La porte des spectres de Gerardufoin

Sahra avançait d'un pas pressé dans les rues sombres d'Unionpolis. Un croissant de lune à moitié caché par des nuages trônait au milieu des étoiles, éclairant ses longs cheveux bruns, réunis en queue de cheval, d'une faible lumière. Il était tard, très tard. A cette heure là, elle aurait déjà dû être au chaud dans son lit en train de dormir. 23 heures 30 n'était décidemment pas une heure recommandée pour une balade, surtout à une jeune fille de 16 ans, dont les formes avenantes s'étaient déjà bien développées et étaient visibles sous son T-shirt bleu et son jeans.
Tout ça à cause de ce fichu concours Pokémon auquel elle était allée assister ! Elle se rappelait avec précision la raison pour laquelle elle y était allée…
Le jour d'avant, sa meilleure amie, Camille, lui avait proposé d'assister à ce concours avec elle. D'abord réticente, Sahra s'était finalement laissée convaincre par l'enthousiasme de son amie.

- Tu verras, lui avait dit cette dernière, tu ne le regretteras pas. A ce qu'il parait, une championne internationale va y participer. On ne va quand même pas rater ça !

« Ah, ça, pour ne pas le rater elles ne l'avaient pas raté ! » ragea intérieurement Sahra.
En fin d'après-midi, elles étaient donc allées dans la salle de concours d'Unionpolis. La salle était bondée à cause de la soi-disant « célébrité » d'une des participantes, et Sahra avait finit par être collée contre un homme corpulent qui puait la transpiration. Elle avait soupiré lourdement, en espérant que le spectacle en valait vraiment le coup pour ce qu'elle subissait en contrepartie.
Si seulement elle avait su ! Le spectacle en question avait été une catastrophe. Une véritable catastrophe. Parce que la championne n'était pas venue ? Non, justement elle était venue, pour le grand dam de Sahra. Dès le début de la représentation, les quatre participants avec libérés leurs Pokémons. Sahra avait tout d'abord observé les Pokémons des trois premiers concurrents : un canarticho, une lamantine et un azurill. Rien de très spécial pour un concours Pokémon catégorie beauté. Elle s'était finalement tournée vers le Pokémon de la quatrième participante, à savoir la « championne ». Là, elle était restée sans voix face à la beauté de son Pokémon. Un magnifique pyroli écrasait les autres concurrents sous sa grâce et sa beauté. Tout le public, et même les autres participants, étaient en admiration face à ce Pokémon au pelage flamboyant. Le résultat du concours semblait déjà décidé d'avance. « Semblait » seulement, car le reste du concours, à savoir les démonstrations, avaient beaucoup moins enthousiasmé Sahra.
Les trois premières représentations s'étaient passées sans problèmes, et étaient restées très basiques.
Le canarticho avait lancé son poireau en l'air, puis avait effectué un jet de sable (avec du sable mis spécialement à disposition sur le sol de l'arène pour cette démonstration). Il avait ensuite jaillit du sable où il était dissimulé, avait saisi son poireau au vol, puis avait atterri en effectuant au préalable un triple saut périlleux, son poireau coincé dans le bec.
La lamantine avait combiné l'attaque bulles d'eau avec un laser glace, pour finir par jongler avec les boules de glaces ainsi créées.
Seul l'Azurill était resté sans rien faire sous les ordres de son dresseur, apparemment intimidé par toutes les personnes qui le regardaient. On devinait facilement que c'était son premier concours et que le Pokémon était terrorisé par toute cette attention braquée sur lui. Il avait finit par détaler dans les vestiaires sous les rires du public et la honte de son dresseur.
Mais ces représentations n'avaient pas détourné complètement l'attention que le public portait sur le Pyroli, la représentation finale et aussi la plus attendue. Lorsque sont tour arriva, le public émit une ovation pour le Pokémon qui bombait le torse, semblant ravi de l'attention qu'on lui portait.
Ce fut cette partie du concours qui dérailla complètement.
D'après ce que Sahra avait compris après le désastre, cette technique était une nouvelle combinaison que la dresseuse testait pour la première fois dans un concours. Sur son ordre, le Pyroli avait créé des ronds de flammes, pour finalement tirer une salve de météores au travers, créant un spectacle de toute beauté, les flammes se reflétant sur les étoiles d'énergie. Le seul hic, était que cette technique étant entrainée en pleine air, les flammes et les météores finissaient par disparaître après avoir parcourut une certaine distance dans le ciel. Mais dans une salle de spectacle, les deux attaques frappèrent le plafond avec une force dévastatrice. La salle pris feu à causes des flammes, tout en s'écroulant dans un même temps sous la puissance des météores.
La suite était un peu brouillonne dans l'esprit de Sahra. Elle se souvenait vaguement avoir saisie Camille par le bras et l'avoir tirée dehors, à travers la foule qui s'enfuyait en hurlant. Des passants munis de Pokémons eau s'étaient chargés d'éteindre le feu, mais la police était arrivée, questionnant toute les personnes présentes sur les lieux pour savoir ce qui s'était passé. Par miracle, il n'y avait eu que quelques blessés et aucun mort. Cependant, l'interrogatoire de la police avait duré plusieurs heures, et Sahra avait été finalement libérée en même temps que le reste des personnes, c'est-à-dire très tard le soir.
Son amie lui avait présenté des excuses, regrettant de l'avoir entrainée dans ce concours qui n'avait été qu'une perte de temps. Sahra se souvenait de lui avoir froidement dit bonne nuit, avant de prendre le chemin le plus rapide jusqu'à chez elle. Elle s'était donc enfoncée dans les ruelles profondes d'Unionpolis. Vu l'heure tardive, les rues étaient désertes et elle se retrouvait seule à les arpenter. Elle n'avait pas réellement peur, mais elle ne voulait pas faire de mauvaises rencontres, afin de ne pas être ralentie.
Et pourtant, ce qui devait arriver, arriva. Au détour d'une ruelle, elle tomba nez-à-nez avec un groupe de trois adolescents qui devaient être âgés de un à deux ans de plus qu'elle. Elle les détailla rapidement d'un coup d'œil. Grands, musclés, ils portaient tous les trois des T-shirts de couleur foncée avec des inscriptions du genre : « Le boss, c'est moi », ainsi qu'un pantalon assortit. Elle finit par relever la tête et les fixer dans les yeux. Ils semblaient surpris de rencontrer quelqu'un dehors par cette heure tardive. Cela n'empêcha pas un sourire lubrique leur traverser le visage lorsqu'ils remarquèrent les formes du corps de la jeune fille qui leur faisait face. Le plus grand d'entre eux – qui devaient être le chef de leur petite bande – pris la parole.

