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Gigantomachia de Raidemo



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Informations

» Auteur : Raidemo - Voir le profil
» Créé le 25/09/2008 à 22:12
» Dernière mise à jour le 22/10/2008 à 21:09

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 2 - L'étranger
Chapitre 2 : L'étranger

Un soir, alors que les trois enfants couraient sur une pente enneigée pour rejoindre le village, Higuma sautant joyeusement à leurs côtés, Akira pila net, son rire s'évanouissant derrière une expression inquiète. Ses deux amis l'imitèrent, et l'ourson s'étala mollement pour stopper sa course, s'enfonçant jusqu'au cou dans la poudreuse.
- Qui est-ce ? demanda Akira en désignant les hauteurs, juste à l'entrée du village.
Eve et Ridley suivirent son regard. Une silhouette ombragée se découpait sur le ciel pâle et nuageux. Un homme vêtu d'un long manteau se tenait là, son poids voûté sur une canne sombre. Les pans de son vêtement claquaient contre ses cuisses, son col était chargé d'une fourrure épaisse et noire qui s'agitait sous la brise. Un barbe grise apparaissait sous un chapeau haut de forme durement enfoncé, et sa main libre, gantée de noir, s'agrippait fermement au poil qui protégeait sa gorge.
En le voyant, Higuma réagit étrangement, et sauta sur quelques pas vers l'inconnu avant d'hésiter, puis de revenir docilement se frotter contre les jambes d'Eve. Celle-ci le caressa, et referma ses doigts sur la fourrure rousse dans un élan de possession, sans vraiment savoir pourquoi. En silence, les trois enfants et le pokémon reprirent leur route. Ils passèrent devant l'homme qui ne dit pas un mot. Ils sentirent longuement son regard posé sur leur dos alors qu'ils descendaient la rue principale, pour rejoindre la maison de l'oncle.
Arrivés dans le hall, ils se précipitèrent à la cuisine où ils trouvèrent l'éleveur occupé à préparer le repas.
- Mon oncle ! Il y a un homme posté à l'entrée nord de la ville ! s'exclama Ridley.
- Un homme ? s'étonna l'oncle, détourné de ses fourneaux et pressé vers la table par les trois enfants.
- Un étranger, continua Akira d'une voix timide. Il a fait semblant de ne pas nous voir, mais il nous a suivi des yeux quand nous l'avons dépassé.
L'éleveur s'assit devant la lourde table en chêne et observa les trois silhouettes qui gesticulaient devant lui en faisant part de leurs craintes. Higuma, quant à lui, s'installa comme a son habitude contre le réchaud qui dégageait une douce chaleur.
- Ola, du calme les jeunes, intervint l'oncle amusé. C'est bien la première fois que la venue d'un étranger vous met dans un état pareil.
- C'est qu'il n'inspire pas confiance, grogna Ridley. D'habitude les gens qui s'arrêtent ici commencent par visiter la ville, et se présenter. Ils ne restent pas plantés en haut de la colline.
- Allons allons, ça suffit – le ton de l'oncle se fit plus dur, et son regard plus grave – Je n'apprécie pas ce genre de réactions. Vous devenez comme tous ceux qui restent cloitrés dans cette ville toute l'année et qui pestent contre les inconnus comme contre la maladie elle-même. On ne juge pas de la confiance d'un homme au premier coup d'œil. Je ne veux plus entendre de sottises de ce genre, ni de craintes infondées, est-ce bien clair ?
Les enfants, d'abord étonnés par ce brusque changement d'attitude chez cet homme toujours si posé, puis honteux et effrayés restèrent un moment silencieux face au doigt accusateur pointé sur eux. Higuma avait tendu l'oreille, soucieux. Après quelques excuses murmurées, l'éleveur leur désigna la chambre, et ils montèrent l'escalier sans faire d'histoires.
