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Tout ça pour mourir de Asako



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» Auteur : Asako - Voir le profil
» Créé le 26/12/2009 à 17:01
» Dernière mise à jour le 26/12/2009 à 20:24

» Mots-clés :   Romance   Science fiction   Suspense

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1-2 : Conciliabule
Le soleil se réverbérait sur une épaisse couche de neige d'un blanc vaporeux, miroitant de mille éclats qui éblouirent David. Ses pieds s'enfoncèrent au milieu de ces millions de flocons en faisant tourbillonner une légère poudreuse, tandis qu'une brise fraîche venait haleter sur son visage, empourprant ses joues. Il inspira à pleins poumons cet air tant désiré, les yeux rivés vers les nuages si lointains, sphères de coton aux contours ciselés qui morcelaient le bleu du firmament. Il admirait le spectacle pourtant prosaïque qui se prolongeait autour de lui, savourant la suave odeur de la nature qui lui parvenait, à la fois piquante et étourdissante, écoutant avec plaisir le bruissement du vent et le fracas des vagues, profitant de cet instant de liberté seulement troublé par la présence de Matt à ses côtés.
Le centre expérimental Saigo était entouré par une large plaine que la neige avait rendue blanche, qui s'interrompait brutalement sur une mer de plomb. Aucune ville, rien. L'île était complètement isolée.

David appréciait également la morsure du froid sur ses joues, bien qu'il avait enfoui ses mains dans les poches du manteau qu'on lui avait prêté et qu'une énorme écharpe dissimulait une bonne partie de son cou et de son visage. Matt, lui, avait enfoncé une chapka de fourrure sur ses cheveux noirs et portait également une écharpe d'une taille phénoménale, ne laissant visibles que ses lunettes. C'était assez étrange de le voir débarrassé de sa blouse trop grande et portant un accoutrement banal, si ce n'était ce couvre-chef singulier.
Sans un mot, ils se dirigèrent vers la berge de l'île où se trouvait un ponton sur lequel était amarré un Lokhlass. Le Pokémon flottait paisiblement, et il n'eut aucune réaction lorsque Matt prit place sur sa carapace où était attachée deux sièges étroits. En revanche, il eut un brusque spasme lorsque David rejoignit le scientifique, ce qui n'échappa pas au garçon, bien qu'il restât silencieux.

-On va aller à Clémenti Ville, expliqua Matt lorsque le Lokhlass commença à glisser à la surface de l'eau. Ensuite, on ira à pieds à Bourg en Vol. Ça ne te dérange pas ?

-Non, répondit sincèrement David, heureux de pouvoir se promener.

Le soleil donnait à l'eau des teintes qui émerveillèrent David, du gris métallique au vert d'eau, eu passant par l'usuel bleu turquoise, et parfois par une transparence laissant visible les silhouettes de Pokémon eaux. Le garçon aurait voulu bondir de son siège et plonger dans l'eau, mais il ne voulait pas finir congelé et débarquer sur terre ruisselant et réduit à l'état de glaçon. Il resta immobile, resserrant autour de ses épaules son manteau, rêveur.

-Tu es heureux de revoir ta famille ? s'enquit Matt, tentant de faire la conversation.

David réprima un soupir et décida que, puisque cette journée s'annonçait alléchante, il pourrait peut-être se montrer un peu loquace avec le scientifique.

-Plus ou moins, marmonna-t-il en repoussant des mèches de cheveux que le vent balayait dans ses yeux.

-Je suis sûr qu'ils vont être ravis de te voir !

-Je ne sais pas….

-Mais si, tu ne les as pas vus depuis si longtemps !

-Ils auraient pu me rendre visite s'ils y tenaient vraiment, remarqua le garçon.

-Oh, tu sais, ils sont occupés…

-En fait, je m'en fiche pas mal d'eux, lâcha David. Et eux aussi s'en fichent de moi.

-Ne dis pas ça ! Tu as de la chance, tu as une famille qui t'aime et qui t'attend avec impatience… ta mère est si gentille, ton père est un honnête homme et tes frères ont l'air intelligents.

-Vous n'avez pas de famille ? demanda David.

Le visage de Matt se creusa et une infinie tristesse se lut dans ses yeux de cendre. David se doutait de la réponse ; c'était pour le faire taire qu'il avait posé cette question embarrassante. Il fut satisfait de l'effet produit, l'effet d'une bombe lâchée en plein sur le cœur du scientifique.

-… Non… enfin… pas tellement… je veux dire…

-Je comprends, coupa David.

Le reste du trajet se déroula dans un silence morose.


