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Gigantomachia de Raidemo



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» Auteur : Raidemo - Voir le profil
» Créé le 29/09/2008 à 09:26
» Dernière mise à jour le 22/10/2008 à 21:34

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 3 - Les dresseurs
Chapitre 3 : Les dresseurs

Pendant près d'une semaine, Eve se rendit tous les jours à l'arène, accompagnée très souvent de ses deux amis. Gladys, dès qu'elle avait un moment de libre, les rejoignait dans son aile d'entraînement pour en apprendre à la fillette un maximum sur la bonne façon de dresser un pokémon, mais aussi sur la vie de dresseur, et les difficultés auxquelles elle serait confrontées.
- Ne renonce jamais, lui dit-elle la veille de son départ.
Devant l'air si sérieux de la championne, Eve ne put qu'acquiescer. La jeune femme sourit gentiment.
- Ce serait vraiment dommage. Je sais que tu as suffisamment de caractère pour supporter n'importe quelle épreuve.
Eve prit cette dernière phrase comme le plus beau compliment qu'on lui ait fait. Elle rentra, fière et heureuse. Dans le salon, son sac l'attendait déjà, sagement posé près de l'entrée. L'oncle avait veillé à ce qu'elle ne manque de rien ; vivres pour un temps, duvet, boussole, quelques vêtements de rechange, et un petit carnet que lui avait confié le professeur, lui apprenant que sa région était trop pauvre pour se procurer des pokédex, mais qu'il lui suffirait de prendre des notes pour en apprendre bien plus par elle-même qu'avec cet appareil sans âme.
A table, les conversations allaient bon train, et les enfants étaient de la partie. Ridley semblait s'être départi de son amertume, et discutait gaiement avec les autres. Zora détailla à la jeune dresseuse les quelques villes de la région qu'il avait pu voir. Il avait été convenu que Eve embarquerait le lendemain sur le paquebot qui suivait la ligne côtière pour atteindre Voilaroc. Là-bas se trouvait une arène, et beaucoup de dresseurs débutants car c'était une grande ville où l'on pouvait se procurer facilement du matériel utile aux voyages. Cette première escale rassurait grandement la fillette qui avoua que sa plus grande crainte était la solitude qui risquait de lui peser. A ces mots, le professeur sembla se souvenir de quelque chose, et l'oncle se raidit sur sa chaise.
- Oh, c'est vrai ! lança Zora en fouillant dans sa besace au cuir usé. Nous avons eu une grande conversation avec votre oncle cet après midi. Vous avez tous les trois très bien suivi les enseignements de la championne locale, et, étant donné les circonstances, il faut avouer que ce serait dommage de ne pas en profiter.
Ceci dit, il sortit deux petits objets sphériques de la vieille sacoche. Leur éclat rougeoyant formait une telle opposition avec le sac dépareillé qu'il laissait perplexe. Zora tendit l'une de ces sphères à Eve.
- Tiens, fillette. C'est la pokéball d'Higuma. Prends-en grand soin, car même si tu préfères le garder à tes côtés, cet objet te sera indispensable pour le déplacer sans dommage s'il se fait blesser.
La jeune dresseuse prit la sphère avec précaution, et la tourna entre ses mains pour mieux l'observer. Higuma, à ses pieds, vint renifler l'objet avec intérêt, et sitôt qu'il l'eut reconnu, porta son attention sur l'autre pokéball que son ancien maître tenait toujours.
A la surprise générale, il la tendit à Akira. Le jeune garçon resta stoïque, sans voix et cherchant à comprendre en lançant un regard intrigué au professeur. Celui-ci lui répondit de l'un de ces sourires qui semblaient amical en surface, mais était profondément durci par son regard.
- Akira, c'est bien ça ? Ton oncle m'a dit que tu avais dix ans toi aussi. Tu sembles être un garçon honnête, et avec toi la petite se sentira moins seule. Prends-le, il est à toi. Il s'appelle Fukuko.
Le jeune asiatique resta un long moment immobile et silencieux, puis finit par tendre une main pour attraper la pokéball. Aussitôt, Ridley se redressa violemment de sa chaise qui bascula en arrière. Ses mains frappèrent la table avec autant de force que l'oncle lorsqu'il était pris d'une crise de colère.
