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Sans Coeur de Limonette[JV]2



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» Auteur : Limonette[JV]2 - Voir le profil
» Créé le 14/03/2010 à 11:12
» Dernière mise à jour le 02/08/2013 à 15:30

» Mots-clés :   Drame   Présence d'armes

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Parcelle d'histoire


Les gens s'affairaient à percer la glace, à extirper l'impossible d'une prison mortelle... C'était une équipe de reporters spécialisés et de scientifiques qui avaient, par hasard, aperçu un reflet à l'intérieur de la glace. Ils avaient été intrigués. Sans doute était-ce un squelette de Wailord, de Marcacrin ou tout simplement un iceberg éclairé par les rayons du soleil. Néanmoins, l'attrait que présentait cette curiosité, et le fait qu'ils puissent mettre en valeur les nouvelles techniques utilisées dans leur reportage les intéressa. Ils firent appel à de petits moyens tout d'abord, ne voulant qu'opérer un sondage de la glace. Les résultats divulgués au retour de la sonde furent inattendus. Ils révélaient, en outre, la présence de matière vivante.
Leur documentaire, sur les espèces vivant en milieu polaire fut interrompu pour cause de recherches. Tout à leur enthousiasme, mais aussi à leur appréhension, les journalistes espéraient trouver quelque chose. Peut-être un de ces lacs souterrains dans lesquels vivent des spécimens rares et inconnus. L'importance de l'entreprise - percer une couche énorme de glace ce n'est pas rien - les rebuta un peu. Mais ils prétextèrent de nouvelles études préventives, de nouveaux tests à effectuer pour obtenir des fonds.

Certains pays contribuèrent à créer ce chantier colossale sur lequel je suis et la fameuse base 944 Brasero, du nom du bateau des premiers scientifiques. Ces derniers avaient quitté le domaine depuis longtemps, dépassés par la tournure que prenait les évènements - et s'étaient empressés de faire commerce de leur trouvaille. Au fur et à mesure que les machines pénétraient l'enceinte de glace, les contours d'une forme apparemment humaine - disons humanoïde - se précisèrent, à quelques milliers de mètres plus en-dessous. Nulle présence de lac.

De l'attente anxieuse et désespérée, on passa à l'euphorie et à l'excitation. Les recherches redoublèrent, les télés du monde entier furent toutes accaparées par l'évènement. Se succédaient aux JT l'avancée des machines au pôle nord, et les faits divers relatant l'actualité sombre des derniers temps. Une épave de bateau fut découverte. L'information fut tournée en dérision et on affirma bientôt que cette épave était le célèbre Titanic . Elle portait les traces d'une tempête d'une violence apocalyptique. Il s'agissait certainement de la catastrophe Anaée, plus grand cataclysme de tous les temps. Après le cyclone Janis, qui avait frappé l'Orient, et immergé la moitié des côtes japonaises il y a de cela 50 ans, c'était véritablement le plus important désastre jamais connu.
Anaée, du nom de la dépression d'origine, avait duré environ 1 an.

Avant cela, nombre de bouleversements avaient déjà esquinté la face terrestre.

La ronde climatique avait, comme chacun semble le savoir, déréglé les saisons polaires, plongeant le continent nordique dans un été trop chaud. La fonte avait commencé. Peu avant l'an 3000, on dénombrait énormément d'espèces de pokémon disparus dans les régions polaires.
Le climat était devenu presque tempéré, et la fonte glaciaire avait occasionné la montée du niveau des mers à un seuil critique. La plupart des zones littorales s'étaient déplacées plus avant dans les terres.
L'urbanisation avait rapidement pris le dessus, et les habitations délaissées sur les côtes inondées se reformaient en Arctique et en Antarctique, là où une vie citadine était devenue en partie possible. Tout cela s'était passé sur à peine deux siècles.

Beaucoup de théories couraient au sujet de ce phénomène et la plus courue était sans doute le phénomène d'inversion des pôles. Le magnétisme, obscure chose que cela, sur quoi je ne m'élargirai pas!
Donc, reprenons... La terre explosait, de par sa surpopulation et le manque de place. La station orbitale avait été agrandie, et la construction monumentale d'un vaisseau pouvant accueillir, disait-on, les populations de deux continents était en préparation.
Néanmoins, aucune solution ayant un impact sur le présent n'était véhiculée.