L'escale à Clémenti Ville fut de courte durée. Des chutes de neige ayant été annoncés, le scientifique et le garçon se hâtèrent de rejoindre Bourg en Vol avant que le chemin ne devienne trop périlleux. Ils n'échappèrent néanmoins pas à d'épaisses pellicules glacées qui jaillirent soudainement d'un ciel aussi blanc que le paysage, qui se mêlèrent aux cheveux de David et tombèrent sur ses cils, l'aveuglant à moitié. Il tenta d'essuyer son visage constellé de flocons, mais ses doigts engourdis par le froid étaient maladroits et il se donna un coup dans le nez. A ses côtés, Matt ne cessait de glisser sur quelques plaques de verglas qui transformaient la route en une patinoire primitive, et le scientifique se rattrapa à plusieurs reprises sur lui, manquant de le faire tomber.

Enfin, alors que les toits couverts de neige de Bourg en Vol faisaient leur apparition, le pied de Matt glissa soudainement, et le scientifique s'agrippa désespérément au bras de David. S'ensuivit une dégringolade confuse, durant laquelle tout n'était plus qu'un tourbillon de flocons autour du garçon, et lorsque la chute stoppa, il se trouvait sous un sapin enneigé, à l'entrée de son village natale. Il se releva prestement, ne souffrant d'aucune contusion, alors que Matt, quelques mètres plus loin, gémissait de douleur, se massant le crâne en grimaçant. David fronça les sourcils, devinant les raisons de son étrange résistance aux chocs.

-D… David ? chuchota une voix près d'eux.

David tourna la tête vers elle. Une explosion eut lieu dans sa poitrine et ses yeux se mirent à pétiller, quittant immédiatement toute leur froideur et leur désinvolture.

-Rebecca ! murmura-t-il.

La fillette lui sourit. Elle portait un épais manteau ainsi qu'une écharpe et des moufles, qui la faisaient paraître encore plus frêle qu'elle ne l'était, et ses cheveux blonds encadraient son visage rendu rose vif par le vent.

-Je savais que tu allais venir, dit-elle doucement. Ta mère me l'a dit, hier.

-Tu m'attends depuis longtemps ?

-Dès que je me suis réveillée, je me suis précipitée ici !

David sentit une douce chaleur l'envahir tout entier, et il fut pris d'une brusque envie de se jeter sur elle et de la serrer contre lui, mais il n'osait pas, et elle n'esquissait pas le moindre geste vers lui.

-Et… Ted ? s'étonna-t-il.

Le regard bleuté de Rebecca s'obscurcit.

-Il est puni. Ses parents refusent de le laisser sortir.

-Oh, fut tout ce que David parvint à dire, déçu, mais il se reprit vite. Je suis… vraiment heureux de te revoir, Rebecca.

-Moi aussi… David, je suis désolée de ne pas t'avoir rendu visite plus souvent ! chuchota-t-elle.

David allait lui répondre, mais il fut interrompit par une main qui s'abattit sur son épaule. Ses traits se durcirent et il baissa les yeux ; il avait oublié l'omniprésence de Matt.

-Je suis content que tu aies retrouvé ton amie, David, mais ne vaut-il pas mieux aller voir tes parents en priorité ? dit le scientifique.

-Je ne veux pas vous déranger, bredouilla Rebecca, s'empourprant. Allez-y. Je vais aussi retourner chez moi. David, tu… tu m'appelles si tu veux me voir, d'accord ?

-Evidemment !


Lorsque le poing de Matt s'abattit sur la porte d'entrée, David sentit pour la première fois l'appréhension lui nouer la gorge, et il regretta amèrement de n'être pas resté avec Rebecca. La poignée s'abaissa lentement, et la porte mit un siècle à s'ouvrir. David était tendu, mais il s'appliquait à maîtriser chaque nerf de son visage pour garder un air insondable, les yeux aussi inexpressifs que des billes de verre.
Sa mère était une belle femme, quoi que quelque chose en elle dérangeait. Grande, mince et très pâle, elle possédait un regard doux et un sourire rêveur, ainsi qu'une lourde chevelure châtain clair qui frisait de la racine à la pointe et qu'elle domptait en un épais chignon noué à la diable.
Elle regarda distraitement ses visiteurs, muette, et Matt ne tarda pas à trépigner, mal à l'aise. David, lui, resta figé, velléitaire.

-Bon… bonjour, madame ! lança enfin le scientifique, triturant sa chapka. Je m'appelle Matt Keyes, je fais partie des scientifiques de Saigo… nous vous avions prévenus il y a quelques jours de notre venue…

-David, c'est toi ? susurra-t-elle, battant des paupières comme si elle venait de s'éveiller.

