Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Tout ça pour mourir de Asako



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Asako - Voir le profil
» Créé le 29/04/2010 à 12:23
» Dernière mise à jour le 02/05/2010 à 22:22

» Mots-clés :   Romance   Science fiction   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
1-5 : Les autres
A peine eurent-ils posé les pieds dans l'entrée qu'un scientifique d'âge moyen fondit sur eux tel un rapace et se mit à parler à la vitesse d'une mitrailleuse, tout en esquissant des gestes exaltés. David le trouvait particulièrement ridicule, sans compter le Hoothoot à l'air ahuri qui s'accrochait à son épaule.

-Ah, vous êtes arrivés ! Vous êtes de Saigo, c'est ça ? Le congrès va bientôt commencer, mais avant il y a une petite réception. Vous devriez y aller, les petits-fours sont un délice. Oh, Johanna Warren ! Je ne t'avais pas reconnue ! Cela faisait teeeeeellement longtemps ! glapit-il en attrapant le bras de la jeune femme et lui plaquant deux bises sonores sur les joues.

-Wil… Wilfried Harper ? bégaya Johanna, écarquillant les yeux. Tu… es là ?

-Oui, je vais présenter une théorie du tonnerre sur... ah, tu verras, ça sera une surprise ! Tu m'avais manquée, Johanna. Tu me présentes tes collègues ?

-Harper, je te présente Matt Keyes et David Hunter. Dr Keyes, David, voici Wilfried Harper. Un chercheur spécialisé sur les Pokémons volants. Nous... euh… nous nous sommes déjà rencontrés dans le passé.

Le dénommé Harper serra solennellement la main d'un Matt étrangement atone et scruta curieusement David, mais s'arrêta net en croisant le regard perçant du jeune garçon.

-Dis donc, t'es jeune toi pour aspirer à une carrière de chercheur ! pouffa l'homme en lui tapotant l'épaule.

David se dégagea sèchement et ne répondit rien, les lèvres serrées, adoptant un air renfrogné qui découragea l'homme. Ce dernier se tourna une dernière fois vers Johanna, lui fit un signe de la main et s'éloigna à grands pas, tout en déblatérant des propos confus à voix haute, probablement à son Hoothoot. Une fois qu'il fût hors de vue, David se demanda combien allaient encore le charrier et se moquer de lui et il fut saisi d'une irrépressible envie d'attaquer, de distribuer des coups de poings et de… mordre. Cette idée le fit frémir mais une pichenette derrière la tête le ramena à la réalité.

-Bon, lui dit Johanna. Je sais que Wilfried est lourd, mais ça ne sera pas le seul, alors je te prie d'être un peu plus aimable et de ne pas jeter à tout le monde des regards noirs.

Ils s'avancèrent et pénétrèrent dans un grand salon onéreux qui suintait le luxe, où les murs étaient ensevelis derrière les tableaux de maître représentant des Pokémons légendaires, où le parquet sombre et brillant glissait sous leurs pieds, où les tables étaient recouvertes de bouteilles, de verre et de nourriture et dont d'incroyables lustres de verre pendaient du plafond. La réception battait son plein. Les conversations allaient bon train entre des hommes et des femmes vêtus élégamment, qui s'échangeaient sourires et regards en coin chargés de fourberie. Des parfums étourdissants planaient dans la pièce, qui donnèrent la nausée à un David peu habitué à ce genre de soirée.

-Dr Warren, Dr Keyes…

Stieg Jackson, vêtu d'un costume qui avait dû lui coûter une petite fortune, s'était rapproché d'eux. Il tendit deux verres remplis d'un liquide pourpre à ses collègues.

-Le congrès va bientôt commencer, alors ne buvez pas trop, prévint-il. Dr Warren, votre mari vous attend là-bas…

Il désigna du menton un grand échalas brun qui patientait près des bouteilles, les bras croisés et l'air aussi chaleureux qu'un jour de frimas. Johanna le remercia et se dirigea vers l'homme, esquissant, pour la première fois que David la connaissait, un vague sourire qui illumina toute sa figure d'ordinaire austère.

-A plus tard, Dr Keyes, ajouta Stieg en allant lui-même rejoindre une femme d'un certain âge qui discutait avec d'autres hommes.

Matt et David se retrouvèrent plantés au beau milieu de la pièce. Les hommes et femmes présents ne cessaient d'aller et venir autour d'eux, les effleurant sans les voir, affichant tous le même air suffisant de celui pour qui le monde n'a plus aucun secret.