La tempête Anaée eut lieu dans ce climat délétère, où on n'apercevait l'avenir que sous des amorces inquiétantes. Tout symbole d'une récente vie urbaine fut enseveli par la neige. Aucune trace de la conquête humaine ne subsista, si ce n'est les millions de cadavres de ces gens n'ayant pu être évacués à temps, et résidant éternellement dans leur tombeau de glace.
Par bonheur - et forte coïncidence - les espèces disparus repeuplèrent bientôt leur royaume de nouveau vierge.
Les Etats dont ces terres reconquises étaient les propriétaires ne s'expliquèrent pas le caractère imprévisible de cette catastrophe naturelle, et surtout, leur incapacité à la prévoir.

De ce dernier millénaire, on avait retenu nombre de déterrements, et nombre de générations complétées. Cependant la multitude préférait respecter les dépouilles de leurs proches et les laisser dans leur silence glacé.
L'intérêt que témoignaient les médias pour l'entreprise engendrée par les reporters était sans doute disproportionné.
Le fait est que l'histoire du naufrage avait peu à peu trouvé preneur et beaucoup d'écrivains s'étaient mis à conter une horrible tempête, qui ne laissa qu'un survivant. Les romanciers s'accordaient au moins sur cela, dans leurs ouvrages différents qui relataient le même fait. La vérité était sans doute là en part importante. Le survivant fut recherché, certaines personnes se présentèrent comme l'étant, pour qu'on parle d'eux. La supercherie marcha une fois plusieurs années, et un homme, la soixantaine passée, se raconta dans un livre énorme, avec force de détails, du moment où la tempête l'avait emporté vers les flots, au moment de sa libération, par quelques promeneurs qui le ranimèrent... Peu crédible, mais tellement bien conté! Il fut révélé qu'il s'agissait d'un simple citoyen lambda en mal de succès, d'argent et d'emploi. Son talent d'écrivain le sauva, et un grand nom de la littérature fut découvert.


6 août 3304, dans ma chambre.

Revenons aux recherches... Ils parlent tous du Survivant, mais le corps qui les fait fantasmer est toujours sous la glace. Les moyens engendrés sont de plus en plus colossaux et les gouvernements américain et japonais - principaux actionnaires du forage - se désaisissent peu à peu de l'affaire, étant donné le manque de résultat. Le déficit a creusé dans les caisses des différents états des trous béants, que la rigueur ne parvient pas à combler. Le capitalisme touche à sa fin.

De nouvelles bactéries font leur apparition, causent des ravages dans le système immunitaire. Les gens se voient décimés par des maladies infectieuses... La plupart sont rendus vulnérables par la quantité de pilules, antibiotiques et autres qu'ils ingurgitent comme du petit lait. Bien entendu, la médecine de son côté a fait des progrès monumentaux mais ses innovations en font un domaine réservé aux plus riches. Il y a bien les cellules souches, qui nous permettent de rénover un organe défectueux, ou même de rajeunir. Il suffit d'une injection de ces cellules non différenciées, pour qu'elles régénèrent les tissus et tout ce qui présentement ne fonctionne plus. Ce serait une gaieté formidable de savoir que l'on ne naît plus pour mourir ; mais cela est aujourd'hui une affaire de milliardaires, comme le prédisaient les films de science-fiction. Eh oui, l'argent est une seconde jeunesse ici bas.


L'or noir a disparu de la surface de la planète bleue. Les rarissimes gisements qui sont trouvés sont épuisés en un rien de temps, si bien que personne n'a pu en profiter... Les énergies renouvelables ont bien sûr crée de l'emploi, qui était décimé dans le BTP, et ont pris le relais de la production énergétique mondiale. Cependant, le coût primaire s'étant révélé très élevé, il s'agit aujourd'hui du fait de la concurrence acharnée de raboter les prix à un niveau à peine vivable pour l'industrie. La crise s'avère donc la conséquence et la cause de notre mode de vie actuel, puisqu'à travers les plans d'austérité nous constatons juste le désespoir indigent que manifestent et relaient les chefs d'état.
Il y a eu bien quelques guerres, notamment des tensions entre pays au crépuscule de l'an 2000 qui ont bien failli mener à une troisième guerre mondiale. Quelques missiles nucléaires ont vaguement tiré le bilan de ces années gangrénées par la mondialisation et les projets contraires. La Chine malgré sa croissance, voit peu à peu sa puissance décliner au profit de ses vieux ennemis. Une coalition entre Taïwan, le Japon et les îles de l'Océan indien menacent ainsi sa suprématie sur le marché.
Les forêts du monde entier réduisent comme peau de chagrin. Elles sont exploitées, détruites... L'amitié des pokémons résiste difficilement à la vague de misère, et même les légendaires semblent s'être réfugiés nul sait où, comme des rois déchus ! Trop tard ! Tout est fichu ! Les générations à venir regretteront les siècles précédents. Le monde devient fou ! Fou !