- Et moi ! s'indigna-t-il. Pourquoi n'avez-vous rien pour moi ?
Le professeur, indifférant à sa fureur, eut un regard désolé.
- Navré, petit. Je n'ai pas le droit de confier mes créatures à des enfants âgés de moins de dix ans. C'est la loi. S'il arrive quelque chose à mon pokémon dans ces conditions je ne pourrais pas intervenir.
- Mais… j'ai bientôt dix ans ! hurla l'enfant dont la voix semblait sur le point de se briser à chaque instant.
- Dans moins de deux mois, continua Zora. Je le sais, ton oncle me l'a dit. Mais peu importe, neuf ans ne sont pas dix ans. Je ne peux rien pour toi pour l'instant. Mais ne t'en fais pas, je garde mon dernier pokémon à ton intention. Tu l'auras quand…
Ridley ne le laissa pas terminer sa phrase et, dans un accès de rage balaya les plats qui se trouvaient devant lui avant de fuir à toutes jambes vers les escaliers. Higuma poussa un couinement de détresse en esquivant un lourd plat brûlant qui vint s'écraser sur le plancher. L'oncle se leva d'un bond en criant le nom de son neveu, mais il ne put le retenir. Il observa le récipient qui avait manqué blesser l'ourson, et se tourna vers le professeur et les enfants pour leur demander de lui pardonner, qu'il allait vérifier que le jeune garçon ne s'était pas trop gravement brûlé et essayer de le consoler.
Restés seuls, Eve, Akira et Zora s'employèrent à ramasser les couverts et nettoyer les dégâts causés par Ridley. Le jeune garçon aux cheveux noirs ne disait rien, et Eve voulut lui glisser un mot, mais il choisit ce moment pour se relever et fixer le professeur d'un regard rancunier que son amie ne lui connaissait pas.
- Pourquoi avez-vous fait ça ?
Sa voix était tremblante de tristesse, mais aussi de colère. L'homme, qui boitait vers l'évier, les bras chargés d'assiettes, haussa les épaules.
- Je croyais pourtant avoir été clair. Je ne peux pas…
- Et si je n'en voulais pas, moi de ce pokémon ? cria Akira.
Mais il regretta aussitôt ses paroles en voyant le visage d'Eve se décomposer, et ses yeux s'embuer. C'était pourtant vrai, elle avait été plus qu'heureuse d'apprendre qu'elle ne partirait pas seule, mais à présent elle se rendait bien compte des conséquences de cette décision égoïste. Le professeur eut un nouveau sourire désolé.
- Navré mon garçon. Je pensais bien faire. Si tu ne veux pas de mon pokémon, ça ne fait rien, je le reprendrais. Mais ça ne changera rien pour ton ami.
Le silence se fit à nouveau, puis ils reprirent leur travail. Entre deux coups de serpillère, le jeune asiatique prononça des excuses à l'intention de l'homme à la barbe, et celui-ci lui répondit que ce n'était rien. Lorsqu'enfin l'oncle redescendit, il n'ajouta rien, et se contenta de sortir un autre sac de voyage d'un placard, et de le remplir comme il l'avait fait pour celui d'Eve. Les deux enfants comprirent qu'il était temps pour eux d'aller dormir, et que la discussion qui suivrait entre les deux hommes ne les concernait pas.
Ridley dormait profondément, son panama posé à ses côtés sur son oreiller. Les deux enfants firent le moins de bruit possible, soucieux de ne pas le réveiller. Eve s'endormit très vite, Higuma serré contre elle. Akira resta un moment allongé sur ses draps malgré le froid, les yeux fixés sur la pokéball qui lui avait été donnée. Dans la faible lueur du réverbère, elle revêtait la teinte amarante du bois sombre. Il n'osa pas l'ouvrir cependant, de peur de réveiller le garçon qui dormait à un mètre de lui. Il s'enfouit donc sous ses draps, et posa la pokéball près de lui, afin de l'observer en s'endormant.

Au matin, un bon nombre des habitants de Frimapic s'était regroupé sur le port pour voir embarquer les deux enfants. Gladys, la championne, était bien sûr présente, mais aussi l'infirmier du Centre, Albin, le marchand qui n'était revenu en ville que quelques jours plus tôt, le pasteur Andrew, et évidemment, la totalité des enfants de la ville. Eve avait rappelé pour la première fois Higuma dans sa pokéball afin de lui faire échapper à ce vacarme. Un brouhaha festif flottait dans l'air, et chacun encourageait les deux novices à sa façon. On leur offrit même quelques cadeaux. Gladys, entre autre, s'approcha d'eux pour leur tendre à chacun un petit livre à la couverture bleue.