Le garçon acquiesça brièvement.

-Ooooh, mon chéri ! s'écria-t-elle si soudainement que Matt sursauta.

Elle fondit vers lui et l'enveloppa dans une étreinte à couper le souffle. Il se tortilla, tentant de s'échapper de cette poitrine maternelle qui l'écrasait littéralement, et elle consentit enfin à le relâcher. Ses yeux brillaient et elle lui attrapa la main, visiblement folle de joie.

-Mon pauvre petit chéri, tu dois être frigorifié ! Viens à la maison ! Entrez aussi, monsieur. Vous voulez peut-être boire quelque chose ? Mon mari ne va pas tarder, il est encore au travail. Je suis siii heureuse de te revoir enfin, David, j'avais peur que la neige t'empêche de venir… Tu sais que ta charmante amie t'attend depuis des heures pour être la première à te parler ? Tu m'a tellement, tellement manquée. Un petit café ?

-Volontiers, répondit Matt. C'est bien aimable à vous, madame.

-Oh, mais appelez-moi Eleaonora, comme tout le monde. Linéon, mon petit Linéon, viens voir qui est là ! Notre David est de retour !

David et Matt échangèrent un regard, traversés par la même pensée, mais le Pokémon venait déjà d'apparaître. Il resta coi plusieurs secondes, les yeux exorbités, puis se jeta violemment sur David en faisant claquer sa mâchoire dans le vide. Le garçon l'évita adroitement et répliqua par un coup de poing sur le museau de son Pokémon. Ce dernier tenta de refermer les crocs sur cette main qui s'offrait à lui, en vain. Alors, son regard rencontra celui de David et le Pokémon recula, couinant, l'air terrifié, et se cacha dans les jambes d'Eleaonora Hunter. La femme se baissa et le prit dans ses bras d'un air absent, avant de quitter la pièce sans rien dire.

-C'était prévisible, dit David sombrement. Les Pokémons me détestent. Ils ont peur de moi.

-Nous remédierons à cela, ne t'inquiète pas.

-C'est pour ça que vous êtes là, hein ? Pour éviter que je ne produise un scandale… C'est à cause de ce que vous m'avez injecté.

-David…

-C'est bon, je me tais.

-DAVID, MONSIEUR KEYES, VENEEEZ !

Ils se retrouvèrent attablés devant des tasses remplies de café, d'où émanait des volutes de fumée qui virevoltaient dans l'air. La cuisine des Hunter était exiguë, et ils se serraient les uns contre les autres. Un sapin élimé, misérablement décoré et émergeant d'un pot de terre, prenait presque toute la place. Linéon avait été rappelé dans sa Poké Ball, où, pourtant, il n'allait que très rarement.
La mère de David sirotait son café en souriant, dévisageant sans le moindre embarras Matt, lui adressant parfois quelques sourires éclatants, auquel il s'efforçait de répondre. David buvait son café précipitamment, manquant de s'étrangler, en déglutissant entre chaque gorgée brûlante, espérant pouvoir quitter le plus vite possible sa maison et rejoindre Rebecca dehors.

-Comment se passent tes journées, mon chéri ? lui demanda sa mère, brisant le silence pesant qui s'était tissé autour d'eux. Il n'est pas trop difficile ? dit-elle sans attendre de répondre, les yeux rivés sur Matt.

-Oh non, non, assura le scientifique. David est très obéissant, et il sera très vite guéri.

-Il est déjà avec vous depuis trois ou quatre mois, fit observer Mme Hunter. J'espère que tout se termina bien vite. Comment ça se passe ? Il va mieux ?

David fit mine d'être plongé dans la contemplation de sa tasse, admirant d'un air neutre les gouttes noires qui restaient au fond, mais il écouta attentivement la réponse de Matt.

-Les résultats sont concluants, mais il nous reste encore de nombreuses choses à voir. Tous les jours, nous effectuons une batterie de tests et nous lui faisons les… les vaccins et les injections nécessaires à sa guérison. Une fois par semaine, un professeur vient lui enseigner un peu de mathématiques, d'Histoire, de langues et de tout ce qu'il a besoin de savoir. Ainsi, quand il reviendra parmi vous, il ne sera pas lésé vis-à-vis de ses camarades.