Et ces recherches... ces recherches continuent. Les gens sont aux aboies, ils espèrent on ne sait quoi, pour avoir un peu de nouveau dans leur existence terne. La charité et la générosité sont des qualités en perdition.
Tiens, l'autre fois, je lisais dans la salle commune. Un homme s'est approché de moi, et m'a demandé quel était ma lecture. Je le lui ai dit. Il avait l'air très malheureux, m'a dit qu'il avait déjà lu ce livre, que la fin était triste et il a commencé à me parler de lui. Il travaillait dans la section technicien, et s'il était dans nos quartiers, c'était pour trouver un ami à lui. Sa femme l'avait quitté hier, il avait les yeux rouges d'avoir trop pleurer, sa voix tremblait. Et puis un homme nous a intimé de nous taire; je lui ai dit que ce monsieur avait besoin de parler, il m'a dit " Il a besoin de parler ? Il a qu'à dégager d'ici et parler dehors, ici c'est pas un salon de thé, y a des gens qui aimeraient avoir un peu de calme. Pauvre con. " Bien sûr ce dernier mot était prononcé à voix basse, avec la plus grande lâcheté. Je me suis levé et suis allé lui demander quel était son réel problème. Il m'a dit qu'il n'avait pas de conflit avec moi, mais avec ce "con". Le pauvre homme avait quitté la salle. S'il n'avait pas été dans cet état de faiblesse, jamais on ne lui aurait trouvé de grief. Ce qui me pousse à dire que le monde est une jungle. C'est la loi du plus fort. On ne cherche pas à savoir si ce qu'on fait est bien, on attend de savoir ce que les autres pensent de ce que l'on fait. Oui on dépend des autres. Et l'on ne dirige son existence que par ses propres intérêts. Même moi je ne puis aller contre mon égoïsme et mon indicible soif d'ambition. Je voulais être scientifique pour céder aux générations suivantes le bénéfice de mes connaissances. J'apprends chaque jour que l'on profite sans cesse de la souffrance des autres et que celle-ci est nécessaire à la survie.

Que faire, maintenant ? Que faire, au moment où le sable s'écoule à travers le sablier du temps ?
Evidemment, je suis défaitiste. Désolé pour ça, désolé pour tout en fait. Non, j'ai pitié du monde, ce n'est que ça. Mais bon sang! Il faut... Non il n'y a rien à faire. Nous avons sombré...Tous.
Tiens, on m'appelle... L'intervention d'aujourd'hui doit être finie... En tous cas, si l'on trouve quelque chose d'à peu près concevable et...oh et puis merde ! Cette vie m'exaspère. J'en suis à me demander si je ne serais pas mieux dans les forêts restantes d'Amazonie, où vivent les Indigènes et leur divinité Celebi... Ce serait judicieux, de vivre du bonheur... A moins que je ne meure d'une de ces saloperies de maladies immunes, qui rongent la conscience avec l'énergie... Bon Dieu, si tu existes, il faut que tu trouves quelque chose sous ce tas de glace qui semble sorti d'un réfrigérateur ! Et puis... Cette intolérance de l'autre, c'est vraiment...écoeurant. Je préfère m'arrêter là, sinon je vais refaire le monde en une page!

Bon, on n'a finalement pas besoin de moi, dehors... Qu'est-ce qu'il caille ! Jamais vu ça... Ma couverture auto-chauffante ne va pas suffire... Il me faudrait une pastille de chaleur, un truc du genre, mais Stanley a emprunté la boîte ... Il doit travailler sur le terrain, c'est vrai... Pour être mobiliser par milliers sur ce foutu bout de glace, doit y avoir quelque chose de vachement intéressant, en-dessous ! Allez, je vais faire un petit somme, je me sens pas très en forme... On m'a dit de venir demain analyser les restes du vieux journal de bord du bateau « Le Saint Anne » ... Il faut bien qu'un scientifique comme moi serve à quelque chose non? Un scientifique qui écrit aussi mal, en plus! Ah, les livres en parlent de ce bateau, avant le naufrage... Il paraît que c'était luxueux... Allez, je referme mon journal – de bord moi aussi ! – et récupère un peu...