- Alors ma jolie, on se balade seule le soir ? C'est pas très prudent tout ça, lui dit-il ironiquement d'une voix grave et assurée.

Ses potes ricanaient en se mettant des grandes claques dans le dos. Le style typique des abrutis qui trainaient à Unionpolis le soir, songea Sahra. Ce qu'elle craignait venait de se réaliser, elle allait encore prendre du retard, le temps de remettre ces sales types à leur place. Pour seule réponse à la question de la grande asperge, elle croisa ses bras sur sa poitrine et leur jeta un regard d'ennui profond.
Le grand type sembla un peu déstabilisé par cette réaction qui sortait de l'ordinaire. Il était plus habitué à ce que leurs victimes balbutient une phrase inintelligible avant de prendre peur. La fille qui lui faisait face inspirait la confiance en soi et ne laissait filtrer aucune crainte. Il reprit cependant contenance. Comme toutes celles qui l'avaient précédé, cette gamine allait les suivre, de grés ou de force, et ils allaient prendre du bon temps avec elle.

- Aimerais-tu voir à l'œuvre des hommes, des vrais ? Je suis sûr que c'est le cas, alors tu vas nous suivre bien gentiment dans ce bâtiment là-bas et sans faire d'histoire, continua-t-il en montrant du doigt une maison qui semblait désaffectée un peu plus loin. Tu vas voir, tu vas bien t'amuser.

Les trois hommes affichèrent un sourire goguenard en reluquant sans gène le corps de Sahra. Celle-ci leur jeta un regard méprisant puis consenti enfin à leur répondre.

- Le jour où je verrai des hommes, des vrais, je doute grandement que vous soyez dans mon champ de vision, lança-t-elle d'un ton acide.

Lorsqu'ils comprirent le sens de ses paroles, ses interlocuteurs ne semblèrent pas en croire leurs oreilles. Cette jeune fille osait leur tenir tête ? Leurs yeux étaient tellement écarquillés qu'ils donnaient l'impression de vouloir jaillirent hors de leurs orbites. Cependant Sahra n'en avait pas finit avec eux.

