement, sans autre forme de procès. Ce qui serait fortement répréhensible dans un service commun partout ailleurs… Mais dans le milieu du crime, où chaque mot peut signifier à chaque tournant le risque de finir six pieds sous terre, il s'agit juste la logique de survie de base : chassé, ou chasseur. Et là, c'était bien elle qui chassait.

Voilà le prix à payer pour s'attirer ses faveurs : pour pouvoir faire appel à la Faucheuse, il fallait présenter sa tête à la lame de sa faux.

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Au bout de plusieurs minutes d'un silence qui paraissait interminable, une nouvelle fenêtre s'ouvrit sur l'écran devant la Faucheuse, elle cliqua, et les données –toutes les données- concernant les secrets de Rising Sun à Sinnoh lui tombèrent docilement dans les mains ; avec la bénédiction de la plus haute instance de leur organisation… Enfin, plutôt reddition…

Puis ce fut au tour du repaire de plonger dans un silence imposant, alors qu'elle se mettait à consulter rapidement qui lui furent présentées.

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=Une fois le tour des données fait, il est une chose dont il était impossible de douter concernant les teams –qu'elles soient sous forme de Rising Sun ou individuelle : c'est qu'elles plongeraient n'importe qui dans le doute en agissant aussi chaotiquement.

Par exemple, le sbire avait raison concernant la rumeur de la position de leur base secondaire : elle se situe effectivement sur l'île de la nouvelle lune. Ce qui est une position de choix en guise de seconde base d'opération sur Sinnoh : elle offre virtuellement tout le contrôle de la mer Nord-Ouest de l'île, possède un très grand angle d'approche sur n'importe quel point de cette dernière (des forêts d'émeraude à l'extrême Ouest de Joliberge jusqu'aux étendues polaires à l'extrême nord de Frimapic), et est inversement difficile d'accès pour une vaste force d'assaut ; une petite île faisant officie de véritable forteresse naturelle une fois correctement convertit. Ce qui est particulièrement intelligent.

En contre-exemple venait l'île se trouvant à côté, celle de la pleine lune : strictement rien : aucune préparation de conversion, aucune étape d'un projet quelconque, y comprit ne serait-ce qu'un petit avant poste. Seulement une équipe de reconnaissance y a été dépêchée, mais pour revenir complètement amnésiques de la journée, une autre équipe y fut envoyée un jour plus tard, mais rapporta strictement les même symptômes ; ils ne se souvenaient même plus pourquoi ils furent envoyés sur cette île… Et n'ayant pas le temps ou l'énergie à gaspiller pour lever le voile de ce «mystère», qui leur ferait pourtant gagner l'île jumelle à la leur avec tous les avantages que cela impliquaient, ils la laissaient telle quelle était pour l'instant… Ce qui confine à la superstition, pour ne pas simplement dire ridiculement absurde.

D'une part ils pouvaient faire preuve d'une logique remarquablement redoutable, et l'instant suivant ils pouvaient virer dans la quintessence même de l'idiotie… Avec de tels adversaires au raisonnement si anarchique, il paraissait tout d'un coup clair de comprendre comment la Ligue n'a pratiquement rien pu faire contre eux, là où des enfants s'en sont presque chargés en solitaire ; ce qui virait à la fantaisie pure et simple.

Un détail particulier (plus, bien plus que les autres) capta mon attention ; en fait ils s'agissaient de deux points, mais se complétant sous la forme d'un seul : il n'avait qu'un seul projet secret sur Sinnoh, mais qui nécessitait de recourir à des moyens tout simplement colossaux pour le mener à bien… En fait, ça n'était pas vraiment «directement» le projet en question, mais des ingrédients nécessaires à son élaboration. Ils cherchaient deux choses : premièrement : des humains possédant un «taux de synchronisation élémentaire» au dessus de la moyenne ; deuxièmement : un moyen de se soustraire à la «corruption» qu'entraine inévitablement les contre-effets liés à ce projet ; qu'ils sembleraient avoir trouvés avec la rumeur du rétablissement de la Dragonne de l'ancienne maitresse. Ils creusèrent même activement cette piste dans le marais, dans les ruines où s'était déroulé l'affrontement avec le Grotadmorv (en faisant preuve d'une remarquable déductibilité), mais rien n'en est ressortit : les fouilles ont montrées que l'arbre qui s'était écrasé à l'intérieur avait réduit à l'état de bouille tout ce qui se trouvait en dessous ; baies jusqu'aux noyaux, en passant par des vieux documents manuscrits qui finirent par subir le poids de l'âge et de l'humidité une fois leurs hermétiques retraites réduites en morceaux, les rendant illisibles et impossible à consulter.