-Il ne faut pas se fier à leurs regards hautains, murmura Matt.

David faillit sursauter. C'était la première fois que le scientifique paraissait si éreinté, si épuisé, mais également si sérieux. Ses yeux gris étaient plongés dans le vide et il ne s'adressait à personne en particulier.

-Parce que derrière, ajouta-t-il d'une voix tremblante, il n'y a rien. Ils tentent de cacher la vacuité qui les hante avec leurs grands airs, parce qu'au fond, ils ont peur. Ils vivent sur des théories qu'ils ont mises des années et des années à élaborer, et, en une soirée, elles peuvent s'effondrer, rejetées du monde scientifique d'un revers de main. Moi aussi, j'ai peur…

David ne sut que répondre. Il n'allait tout de même pas réconforter un adulte ! Déjà qu'il n'aimait pas consoler les gens, alors en plus ce scientifique responsable de sa transformation en un espèce de mutant-Zigzaton ! De plus, Matt lui inspirait de la pitié, et il détestait ressentir cela. Pourtant, obéissant à une sorte d'instinct naturel, il prit la main du scientifique et le mena mécaniquement hors de la salle de réception en passant par une porte ouverte sur une cour déserte. L'air frais du soir fit du bien à David, ravi de quitter les lourds effluves du grand salon où avait lieu la réception. Il inspira à pleins poumons le vent parfumé au sel, qui déposait un petit goût agréable sur ses lèvres, et contempla la cour surélevée d'où ils avaient une vue privilégiée sur la mer frémissante.

-Tu as raison, on est mieux dehors, murmura Matt. T'as bien fait de m'emmener ici… T'es gentil.

David ne répondit pas, gêné. Il espérait de tout son cœur que la pénombre masquerait ses joues rougissantes. Il jeta un coup d'œil désarçonné en direction du scientifique et reçut un coup invisible en pleine poitrine.
Matt pleurait. Discrètement, il laissait les larmes tracer des sillons humides sur son visage, sans rien dire, la poitrine soubresautant au rythme de ses sanglots muets. David détourna le regard et s'absorba dans la contemplation de ses pieds. Il aurait voulu de tout son cœur que Johanna, ou n'importe quel autre scientifique, les interrompe et les fasses retourner à l'intérieur. Il ne savait pas quoi faire et se sentait totalement inutile. Ou plutôt, il savait qu'un être normalement constitué aurait au moins tenté de tarir les larmes du scientifique, plutôt que de rester planter sans rien dire.

-V… Vas-y… Tu peux y retourner… murmura Matt, exauçant son souhait sans le savoir. Reste avec l'un des autres, je ne veux pas que tu me voies comme ça…

-Bof… Je vous ai déjà vu bourré, lui rappela David.

Matt ébaucha un sourire triste en essuyant ses lunettes.

-C'est vrai. Tu es toujours là quand il ne le faut pas. Maintenant, retourne à l'intérieur, sinon le Dr. Jackson va s'inquiéter en ne te voyant pas.


David se retrouva donc de nouveau dans le grand salon où le luxe agressait ses rétines partout où il posait les yeux. Il se positionna près d'une table et décida de guetter l'un des trois scientifiques de Saigo, mais ils étaient noyés dans le flot de chercheurs qui discutaient jovialement. Il se sentit soudainement très petit, au milieu de tous ces adultes qui ne lui accordait pas la moindre attention. Il décida de se fondre dans le décor en restant immobile et en gardant un air maussade qui rebuteraient les scientifiques les plus hardis, grignotant du bout des lèvres un petit-four qui avait plus le goût du sel qu'autre chose.
Au moment où il s'y attendait le moins, une main s'abattit sur sa tête et lui ébouriffa les cheveux. Fortement agacé, David l'esquiva d'un pas chassé et se dressa fasse à son assaillant, furieux.

C'était Sébastien Valéry. Une fillette aux cheveux auburn se cramponnait à sa main et le fixait avec un intérêt non dissimulé.

-Hey, gamin ! Qu'est-ce que tu fiches ici, tout seul ?

-J'étais avec Matt, mais il est partie aux toilettes, mentit David.

-Ah, d'accord. Il a de la chance que tu sois sage et que tu bouges pas ! Tiens, je te présente ma fille. Elle est très timide, alors ne sois pas vexé si elle ne te parle pas.

