Je voudrais pas... de dragibus57

Nathalie ne voyait pas grand-chose.
Aucun de ses Pokémon n'étant apte à apprendre Flash, elle ne s'était jamais vraiment préoccupée de cette attaque qu'elle considérait comme inutile. Elle s'en mordait les doigts à présent…

C'est donc avec la plus grande prudence qu'elle posa le pied sur la première marche. Elle lui parut glissante. En voulant prendre appui sur le mur pour mieux garder son équilibre, elle se rendit compte qu'une rampe de bois courait tout le long de l'escalier. Mais elle ne pouvait à la fois s'y accrocher et tenir ses Pokéball en main…
Crotte ! Aux grands maux, les grands remèdes !
- Macho', porte-moi s'il te plait, chuchota-t-elle en le faisant jaillir de sa Ball. Sans bruit et tout doucement, hein !

Le grand Pokémon humanoïde la souleva de terre comme une plume et descendit précautionneusement les escaliers. Les marches n'étaient pas si nombreuses qu'il y paraissait. C'est l'obscurité, trompeuse, qui rendait la progression interminable.
Finalement, ils débouchèrent sur un long couloir étroit dont le fond semblait éclairé par une petite lumière verdâtre. Machopeur déposa son fardeau à terre et Nathalie continua sur ses deux jambes.

Le couloir était rectiligne, visiblement très ancien, comme en témoignaient ses murs humides constellés de plaques de salpêtre. Mais de temps en temps, des taches de maçonnerie fraîche et des poutres de soutènement neuves attestaient de récents travaux de consolidation.
Nath était loin d'être rassurée. Seule la proximité de ses Pokémon lui donnait le courage d'avancer.
Et la perspective de quelques gouttes d'huile de Kabuto…

Elle suivit la pente douce, attirée comme un papillon de nuit par la lumière qui brillait à l'extrémité, et finit par se trouver nez-à-nez avec une épaisse porte métallique surmontée d'un éclairage à LED du genre issue de secours. Fermée, naturellement.
Pff… Voilà, tout ça pour rien… Fin du voyage… Mais qu'est-ce que tu croyais, ma vieille ? Qu'on allait t'attendre à bras ouverts ?... Redescends un peu sur terre… T'es pas de taille ! Tire-toi d'ici vite fait avant que ça tourne mal…

Elle en était à ce point de ses réflexions introspectives, quand Lucario s'agita dans sa Ball. Elle le fit immédiatement sortir, sachant qu'il ne faisait jamais ça sans une bonne raison…
C'est alors que la porte s'ouvrit d'un coup, violemment, manquant de la projeter contre le mur ! Trois hommes et une femme, ainsi que leur Pokémon, se tenaient sur le seuil d'une vaste pièce carrelée de blanc, aux allures de labo.

Tout se déroula ensuite à une vitesse fulgurante, bien trop vite pour les réflexes amoindris de Nathalie :
- Demolosse, Lance-Flamme !!! cria la femme. Vous autres, attrapez-moi cette greluche !!
Les ordres claquaient, secs et rapides comme des coups de fouet.
Ils prirent la journaliste complètement au dépourvu. Elle n'était pas une véritable dresseuse, n'y connaissait pas grand-chose en combat et encore moins en stratégie.
- Luca', Griffe Acier ! répliqua-t-elle bêtement.

Lucario se tenait devant elle, tentant de faire rempart de son corps. Le puissant jet de flammes l'atteignit de plein fouet et le propulsa plusieurs mètres en arrière. A moitié sonné, il ne s'en releva pas moins courageusement pour tenter de griffer le grand chien noir.
- Abri !!!
Le loup bleu parvint en titubant devant son adversaire, mais ne rencontra que le vide. De longues brûlures striaient sa fourrure roussie et continuaient à se propager le long de son corps. Il perdait peu à peu ses forces.