Voilà déjà qui m'évitait la tâche d'y retourner. Mais quelques détails restent plus que flous, voir brumeux : ce projet n'à l'air d'être ni en cour, tout comme l'étant depuis des lustres, et la partie attribuée à Sinnoh reste exclusivement tournée sur cette chasse à l'homme, et plus frénétiquement sur cet ou ces ingrédients primaires dont il est question… Peu importait qui avait rédigé ces rapports, il était aussi clair et concis qu'un labyrinthe. Mais ce projet… Rien ne filtrait sur lui : aucune donnée, aucune information, même pas la bribe d'une rumeur aussi fantaisiste soit-elle. Mais ils concentraient pratiquement toutes leurs forces et leurs ressources à son accomplissement. Semblerait-il sans rien savoir, pas même pour la Cour, mais qu'ils s'afféraient à mener avec une diligence confinant au fanatisme aveugle…

Je n'ai aucun intérêt à savoir ce qu'ils manigancent, autre que celui de couvrir mes arrières, mais il ne faut pas être un génie dans le domaine de la réflexion logique pour déduire que cette situation sent clairement le roussi.=

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«En quoi consiste ce projet ; si secret au point qu'il apparait que même vous n'y soyez pas conscients de sa nature, et encore moins concernant l'homme que vous me demander pourtant d'éliminer pour ce même secret.»


Lorsque le silence s'éclipsa pour faire à nouveau place à sa voix plus neutre que le terme, ce fut comme s'il n'avait jamais été là. Une fois de plus ce ne fut pas une question, alors que la conversation reprenait ses airs d'interrogatoire inquisiteur.


«Vous en savez autant que nous.» Rendit simplement un des échos synthétique de la Cour.

«Voulez-vous me dire que vous, l'autorité reconnue de Rising Sun, la Cour de Lupercal, n'êtes pas même au fait de ce sur quoi vous travaillez activement en y engageant la majeur partie de tous vos effectifs ; aussi bien en terme de scientifiques que sbires.»

Une nouvelle fois ce ne fut pas tonné sur le principe de la question, mais du constat calculateur méthodique et froid.

«Oui.» Répondit à nouveau simplement la même voix.

«Vous concentrez vos efforts à la réussite d'un projet dont vous ne savez rien du tout.»

«Oui.» Reprit-elle sans changement d'attitude.

«Sans même poser de question.»

«Oui. Si vous croyez que nous vous mentons et que la négociation doit s'arrêter là, alors qu'il en soit ainsi ; parce que nous ne vous révélons que la stricte vérité.» Continuait-elle dans ce même ton franc.


Un bref silence se fit alors qu'elle analysait ses interlocuteurs. Malgré le côté visiblement absurde d'un tel développement, qui ferait penser qu'ils lui mentaient plus mal qu'ouvertement, tout lui indiquait que ça n'était pas le cas : les réponses étaient simples, claires, directes, concises. Pas un seul moment d'hésitation avant chaque réponse, et aucune tentative de détournement utilisée d'une quelconque manière possible ; sans compter le ton plus franc et direct qui en sortait et qui était perceptible malgré le brouillage. De plus la seule tentative de manipulation qui pouvait être effectuée tenait dans la dernière réponse, plus précisément l'argument utilisé, mais il ne faisait que renforcer leurs réponses au lieu de les contredire : ils ont hésités depuis le début à lui fournir ce qu'elle demandait, et maintenant qu'elle avait ces données, ils admettaient franchement ne rien pouvoir faire de plus si elle ne les croyait toujours pas ; ce qui signifiait que tout pouvait s'arrêter là sans rien n'avoir gagner en retour, et qu'ils en étaient parfaitement consciens.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, ils étaient totalement honnêtes.

Mais même quelqu'un d'honnête peut mentir sans le savoir, tout tient au fait qu'il sache ou non quelque chose en rapport avec l'affaire en cour. Le mieux pour s'assurer définitivement qu'il en soit ainsi ou non tenait toujours à une chose : questionner les détails.


«Et ces ingrédients, en quoi consistent-ils ?»

Il y'eut à nouveau enfin une réaction de réticence à répondre de la part de ses interlocuteurs. Mais elle sentait bien qu'elle tenait plus sur une gêne à vouloir répondre que d'une vraie prise par défaut.