- Il est tout simplement hors de question que je suive une bande de ploucs dans votre genre, dont je doute que le Q.I dépasse celui d'un Kokyas desséché, uniquement pour asservir vos désires sexuelles de préados stupides, acheva Sahra imperturbable.

Le chef de la bande blêmit de rage tandis que le regard de ses compagnons semblait se durcir. Cette sale gosse se moquait d'eux et les tournait en ridicule ! Il était temps que quelqu'un apprenne l'humilité à cette fillette.

- Ecoutes-moi bien sale garce, hurla-t-il, tu va nous suivre sans discuter, ou on te traine de force, et je t'assure que ce ne sera pas une partie de plaisir pour toi !

Sahra lâcha un rire méprisant.

- Viens donc me chercher si tu l'oses, pauvre débile.
- Tu l'auras voulût ! Bob, Carle, allez donc chercher notre invitée en la trainant par les cheveux, sa lui fera les pieds à cette salope.

Les deux compagnons du type commencèrent à s'approcher de Sahra en tendant les bras. Du premier coup d'œil elle devina qu'ils n'avaient apparemment aucune notion du combat. Elle soupira lourdement. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur des abrutis ?
Elle les laissa s'approcher encore un peu plus près d'elle sans réagir. Lorsqu'ils furent assez près, Bob ou Carle – elle ne savait pas qui était qui et s'en fichait royalement - tenta de la saisir au cou.
C'était le geste qu'elle attendait pour commencer à se mouvoir. Elle glissa le long du bras de son adversaire, le saisit et lui imposa une violente torsion pour le lui plaquer contre le dos. Une fois dans cette position, elle poussa un coup sec vers le haut, lui déboitant l'épaule. Le tas de muscle s'écroula sur le sol en criant de douleur. Sahra se retourna vers son second adversaire juste à temps pour éviter un coup de poing porté en direction de sa tempe. Elle se laissa glisser au sol en regardant l'attaque fuser au-dessus d'elle sans la toucher. Une fois à terre, elle fit un mouvement circulaire avec l'une de ses jambes, fauchant son adversaire. L'homme tomba et se cogna violement la tête contre le sol. Cependant, il reprit vite ses esprits et tenta de se relever. Trop tard, Sahra l'avait surpassé en termes de vitesse et était déjà debout. Elle lui saisit la tête à deux mains, puis remonta sa jambe de toutes ses forces. Le nez de son adversaire se brisa net dans un bruit écœurant lorsqu'un genou lui percuta violement le visage.
Les deux adversaires étant hors d'état de nuire (le premier gisant toujours à terre à geindre pitoyablement), elle rejeta en-arrière quelques mèches de cheveux qui lui étaient venues devant le visage, puis elle se retourna vers le chef qui n'avait toujours pas bougé et n'en croyait pas ces yeux.

- Mais qui es-tu donc ? lui demanda-t-il d'une voie neutre.
- Une personne pressée qui aimerait bien rentré chez elle, lui répondit tout simplement Sahra.

Le chef sembla hésiter un moment, puis finit par saisir l'une des Pokéballs qui pendait à sa taille. Il la jeta, et un Machopeur en sorti, bandant les muscles pour paraître plus impressionnant. Une fois le Pokémon dehors, l'homme parût reprendre contenance.

- Bien, vu que tu as mis mes camarades au tapis, je vais devoir faire le travail moi-même. Ou plutôt c'est mon Machopeur qui va t'attraper pour moi, ricana-t-il.

Sahra le regarda avec une moue de méprit. Comme toutes les brutes qu'elle avait rencontrée au long de sa vie, il avait un Pokémon combat, correspondant le mieux à son caractère. Le combat était joué d'avance. Il aurait eu plus de chance de la vaincre en combat singulier qu'en utilisant un Pokémon de ce type…
Face à son absence de réaction, la brute ne put s'empêcher de la questionner.

- Tu ne sors pas de Pokémon ? lui demanda-t-il un peu secoué.

Cette fille n'espérait quand même pas vaincre son Machopeur à main nues ?

- Est-ce que tu vois des Pokéballs à ma taille ? lui demanda Sahra. Je n'ai pas besoin de sortir de Pokémon…

Il l'observa au niveau des hanches, et il remarqua qu'elle ne portait effectivement pas de Pokéball à cet endroit.