Bon, là, ça urge. Je crois que c'est la dernière fois que j'écris. J'ai même pas écris la date, pas le temps. Ceux de...Oh et puis... Bon, il... ILS ONT DECOUVERT QUELQUE CHOSE ! C'est vrai, on dit que c'est une femme, un être humain, en tous cas... Si ça se trouve, c'est un extraterrestre, l'invasion commence ! Bon, j'peux paraître frappé, mais bon, le froid, et tout... Bref, on m'appelle encore... Ils ont peur d'abîmer ses tissus de peau, en la confrontant à la chaleur. Ils ont dit qu'ils l'examineraient dans une pièce spéciale, enfin, j'en sais rien, de leurs petites manips perso, d'ailleurs, y a que le salaire qui compte... Enfin, non, puisque plus haut, je dis que c'est le monde qui est en jeu...Enfin, je m'embrouille, merde ! Tout ça pour te dire, cher journal, et chère Mélanie, de bien m'attendre, de ne rien faire, et de t'occuper de notre petite Alicia ! Hein ! Tu m'enverras sa photo, j'espère que je serai là à l'accouchement... Bon sang, je dois y aller ! C'est incroyable, quand même tu sais ! Les reporters sont plus nombreux que nous, et ceux qui étaient en premier sur le terrain sont partis ! Incroyable, je dis ! Tu m'as vu à la télé ? Ils ont filmé dans ma cabine ! Bon, c'est pas le luxe, mais ça va...Les repas sont un peu congelés, parfois... Je bénéficie quand même d'un traitement de faveur, faisant partie de la centaine de scientifiques qui ont été envoyés ici... Les réserves de pastilles chauffantes sont presque vides et ne sont pas renouvelées régulièrement, étant donné que si tout va bien on aura bientôt terminé ici... Mon compagnon, Stanley l'expert en espèces sous-marines me racontent des tonnes d'histoire barbantes sur sa famille... Mince de mince ! Ou, Sacrebleu ! Oui, ça t'étonne, je l'ai lu dans le journal de bord à moitié détruit de... Bon, salut, j'y vais, euh... Bah, au revoir, je referme encore mon journal, j'espère qu'on va BIEN te l'envoyer. J'y veillerai, ne t'inquiète pas. J'ai fait des petits dessins, et il y a des photos ! N'hésite pas à m'envoyer des photos d'Alicia aussi, et je veux son bracelet, tu sais, le bracelet médical de naissance ! Si je ne suis pas là à temps pour ce grand jour...Prends-soin de toi... Je reviendrai bientôt ! Et j'espère que tout va bien se passer lors de l'accouchement, en renouvelant ma prière à ce Bon Dieu que je cite encore qu'il me laisse assister à ce magnifique moment ! Oh, pardon pour mon écriture, j'écris vite, je dois y aller ! A bientôt ! Je t'aime, Mely!

Alexandre






« Il est vrai que nous avons trouvé quelque chose, et que nous sommes en voie d'en prendre possession, du moins de libérer cette...chose, de sa prison »
- Pensez-vous que la personne en question pourrait être Le Survivant ?
« Je n'en ai aucune idée,
et son enfermement ici peut très bien dater de plus loin que ce naufrage. Ses tissus graisseux sont très abimés et la manipuler directement pourrait empirer son état »
- Aucun indice n'indique un probable lien avec l'accident ?
« Il est trop tôt pour en exprimer davantage. La situation semble claire nous... »
- Il suffirait de comparer l'accumulation de la glace sur la femme et l'épave, non ?
« Hum ! C'est un peu plus compliqué que ça... »
- Qu'est-ce que rapporte le journal du bord ? Ce bateau est-il réellement le célèbre Sainte-Anne ? En partance de Johto ?
« Nous n'en sommes pas sûrs. Et le journal de bord relate le quotidien des marins. Récemment nous avons découvert qu'une personne importante résidait sur le bateau lors de la tempête... »
- Se peut-il que ce soit le président de l'ancien régime ?
- Avez-vous l'identité de cette importante personne ?
« Nous n'en savons rien. Il pourrait s'agir de toute autre personne, donc ne tirons pas de conclusions hâtives. Nos équipes déchiffrent encore le journal, ils ont déjà réuni quelques informations capitales...
- Quelles informations capitales ?
- Avez-vous des sources extérieures ?
- Bénéficiez-vous de l'aide du gouvernement?
- Avons-nous connaissance de l'équipage transporté ? Des passagers ?
L'intermédiaire essuya quelques gouttes de sueur de son front. Il fit un pas sur la gauche pour échapper aux journalistes assoiffés.
« Je...L'entretien est terminé, nous nous exprimerons quand nous disposerons de plus d'informations ».