L'oncle soupira dans sa main large et usée. Il se leva, éteignit le réchaud sous la casserole bouillante, fouilla dans un vieux buffet et en sortit une bouteille de cognac. Seul à sa table, il vida quelques verres. Lorsque l'alcool eut bien attisé ses sens, que son ouïe se mit à souffrir du moindre crépitement de cheminée, et que la lueur des flammes lui picota les yeux, l'homme aux cheveux gris alla s'affaler dans un fauteuil au cuir élimé. Sur le bras de ce fauteuil, il ramassa les trois enveloppes qu'il avait gardées en surprise pour la fin du repas. Sur chacune d'elles, une écriture différente, et des odeurs inconnues.
L'oncle, fatigué, les observa un moment, les tournant entre ses mains avec délicatesse, et autant d'attention qu'il portait autrefois à ses trésors d'enfants. Quelque chose d'humide parcourut soudain sa paume. La langue de l'ourson, rappeuse et amicale, glissa plusieurs fois sur ses doigts avant que l'homme daigne enfin lui répondre par de tendres caresses.
- Si tu savais petit monstre, soupira l'éleveur, comme leurs parents seraient déçus si ces gosses finissaient par devenir comme tous ces vieux misanthropes. Egoïstes et médisants. … Hélas, l'isolement confine les esprits.
Il soupira à nouveau. Higuma posa sa tête ronde et duveteuse sur son genou, et l'observa de ses grands yeux tissés d'or. L'oncle perçut dans ce regard la joie, la vivacité, un grand besoin de liberté, besoin qu'il voyait grandissant dans le regard de ses enfants. Ses yeux clairs s'adoucirent, et il offrit une caresse résignée à l'ourson.
- Je sais, va. Tu as gagné bonhomme.

A l'étage du dessus, Eve, Ridley et Akira s'étaient tous réunis dans le lit de ce dernier. Emmitouflés sous la couette, serrés les-uns contre les-autres dans la semi-lueur d'un réverbère qui pointait derrière leurs rideaux, ils se perdaient dans des messes basses. Ils ne comprenait pas cette colère soudaine de la part de l'oncle, et ils cherchaient encore à deviner d'où pouvait provenir l'étranger. Pire encore, ils avaient fini par remarquer qu'ils mouraient de faim, n'ayant pas mangé avant de monter se coucher.
- Vous croyez que l'oncle est fâché parce qu'il connaissait cet homme ? bredouilla Akira.
- Aucun risque, mon oncle n'a jamais quitté Frimapic.
- Et qu'est-ce que tu en sais d'abord ? répliqua Eve, agacée.
- Je le sais ! C'est mon oncle !
- Moi je suis sûre qu'il a beaucoup voyagé ! Il n'est pas comme les gens d'ici ! Il ne leur ressemble même pas !
Ridley se renfrogna. Parfois, partager sa seule famille, même avec ses amis, constituait pour lui une épreuve douloureuse. Il était le plus jeune du petit groupe, d'un an à peine, mais il était bien souvent le plus puéril, et d'une jalousie sans égal.
- Mon oncle me l'aurait dit s'il avait voyagé, reprit-il, les dents serrées.
- Et bien peut-être qu'il attendait que tu saches enfin nettoyer correctement l'auge aux cochignons avant de t'en parler, rétorqua Eve avec cynisme.
La réponse ne se fit pas attendre, et très vite Akira dut tenter de s'interposer entre ses deux amis qui s'étaient lancés pêle-mêle dans une rixe sauvage, arrachant les draps, se griffant et crachant des insultes qui auraient certainement fait pâlir l'oncle d'horreur. Ils se bâtirent ainsi pendant dix bonnes minutes, et le jeune asiatique sanglotait en essayant encore de les raisonner, une main posée sous son œil gauche, là où un coup l'avait atteint. La couette, en glissant, les entraîna finalement au bas du lit, et ils s'empressèrent de remonter en faisant le moins de bruit possible, conscients que ce bruit de chute risquait d'attirer l'oncle s'il ne s'était pas endormi.