Nathalie eut quand même la présence d'esprit de le rappeler :
- Drac', à toi. Surf !
Mais au moment où le dragon ailé jaillissait de sa Ball, deux des hommes s'emparèrent d'elle en lui attrapant chacun un bras. Elle tenta bien de se dégager, à coups de pieds et de sac, mais ils la maintenaient solidement et elle finit par renoncer.
Entre temps, un énorme Oniglali avait pris la place du Demolosse, encaissant sans trop de problème la puissante vague d'eau.
- Nooon ! s'écria Nath. Drac', reviens !! Viiite !!!
Trop tard… Un gros coup de Blizzard venait de geler son Pokémon sur place, le vidant presque complètement de son énergie.
- C'est bon, j'arrête ! Vous avez gagné… Enlevez vos sales pattes de moi !!

Ses deux cerbères l'avaient entraînée dans la grande salle. Elle l'embrassa du regard et vit tous ses soupçons se confirmer.
C'était bien un labo, envahi de matériel médical et scientifique haut de gamme. Scanner, échographe, microscope électronique…
Dans un coin, un tas de fossiles Dôme à côté de la machine du Musée de Charbourg.
Sur une étagère, un alignement de bocaux au contenu incertain, débris flottants, liquides épais ou translucides.
Sur la table d'opération trônant au centre, le corps d'un Kabuto au ventre ouvert, éclaté comme un fruit trop mûr.

Nathalie se tourna vers la femme au Demolosse.
Regard foudroyant, lèvres pincées, elle la toisa de toute sa taille, sortant la poitrine pour paraître encore plus imposante. Elle n'appréciait pas du tout la façon dont elle et ses Pokémon avaient été traités. Mais n'arrivait surtout pas à digérer le coup de la « greluche »…
- Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous trafiquez ici ? cracha-t-elle. Relâchez-moi immédiatement !

L'autre femme ne daigna pas répondre, mais rejeta la tête en arrière et partit d'un grand éclat de rire. Tonitruant, semblable à un hennissement.
Très peu féminin ! Aucune classe…
Elle était d'un âge incertain sous le maquillage trop chargé, pas très grande, mince, mais vêtue d'une façon excentrique que Nath jugea de fort mauvais goût. La chevelure cartonnée de laque, d'un noir de corbeau pas naturel, encadrait un visage osseux aux lèvres trop étirées.
Lifting, botox… Encore une qui n'arrive pas à assumer son âge…
- Ici, c'est moi qui pose les questions, ma belle ! rétorqua-t-elle d'un ton mielleux. Tu as fourré ton joli nez là où il ne fallait pas, faut assumer maintenant…

Elle fit lentement le tour de Nathalie, l'inspectant à son tour des pieds à la tête, à la manière d'un marchand de bestiaux.
- T'es flic ?... Non… Trop nulle en combat. Trop grosse. Trop pomponnée… Ricardo, fouille son sac !
Le troisième larron, un personnage en blouse blanche, extirpa la carte de presse de Nathalie et la lui tendit.
- Journaliste… Tiens tiens, une pisse-copie ! Trop dangereux… Beaucoup trop dangereux !
D'un claquement de doigt, elle désigna l'intruse à ses deux hommes de main :
- Ted et Franck, faites le nécessaire… Comme pour Swenson…

Nathalie se raidit. Son pouls s'accéléra. Une sueur glacée inonda d'un seul coup ses vêtements. On allait la donner en pâture aux Airmure et aux Demolosse ! Elle se souvenait de la description que lui en avait faite Bob… Son corps serait balancé dans un endroit isolé et aurait certainement le temps de pourrir avant qu'on finisse par le découvrir. Elle avait l'impression que le grand chien noir assis derrière sa maîtresse en bavait déjà à l'avance.
La peur l'envahit. Peur de mourir, maintenant et de cette manière.
Elle fit un gros effort sur elle-même pour n'en rien laisser paraître. L'autre cageot, là, aurait été trop contente de voir qu'elle avait la trouille !