L'homme, éprouvé, s'éclipsa de l'enceinte du grand dôme et parcourut le couloir pour se rendre dans une petite pièce. Le porte était fermé mais un détecteur placé sur le seuil, l'analysant de la tête aux pieds en quelques secondes lui en autorisa l'entrée. Il avança dans la pièce , regardant avec appréhension les parois aux reflets changeants et à la texture...étrange qui l'entouraient. Effectivement, elles semblaient comme mues par une vie, et se lançaient, se creusaient, se courbaient, de quelques centimètres. Si bien que la sensation était plutôt... désagréable. L'homme alla à la rencontre d'un pupitre où un globe et deux pupilles étaient bien visibles. Le porte parole plaça son index et son majeur sur les deux pupilles, et de sa main libre tripota le globe dans un étrange jeu de combinaisons. Puis sur la sphère apparut plusieurs localisations (représentées par des pays ou des régions) qu'il était facile d'agrandir pour obtenir des précisions. A peine eut-il fait une dernière manipulation qu'un jet de lumière lancé du fond de la pièce se cogna contre les murs. Puis toucha l'écran auparavant invisible, et une trentaine d'images apparurent. En trois dimensions, l'effet en était renversant. L'homme avait l'impression de faire face à trente petits personnages de toutes les nationalités. Et aussitôt qu'apparut ce joyeux mélange, jaillit une onde sonore assourdissante. Toutes les langues. Les murs de la salle absorbèrent si vite le surplus de son que la machine holographique eut à peine le temps de régler les fréquences pour que l'intermédiaire soit en phase avec ses interlocuteurs. Grâce au logiciel traducteur il fut également permis à tous de se comprendre mutuellement sans barrière de langage.
Ceux qui avaient fait si soudainement irruption sur l'écran blanc étaient tous les dirigeants mobilisés sur cette affaire. Il n'y avait que les nations les plus puissantes de la planète, celles qui avaient décidé d'un commun accord de médiatiser la chose.
Ils étaient représentants de leurs nations, et en cet instant, peu dignitaires de la chose, s'excitaient comme des puces:
« Nous l'avons extirpé d'un milieu dont son corps est à présent en besoin! s'exclama un vieillard dans le coin gauche de l'écran; vieux certes mais apparemment très remonté. Son équilibre dépendait de cette température constante, et nous l'avons mise dans une pièce qui se rapproche des conditions de température, mais qui ne lui apporte plus cette permanence...! Nous sommes des ânes, vraiment quelle idiotie, que cette intervention!
- Allons, elle semble bien réagir à son nouvel environnement, aucune réaction apparente...Et puis cessez cette suffisance, Président Gallufald,nous vous supportons déjà aux réunions internationales...
- Apparente ! Il faut chercher à l'intérieur ! posa un visage de femme sous des traits plutôt masculins.
- Et baissez d'un ton, vous! reprit le vieillard, regardant son détracteur, une tête de jeune diplomate.
- L'intermédiaire est arrivé... souffla quelqu'un, que ne vit pas à temps le concerné.
- Qu'est-ce que vous voulez faire ? Une autopsie ? Nous pourrions la ranimer...
- Elle est morte depuis bien longtemps...!
- Non, son cœur s'est simplement arrêté ! remarqua mollement une femme au teint blafard.
- Nous ne pouvons pas intervenir, auquel cas il en irait de graves conséquences sur...