«Comme vous pouvez le lire.» Finit par répondre une autre voix.

«En des êtres humains «particuliers» ; soyez plus précis.»

«Comme nous vous l'avons déjà dit, vous en savez autant que nous sur le sujet.» Termina la même voix.

«Vous cherchez des humains particuliers, à l'aveugle.»


Son ton semblait quitter ses intonations neutres pour toucher un peu plus au grave, celui faisant clairement souligner l'ineptie lui étant servit devant elle. Mais ça n'était pas non plus ses interlocuteurs qui allaient la contredire, car ils étaient pratiquement dans la même situation appréhensive qu'elle.


«Pas tout à fait à l'aveugle. Mais presque.» Admit une nouvelle voix.

«Presque ?» Releva-t-elle sans une once d'intérêt, mais exigeant d'arrêter de tourner autour du pot.

«Nous ne savons pas précisément comment localiser ces personnes pouvant potentiellement permettre l'aboutissement du projet, mais nous savons qu'ils doivent posséder une particularité qui les différencie de beaucoup par rapport au reste de la population.»

«Cela veut dire que vous n'avez strictement aucune idée de ce que vous cherchez, ni comment vous devez le chercher.» Convint-elle directement.

«Oui.» Admit-il.

«C'est donc purement subjectif ; ne vous basant uniquement sur la chance comme critère de recherche principal.» Résuma-t-elle entièrement.

«Exactement.» Avoua-t-il.


=Absurde était un mot faible, parfaitement inconscient correspond à leur vraie définition. Il est temps de passer à la dernière phase de l'interrogatoire, l'ultime question qui mettra à jour leur véritable rôle dans cette histoire.=


« Qui est vôtre commanditaire.»


Le silence qui se fit dans l'instant aurait fait passer tous les autres pour un concert de Chuchmur, tellement la tension était dense au point qu'elle semblait étouffer l'air. Une fois de plus ça n'était pas une question, mais clairement une affirmation.


«Vous avez éprouvés de réelles réticences à me fournir vos informations, alors que vous étiez parfaitement au fait de mes conditions d'engagement. Vous avez ensuite répondu et admit ne pas connaitre le fondement des raisons qui vous poussaient à faire appel à moi.»Déclara-t-elle neutralement. «Alors je ne me répèterais qu'une seule fois : qui est vôtre commanditaire.»


C'était l'affirmation qu'il ne fallait vraiment pas entendre dans la bouche de celle qui vous tient par la gorge du fil de sa lame ; sachant que vôtre nuque est déjà entre les mâchoires d'un autre prédateur implacable. Mais à la différence où ils pouvaient encore se soustraire à la première, ça n'était pas le cas du second.


«Nous… Nous ne pouvons pas répondre.» Finirent-ils par déclarer.

Un moment de silence angoissant de plus se fit sentir.

«Est-ce vôtre dernier mot.» Fit-elle de cette voix désespérément neutre.

«… Oui.» Statuèrent-ils finalement.

«Alors les négociations s'arrêtent ici.» Termina-t-elle.

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A peine eut-elle finit sa phrase que la liaison avec la Cour s'interrompit brutalement de son côté, sans autre forme de procès. L'indic revint à nouveau s'afficher en lieu et place de ces derniers sur son écran ; une pointe d'impatience perceptible dans sa voix, mais qui tâchait de garder son contrôle.


«… Alors ?» S'hasardait-il fébrilement.

«Pas de contrat.» Déclara-t-elle neutralement.


L'indic passa en une fraction de seconde de fébrile à brutalement désillusionné : dix millions cash qui lui passait sous le nez, c'est cruel… Mais d'un autre côté il reconnaissait que ça faisait vraiment léger par rapport à ce qu'elle risquait : s'attaquer au Roc ; même la Faucheuse n'est pas téméraire à ce point.


«Rien d'autre ?» Reprit-elle sans changement d'attitude.

«Non, rien.» Admit-il, presque dépité. «Avec l'intervention de Rising Sun et des rumeurs qui circulent à leur sujet dans l'underworld, les blacksmiths se font très discrets et hésitent de plus en plus à faire appel à des professionnels pour régler leurs problèmes ; préférant économiser au maximum leurs économies en vue de la guerre totale qui risque d'éclater dans l'underworld et du côté légal, et de la purge immanquable qu'ils risquent de subir dans les deux parties.»