- C'est un manuel basique d'entraînement. C'est moi qui l'ai écris, dit-elle d'un air presque gêné. Il n'est pas encore parfait mais je suppose que vous saurez très vite vous en passer.
Eve et Akira la remercièrent chaleureusement, et la championne accepta avec plaisir de les prendre dans ses bras dans une dernière étreinte. Au centre de la foule, l'oncle restait silencieux, Ridley fermement accroché à sa main. Il avait retiré son panama qui pendait mollement au bout de son bras. Ses boucles dorées étaient couvertes d'une fine couche de givre. Les deux enfants n'eurent pas le cœur de venir éterniser les adieux envers le peu de famille qu'ils quittaient. Après tout, Ridley et son oncle n'étaient pas leur vraie famille, se dirent-ils essayant de se consoler comme ils le pouvaient. Mais ils savaient que tôt ou tard, lorsqu'ils repenseraient à eux, et surtout à leur ami – leur frère - ils ne pourraient empêcher leur gorge de se nouer, et leurs yeux de piquer. Ils avaient convenu que Ridley les rejoindrait lorsque ses dix ans auraient été prononcés. L'oncle les préviendrait pour que ce jour-là, les deux autres viennent l'attendre à l'escale de Voilaroc.
Quelques minutes avant le départ, Zora prit la fillette à part. S'appuyant sur sa canne, il se pencha vers elle, afin que leurs visages soient au même niveau. Son regard perçant dévoilait l'importance que revêtaient pour lui ses prochaines paroles.
- Dis-moi petite, j'ai remarqué que, bien avant que j'arrive ici, tu appelais déjà ton pokémon Higuma.
Eve fut surprise de cette remarque, mais elle hocha la tête. En effet, dès qu'elle l'avait rencontré, elle avait su le nom de l'ourson. Comment ? Elle ne s'était jamais posé la question. Comme aucune explication ne venait, le professeur soupira et tapota l'épaule de la fillette avant de lui désigner le bateau d'un geste du menton.
- Allez file, vous allez le louper !
Elle ne se fit pas prier et rejoignit à la hâte Akira qui l'attendait au pied des marches d'embarcation. Tous deux montèrent, plein d'allégresse, l'escalier qui les mena aux grands couloirs emplis de gens de tous horizons. Ils grimpèrent rapidement sur le pont, leurs sacs ballottant sur leurs épaules, alors que les grandes cheminées faisaient entendre leurs plaintes puissantes. Se jetant sur les barrières de sécurité, ils envoyèrent des signes d'adieu à la foule de villageois qui leur répondit aussitôt avec autant d'ardeur.
L'absence de Ridley et de son oncle modéra leur joie. Ce dernier avait certainement déjà raccompagné son neveu à la maison, ne voulant pas assister au départ. En tournant les yeux vers Akira, Eve put bien vite se rendre compte qu'il pleurait, aussi préféra-t-elle ne rien dire, et simplement observer la côte qui s'éloignait de plus en plus rapidement, jusqu'à disparaître dans les brumes enneigées du Mont Couronné.
Quand enfin plus une parcelle de terre ne s'offrit à leur vue, les deux enfants décidèrent de rejoindre leur cabine, car ils avaient beau être habitués au climat de Frimapic, ils sentaient à présent le vent gelé les transpercer malgré leurs polaires fourrés et leurs moufles serrées sous la fourrure de leurs poignets. Un peu perdus, ils déambulèrent plusieurs heures dans les innombrables couloirs du paquebot, n'osant pas demander de l'aide aux stewards qui semblaient débordés. Enfin, ils trouvèrent leur chambre, et restèrent ébahit devant l'espace qui leur était offert.