Tendant l'oreille, il attendirent un moment avant de juger qu'il n'y avait plus aucun danger. Eve et Ridley se lancèrent un dernier regard hargneux derrière leurs cheveux en bataille, puis il rejoignirent leurs lits respectifs sans dire un mot. Seuls les sanglots étouffés d'Akira percèrent encore la nuit jusqu'à ce qu'il s'endorme à son tour.

Au matin, alors que Eve entrouvrait les yeux, tirée de son sommeil par un rayon matinal, une sensation de vide étouffant la fit frissonner. Elle se redressa vivement et constata qu'Higuma n'était pas venu la rejoindre pendant la nuit. La disparition de son corps chaud habituellement roulé en boule sur sa couette la frappa en plein cœur. Depuis la veille elle n'avait pas cessé de ressentir ce pincement profond, comme une menace silencieuse, comme si quelqu'un tentait de lui arracher quelque chose d'important.
Elle repoussa ses draps, et sauta sur le parquet froid. Le bois craqua légèrement mais elle n'y prit pas garde, pas plus qu'aux frissons qui traversaient son corps gelé. Elle descendit rapidement les vieux escaliers, mais s'arrêta net sur la dernière marche. Devant elle, dans le salon éclairé de la lumière paresseuse du nouveau jour, se trouvait l'étranger que ses amis et elle avaient aperçu la veille. Confortablement installé à la grande table en chêne, son regard flottait dans le vide. Il avait ôté ses bottes aux semelles épaisses qui reposaient maintenant près de la cheminée – que l'oncle ne prenait jamais la peine d'allumer si tôt. Sa canne était appuyée contre un mur. Eve la reconnue sans peine, formée d'un bois noir comme le charbon, et ornée d'un pommeau en argent représentant le crâne élancé d'une créature inconnue.
Sentant la présence de la fillette, l'homme tourna vers elle ses yeux noirs et brillants. Eve recula d'un pas. Comme ses bottes, il avait retiré son grand chapeau qu'il avait posé sur la table et sur lequel il referma ses doigts d'un geste mécanique. Sa barbe grise cerclait une bouche fine, à peine visible, et remontait sur ses tempes jusqu'à une chevelure courte et mal entretenue. Son visage était dur, aux os saillants et au menton carré. Son cou, qui n'était plus caché par le col en fourrure, était large et puissant. Ainsi, sans son long vêtement, habillé d'une simple chemise pâle et d'un pantalon de costume, cet homme parut à Eve beaucoup plus grand qu'il ne lui avait semblé dans le paysage enneigé.
Après un court silence, l'étranger sourit, et fit signe à l'enfant d'approcher. Eve recula instinctivement. L'homme éclata d'un rire fort qui retentit à ses oreilles comme un coup de tonnerre.
- N'ais pas peur petite, répliqua-t-il d'un ton amusé.
Il avait une voix grave, profonde et résonnante, si bien que la fillette eut l'impression de sentir le sol vibrer au rythme de ses puissantes cordes vocales. Néanmoins, sentant rapidement sa verve naturelle lui revenir, Eve reprit une position plus sûre, et son expression se fit plus ferme.
- Je n'ai pas peur, assura-t-elle. Qu'est-ce que vous faite ici ?
L'étranger ne put contenir un nouveau gloussement face au ton presque menaçant que lui opposait la fillette. Il se leva, mais Eve ne bougea pas. L'homme s'approcha en boitant et lui tendit sa main droite – celle qui n'était pas gantée – que l'enfant ne daigna pas serrer. Il ne chercha pas à contrer ce refus et toisa simplement la petite avec un sourire amusé qui ne parvenait pas à étouffer la dureté de ses traits.
Finalement, n'obtenant pas réponse, l'homme retourna vers la table où il se rassit difficilement, avant de reprendre.
- Ton oncle, ce brave homme, m'a charitablement accueilli par ce matin grisâtre, expliqua l'étranger avec une grimace de douleur à l'intention de sa jambe blessée. C'était une agréable surprise. Jusqu'à présent les gens d'ici n'ont fait que me questionner froidement sur le temps qu'il me faudrait avant de repartir. C'est bien ton oncle n'est-ce pas ? demanda-t-il devant l'air dubitatif que prenait la fillette.