David se tourna la fille qui continuait de le scruter d'un air à la fois curieux et insolent. Elle soutint son regard sans ciller, les sourcils froncés, et David eut l'impression qu'elle le jaugeait, voire qu'elle le provoquait. Il comprit qu'elle ne comptait pas détourner les yeux la première et cela lui donna une irrépressible envie de la contredire, alors il se plongea dans son regard noir et impassible avec opiniâtreté.

-Bon, les petits, lança Sébastien, déstabilisé par l'hostilité muette qui naissait entre les deux enfants. Arrêtez de vous regarder comme si vous allez vous sauter dessus. Je ne veux pas d'accident !

La fillette pinça les lèvres et fit une moue butée qui sembla amuser Sébastien.

-Ah, les enfants, des fois il s'en passe des choses dans vos têtes… On y va, ma chérie ? J'ai repéré de délicieux canapés au saumon plus loin. Matt ne va pas tarder à arriver, de toute façon. A plus Dave !

Il s'éloigna, ne lâchant pas la main de la petite fille. Cette dernière continuait de fixer David et, après qu'il se soit détourné pour partir en quête d'un scientifique de Saigo qui, si possible, n'aurait pas son enfant avec lui, il sentit encore son regard peser sur sa nuque.
Finalement, après quelques recherches hasardeuses, il se retrouva nez à nez avec Johanna… et Wilfried Harper, qui lui parlait en effectuant des gestes si endiablés que les gens évitaient de passer près d'eux.

-Ah, David Hunter ! s'écria-t-il en rencontrant le regard du garçon. Johanna m'a beaucoup parlé de toi. Alors comme ça, t'es pas un gars normal, hein !

-Je n'ai jamais dit ça ! protesta la jeune femme.

-T'es même un gars exceptionnel. Un combat contre mon Hoothoot, ça te dit ?

-Il n'a pas de Pokémon, rétorqua Johanna.

Elle avait pris David par les épaules et le garçon devina qu'elle essayait de fuir cet homme. Peine perdue.

-Tu n'en as pas besoin, David, n'est-ce pas ? Tu peux combattre tout seul… Grâce à cette expérience formidable que Saigo effectue sur toi… Aaah… dans le fond, je t'envie. Participer à une telle entreprise… Contribuer de cette façon à la science, en offrant ton corps aux menaces de gènes étrangers ! J'espère juste que tu auras plus de chance que les autres, ha ha ha !

-Taisez-vous ! ordonna Johanna. Il n'a pas besoin de savoir tout ça.

David n'aurait pas été surpris si de la fumée s'était mise à émaner de ses oreilles. Néanmoins, il écoutait attentivement Wilfried ; le chercheur avait réussi à attiser sa curiosité, et il espérait que la fureur de Johanna n'allait pas le faire taire.

-Ah, je vois dans tes jolis yeux que tu es surpris, David. Tes chers… docteurs ne t'ont rien dit à ce sujet, c'est ça ? Au sujet de ceux qui t'ont précédé à Saigo ?

-Mais vous allez la fermer, bon sang ! cria Johanna, exaspérée.

Ameutés par le vacarme qu'ils faisaient, les invités s'avançaient vers eux, intrigués, ce qui semblait contribuer à l'euphorie de Wilfried Harper. David sentit les ongles de Johanna s'enfoncer furieusement dans ses épaules, mais c'était trop tard ; Wilfried continuait de parler, le visage resplendissant.

-Mon pauvre David Hunter, t'es pas le premier cobaye de Saigo, tu t'en doutais, n'est-ce pas ? T'es même le numéro… sept ou huit, je ne sais plus, de toute façon ça n'a pas d'importance, hein… espérons juste que TOI, tu survivras au traitement ! Parce que hein, c'est pas encore au point. Sinon tu vas finir comme ces pauvres gens qui t'ont précédé, réduits au rang de cobaye pour finir par mour…

Il ne put continuer sa phrase. Un Simiabraz s'était jeté sur lui et l'avait projeté au sol, maintenant une poigne de fer sur son cou. Les scientifiques poussèrent des cris horrifiés et Johanna ouvrit la bouche, ahurie. Quant à David… il observa le Pokémon sans rien dire, hypnotisé par le ballet de flammes qui crépitait sur sa tête. Les mots du chercheur résonnaient dans son esprit, mais il refusait obstinément d'y croire. Les autres cobayes… ceux d'avant lui… morts ? C'était impossible…
Stieg Jackson apparut alors, le visage exprimant une telle démence que David en fut impressionné.