«D'où viennent ces rumeurs ?» Posa-t-elle sur un ton surprit sciemment induit.


La surprise d'entendre la Faucheuse surprise interpella l'indic qui, malgré ses efforts pour le dissimuler, ne put totalement retenir le très fin sourire en coin qu'il arbora l'espace d'une fraction de seconde.


«De la mouche, bien sûr.» Répondit-il hésitant dans une tentative de faire croire qu'elle l'avait prise par défaut.

«Dans ce cas là ce ne sont pas des rumeurs, mais des affirmations.» Déclara-t-elle sommairement.

«On peut le dire, en effet.» Convint-il.

Son ton était légèrement gêné, à la limite de l'imperceptible. Il se contentait d'attendre hésitant la réaction de la Faucheuse, quand celle-ci semblait «perdue» dans ses pensées.

«C'en est fini pour aujourd'hui.» Trancha-t-elle.


La communication se coupa. L'écran suivit rapidement. Avant que tout le repaire ne fasse de même lorsque leur implacable maitresse quittait ces lieux.

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De leur côté, la sombre assemblée restait prostrée dans le silence vaquant de leurs pensées ; tandis que l'écran pendait toujours devant eux tel un pendule dont le mouvement était arrêté, dénué d'utilité à partir du moment où il devint éteint.

Dans l'ironie, la situation était pourtant plus claire qu'elle ne l'avait jamais été depuis ces quelques jours quand à savoir quelle décision prendre dans l'instant. Seulement, aussi facile fusse-t-elle en pratique à prendre, à énoncer, elle restait comme le reflet d'une épée de Damoclès à l'arrière goût amer sur la langue. Car elle représentait durement la réalité de leur condition ; condition résumée par celle qui venait de leur donner une cruelle leçon d'affaire.

Au bout d'un temps paraissant incroyablement long, l'une des silhouettes de leur sinistre Cour finit par braver l'interdit en annonçant tout haut ce qu'ils n'osaient admettre, mais devaient faire.


«Annulez toutes les activités en cour à Sinnoh, et évacuez la base de la Nouvelle Lune ; qu'il ne reste rien derrière à récupérer. Et que tous les sbires en mission actuellement sur l'île se préparent à faire de même avec tous les avant postes y étant disséminés, puis passent en agents dormants en attendant qu'une nouvelle occasion se présente.»


D'un seul mouvement, comme d'un seul homme, la Cour approuva d'un signe de la tête, avant que, à nouveau en même temps, tous ne se lèvent pour quitter silencieusement la pièce. Sans prononcer un mot ; pas même un soupir. Cela reflétant la sombre pensée qui occupait leurs esprits comme un diable tourmenteur. Car cette fois-ci, c'était sûr.

Ils venaient de perdre Sinnoh.


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Sinnoh. Floraville. Maison de la maitresse des Baies. Deuxième étage, terrasse.

Samedi 24 Avril, 09 heures 28 minutes.



Contrairement à l'invitée l'ayant précédée, Cynthia profita pleinement de l'agréable douceur de l'aube et de sa fraicheur vivifiante enroulée dans son immanquable ensemble noir immaculé. La scène du lever sylvestre de l'astre entre les arbres depuis la petite terrasse du toit lui donnant du baume au cœur ; alors qu'elle sirotait tranquillement son café avec le petit déjeuner monté par la personne qui lui faisait face pour apprécier le paysage avec elle.


«C'est vraiment un instant magique et reposant.» Admit-elle à demi-fascinée par le spectacle, mais restant toujours en partie endormie.


Elle prit une bouchée d'un des poffins cuisinés par sa voisine et présentés joliment comme une fleur possédant la palette de couleur d'un arc-en-ciel (à bien y réfléchir, tout est coloré à Floraville.) La douceur sucrée de celui-ci se répandit agréablement dans sa bouche au moment où le bout qu'elle croqua fondit sur sa langue comme une barbe à papa, lui faisant émettre un gémissement doux comme celui d'une Laporeille.


«Mmmh… Pour un peu, s'il n'y avait pas ce bon café, je m'endormirais presque à nouveau dans la minute qui suit.» Déclara-t-elle en prenant justement une gorgée du liquide en question.

«Après ça dépend si tu veux qu'un Etourmi vienne loger dans ta chevelure pendant ce temps.» L'averti la demoiselle.

L'ancienne maitresse rouvrit aussitôt les yeux de surprise, mais soulignés d'un sourire réjouit.