Eve hocha la tête sans même y penser, et l'homme sourit à nouveau. Mais avant qu'il ne puisse reprendre, la petite intervint :
- Où est-il ?
- Mais qui donc, questionna l'étranger avec étonnement.
- Higuma ! Mon pokémon ! explosa la fillette.
L'expression hagarde de l'homme ne fit qu'augmenter sa fureur, et elle continua de hurler depuis son escalier.
- Je sais que vous êtes venu pour lui ! Vous venez me le prendre ! Mais vous n'avez pas le droit ! Il est à moi !
Des larmes de rage roulèrent sur ses joues, et elle s'empressa de les essuyer d'un geste brutal, cachant ses sanglots derrière sa colère.
A cet instant, alors que l'inconnu tentait de calmer la fillette, la porte claqua dans l'entrée, et l'oncle se précipita dans le salon, un air ravi, les bras chargés de sacs de courses, et son manteau tapissé de fourrure déjà blanc de neige. Derrière lui apparut l'ourson roux, et Eve ne put s'empêcher de crier son nom sous l'effet de la surprise et du soulagement. La créature, sentant sa tristesse, courut aussitôt vers elle pour la consoler. Eve se jeta sur lui et enlaça son cou au pelage couvert de cristaux de glace dans lesquels il s'était gaiement roulé en accompagnant l'oncle. La fillette libéra ses dernières larmes contre ce poils doux et familier auquel elle s'agrippait avec force, et Higuma réchauffa rapidement son corps en enfouissant son museau humide dans les cheveux de la petite fille.
L'oncle, interloqué, s'approcha de l'inconnu pour lui demander ce qui s'était passé, et l'homme lui répondit :
- Rien. Rien de bien méchant, cher hôte. Une simple angoisse passagère, comme nous en avons tous.
Eve cessa bientôt de pleurer, et le calme revint. Essuyant une dernière fois ses yeux, elle se redressa, sans lâcher le poil d'Higuma auquel restait attachée une main ferme et possessive. Elle fixa l'homme à la barbe de ses yeux noirs, avec un mélange de tristesse, mais aussi de rancœur. Le boiteux rit doucement.
- Tu ne t'es pas trompée petite, je suis bien venu pour lui, dit-il en désignant l'ourson du doigt.
A ce geste, Higuma échappa à l'emprise de la fillette et trottina jusqu'à l'homme pour s'assoir docilement à ses pieds. L'étranger caressa le pokémon avec satisfaction, sous le regard terrifié de Eve qui n'avait pas réussi à le retenir. Dans ce nouveau silence naissant, l'oncle, qui venait de déposer ses sacs au pied de la table, émit une petite toux et se tourna vers l'homme.
- Ne m'aviez-vous pas dis…
Mais l'étranger l'interrompit d'un nouveau rire bruyant. Il claqua des doigts avant de les pointer cette fois dans la direction de la fillette. Aussitôt, Higuma s'en retourna vers Eve. Mais cette fois-ci, la petite ne s'accrocha pas à son cou. Elle continuait d'observer avec effroi l'inconnu. C'était donc vrai, il était venu lui reprendre l'ourson.
- Ne t'en fais pas, reprit-il enfin, brisant à son tour le silence. Je te le laisse.
Eve crut avoir mal entendu. Elle balbutia, mais l'homme la coupa bien vite.
- Il semblerait que ce fugueur imprudent t'ait adoptée, bien plus que tu ne l'as toi-même adopté. En réalité ce pokémon n'est pas à moi. Je ne faisais que l'observer pour mener à bien des recherches, rien de plus. Tu as commencé son apprentissage. Maintenant qu'il est dressé, je ne peux plus le garder.
La fillette mit un moment à comprendre que l'étranger disait vrai ; son sourire paraissait faux, et ses yeux dardaient sur elle une dureté effrayante, mais il n'avait aucune raison de lui mentir. L'oncle s'approcha finalement d'elle, et l'invita à venir s'assoir à table pour prendre son petit déjeuner. Il appela aussi les deux garçons qui, réveillés depuis bien longtemps, se tenaient, cachés, en haut de l'escalier.