- Hum, hum ! interrompit le porte parole dans la pièce, voulant de l'attention - il n'allait pas laisser continuer ce brouhaha incessant. Je me suis entretenu avec la presse...
- Qu'avez-vous dit, alors ? répliqua toute l'assistance, s'apercevant enfin de sa présence.
- La presse, soupira une voix.
- Quels rapiats, c'est bien vrai, ces journalistes ! cria un homme très typé, ayant appuyé sur un mauvais bouton qui avait fait apparaître sa tête sur tout l'écran, occultant complètement toutes les autres.
- Fernando Paulo Ravierez!! râla un bon nombre.
- Oh pardonnez-moi, mais vous savez, je ne suis que le dirigeant du Brésil! s'excusa-t-il, d'une façon assez susceptible.
- De vrais vautours, les journalistes ! Toujours à rôder... pesta quelqu'un qu'on ne vit pas, et qui se fichait pas mal de l'erreur du président brésilien.
- Ils demandent si la femme est une survivante, passa le porte parole, qui tapait du pied et exigent qu'on fasse le lien avec le naufrage...
- Bonne idée ! s'exclama un homme. J'aimerais bien les y voir, ces bandes de gamins nés avec un micro dans la main ! Ils vivent bien, hein, ça paye, être paparazzi !
- Allez, ce n'est pas la presse people...
- Presque ! fulmina l'homme ronchon. C'est dire ! Un fait tragique, naufrage, terre de souffrance, avec tous ces gens qui sont morts, et on vient la bouche en cœur « Vous avez un scoop ? ».
- Tout de suite les grands mots!
- Si on pouvait revenir au travail qui nous incombe... tempéra un homme d'aspect froid.
- Si vous pouviez vous taire ! répliqua une femme, grasse.
- Pauvre conne! Vous n'êtes tellement pas pacifique!
- Vieux bof !
- Poufiasse !
- Taisez-vous ! cria une vieille dame fripée. Nous sommes censés être des dirigeants de pays à la tête du monde... Vos petites prises de bec, Madame la Chancelière allemande, et Monsieur le Président français manquent cruellement de crédibilité. Et c'est une affaire mondiale qui nécessite un minimum de sérieux.
- Vous avez raison, rétorqua un homme blanc aux cheveux noirs, jeune. Vous avez autre chose à nous rapporter, Monsieur?
- Ils demandent un détail des dépenses engrangées par cette affaire et font écho du mécontentement des citoyens de tous les pays vis-à-vis de cette ruée à la surenchère monétaire.
- Nous vous remercions de votre présence attentive aux conférences de presse, fit la même dame qui avait calmé le conflit franco-allemand - apparemment la dirigeante du congrès. Vous pouvez disposer, ce qui se dit maintenant ne doit pas être divulgué à la presse et au monde. Il est évident que nous nous inquiétons beaucoup des situations au sein du système économique mondiale, et donc cette rencontre entre tous les dirigeants n'est pas essentiellement basée sur la découverte d'un corps en Arctique. Et puis vous savez que la présence de l'ancien président des Nations, Georges Belaven, a été confirmée sur le Saint-Anne à l'époque: sa disparition résulterait du naufrage et non d'une mort naturelle comme indiquait la version officielle de son décès. Néanmoins une enquête dirigée par la brigade... une brigade que nous connaissons bien a été ouverte. Il est étrange d'avoir maquillé une mort par un accident maritime! Très bien, il me semble avoir bien résumé les sujets sur quoi va porté l'actuel débat. Maintenant que vous en savez plus, vous pouvez sortir. Néanmoins, je ne vous permets pas de raconter quoi que ce soit aux médias. Au revoir.

