Smirnoff, 2ème recueil de Domino

« J'existe. Je me suis rencontré »
(Titre d'un ouvrage de Marcel Gotlib)
Etienne se réveilla dans son lit.
A ses côtés, Linda dormait encore.
Il se leva et prépara promptement le petit déjeuner.
Il allait bientôt reprendre le travail. Il n'empêchait que cette semaine avait été riche en émotions.
Linda avait déménagé de chez Lionel pour revenir chez Etienne.
Etienne et Lionel avaient discuté et fait la paix. Il le fallait bien, après tout.
Linda avait eu du mal à quitter Lionel mais ce dernier l'avait limite forcée à retourner avec Etienne.
Maintenant, Etienne allait devoir la quitter pour rejoindre son prochain poste. Linda se leva enfin.
-Bien dormi ?
-J'avais vraiment oublié à quel point on dort bien chez toi.
-N'est-ce pas.
-Ou alors c'est peut-être le fait de dormir avec toi…
-Oh… Mais c'est très flatteur ça !
Ils s'embrassèrent de nouveau. Etienne s'éloigna.
-Euh, Linda, tu sais que c'est… aujourd'hui…
-Que tu reprends ton travail ?! Oui bien sur ! Je sais.
Etienne soupira.
-Je suis désolé de te laisser comme ça, encore… Surtout après t'avoir retrouvée…
-Eh, ça va je suis là maintenant ! Je ne compte pas partir comme une voleuse.
-Je me doute… Mais tu vas faire quoi pendant tout ce temps ?
-Hmmm… J'ai bien pensé à une solution.
-Ah oui ?
-Oui… Mais tu vas devoir être à 100 % d'accord. Et me faire confiance.
Etienne écouta Linda, étonné.

-Travis ! Travis ! Debout !
On frappa à la porte.
-Travis !!
-Hoooon !
-Travis, lève-toi ! Tu dois te préparer aujourd'hui !
-J'en ai rien à foutre !
-Lève-toi au moins !!
Un adolescent d'environ seize ans s'assit dans son lit et regarda la porte de sa chambre.
-Putain, j'ai pas envie de me lever aussi tôt, ça fait chier, merde !! C'est un foyer merdique, pas l'armée !!
-Travis, tu veux encore faire un tour chez le directeur ?
-Si tu fermes pas ta grande bouche, j'te trainerais avec moi !!
La surveillante grommela et s'éloigna de la chambre.
-Un souci ?
La surveillante se tourna vers Richard Lewis. Le plus jeune professeur de tout Johto.
-Oh, Monsieur Lewis… Euh, c'est le jeune Travis Phileas. Il est théoriquement censé être alloué à un formateur aujourd'hui mais…
-Mais il refuse de se lever… C'est compréhensible, ce gamin ne supporte aucune forme d'autorité et vous voulez le confier à quelqu'un…
-On a pris un professeur spécialement pour lui. Il n'a pas intérêt à faire plier celui-là.
-Mouais… Rappelez-moi, ça sera son énième professeur ?
-Le cinquième ! soupira la surveillante.
-On n'est pas sortis de l'auberge…
La porte de la chambre de Travis s'ouvrit avec fracas.
-ET OU CETTE FOUTUE FEMME DE CHAMBRE A MIS MES SLIPS, BORDEL !!!!
Richard et la surveillante s'étonnèrent.