Puis la conversation dériva, et, au moment où sa mère et Matt discutaient vivement sur la meilleure façon d'entretenir un poil brillant chez les Pokémons normaux, David décida qu'il était temps de leur fausser compagnie. Il fronça les sourcils, serrant sa tasse dans ses mains, faisant tourner les manivelles de son esprit, et se détendit lorsqu'une idée fit enfin son apparition, telle une petite lumière s'illuminant dans sa tête.
Il était presque collé à Matt, à cause de l'étroitesse de la pièce, et il n'avait qu'à tendre la main pour cueillir comme une fleur la Poké Ball de son Capumain attachée à sa ceinture. Lorsque ses doigts se refermèrent autour de la petite sphère glacée, il redoubla de prudence. Matt et sa mère ne le regardaient pas, plongés avec passion dans leur conversation.
Ensuite, il attendit le moment propice pour accomplir son plan. Les paroles des adultes commençaient à se faire plus rares, et il devait agir avant la fin de leur débat.

-Linéon doit s'être calmé, lança-t-il, leur rappelant sa présence dans la pièce. Pourquoi ne pas le montrer à monsieur Keyes ?

-Excellent idée, mon chéri !

Matt, ne dit pas un mot, mais il jeta un regard affolé à David, qui ne lui rendit qu'un coup d'œil désintéressé. Evidemment, il savait que le Pokémon allait de nouveau attaquer le garçon…

-Linéon, viens nous dire bonjour !

Le Pokémon n'eut pas le temps de poser ses pattes sur le carrelage de la cuisine que déjà, David venait de libérer Capumain de sa Poké Ball sans faire du bruit, si bien que n'importe qui aurait pu croire qu'il s'était échappé de lui-même. Matt bondit en arrière et sa main palpa sa ceinture, sans trouver la Ball ; son visage se décomposa et, un bref instant, David éprouva une vive pitié envers lui, mais il se reprit et, discrètement, se faufila vers la porte de la cuisine. Comme il s'y attendait, Linéon, batailleur, venait de s'élancer vers le Capumain qui tenta de le repousser. Les deux Pokémons ne tardèrent pas à devenir un enchevêtrement de pattes, de poils et de couinement agressifs, sous les yeux estomaqués d'Eleaonora Hunter, visiblement égarée, et sous les yeux impuissants de Matt.
David s'échappa de sa maison sans plus tarder, fermant la porte d'entrée derrière lui en prenant soin de ne pas la claquer, et il se mit à cavaler pour s'éloigner de son foyer. La neige crissait sous ses pas, et il projetait des gerbes de flocons tout autour de lui. Il s'arrêta lorsqu'il fut sur le palier de la maison de Rebecca, et il asséna de grands coups contre la porte sans reprendre son souffle.
Rebecca lui ouvrit et son visage resplendit lorsqu'elle le vit.

-Salut, David ! Tu es déjà là ?

-J'ai, disons, réussi à échapper à ma mère et à ce scientifique.

-Oh, je vois… sourit Rebecca, bien qu'un léger reproche vint scintiller dans ses yeux. Ils ne savent pas que tu es là ?

-Exactement.

-Il vaut mieux partir d'ici, alors, parce que lorsqu'ils verront que tu n'es plus chez toi, ils appelleront probablement chez moi et mes parents te trahiront.

La fillette le rejoignit dans la rue et ils s'éloignèrent, décidés à se promener sans vraiment savoir où allaient les mener leurs pas hasardeux, heureux de se retrouver, mais également un peu gênés.

-… Raconte-moi tout se qui s'est passé durant mon absence, lui demanda David, tandis qu'ils s'asseyaient sous des arbres, dans un coin reculé de Bourg en Vol où personne n'allait jamais.

Ils se réchauffaient à l'aide du Salamèche de Rebecca qu'elle avait soigneusement emmitouflé dans une épaisse couverture, ne laissant dépasser que sa queue où crépitait une flamme brûlante qu'effleuraient avidement les mains des enfants. Le Pokémon, lui, dormait paisiblement ; les couvertures lui permettaient de ne pas avoir froid, et Rebecca avait pris soin d'y glisser une bouillotte.

-Quand tu es parti, beaucoup se sont mis à raconter n'importe quoi sur la raison de ton départ, raconta la fillette, se concentrant pour fouiller dans sa mémoire. Certains disaient que tu avais attrapé un virus mortel et qu'on t'avait isolé pour que tu ne puisses contaminer personne, d'autres racontaient que tes parents étaient fous et t'avaient tués, et d'autres encore assuraient que tu t'étais enfui de ton plein gré pour partir en voyage initiatique. Ils nous posaient beaucoup de questions, à Ted et à moi, parce qu'ils savaient qu'on étaient amis, mais nous n'avons jamais rien dit. Puis peu à peu, ils ont arrêté de parler de toi et la vie a continué normalement, mais depuis peu, on parle d'une grave épidémie qui touche le nord du continent. Maintenant, certains croient que tu as été touché par cette épidémie. En tout cas, la maladie s'est propagée rapidement et plusieurs personnes en sont mortes.