Outre sa grandeur, la cabine était richement meublée, de bois et de métal doré. Les lits n'étaient couverts que de simples draps blancs et couvertures étant donné la chaleur agréable qui régnait dans la pièce. Les enfants durent d'ailleurs très vite se débarrasser de leurs manteaux et de leurs pulls. Vêtus de simple débardeurs et sous-vêtements, ils laissèrent éclater leur joie, sautant sur les lits et observant tout ce qui les entourait avec minutie. Ils découvrirent ainsi une salle de bain spacieuse et immaculée, une bibliothèque remplie de livres qu'ils durent refermer au bout de quelques pages, avouant qu'il n'y comprenaient pas grand-chose, et surtout d'un téléphone qui permettait de joindre les stewards dans le cas où ils auraient un problème. N'ayant jamais usé de ce genre d'appareil, car Frimapic n'était pas très grande, et que chacun se rendait chez les autres s'il avait besoin de leur parler, ils se promirent de l'essayer dès ils en auraient l'occasion.
L'enthousiasme passé, ils s'installèrent tous deux, comme ils le faisaient si souvent sur l'un des lits, et observèrent la pokéball d'Akira.
- Ouvre-la, le pressa Eve qui ne pouvait plus contenir sa curiosité.
Et comme pour l'encourager, elle pointa sa propre sphère devant elle, et Higuma en sortit, dans un faisceau d'argent, pour s'installer tranquillement sur le lit en baillant ouvertement. Le jeune garçon prit une longue inspiration, et imita le geste de son amie. Aussitôt, le même rayon éclatant illumina la pièce, puis disparut pour laisser place au dénommé Fukuko. De petite taille, la créature, debout sur ses pattes postérieures, ne devait pas arriver au buste des enfants. Son corps était couvert d'un plumage bleu océan qui se transformait en fourrure duveteuse sur chacun de ses membres griffus. Son crâne, à la forme de celui d'un oiseau, était orné d'un casque gravé de deux ailes métalliques qui surmontaient ses yeux aux allures de fonds abyssaux. Au bas de son dos naissait une queue fine et aplatie, comme un parchemin ocre sur lequel était tracés d'innombrables formules.
Timide, Akira mit un moment avant d'oser avancer une main vers l'oiseau. Celui-ci pencha la tête sur le côté à la manière des moineaux. Son regard était profond, et plus expressif que le jeune garçon n'avait pu l'imaginer. Il y devina une candeur naturelle, et un profond besoin d'amour qu'il tenta d'assouvir par une caresse maladroite. Ses plumes lui parurent douces et légères, se solidifiant sur son bec que le pokémon tendit un peu en avant pour obtenir plus d'attention encore.
Eve, à ses côtés, ne put sentir le lien vif et puissant qui se forma dès cet instant entre Akira et le jeune oiseau, le même lien qui l'avait reliée à Higuma le jour de leur rencontre, alors que le nom de l'ourson s'était, comme par magie, imposé à son esprit.

La traversée devait durer près d'une semaine, car le paquebot faisait plusieurs escales dans de petits ports postés tout le long de la côte. Aussi, les deux enfants décidèrent de commencer leur entraînement sur le bateau. Ils passèrent leur première journée dans leur cabine à feuilleter le livre de Gladys. L'ouvrage expliquait les meilleures tactiques à adopter face à des attaques basiques, les mouvements à privilégier dans des cas précis, et même la façon dont le dresseur devait se comporter avec ses pokémons.
Quand vint l'heure de midi, les enfants n'osèrent pas se rendre à la grande salle de restaurant, et grignotèrent donc ce que l'oncle avait glissé dans leurs sacs. Le soir enfin, ils quittèrent les couloirs des passagers pour monter à nouveau sur le pont.
L'air s'était rapidement réchauffé, et malgré le vent qui leur fouettait le visage, leurs pulls en laine suffisaient amplement. Le soleil disparaissait lentement derrière les montagnes arides du Mont Couronné, dont la chaîne s'éloignait peu à peu du rivage, baignant les falaises et l'eau glacée d'une lueur pourpre. Les vagues s'effritaient paresseusement sur la coque du paquebot, et le remous se faisait moins sentir.
Eve, en observant les passagers qui discutaient calmement, adossés aux balustrades ou contre les manches à air, repéra bientôt un jeune homme dont la ceinture était ornée des mêmes sphères rougeâtres que celle qu'elle tenait fermement dans sa main. Souriant à Akira, et ignorant son regard terrifié, elle s'écarta de lui pour s'approcher du dresseur. Il était seul, accoudé au garde-fou de la proue, et observait l'horizon en silence. Ses longs cheveux bleutés volaient derrière lui, animés par les courants vivaces. Ses yeux, tout aussi bleus, étaient plongés dans un rêve profond. Son visage était doux, comme celui d'un enfant, et il sentait l'air marin, comme s'il avait passé sa vie sur les eaux profondes.