Akira et Ridley vinrent s'assoir de chaque côté de leur amie, et observèrent attentivement le boiteux à qui l'oncle servait une assiette de lard et de fromage. Vu de près, l'homme les impressionna, mais ils se gardèrent bien de le montrer. La détresse de la jeune fille qu'ils considéraient comme leur sœur les avait bouleversés, aussi restèrent-ils silencieux durant tout le repas, laissant la parole à l'étranger qui raconta, plus à l'éleveur qu'aux enfants, ce qui l'avait mené à Frimapic.
- Je suis chercheur, spécialisé dans les espèces dont les pouvoirs ont un impact sur la réalité. Les créatures usant de psychisme ou façonnant les ténèbres peuvent parfois, sans le vouloir, briser l'équilibre établi, et détériorer la limite que se situe entre le rêve et le réel. Mes recherches tendent plus particulièrement à observer ces phénomènes presque toujours éphémères. Ce pokémon – il désigna Higuma du menton – peut développer des pouvoirs psychiques. Je tenais surtout à étudier chez lui la façon dont ce psychisme évoluait.
Il sourit une nouvelle fois à Eve en découpant une tranche de pain.
- Tu vois petite, si tu peux aider ce pokémon à développer ses pouvoirs, je n'ai aucune raison de te le reprendre. A condition, bien sûr, que tu me contactes de temps en temps pour me faire un bilan de son évolution.
Eve hocha la tête, sans dire un mot. A présent que la peur de perdre Higuma l'avait quittée, elle buvait les paroles de l'homme avec un intérêt visible. Ses deux compagnons, inquiets, se demandaient quelle idée avait mûri dans son esprit pour la rendre docile à ce point. L'étranger continua son explication. Il s'appelait Ido Zora. Tout comme Sorbier dans leur région, il était lui-même professeur dans une contrée isolée, à l'extrême ouest du pays. L'ourson roux faisait partie de l'une des trois espèces de pokémons qu'il élevait afin de les remettre aux jeunes dresseurs.
- Si je comprends bien, intervint l'oncle, ma petite Eve fait maintenant partie de vos élèves ?
- C'est exact, acquiesça Zora en caressant sa barbe grise. C'est pourquoi il est d'autant plus important que je reste en contact avec elle.
- Mais, pour cette histoire de recherches, n'avez-vous pas d'autres jeunes gens qui vous informent sur l'évolution de leurs créatures ?
A ces mots, le professeur eut une moue résolue. Il observa sa tasse dans laquelle un café noir et fumant oscillait.
- Vous savez, le Kansai n'est pas des régions les plus aisées. Moi-même, je n'ai pu ouvrir mon laboratoire qu'il y a deux ans à peine. Je n'ai transmis mes créatures qu'à six personnes, dont deux ont déjà abandonné. La tache de dresseur est bien dure, je le sais, j'ai été comme eux autrefois. Très vite le doute s'installe, et prend parfois des proportions telles que notre seule envie est de stopper ce voyage sans but et sans joie possible. L'argent manque, la nourriture, le confort… Et puis, parfois, on ne s'entend pas avec ses compagnons.
Cela dit, l'homme tendit une main pour caresser la tête de l'ourson.
- Tu as entendu ? Occupe-toi bien de lui, petite.
Intimidée par son regard perçant, Eve hocha péniblement la tête, sans oser regarder Zora en face. Elle se contentait à présent de fixer Higuma qui, en retour, posait sur elle des yeux doux et rieurs.
Les trois enfants et l'éleveur écoutèrent encore longtemps le récit des périples du professeur. Il avait quitté le Kansai pour venir étudier quelques espèces de Sinnoh. En visitant la bibliothèque de Joliberges, il avait pris connaissance de la légende des trois lacs, et des créatures mythologiques qu'ils étaient censés renfermer. Après avoir passé quelques temps au Lac Vérité, il était remonté vers Frimapic afin de rejoindre le Lac Savoir.