«Je suis contente de te voir de si bonne humeur. Ces derniers temps on été si mouvementés que je te penserais encore à te lamenter en silence dans ton coin.»

Prise par défaut, la demoiselle détourna légèrement la tête de gêne en admirant le paysage ; visiblement embarrassée par son attitude.

«Disons que… Non, oublie ça.» Rendit-elle en s'excusant.

«Non, ne t'excuse pas ; tu avais quelque chose à me dire, alors vas-y.» L'encourageait-elle.

«Ben… J'aimerais que tu essayes de conserver un peu d'appétit pour le déjeuner…» Avoua-t-elle gênée.


Alors qu'elle finissait son poffin, l'ancienne maitresse reposa son café sur la table le plus calmement du monde. Avant d'ensuite poser ses coudes sur cette dernière, pour pouvoir ensuite poser sa tête dessus, et regarder la demoiselle comme un Chaglam.


«Aurais-tu préparée une petite surprise pour te venger de la dernière fois ?» Lui demandait-elle doucement allusive.

«Non !» S'exclama-t-elle en se laissant emporter malgré elle, avant de continuer sur son attitude dépitée habituelle. «Non… Je tiens pas à me venger de toi ou de Flo ; j'ai compris que vous faisiez tout pour me rassurer. Je ne peux pas vous en vouloir pour ça… Je voulais juste être sûre que tu conserverais un peu d'appétit pour midi…»


La demoiselle se renfrogna d'avantage sur sa chaise, plus mal à l'aise de penser avoir pu montrer les quelconques signes semblant montrer un désir de vengeance. L'ancienne maitresse se sentit un peu honteuse de l'avoir braquée d'avantage qu'elle le voulait vraiment, alors que ça n'était que le début de la journée (qui s'annonçait trop bien d'après le levé de soleil pour venir tout gâcher ainsi) et s'échut à corriger le coche.


«Excuse-moi, je ne comptais vraiment pas être blessante, et encore moins sous-entendre que tu puisses nous en vouloir. J'étais juste étonnée que tu viennes à préparer une surprise aussi tôt pour moi ; car c'est moi qui suis déjà surprise par la démarche.»

La demoiselle fit mine d'accepter ses excuses, mais restait toujours un brin embarrassée.

«C'à n'est pas vraiment une surprise, vu que je t'en avais déjà parlée hier…» Fit-elle sur le ton de l'aveu.

«Ah oui, la brise arc-en-ciel.» Finit-elle par réaliser. «Mais je crois me souvenir que tu ne m'as toujours pas parlée de ce à quoi je dois m'attendre avec ce plat. Alors ça reste toujours une surprise pour moi.» Renvoya-t-elle pour la rassurer.

«Oh ça oui, je te promets que tu ne seras pas déçue.» Convint-elle timidement.

L'ancienne maitresse s'arrêta dans la dégustation d'un autre poffins pour regarder la demoiselle d'un nouvel air dénonciateur.

«Ah ha ! C'à y'est, j'ai saisis ton manège !» S'exclama-t-elle en la pointant d'un doigt accusateur. «C'à n'est pas l'envie de me voir déguster ce plat qui te rends si joyeuse, mais de voir ma réaction quand je le mangerais !»


La réaction ne se fit pas attendre, si la demoiselle possédait une carapace de Tortank : il était sûr à 100% qu'elle se serait réfugiée dedans ; lorsqu'elle chercha à détourner le regard dans n'importe quelle direction pouvant lui offrir une échappatoire.


«Je le savais, j'ai devinée jute !» Continuait-elle de s'exclamer en se rapprochant d'elle comme un chasseur avec un Laporeille apeuré.

«Hiii !»


La demoiselle rabâcha sur elle la capuche de son vêtement en réflexe, pour se soustraire aussi rapidement que possible à la vue de l'ancienne maitresse. Celle-ci, désormais à côté d'elle, s'amusait par contre à tourner autour d'elle tel un Carvanha autour d'un Carapuce.


«Luna…» Commençait-elle sur la voix mielleuse d'un carnassier affamé. «Sors de ta coquille s'il te plait…»

«Désolée ! Désolée ! Je ne voulais pas te jouer un tour, je le jure !» Se défendait-elle en serrant fermement sa capuche.

«C'est bon, je blaguais.» Fit-elle plus sérieusement mais détendue. «Tu sais bien que je ne vais pas te manger.»