Eve s'arrêta près de lui, et lui jeta un coup d'œil en coin. Il semblait nager dans une telle contemplation qu'elle hésita à l'interrompre. Elle se décida enfin et se racla la gorge afin d'attirer l'attention du jeune homme. Aussitôt, les yeux du garçon semblèrent reprendre vie, et il baissa un regard interrogateur vers la fillette qui lui souriait gaiement.
- Excusez-moi, entama-t-elle d'une voix assurée. Vous êtes bien un dresseur ?
L'adolescent cligna des yeux, puis sourit à son tour, et se tourna vers elle en appuyant son coude sur la rambarde de métal.
- En effet, répondit-il.
Sa voix était claire et agréable. Et pour appuyer ses dires, il releva un pan de sa veste pour montrer à la fillette les six pokéballs qu'il transportait. Eve hocha la tête.
- Mon ami et moi commençons seulement notre voyage – elle désigna Akira qui tentait de se cacher derrière une manche à air – et nous sommes novices en combat. Est-ce que vous voulez bien faire un duel avec nous ?
Le ton respectueux de la fillette fit rire le jeune homme qui acquiesça par la suite.
- Bien sûr, aucune problème. Nous en sommes tous passés par là.
Eve le remercia avec entrain, et courut chercher son ami pour lui apprendre la nouvelle. L'adolescent la regarda faire, ses yeux saphirs emplis d'intérêt ; il était de plus en plus rare de trouver de jeunes dresseurs prompts à se confronter à leurs aînés. La plupart, à ce jour, se contentaient de victoires faciles et insignifiantes, cherchant les plus faibles afin d'asseoir une puissance illusoire. Cette tendance avait commencé avec le démantèlement des grands groupes criminels, comme si la présence des bandits refrénait le recours à la lâcheté chez les dresseurs. Peut-être l'idée d'honneur et de justice s'était-elle tarie maintenant que le plus grand ennemi était tombé.
Le jeune homme se retourna en entendant un marin grommeler. Ce dernier avait suivi la scène et marmonnait maintenant moult phrases incompréhensibles. Par respect, et songeant qu'il s'était peut-être trop avancé, le dresseur lui demanda si les combats étaient autorisés. L'homme lui répondit en bougonnant que de toute façon, la loi allait toujours du côté de ce sport, et que même s'il le voulait, il ne pourrait pas s'interposer.
Oui, les temps avaient bien changés…
Quelques instants plus tard, une petite douzaine de personnes s'était regroupée autour du terrain improvisé qui s'étendait entre la fillette aux cheveux roux et le jeune homme au regard azuré. Eve fit aussitôt appel à Higuma. Dès que l'ourson apparut devant elle, l'enfant sentit un frisson de plaisir et d'orgueil parcourir son corps. Tous les regards étaient posés sur eux. Elle allait mener son premier vrai combat, qui serait certainement très différent des entraînements avec Gladys. Ses poings se serrèrent avec combativité. Higuma lui-même sentit aussitôt que quelque chose avait changé, que la foi et le courage de sa maîtresse flottait autour de lui comme une brume vivifiante. Sans perdre de temps, les marques blanches de son pelage s'embrasèrent, recouvrant son dos de flammes rougeoyantes et s'infiltrant aux coins de ses trois yeux. Celui de son front s'élargit, brillant comme un rubis. Ses pupilles s'étrécirent.
De son côté, le jeune homme avait fait appel à un monstrueux tentacruel, lequel étalait ses longs tentacules bruns dans des bruits spongieux et écœurants. Mais Eve était bien trop excitée pour perdre confiance aussi vite face à l'imposant mollusque. Ensemble, l'ourson et elle avaient révisé toutes les façons de se sortir de n'importe quelle situation. Ils avaient révisé, révisé. Ils révisaient maintenant depuis trop longtemps sans avoir pu goûter à la jouissance d'un véritable affrontement. Aussi, sans perdre un instant, Eve entama le combat.