- Une créature détentrice du savoir universel, voilà qui est fascinant ! disait-il.
A l'évidence, la légende des trois elfes avait revêtue pour cet homme une apparence de quête divine ; ses yeux noirs et durs s'illuminaient d'envie et d'excitation lorsqu'il abordait le sujet, et l'on comprenait en le voyant qu'il était homme à ne jamais abandonner la piste sur laquelle sa passion le lançait.
Vers midi, quand l'église bicentenaire sonna l'heure du repas, l'oncle leur servi quelques plats avant de s'excuser auprès de l'étranger, parce qu'il devait rejoindre ses enclos pour s'occuper de ses bêtes. Le professeur se proposa aussitôt de l'aider, intéressé par tout ce qui s'approchait de près ou de loin à l'élevage, et les enfants eurent donc leur après-midi de libre.

Ce jour-là, il faisait bien trop froid pour que les trois enfants puissent espérer rejoindre les pistes. Le vent soufflait bruyamment, soulevant des nuées de flocons blancs qui recouvraient peu à peu les toits de taule et de bois. Confortablement installés dans le salon, ils avaient sorti les boîtes de jeux de société, et se trouvaient en pleine partie de cartes lorsque Eve annonça :
- Je vais partir.
Ses deux amis relevèrent les yeux de leurs cartes. La jeune fille avait posé une main sur le dos d'Higuma qui somnolait tranquillement à ses côtés.
- On partira tous les deux, moi et Higuma. On va faire comme les autres élèves du professeur. Si on reste ici Higuma n'évoluera jamais.
Ridley afficha un expression acerbe et baissa les yeux. Akira sourit amicalement.
- C'est super, tu vas pouvoir voyager toi aussi. Tu nous enverras de tes nouvelles.
Eve hocha la tête, heureuse que son compagnon le prenne aussi bien. Le plus jeune des deux garçons néanmoins, n'ajouta rien. Il vissa un peu plus son panama sur sa tête, afin de cacher son regard, et les deux autres ne l'entendirent plus prononcer un mot jusqu'à ce que les deux adultes reviennent ce soir-là.
L'oncle et le professeur firent irruption dans le salon, couverts d'une poudre blanche qui s'accrochait à leurs cheveux et à la barbe du boiteux malgré leurs gros vêtements. Ils étaient imprégnés de l'odeur des cochignons, qui se répandit rapidement dans tout le salon. Higuma salua ce parfum qu'il adorait d'une cabriole enjouée avant de courir vers les deux hommes pour les accueillir.
Pendant le dîner, alors que la cheminée emplissait la pièce d'une lumière tamisée et d'une chaleur bienvenue, Eve fit part à l'oncle de sa décision. Le professeur, assis en bout de table en face de l'éleveur, sourit pleinement à ces paroles.
- Bonne initiative, petite ! Ce sera le meilleur moyen pour ton pokémon, mais aussi pour toi de grandir.
L'oncle ne répondit pas tout de suite, devancé par l'autre homme. Il bégaya un instant, puis constata que la fillette était sérieuse. Alors il soupira.
- C'est ton choix ma petite Eve. Je ne vais pas m'y opposer.
Mais avant que la jeune fille laisse éclater sa joie il ajouta :
- Mais avant de partir, s'il-te-plait, demande à Gladys de te préparer à ce départ. Tu ne sais rien de la vie de dresseur.
Eve hocha la tête, bien décidée à suivre les conseils de son oncle.
Quand vint l'heure de se coucher, les trois enfants rejoignirent leur chambre. Il n'y eut pas de disputes ; Ridley s'emmitoufla rapidement dans ses couvertures en s'endormit aussitôt. Akira resta un moment sur le lit de Eve pour discuter avec allégresse du départ de cette dernière, des villes qu'elle comptait visiter, des combats qu'elle ferait. Higuma, que cette décision n'avait pas retourné autant que les humains, dormait paisiblement contre le corps de sa future dresseuse.