- Eh bien c'est stupide de ta part, lui dit son adversaire avec une grimace de haine, tu ne vaincras pas mon Machopeur en combat singulier. Vas-y, attrape-la !

Le Pokémon se mit alors à courir vers la jeune fille en se préparant à la saisir. Il n'était plus qu'à quelques mètres d'elle, lorsqu'une forme violette aux contours flous sortit du sol à ses pieds, lui bloquant le passage et stoppant net son élan.

- … Pour la simple et bonne raison que mon Pokémon est DEJA dehors, termina Sahra comme s'il n'y avait pas eu de pause entre le début et la fin de sa phrase.

Le Pokémon combat et son maitre regardaient stupidement le nouvel arrivant qui leur faisait face. De couleur violette et verte, le Spiritomb leur renvoya un regard peu amène, semblant furieux qu'on ait osé s'en prendre à sa maitresse. Cependant, l'effet de surprise ne dura pas longtemps. Le chef se reprit et se préparât à donner un ordre à son Machopeur.
Il n'allait quand même pas laisser une stupide gamine et son Pokémon l'intimider !

- Machopeur, frappe atlas !

Le Pokémon prit son élan et sauta en l'air d'une détente impressionnante en comparaison avec sa taille. Une fois au-dessus du Spiritomb, il fit ressortir son coude et se laissa tomber de tout son poids. Sahra soupira. Non seulement son adversaire était une brute épaisse stupide, mais en plus il n'y connaissait rien au combat Pokémon.

- Le tableau des types et des faiblesses ça te dit quelque chose ? lui lança-t-elle ironiquement.

Au même moment, l'attaque frappe atlas toucha Spiritomb. Enfin, « traversa » serait une description plus correcte.
Sans rien de matériel pour arrêter son élan, le Machopeur se fracassa violement contre le sol. L'attaque ayant été particulièrement violente, Machopeur ne semblait pas vraiment dans son assiette. Il se tenait le bras en se tordant de douleur.

- Que… s'étonna son dresseur.

Sahra et son Spiritomb le regardèrent du même air navré.

- Une attaque combat face à un Pokémon de type spectre… répondit-elle avec un sourire narquois. Essaye donc de frapper quelque chose d'immatérielle, tu m'en diras des nouvelles… Tu l'as fait exprès ou c'est vraiment que tu as un Q.I riquiqui ?

Puis elle regarda le Machopeur qui gémissait au sol.

- Bon, finissons le travail. Spiritomb, vibrobscur !

Le Pokémon sembla rayonner un instant d'une énergie sombre. Puis il libéra cette énergie, créant une aura qui ressemblait à de petites vaguelettes et qui allèrent frapper Machopeur, le mettant K.O sur le coup.
Son dresseur resta interdit un instant. Puis il finit par rappeler son Pokémon et saisit une autre Pokéball.

- J'avoue que tu m'as eu sur ce coup là, mais mon prochain Pokémon te mettra au tapis avec ton sale petit spectre.
- Sa m'étonnerais beaucoup, répondit Sahra en regardant sa pokémontre. Il est maintenant plus de minuit et j'aimerais bien aller me coucher. De plus, je doute que ton prochain Pokémon me fasse plus de dégât que le premier, alors si tu ne m'en veux pas, le combat s'arrêtera ici. Spiritomb, hypnose s'il te plait !
- Que ?

Trop tard. Les ondes hypnotiques émises par le Pokémon frappèrent le dresseur, qui s'écroula en ronflant. Elle fit subir le même traitement au second sbire qui se tordait toujours de douleur sur le sol, se tenant son épaule déboitée. Une fois que les choses se furent calmées, elle jeta un coup d'œil autours d'elle en grimaçant. Elle y était peut-être allée un peu fort. Puis elle haussa les épaules et se détourna. Les violeurs ne méritaient que ce genre de traitement.

- Vient, Spirit, on rentre, lança-t-elle à son Pokémon.

Cependant il ne bougea pas d'un pouce. Sahra se retourna, intriguée, et vit que le spectre la regardait d'un air insistant. Comprenant ce qu'il voulait, elle soupira.

- Si ça peut te faire plaisir… marmonna-t-elle. Quand tu auras finit, rejoins-moi.

De nouveau, elle reprit la direction de sa maison, pendant que son Pokémon commençait à utiliser dévorêve pour se repaître des rêves de leurs adversaires maintenant au tapis…