- Higuma, fonce et utilise ton attaque Griffe pour te frayer un chemin jusqu'à lui !
Après un grognement sourd, l'ourson s'élança sur ses pattes larges et robustes qui frappèrent le pont comme de violents coups de masse. Le jeune homme ordonna un Ligotage, comme la fillette s'y était attendue, et Higuma continua sa course, décochant à toute volée, et sans freiner, des coups de griffes circulaires pour repousser les tentacules. Quand enfin sa ruée le porta au-devant du mollusque, l'ourson, lancé de toute sa force en avant, se dressa sur ses membres arrières pour abattre une dernière fois ses pattes puissamment armées, lorsqu'un liquide noir et visqueux lui sauta au visage.
Poussant un grognement de surprise et de douleur, l'ourson recula d'un bond se mettre à l'abri des dangereux tentacules, à moitié aveuglé, tandis que sa dresseuse, d'une voix légèrement affolée, lui ordonnait de prendre ses distances.
Higuma se débattait, frottait son museau sur le sol en bois pour tenter de se débarrasser du poison qui couvrait ses yeux. Seul son œil frontal avait échappé à la vase immonde, et roulait de droite à gauche pour surveiller son adversaire. Face à lui, le dresseur souriait, mais il patientait, attendant de voir de quelle façon la fillette comptait s'en tirer. Il n'était pas là pour gagner mais pour enseigner.
Comme il s'y attendait, Eve n'avait pas encore perdu confiance. Cessant de se tourmenter à la vision de son pokémon blessé, elle lança un nouvel ordre, intimant à Higuma de lancer son attaque Brouillard. Ainsi, ils ne seraient plus les seuls à être désavantagé par un champ de vision réduit.
Répondant presque simultanément aux paroles de la fillette, l'ourson stoppa ses gestes inutiles, fixa sur l'adversaire son unique œil rougeoyant, et aussitôt, les flammes de son dos s'amplifièrent, dégageant une fumée noire à l'odeur étouffante qui s'étendit rapidement, mêlant son ombre à celle du ciel presque noir à présent. Seulement, Eve comprit bien vite que cette technique ne serait efficace qu'un court instant. En effet, elle n'avait pas pris en compte la vitesse des vents qui balayaient le pont du bateau, dévalant sous la vitesse du bâtiment. Si le brouillard recouvrait à présent la faible étendue du terrain, il ne tarderait pas à être emporté.
- Ne perds pas de temps Higuma, essaye Roue de Feu !
L'attaque dont l'ourson et sa dresseuse étaient les plus fiers. Une fois de plus, le pokémon sembla lire les pensées de la fillette, et avant même qu'elle ait fini de prononcer son ordre, il s'élança à nouveau. Ses flammes gonflées par la vitesse vrombirent contre le vent, et la créature rousse, invisible aux yeux du public dans son propre brouillard, quitta le sol pour infliger à son corps une rotation fulgurante, qui devait frapper l'énorme pieuvre dans une gerbe de feu. Alors, la voix du dresseur parvint aux oreilles de Eve, depuis l'autre bout du pont.
- Repousse-le avec Bulles D'O !
Sans pouvoir réagir, la fillette entendit le bruit guttural qui échappa au mollusque alors que son attaque venait frapper l'ourson. La fumée sombre fut aussitôt emportée, et Higuma vola sur quelques mètres avant de s'écraser au sol, plantant ses griffes dans le bois pour stopper sa chute, et trouant ainsi le pont de légers sillons. Eve dû se retenir pour ne pas courir vers son pokémon afin de s'assurer qu'il n'avait rien. Mais ce geste signifiait qu'elle abandonnait le combat, aussi ne bougea-t-elle pas. Néanmoins, ses jambes furent saisies de tremblements, et son esprit se brouilla. Elle ne comprenait pas pourquoi le brouillard n'avait pas fonctionné. Et que devait-elle faire à présent ?
- C'est bien dommage, lui cria le dresseur pour couvrir le bruit du vent, d'avoir gâché une si belle attaque. Mais tu devrais penser à ne jamais combiner un Brouillard à des techniques usant des flammes. Leur lueur est visible, même à travers toute cette fumée.