Pour prouver sa bonne foi, l'ancienne maitresse cessa de tourner autour d'elle pour se placer innocemment juste à côté d'elle, d'un sourire rassurant. D'abord hésitante, la demoiselle ouvrit légèrement sa capuche pour voir la jeune femme se présenter avec le même visage agréable qu'idolâtraient des dizaines de milliers de gens à travers l'île. Semblant rassurée, bien que restant un brin réservé, elle finit par sortir honteusement de sa cachette pour se trouver comme à nue devant l'ancienne maitresse…

Qui en profita pour lui sauter dessus en traitre.

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«Attrapée !»S'exclama-t-elle d'une joie non contenue.

«Hiii !» S'écria-t-elle en tentant de se protéger la tête de ses mains. «Désolée, désolée, désolée !»

«Relax, Luna, je ne t'en veux pas un seul instant ; je suis même contente de savoir que tu te soucies que je profite bien de cette surprise.» La rassura-t-elle sincèrement.

«… Vraiment ?»


La demoiselle tourna faiblement vers la jeune femme qui l'étreignait de ses bras, lui montrant timidement les formes de son visage au travers de sa chevelure mate, ainsi que ses deux yeux de ce jaune ambré qu'elle a si peu l'occasion de voir.

D'ailleurs, à leur vue, Cynthia se laissa aller à contempler ces derniers et l'ensemble du visage aux traits angéliques qu'elle arborait ; la comparant vraiment avec une poupée. Avant que de l'instant découlant cette réflexion plus tard, elle ne se rapproche soudainement d'elle en l'étreignant d'avantage.


«Toute mimi ! On dirait une petite Lixy ! C'est trop craquant !» S'extasiait-elle en lui frottant la tête comme s'il s'agissait d'un pelage en riant.

«Hiii ! A l'aide !»

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Au bout de plusieurs minutes d'intense amusement pour l'ancienne maitresse (au détriment de son pauvre jouet), elle finit par relâcher la malheureuse victime de ses caprices d'une mimique de joie pleine et entière, alors que la demoiselle avait sa chevelure complètement ébouriffée. Elle s'enquit rapidement à la remettre telle qu'elle était avant comme les moyens du bord le lui permettait (à la main) ; s'activant à l'image d'une Lockpin soignant délicatement ses oreilles. Ce que fit en rapprochement Cynthia à la vue de sa méthode de toilettage improvisée, presque identique (sauf pour le léchage.)


«Désolée, j'ai pas pu résister.» Commença-t-elle pour s'excuser. «Mais t'es tellement mignonne avec cette apparence de peluche que j'ai pas pu m'en empêcher.»

«Mais je suis pas une peluche…» Se défendit-elle faiblement en continuant sa toilette.

«Je sais…» Admit-elle honteusement en la regardant pourtant avec l'envie de recommencer.

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Une fois sa longue chevelure mate de nouveau présentable (en attendant un peigne et une brosse), la demoiselle l'enquit à essayer plutôt de finir son petit déjeuner au lieu de penser à lui refaire un brushing à sa façon. Mais au lieu de voir une quelconque mimique taquine de la part de Cynthia, comme elle s'y attendait, Luna voyait l'ancienne maitresse la regarder d'un air purement songeur ; sans vraiment plus toucher à son assiette.


«Cynthia, il y'a un problème ?»


A l'inverse de lui répondre, ou même semblant n'avoir même pas entendue sa question, l'intéressée se mit subitement à prendre sa tasse de café comme si de rien n'était. Avant de lui adresser à nouveau la parole, sur un ton concis.


«Dis-moi, Luna, tu te souviens de ta promesse juste à l'extérieur du manoir, à Vestigion ?»

«Même si ça tenait à du chantage, oui…» Admit-elle dépitée, sentant qu'elle allait encore se faire manipulée.

Sa réaction fit doucement sourire la jeune femme, qui enchaina en sirotant son café.

«D'ici quelques semaines est organisée une soirée de Gala qui se tiendra au Manoir Pokémon de Mr. Décorum, sur la route 212 A.»

«Le Gala de bienfaisance pour soutenir les victimes des petites îles mineures qui ont le plus gravement souffert des conséquences de la tempête à Hoenn ?» Avança-t-elle en l'interrompant poliment.

L'ancienne maitresse fut réellement surprise par le fait qu'elle soit au courant, sachant pourtant que c'est censé être encore officieux. La demoiselle se contenta de lui rendre un soupir.