-Non, non, Linda, non !
-Etienne…
-Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?! Te laisser… avec mes Pokémon, ici !
-Ils s'occuperont très bien de moi, et ce sera l'occasion pour eux de… s'habituer de nouveau à ma présence.
Etienne hocha la tête.
-D'accord. Très bien, mais… A une seule condition : Que tu lui fasses confiance.
Etienne sortit Erwan. Le Capidextre vit Linda et sembla dépité. Il alla même se cacher derrière une bibliothèque.
-Oula…
-Erwan… marmonna Linda.
-Euh… Je crois que ça va être un peu plus dur pour lui…
Etienne allait rappeler son Pokémon mais Linda l'en empêcha.
-Attends, Etienne… Il faut que… tu le laisses s'y faire. Erwan ?
Le Pokémon resta caché. Il sembla ne pas vouloir approcher Linda.
-Le pauvre…
-Ca se comprend… Il s'en veut…
-Erwan, je ne t'en veux pas. Je serais idiote de t'en vouloir.
Mais le Pokémon ne voulait pas en démordre.
-On va essayer une autre méthode. Connor ?
Le Riolu d'Etienne apparut. Tout content il se jeta au cou d'Etienne.
-Argh !! Connor je t'en prie, ho !
-Connor… Ce n'est pas un membre de ta… Ah si…
-En fait c'est lui qui porte le nom de… de l'éventuel bébé qui n'est pas né !
-Hm… Et après tu veux qu'on reparte de zéro et tu… poses des souvenirs partout !
-Et encore, t'as pas vu mon super fond d'écran « Teletubbies » !
Linda regarda Etienne.
-Non, je plaisante, mon fond d'écran c'est…
-Je sais ce qu'est ton fond d'écran… mais je vais éviter d'être jalouse d'une pub pour des chaussures avec un Capumain !
Etienne regarda Linda, gêné.
-On fait quoi pour lui alors ?
-Ce que tu veux mais je refuse d'être en froid avec tes Pokémon ! Ce serait comme être en froid avec ta famille.
-Baaaah Erwan a des raisons… Il se sent surement…
-Très coupable et je le comprends…
-Mais on en a déjà discuté, Erwan !
Linda sourit.
-On dirait un couple qui parle à un enfant perdu !
Le Capidextre sembla consentir à avancer. Etienne lâcha Riolu vers Erwan.
-Ils sont très complices tous les deux.
-Oh…
Les deux Pokémon se lancèrent alors dans une longue conversation.
-Bon, je te fais ton café…
-Oui et tu en profites pour me raconter comment tu as fait pour attraper un Pokémon aussi rare !
Etienne s'étonna.
-Vraiment ?
-Ouais !
-Comme au bon vieux temps ?
-Avec les explications carabinées auxquelles je ne comprends pas grand-chose s'il te plait !
Etienne ricana.

-Il a l'air de s'être calmé…
-Il déjeune, c'est normal. Travis ne respecte qu'un rituel : L'heure du repas.
-Toujours à la même table ?
-Même table, même place. Si elle est déjà prise, il s'en prend au « squatteur » avec son lance-pierre.
Richard s'étonna.
-Les élèves ici peuvent porter des armes ?
-Lui seulement. Parce que si on lui retire il devient extrêmement violent, plus que d'habitude, il en vient à se servir de son Pokémon contre des humains. Il mange toujours comme ça avec son Smogo.
-Quels sont ses rapports avec le Pokémon ?
-Etrangement… cordiaux mais pas affectueux.
-Avec un Smogo c'est… normal, non ? Rien de très étonnant.
-Ah ! Regardez ! Voici la seule personne que Travis autorise à manger en face de lui !
Une fillette blonde aux cheveux coupés en carré arriva avec son plateau et un Psykokwak pour s'asseoir en face de l'adolescent. Richard hocha la tête.
-Alors il a des sentiments, mine de rien…
-Elle s'appelle Cécile Mitchell. Disons qu'il la tolère à table. Elle lui parle, mais on ne l'a jamais vu lui dire quoi que ce soit ! Il l'a déjà faite pleurer mais on ignore exactement ce qui s'est passé à ce moment là.
Richard pencha la tête.
« Je pensais que ce gamin était comme Nathalie mais en fait il m'a l'air encore pire ! »
Travis mangeait calmement alors que la fille face à lui papotait.
-Et ce matin, on m'a encore réveillé un peu plus tôt. Je me demande si c'est une particularité d'ici de nous faire lever un peu plus tôt chaque jour, ça doit être une méthode pour nous forcer à prendre de bonnes habitudes. C'est mon deuxième foyer d'accueil et dans l'autre ils ne faisaient pas ça. Dans mon ancien foyer, la mère supérieure ouvrait les fenêtres et sortait pour nous réveiller chaque matin. C'était très désagréable, j'en ai encore des frissons…