C'était donc ça. Elle n'y avait pas réfléchi, mais le jeune homme avait raison. Elle avait été idiote de ne pas s'en apercevoir. La fillette baissa les yeux, les dents serrées. Quelque chose gonfla dans sa gorge, quelque chose d'amer. Un peu plus loin Higuma peinait à se remettre sur pieds, sonné par l'attaque du tentacruel. Soudain, des voix s'élevèrent sur le côté, et Eve ne put s'empêcher de tourner la tête vers leur origine.
Aux gens qui s'étaient regroupés pour observer le duel s'étaient mêlés quelques adolescents, jeunes et vigoureux, leurs corps marqués tantôt par un soleil brûlant, tantôt par la pâleur des pays froids, mais tous imprégnés de la force et du courage nés d'entraînements intensifs et réguliers. Sur les hanches de chacun d'entre eux brillaient de petites sphères aux reflets carmin sur des ceintures en cuir.
- Ne te décourage pas petite ! Rien n'est perdu !
- Tu peux l'user facilement au combat à distance ! Son tentacruel et trop lent pour pouvoir atteindre ton petit pokémon !
La fillette cligna des yeux, assimilant difficilement les conseils que le groupe de dresseurs lui envoyait. Sur l'épaule d'un garçon à la peau noire et brillante se tenait un pijako qui répétait d'une voix forte et acrimonieuse les recommandations de son dresseur. Un peu plus loin, une jeune femme aux cheveux blonds et décoiffés par les vifs mouvements d'air était imitée dans ses encouragements par un macronium qui poussait de petits cris allègres. Et un peu plus loin encore, Akira, aidé par la vigueur des nouveaux venus lui envoyait quelques signes timides pour lui faire comprendre qu'il savait que ce n'était pas encore fini.
Eve se sentit rapidement envahie par un sentiment de gratitude envers tous ces jeunes gens, et surtout envers son ami qui s'était pourtant montré choqué par la violence du début du combat. Ses joues s'empourprèrent de savoir que tous croyaient qu'elle pouvait gagner. Et en même temps que le courage que lui insufflaient les dresseurs, elle sentit bien vite la volonté même d'Higuma monter en elle. L'ourson, presque entièrement débarrassé du poison qui collait encore au poil de son museau, s'était redressé et lorgnait son adversaire en dévoilant des crocs blancs et luisants.
Eve inspira profondément, et ordonna à l'ourson de se tenir à distance en attaquant maintenant à coups de Flammèches. Higuma approuva d'un grondement et cracha de petites boules de flammes vives et précises. Elles explosèrent au contact des tentacules du mollusques qui se rétractaient une à une sous la douleur. Le dresseur de la pieuvre la laissa faire un moment, observant en silence l'ourson qui courait de droite à gauche en lançant ses attaques, esquivant ainsi les coups de fouet que tentait de lui asséner le tentacruel. Puis il ouvrit la bouche à nouveau :
- Utilise Dard-Venin en continuant de te protéger !
La créature marine émit un gargouillement affirmatif. Son bec se souleva, dévoilant une gueule dentée d'où s'éjecta une nuée de fines aiguilles. Higuma les évita d'un saut de côté, et le mollusque réitéra son attaque. Entre deux bonds, l'ourson continuait de cracher ses boules de feu, jusqu'à ce qu'une force inconnue le fasse trébucher, lui arrachant une plainte douloureuse. Eve poussa à son tour un cri de surprise en voyant que son pokémon, maintenant encerclé par les aiguilles durement plantées dans le bois, venait de poser la patte sur un amas de ces piqûres venimeuses. Aussitôt, les tentacules de son adversaire se mirent en branle, et la monstrueuse créature se dirigea à grande vitesse vers sa proie clouée au sol par la douleur.
Eve vit avec horreur le corps spongieux du monstre venir se coller à son pokémon qui se débattait pour échapper aux multiples tentacules qui l'entouraient et le serraient, entravant ses pattes et sa tête et étouffant ses flammes. La fillette n'attendit pas plus longtemps et cria qu'elle abandonnait. La peur qui l'avait envahie lui fit penser que peut-être l'adversaire n'aurait que faire de son abandon, et continuerait d'étouffer Higuma, mais aussitôt qu'elle eut prononcé ces mots, le tentacruel recula de lui-même, libérant l'ourson qui se tortillait de toutes ses faibles forces pour s'extraire au plus vite de ses liens.