La communication se coupa en un éclair. Et le calme se fit dans la pièce. Les parois tressautaient encore d'avoir absorbé l'énergie lumineuse et la machine holographique émit quelques derniers reflets bleutés avant de s'éteindre totalement. L'homme retira ses mains, se les frottant nerveusement, perplexe de ce qu'il avait entendu et vu. Il jeta un dernier regard aux murs, heureux de ne pas avoir été l'objet d'une extermination expresse: les parois avaient aussi la fonction d'éliminer tout sujet qui aurait trop appris ou trop divulgué. Il traversa donc la pièce rapidement, ne se trouvant finalement pas du tout la vocation d'un steak à l'étouffé.


Alexandre, rentré chez lui depuis une semaine regardait les gros titres des tabloïds anglais:
« INCROYABLE : une femme revient à la vie après plus d'un millénaire passé sous la glace ! La femme en question n'a plus l'usage de la parole, et est encore dans un état critique. De multiples défaillances respiratoires et problèmes cardiaques minimes sont à noter, mais après autant de temps passé en contact de la glace,cela frôle le miracle de trouver un spécimen conservé de cette façon ! C'est à se poser des questions : La cryogénisation, un espoir de ressusciter ? Les risques importants, combien de temps cela pourrait être sans danger ?
INQUIETANT : le bilan économique de cette année, comparaison avec ceux d'il y a plus de mille ans... »
Il referma son journal et soupira. Puis jeta un regard éploré à sa femme qui cuisinait. Que serait le monde dans quelques années?




/5 ans plus tard... /


« Bon. Je crois que c'est un moment extrêmement solennel, vous ne croyez pas ? Remettre des papiers à quelqu'un âgé de plus de 2000 ans...c'est...incroyable ! Bon, j'espère que vous retrouverez l'usage de la parole...et...je peux faire une photo avec vous, s'il vous plaît ? ».
L'homme bedonnant, maire de la ville de Féli-Cité souriait, espérait, était rayonnant, et avide. La scène, à vrai dire, n'avait rien de très exceptionnel. Simple visite de formalité... Ou plutôt, adhésion à une société, ce qui était, en cela, plus important et mémorable... Une pièce étouffante, peu de lumière, si ce n'est ces lampes à turbines..., si on omettait le fait que l'homme grimé et laid se trouvait devant la plus belle femme du monde... La femme en question possédait quelque chose qu'une femme au même corps qu'elle n'aurait pas eu.

Ce n'était qu'une adolescente, de dix-sept ans...enfin, il y paraissait comme tel... C'était cette splendide descendante d'Eve à qui on avait dédié tous les JT, toutes les émissions et tous les débats les plus morbides qui soient...
Cette créature, pure et majestueuse n'avait pas recouvré la parole, depuis qu'on l'avait prélevé de quelques milliers de mètres sous la couche arctique... Elle comprenait certaines langues, et répondait vaguement par des signes de tête, ou des regards compréhensibles.
Ses yeux...Ses yeux bleus, qui étaient apparus sur chaque écran... Ces yeux, comme un puits de cristal lumineux, translucide, comme l'eau...Ces yeux dans lesquels on ne pouvait s'empêcher de glisser, de plonger, de baigner dans la clarté et le savoir... Car ces yeux reflétaient le savoir. Le savoir, l'intelligence, la compréhension, l'amour, la passion...et une grande douleur. Il était impossible de ne pas se noyer dans l'azur de ces prunelles, impossible de ne pas défaillir. Tous les soucis s'envolaient...C'était un coussin moelleux, une place au paradis... On détournait le regard, et la vie recommençait, plus forte, plus vraie, écho à la splendeur de la créature.

Incohérent, irréel, impossible. Tout ce qu'elle rejetait d'elle l'était, elle-même l'était.
- Alors, une...une, photo, s'il...s'il vous plaît ? bégaya le maire.
La femme pencha la tête, comme écoutant quelqu'un. Puis elle secoua vivement la tête. Le maire comprit. Quel idiot! Cette visite était tout à fait confidentielle, et elle n'avait pas vocation à devenir une séance photo. L'homme se gratta la tête. Il fallait qu'il se reprenne, il oubliait toutes les procédures de mise lors de ce genre d'entrevue. Evidemment, on avait dû dire à cette femme de ne rien en faire, de cette photo! On lui avait glissé des instructions dans l'oreillette. Le maire s'empressa d'écourter leur entrevue, et dès qu'il donna la paperasse - c'est à dire le Allbook, un engin de quelques centimètres d'épaisseur et de longueur, qui permettait de stocker tout type de document - la belle s'enfuit sans lui adresser un regard.
Las, l'éminent homme fit rouler sa chaise en arrière puis en avant, et glissa son doigt sur son bureau ; faisant apparaître en transparence un clavier commandant la moitié de la pièce: fleuron de la domotique, il fit s'allumer le poste de télé, où conversaient déjà à haute voix trois scientifiques...Encore parlant du même sujet...

La jeune fille qu'on avait surnommé « Aisu », glace en japonais, regagna le perron du bâtiment qu'elle visitait. Au contact de l'air, elle se sentit à peine brûlée, comme toujours, et s'enveloppa dans les tissus spéciaux mis à sa disposition, ne laissant apparaître aucune parcelle de chair. Une voiture s'arrêta devant elle, la porte s'ouvrit et elle entra.