Erwan était désormais serré contre Linda.
-Même pas eu le temps de finir mon café !
-Bravo, Connor ! On va te fournir un diplôme de psychanalyse Pokémon !
Le petit Pokémon combat semblait gêné.
-Je doute qu'Erwan avait vraiment besoin d'une psychanalyse… Il avait juste besoin d'arrêter de culpabiliser inutilement. Parce que rien de tout ça n'est de ta faute ! Et je ne t'en ai jamais voulu !
Etienne plissa les yeux.
-Ca va être l'heure, Linda…
-Oh… Oui…
-Je vais seulement prendre avec moi Erwan et Connor. Je te laisse les quatre autres.
-Sans problème !
Etienne sortit Timothy le Scarhino, Debra le Flagadoss, Simon le Foretress et Estelle le Seviper.
-Occupez-vous bien de Linda pendant mon absence ! Si elle a besoin de quoi que ce soit je vous ordonne de répondre à ses ordres !
Linda ricana tandis que les Pokémon hochèrent la tête.
-Ca me fait mal au cœur de devoir partir comme ça ! soupira Etienne.
-C'est ton travail, Etienne. Si tu ne finis pas l'année en cours tu seras incapable de reprendre un poste ensuite. Dans ta situation…
Etienne hocha la tête.
-Je sais même pas quand je reviens…
-On s'appellera au pire ! Et puis rien ne t'empêche de repasser ici.
-Oui, c'est sur…
Linda se leva et vint embrasser son Etienne.
-Allez. Vas-y et… amuse-toi bien !
-Je sais pas pourquoi, je n'ai pas l'impression que je vais m'amuser…

Travis empoigna soudain les céréales de son bol et les balança sur ses camarades.
-Au moment ou Cécile a fini son petit déjeuner et est partie…
-Il a recommencé à s'énerver ! soupira le directeur du foyer. Travis est aussi prévisible qu'imprévisible.
La cantine du foyer se transforma en champ de bataille. Travis y agit de façon étonnante : Il passa au travers sans frapper ou balancer quoi que ce soit et sortit de la salle avec son pot de yaourt et une cuillère. Mais il fut ramené « par la peau du cou » par un surveillant accompagné d'un Cizayox.
-T'as pas fini d'être un sale petit troufion ?! Merde quoi !!
-Qui est ce surveillant ?! s'étonna Richard.
-C'est un des « Trois surveillants généraux ». Une idée administrative du gouvernement pour mieux contrôler les dérapages des résidents.
-SENECHAL PUTAIN LACHE MOI ! SALE CON ! T'ES QU'UN SALE CON !!!
-En l'occurrence Travis les déteste scrupuleusement parce qu'ils ont carte blanche.
-Carte blanche ?!! C'est de la folie ! s'étonna Richard. Vous vous rendez compte ?! Qui sont ces gens ?
-Des élèves du cursus académique normal qui ont terminé leurs études et qui ont choisi de se diriger vers les emplois des foyers pour jeunes comme celui-ci. De temps en temps les résidents sont placés dans des familles d'accueil – qui se font de plus en plus rares – et parfois certains professeurs quelque peu zélés acceptent d'être formateurs pour un jeune.
Richard rehaussa ses lunettes.
-Quand est censé arriver le formateur de Travis ?
-D'ici… une heure et demie environ.
-Vous permettez que je parle à ce Travis ?
Le directeur regarda le jeune professeur.
-Vous êtes sur ?! Je veux dire… Vous avez presque le même âge, et vous êtes le genre qu'il castagne…
-Oh je me doute bien. C'est pour ça que je veux lui parler !

Linda observa les Pokémon s'activer autour d'elle, alors qu'elle appuyait sur les touches de son téléphone portable. Etienne était parti depuis une bonne dizaine de minutes. Un klaxon retentit.
-Ah ! Voilà mon taxi ! Je vous laisse, les amis, j'ai une longue route qui m'attend, moi aussi ! Et ça ne va pas être de la tarte. Oh que non !
Les Pokémon s'étonnèrent.
-Vous pouvez bien rester ici tous seuls, non ? Ce ne serait pas la première fois ! Je reviendrais régulièrement, j'ai juste quelques affaires à régler !
Linda prit son sac et sortit.
-A plus tard, mes loustics !
Elle ferma la porte sous les yeux des quatre Pokémon, stupéfiés.
Linda descendit et rejoignit Lionel devant sa voiture.
-Coucou mon grand !
Linda fit la bise à son ami.
-Prête ?
-Je crois, oui… Me remettre avec Etienne est la meilleure chose que j'ai faite depuis longtemps. Maintenant je dois… régler certains intempestifs.
-En fait on a trois choses à faire : Aller voir Ian Grandier…
-Ca, ça va être très, très difficile…
-Aller voir tes parents…
-Ca va être très fastidieux…
-Et retrouver Iphigénie et Corey !
Linda soupira.
-Ca, je dois à tout prix le faire. Sinon je ne me sentirais jamais bien avec Etienne.
Lionel hocha la tête.
-Comme je te l'ai dit plus tôt, j'ai poursuivi mes enquêtes… J'ai pris du temps exprès pour toi et mon patron m'a enguirlandé…
-Oh ça va ! Tu as un tel pouvoir sur le service de toute façon…
-En tout cas mon adjudant Jake est passé inspecteur ! Ca, ça me fait plaisir !
-Ah, bien, en effet. On y va ?
-On est partis, si de ton côté ça va évidemment…
Linda hocha la tête.
-Je survivrais je crois !
-Qui sait…