-Relâche-le, ordonna-t-il, glacial, au Simiabraz.

Le singe enflammé obéit au quart de tour mais resta penché sur l'homme, menaçant. David devina qu'il appartenait au vieux scientifique visiblement ivre de rage.

-Vous ! cracha Stieg en direction de Wilfried.

-Comme on se retrouve… ricana le chercheur qui se redressa et s'épousseta en affichant un sourire dégoulinant de mépris. Johanna m'a dit bonjour, mais pas toi, il me semble…

-Je suis désolée, bredouilla Johanna. J'aurais dû l'empêcher de parler…

-Trop tard. Emmenez l'enfant loin d'ici, et laissez-moi régler mes comptes avec cet énergumène.

-Trop tard, comme tu dis, sourit Wilfried. Ce pauvre garçon n'est pas sourd, et il aura du mal à oublier ce que je lui ai dit… et ce n'est pas les lâches attaques de votre Simiabraz contre ma personne qui va y changer grand-chose.

-Je suis désolée, répéta Johanna, la voix frémissante.

-Ce n'est pas de votre faute, Mme Warren, dit Stieg froidement. C'est entièrement celle de Keyes.

David sentit son cœur faire une embardée dans sa poitrine. La faute de Matt ?

-Où est-il ? grogna Stieg. Pourquoi ne surveille-t-il pas David ? C'était son rôle et il l'a laissé vagabonder et écouter n'importe qui ! Je lui demandais juste une chose ne pas le quitter des yeux, et il a échoué ! Il fiche tout à l'eau ! Quoi que… je crois que je comprends… il était de mèche avec vous, n'est-ce pas, Harper ?

Wilfried émit un ricanement moqueur. David, perdu, aurait voulu en entendre plus, mais Johanna l'entraînait déjà loin des deux hommes. Il eut à peine le temps de voir Wilfried secouer la tête négativement et envoyer un Roucarnage combattre le Simiabraz, les yeux pétillants, et les scientifiques réunis autour d'eux qui se délectaient du spectacle.


Ils s'arrêtèrent une fois à l'autre bout du salon, loin de la lutte. David se passa la main sur le visage, ayant l'impression d'émerger d'un profond sommeil. Malheureusement, la situation était bien réelle, et les mots de Wilfried continuaient de former des entrelacs sinistres dans son esprit.

-Alors ils sont morts… murmura-t-il. Et moi aussi je risque de mourir…

-Tu le crois ? demanda Johanna, contrariée. Tu crois vraiment ce qu'il a raconté ?

-… Pourquoi… pourquoi le Dr Jackson en veut au Dr Keyes ?

-Ne parlons pas de ça maintenant. Harper… ce salopard a gâché la réception et nous a ridiculisé. De quoi allons-nous avoir l'air, hein, quand il va falloir parler de nos travaux aux autres ? Stieg a complètement perdu les pédales, se battre ici, quelle idée !

Elle semblait complètement désorientée. David se rappela les paroles de Matt : « Ils tentent de cacher la vacuité qui les hante avec leurs grands airs, parce qu'au fond, ils ont peur. Ils vivent sur des théories qu'ils ont mises des années et des années à élaborer, et, en une soirée, elles peuvent s'effondrer, rejetées du monde scientifique d'un revers de main… » Il leva les yeux au ciel. Alors, elle aussi, il allait devoir la réconforter… pourtant, en y réfléchissant bien, c'était plutôt lui qui aurait dû être consolé, pas eux. Lui qui venait d'apprendre que sa vie était en danger, que rien n'était sûr à propos de sa survie…

-Où est Keyes, d'ailleurs ? s'enquit Johanna, devinant probablement ce à quoi il pensait et essayant de lui changer les idées.

-Dehors.

-Tu sais… il va être viré. Je pense.

David acquiesça. Il ne savait pas encore si cette nouvelle devait lui déplaire ou, au contraire, le soulager.

-Il… quand j'ai dit que c'était un paumé, je… tu sais, il n'a pas eu une vie toute rose. Tu devrais aller le voir.

-Vous ne risquez pas d'être renvoyée, vous aussi, si vous me laissez partir sans surveillance ? s'étonna David.

Elle lui décocha un coup d'œil agacé.

-Ecoute, gamin, je sais parfaitement ce que je risque, pas la peine de me faire la morale. Je te laisse le champ libre, et tu te plains ! T'es vraiment idiot ou quoi ?