«Si Flo était là, elle te dirait que ma boite aux lettres serait la preuve vivante que tout et n'importe quoi peut être un pokémon.» Fit-elle d'une note de dépit. «Je reçois tellement de courrier chaque jour que j'ai l'impression de ramasser toutes les feuilles mortes de la forêt à la fin du mois.» Expliqua-t-elle au regard perplexe que lui rendait Cynthia.

«Et donc, tu as aussi reçue une invitation à cette soirée ?»

«Oui.» Elle se renfrogna d'avantage. «Mais je ne me sens tellement mal à l'aise à la simple idée de me retrouver au milieu de tellement de gens, dans un tel contexte, que je vais refuser.»

«Est-ce que tu pourrais faire une exception pour cette fois ?»


La demoiselle se tourna presque aussitôt vers l'ancienne maitresse, surprise de la voir tout d'un coup jouer le rôle qu'elle tenait il y'a peu : celui l'implorant silencieusement de bien vouloir accéder à sa requête ; jusqu'au visage au sourire tristement priant.

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Avant qu'elle ne demande encore quoique ce soit, cette dernière la devança pour lui expliquer ses raisons.


«Dans ce genre de soirée, moi aussi je m'y sens comme dans un buisson de ronce.» Commença-t-elle sur le même ton maussade que la demoiselle arborait quotidiennement. «Cela à beau prétendre être une soirée de bienfaisance, à chaque mouvement, à chaque phrase, on a l'impression qu'on peut se blesser si on n'y fait pas correctement attention ; Surtout si on a une grosse image aux yeux de la population.» Admit-elle sur un franc soupir de découragement.

La demoiselle restait silencieuse en écoutant sa plaidoirie.

«Malgré ma réputation, ou plutôt à cause d'elle, je suis obligée de participer à ce genre d'évènement mondain alors que je préfèrerais m'en abstenir.» Elle étouffa un soupir.

«Alors, pourquoi tu t'y rends ?» Demandait-elle innocemment.

Cette question fit finement sourire l'ancienne maitresse de dépit devant tant de naïveté.

«Parce qu'on quitte l'arène du combat pour celle de la politique.» Rendit-elle soupirante. «Dans le gratin qui compose réellement le concept même de la soirée de bienfaisance, il y'en a qui, si tu venais à malencontreusement les blesser dans leur amour propre par une simple remarque anodine, pourrait carrément te descendre en flèche en cherchant à t'atteindre indirectement ; je pense aux patrons des journaux télévisés en premier.» Admit-elle tristement.

«Mais… Pourquoi tu veux que je participe ?» Lui rendait-elle limite terrifiée, et pour de bonnes raisons cette fois. «Toi qui prétends n'être déjà pas à l'aise dans ce genre de soirée, moi je serais littéralement pétrifiée…»

«Parce que d'habitude j'étais toujours au moins accompagnée par une personne de confiance qui m'aidait à faire passer cette soirée, comme une pilule amer avec un verre d'eau : Le Professeur Sorbier, Kiméra, Lucio, ou même Terry, qui sont tous parfaitement habitués à ce genre d'environnement ; Kiméra en tête avec sa passion des concours.» Elle sourit doucement. «Tant qu'il y avait au moins une personne pour m'épauler, sur laquelle je savais que je pouvais compter, la soirée se passait agréablement bien…» Elle émit un petit rire dépité. «Je suis plutôt curieuse comme personne, non ? Toute seule je me sens presque aussi vulnérable qu'un Caratroc en dehors de sa coquille, mais accompagnée par quelqu'un que je connais je me comporte comme si j'étais en territoire conquis.» S'amusa-t-elle à se tourner en dérision.

«Si je comprends bien… Aucun d'eux n'est actuellement disponible pour la soirée… C'est ça ?»

La jeune femme lui rendit un triste sourire d'approbation.

«Ils sont tous occupés avec leurs affaires et ne peuvent vraiment pas se libérer. Je les connais, s'ils avaient pu se libérer pour m'accompagner : ils l'auraient fait.» Admit-elle soupirante.

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Jamais encore la demoiselle n'avait vu l'ancienne maitresse aussi sincère, mais aussi vulnérable. Quelque part elle se reconnaissait énormément en elle lorsqu'elle révélait ses «vrais» ressentiments. Mais à la différence où elle l'arborait tout le temps, Cynthia se devait de la cacher à chaque instant dans ce genre de situation. Si elle avait tant insistée pour lui faire faire cette promesse ça n'était pas en guise de brimade, mais réellement en désespoir de cause. Là ce n'était pas un service qu'elle lui demandait, mais lui implorait une faveur.