-Une épidémie, hein… répéta David.

-Oui, une maladie jusque là inconnue. Les chercheurs disent qu'un médicament va bientôt être mis au point, conclut la fillette.

-C'est possible, admit le garçon. Mais… et toi ? Tout… va bien ?

Elle détourna le regard, les joues ayant subitement adopté une teinte rose du plus bel effet, allant à merveille avec ses cheveux clairs.

-Tout pourrait aller mieux, chuchota-t-elle. Mais je ne veux pas t'embêter avec mes états d'âme, ce que tu dois vivre doit être bien plus horrible que ma petite vie tranquille.

-Raconte-moi, insista David, lui agrippant la main sans s'en apercevoir. Je suis aussi venu ici pour parler un peu… avec mes amis… parler de n'importe quoi, même du sujet le plus futile, mais parler et me faire oublier que dans demain, je serais à nouveau enfermé.

-Non, vraiment, David, tout va bien.

-Rebecca…

Elle leva les yeux et soutint son regard ; il lut dans ses yeux bleus une telle détermination qu'il dut lui-même regarder autre chose. Ils se lâchèrent doucement la main et elle ramena ses genoux contre sa poitrine, s'humectant les lèvres d'un air obstiné.

-Et toi ? demanda-t-elle brusquement. Que te font-ils, là-bas ? Ils ne te soignent pas vraiment, n'est-ce pas ?

Il hésita, mais il sentait bien que s'il ne confiait à personne ce qu'il avait découvert, son cœur allait exploser dans sa poitrine et il saignerait intérieurement, ravagé, dépassé par les transformations que les scientifiques lui imposaient.

-Non. Ils… ils me font… je crois qu'ils veulent faire de moi un…

Il s'interrompit, mais continua sous le regard patient de Rebecca :

-… je crois que j'ai… qu'ils m'ont fait devenir… ils m'ont donné les mêmes capacités qu'un Zigzaton. Je ne suis plus un humain normal…

Elle plaqua sa moufle sur sa bouche, visiblement déboussolée. Il poursuivit :

-Ils me font combattre, et je suis capable de les attaquer… d'attaquer des Pokémons… j'ai des gènes de Zigzaton en moi, ou je ne sais pas trop quoi… bien sûr, c'est un Pokémon normal, alors je n'ai pas de pouvoir particulier, mais ma force est plus grande, et mon habileté aussi…

-Ils t'ont fait une transgénèse ! Ils t'ont injecté des gènes de Zigzaton et ils s'expriment dans tes cellules comme ils s'exprimeraient dans les cellules d'un Pokémon !

-Probablement, grogna David.

Tous deux connaissaient ce mot, transgénèse, car quelques temps plus tôt, ils avaient assisté à une conférence sur la biologie, avec toute leur classe. Ted n'avait pas tardé à extraire de ses poches un paquet de cartes et lui et les autres enfants s'étaient mis à jouer sans aucune discrétion, et David n'avait pas tardé à dormir les yeux grands ouverts, mais Rebecca, qui se destinait à une carrière scientifique, disait-elle, avait particulièrement retenu les mots du docteur.
Mais Rebecca et David, trop jeunes, ne comprenaient pas vraiment le sens de tous ces mots, et dans leur tête cela avait une forme très simplifiée : les scientifiques transformaient David en un garçon-Zigzaton, un humain possédant les pouvoirs et les capacités physiques du Pokémon.

-Mais pourquoi ? insista Rebecca. Pourquoi te font-ils ça ?

-Je n'en ai aucune idée, admit David. Mais il y a autre chose… je ne suis pas tout seul. Il y a au moins un autre cobaye, et son nom est Moriarty. Son prénom commence par un L. Ils sont en train de créer de humains dotés de pouvoirs… et je ne sais pas pourquoi. Mais je découvrirais les raisons de tout cela…

-Je t'aiderais ! s'exclama aussitôt la fillette avec fougue. Avec Ted, on fera de notre mieux, on fera des recherches sur l'ordinateur de mes parents ! On trouvera les raisons de ton… traitement, et même l'identité de cet autre cobaye si nous nous acharnons !

David lui adressa un sourire, même si tous deux savaient qu'il serait vraiment naïf de s'imaginer qu'ils puissent tout arranger en quelques clics sur un ordinateur. Mais ils s'accrochaient à cette pensée, car c'était tout ce qu'ils pouvaient faire pour le moment, et tous deux étaient déterminés.