Travis arriva à la salle de visites ou Richard l'attendait.
-On se croirait dans New York Unité Spéciale… Mais j'ai rien à avouer et me faites pas le coup du policier énervé qui fantasme sur des viols imaginaires !
Richard sourit.
-Bonjour, Travis. Je suis Richard Lewis, je suis professeur de Combat Direct à l'académie de Mauville, et je suis ici dans le cadre d'un stage d'observation en vue de passer un second degré d'agrégation.
-… J'm'en tape.
Richard replia sa main.
-C'est mon anniversaire et on t'a envoyé pour que je te tabasse ? Cool…
-Non, en fait…
Travis se leva et retroussa ses manches. Richard sortit Coatox. Travis fronça les sourcils.
-Flippé, hein ?
-Oui… On ne m'en a pas raconté de belles à ton sujet.
-Tchhh… Ma réputation me précède… Quand cette salope apprendra à me laisser les effets de surprise ?
-Il faut dire que ton comportement a été… plus qu'explicite.
-T'as des parents, toi ?
Richard hocha la tête.
-Mon père et ma mère sont les chefs d'une mafia connue sous le nom de Carré d'As. J'ai été élevé par ma grand-mère.
-Donc tu as des parents. Dans ce cas tu es incapable de me comprendre, donc cette conversation n'a aucun sens. Si on ne peut se comprendre, on ne peut se parler, n'est-ce pas ?
Richard regarda Coatox.
-En fait je voulais juste te poser une simple question. On t'a présenté à moi comme une boule de violence et de haine, mais… As-tu un rêve, une aspiration quelconque ? Un but dans la vie ?
Travis regarda Richard.
-En quoi ça te regarde, Quat'z'yeux ?
-Je te pose simplement la question.
-Ok. Mon rêve c'est d'avoir une grande famille.
Richard hocha la tête.
-C'est normal dans ta situation.
Coatox sembla regarder Travis bizarrement. Le gamin avait les deux mains sous la table et semblait préparer quelque chose.
-Une grande famille qui m'apprécie pour moi, pour ce que je suis au fond.
-On m'a dit que tu avais déjà été dans une famille.
-Ouais, une famille d'accueil, mais ils m'ont viré.
-Pourquoi ?
Travis sortit soudainement son lance-pierre de sous la table, chargé avec le pot de yaourt compressé.
-Des trucs comme CA !
Travis envoya le détritus sur Richard mais Coatox l'attrapa au dernier moment.
-Ouh… Bien joué. Je n'avais rien vu. Heureusement Coatox a été plus attentif que moi.
-Hmph…
-Ton rêve c'est d'avoir une famille, alors…
-Non, ça je m'en fous.
-… Tu n'as aucun… Aucune envie, aucun but ?
-Envie, si : De me casser d'ici. Parce que ça craint vraiment trop comme endroit.
-Ca peut se comprendre.
-But… Si tu veux vraiment une réponse… Avoir une vie normale.
-Bien. Merci…
Richard sortit. Au moment où il ouvrit la porte, il reçut une boulette de papier mâchonnée en pleine tête. Il se retourna vers Travis qui sifflotait, innocent.
« Je plains le type qui aura à former ce gamin… »

…type qui arrivait justement à Bourg Geon en voiture avec du Coldplay à fond la caisse dans l'autoradio...