«Je… Je n'ai jamais été dans une soirée avant ; quel quelle soit…» Hésita-t-elle, légèrement effrayée.

La jeune femme chercha à la rassurer en voyant sa réaction tout à fait naturelle à laquelle elle s'était attendue (l'ayant vécue elle-même.)

«Tu n'as pas à t'inquiéter à ce sujet, c'est plus facile qu'on pourrait le croire.» Commença-t-elle doucement pour l'apaiser. «Tout ce qu'il faut c'est porter une robe, sourire et répondre poliment aux autres invités, puis se mettre légèrement à l'écart en privé pour discuter tranquillement en attendant que la soirée se termine.»

«Si c'était si facile, ça ne t'effraierais pas à ce point…» Argua-t-elle en retour.

La jeune femme lui concéda ce point en souriant tristement. Puis ensuite plus amicalement, même réconfortant.

«Parce qu'il y'a toujours le risque qu'un importun vienne tenter de tirer son épingle du jeu avec toi en te prenant par défaut dans une conversation.» Admit-elle sincèrement. «Mais ne t'en fais pas, dans cette soirée ce ne sera certainement pas par les pires d'entre tous ; je parle bien des paparazzis. Car la Zone Noire du manoir conserve toujours sa prévalue sur la soirée, même de son importance, et les journalistes n'ont le droit de prendre des photos que dans les limites qui leur sont attribués, avec l'obligation formelle d'avoir l'aval de leurs modèles. Autrement dit : tant que tu restes avec moi personne ne t'approchera.» Déclara-t-elle fermement. « Et vu que je ne pourrais pas non plus m'éloigner de toi sans risquer de finir angoissée, il n'y a aucun possibilité de finir chacune de nôtre côté comme deux quilles dans un jeu de boules.»


Elle rit doucement de dérision à sa propre remarque, la trouvant parfaitement adaptée à la situation. Mais il ne fallait pas se leurrer, c'était un rire tout ce qu'il y avait de plus forcé. Lorsqu'elle se calma plus rapidement que son rire ne fut poussé, elle replongea sa totale attention sur la demoiselle.


«Alors ?»


Cela avait beau être une question remarquablement simple, et conserver son calme autant que possible en attendant la réponse, le simple silence d'attente la rendait aussi tendu que les cordes vocales du Brouhabam dans le marais. Même si elle devait la laisser prendre cette décision comme elle l'entendait et respecter son choix dans un cas comme dans l'autre, la jeune femme espérait de tout cœur que la demoiselle lui fasse cette faveur…

Et devant tant d'insistance… Et de tellement d'opportunités qui s'offraient à elle… La demoiselle finit par donner sa réponse.


«… D'accord.»

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Un véritable sourire d'apaisement se dessina sur le visage de l'ancienne maitresse, alors que la rigidité de ses muscles se détendit pour lui permettre enfin de souffler en relâchant la pression.

«Merci Luna. Je te promets que personne ne t'approchera à moins de trois mètres sans devoir passer par moi.» Rendit-elle sincèrement redevable.

«Je te fais confiance…» Renvoya-t-elle en souriant à son tour de dépit d'avoir céder devant elle.

«Juré.» Renchérit cette dernière en la regardant droit dans les yeux, avant de virer dans la seconde strictement au même sourire taquin qu'elle arborait à Célestia. «Bien, maintenant : il ne suffit plus qu'à te trouver une robe.»


A la place du long gémissement plaintif à lequel il fallait normalement s'attendre à la place, le revirement captieux de l'ancienne maitresse arracha un rire aussi amusé que dépité par la demoiselle ; qui fut reprit en fou rire par la jeune femme, et qui ne se calma pas avant une bonne demi-douzaine de minutes.

En effet il y'avait de quoi rire : elle s'était fait manipuler depuis le début par ses mimiques et ses suppliques qui avaient jouées sur sa corde sensible pour au final la faire plier à sa volonté, avant de virer comme si de rien n'était à un nouveau sujet ; c'était dérisoire.

Quand à savoir laquelle des deux manipulait l'autre… C'est une toute autre histoire.

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[Bonus : Blacksmiths sert à décrire un client/troqueur/businessman de l'underworld ; Black venant de noir comme dans marché noir, et Smith pour le nom représentant la quintessence de l'anonyma.]