- Oui madame Boss. Tout de suite, dit l'un des sbires en s'approchant de la journaliste.
Madame Boss ?! La mère de Giovanni ?! Non, pas possible !…
Si… ça se tenait finalement… En tant qu'ex chef de la Team Rocket, elle était certainement au courant de l'affaire des Kabuto aux Iles Orange et des rumeurs concernant leur huile. Et elle avait décidé de remettre ça…
Nathalie tenta de gagner du temps :
- Madame Boss… Vous vouliez vous procurer l'huile de jouvence ? Pour vous… C'est ça ? demanda-t-elle d'un ton sarcastique.
- Je vois qu'on est au courant de pas mal de choses… Raison de plus pour te faire taire…
- Mais vous n'avez pas réussi, hein !
- Ce n'est qu'une question de temps ! Si je n'étais pas entourée d'une bande d'incapables, ce serait déjà fait !!
- Et non !… Cette fameuse huile dont vous rêvez tant… n'existe pas…

- Si !!! Elle existe !!! J'en suis sûre !!!
La mère de Giovanni avait hurlé en tapant du pied. Nathalie sut qu'elle avait visé juste… Elle enfonça encore un peu plus le clou…
- Non. Les études scientifiques l'ont prouvé. Personne n'en a jamais trouvé trace. Vous courez après une chimère… dit-elle en se remémorant les paroles de l'infirmière Joëlle. Et vous resterez à jamais une vieille peau… ajouta-t-elle d'un ton moqueur, en détachant bien chaque syllabe…

La rage déforma encore davantage les traits de la vieille. Ses narines se dilatèrent, ses yeux fusillèrent Nathalie et un vilain rictus découvrit sa dentition trop blanche et trop alignée.
- Tais-toi ! MAIS TAIS-TOI !!!... Attends, je vais m'occuper moi-même de ta sale petite gueule !!! JE VAIS T'ARRACHER LA LANGUE !!!!!
Elle enfila rapidement une paire de gros gants de travail et choisit, sur l'une des paillasses, une longue pince médicale en acier qu'elle tendit à son Demolosse :
- Un petit coup de Lance-Flamme ! ordonna-t-elle.
Le souffle brûlant chauffa très vite l'instrument et la Boss en approcha avec lenteur l'extrémité incandescente du visage de la journaliste. Celle-ci recula progressivement, jusqu'à se retrouver bientôt dos au mur.
- On fait moins la fière, hein ?!... Tenez-la, vous deux !

Mais Nathalie, qui savait ce qu'elle faisait, anticipa l'action. Avant que les deux sbires ne soient sur elle, elle empoigna à deux mains la pince rougeoyante, l'arracha d'un geste sec et l'abattit sauvagement sur la vieille.
Celle-ci hurla de douleur en se tenant le visage à deux mains. Une odeur de chair roussie envahit la pièce.
L'individu en blanc se précipita vers elle, pendant que les deux autres s'emparaient de Nathalie.

- STOP !!! Plus un geste !!! Levez les mains et reculez !!!
La voix autoritaire du commandant de la section d'intervention emplit le labo tandis que ses hommes investissaient les lieux avec leurs Pokémon.
La Boss jeta un ordre bref au Demolosse. Un puissant jet de flammes tint un instant les policiers en respect, lui donnant juste le temps de détaler vers le fond de la pièce. Mais leur réaction fut rapide et sans pitié :
- Tartard, Surf !
- Gallame, Mitra-Poing !
L'action conjuguée des deux attaques eut raison du Pokémon ténébreux.

Deux hommes se jetèrent à la poursuite de la vieille, pendant que le reste de la troupe neutralisait les trois sbires en les menottant et en confisquant leurs Pokéball.
Mahdid s'approcha de Nathalie. Elle était en larmes et regardaient ses deux mains brûlées comme si elles ne lui appartenaient pas. Il avait une furieuse envie de lui hurler dessus pour avoir fourré son nez là où il ne fallait pas :
- Ça va ? dit-il doucement en la prenant par les épaules.