Nox [O-S]
Mon histoire commence à Floraville, petite bourgade tranquille du sud-ouest de Sinnoh.
Moi, Jay, je vivais avec mon père, ma mère et ma petite sœur Kelly dans une petite maison à la sortie de la ville, dont les fenêtres donnaient sur les prairies ensemencées de fleurs qui s'étendaient à perte de vue, jusqu'à la forêt, disait-on. Beaucoup de Pokémon Plante vivaient dans les parages. Selon la légende, Shaymin aurait rendu cet endroit autrefois désertique si fertile que certaines des fleurs qui y étaient plantées seraient devenues des Pokémon, d'où leur abondance. Je préférais l'explication scientifique qui stipulait que là où il y avait des fleurs, il y avait des Pokémon. J'étais très terre-à-terre, en général, tout le contraire de ma sœur qui était une rêveuse émérite.
« Tu verras, Jay, un jour j'attraperai Shaymin ! » avait-elle l'habitude de me dire.
Ah, cette chère petite rêveuse...
Nous menions une petite vie tranquille, loin de tout, à la campagne. Jusqu'à ce jour funeste où j'ai tout perdu.
* *
C'était un soir de novembre, où la nuit tombait vite et le vent soufflait fort. Kelly s'ennuyait et avait voulu faire une partie de cache-cache Pokémon. Mes parents avaient accepté et m'avaient enjoint de jouer avec elle, ce que j'avais fait à contrecœur. Nous avions pris les Pokémons de nos parents avec nous pour ne pas nous perdre et étions sortis dehors. Après tout, que pouvait-il nous arriver avec de telles créatures ?
C'était à Kelly de compter. Elle s'adossa à un arbre et commença, son Chaglam perché sur son épaule. Je filai me cacher avec mon Malosse sous un piton rocheux qui prenait sa base dans la forêt de Vestigion, mais dont une partie surplombait les champs. Je me repliai dans un coin d'ombre, car la lune était pleine ; j'étais donc plus visible.
« J'arrive ! » cria ma sœur.
Je me mis à attendre patiemment. Soudain, un chuintement sonore retentit dans la nuit. Malosse releva la tête et regarda dans la direction du bruit, sur la pointe du piton rocheux. Je levai également la tête, mais ne vis rien.
Mon Pokémon coucha ses oreilles en arrière et mit sa queue entre ses pattes, gémissant craintivement. J'étais intrigué : quelle chose pouvait bien apeurer mon Malosse ?
« Jay ? T'es où ? J'en ai marre de te chercher ! » s'exclama Kelly au loin.
Bon. Si je voulais savoir ce qu'il y avait là-haut, j'allais devoir me dépêcher.
Je me relevai, me plaçai sur le côté gauche du piton et commençai à grimper. Malosse essaya de me retenir en mordant le bas de mon pantalon, mais je me dégageai et continuai mon ascension. Tant bien que mal, j'arrivais jusqu'en haut.
« Jay, c'est pas drôle, sors de ta cachette ! »
J'ignorai ma sœur et me tournai vers la pointe du surplomb.
« Jay, s'il-te-plaît ! J'ai peur ! » fit Kelly d'un ton réellement effrayé.
Elle n'était pas la seule à être terrifiée... Ce que j'avais devant moi me glaçait le sang. Sur la pointe du piton... il y avait...
J'avais des sueurs froides rien que d'y penser. Qui plus est, j'avais le sentiment profond de ne rien avoir à faire ici, que j'étais témoin d'un évènement exceptionnel. La créature qui se tenait devant moi... c'était un Noctali en pleine transformation lunaire.
Grâce aux rayons de lune qu'il avait absorbé, il avait grandi de deux fois sa taille normale. Et ses pouvoirs croissaient, eux aussi... Ses anneaux jaunes en temps normal étaient devenus d'un bleu pailleté, et je supposai que ses yeux avaient changé également.
Mais le plus terrifiant, c'était ses ailes.
Des ailes d'un noir de jais, parcourues de veinures azurées.
Un Noctali ailé... Mon cerveau ne voulait pas enregistrer cette information. C'était impossible.
Semblant avoir senti une présence, le Noctali huma l'air, puis commença à se retourner lentement. Je ne parvenais plus à faire le moindre geste. Mon cœur battait à cent à l'heure, j'étais certain que le Noctali l'entendait. Il se retourna un peu plus... encore un peu plus...
« JAAAAYY ! hurla ma sœur, complètement terrorisée. Elle avait du apercevoir le Noctali. Le Pokémon s'arrêta, fit volte-face et bondit en bas du surplomb.
- HIIIIIIIIIIIH ! GRAND FRÈÈÈRE ! AU SEC...
- Gnap !
- JAAAAYY !
- J'ARRIIIVE !
N'y tenant plus, je dévalai le surplomb et me précipitai vers ma sœur. Elle était dos contre le sol, luttant de toutes ses forces contre le Noctali enragé.
- Eh, le monstre ! Prends-t-en plutôt à moi !
Le Pokémon ne m'écouta pas.
- Malosse, attaque Bélier ! ordonnai-je à mon ami Pokémon.
Malosse s'exécuta et percuta le Noctali de plein fouet. Le monstre ne cilla pas et continua à attaquer Kelly. Ma sœur fatiguait. Elle n'allait pas tarder à succomber aux offensives du Pokémon.
Dans un élan de folie, je m'élançai vers les deux adversaires et m'interposai. Le Noctali ne vit pas cela d'un très bon œil et s'en prit à moi. Exactement ce que j'attendais.
- Cours, Kelly ! ordonnai-je à ma petite sœur. Je te rejoins !
J'esquivai une attaque du monstre. Voyant que ma sœur ne bougeait pas, je réitérai mon ordre :
- Cours ! COURS !
Cette fois, elle s'exécuta et s'enfuit à toutes jambes vers la maison, accompagnée des Pokémons. Soulagé que j'étais de la voir se sauver, je n'avais pas remarqué que le Noctali préparait un nouvel assaut. Je n'eus pas le temps d'esquiver ; le Pokémon me mordit à la nuque. Une douleur aigue me transperça le crâne, et puis... plus rien.
* *
Le Noctali regarda l'humain s'effondrer lamentablement au sol. La Marque commençait déjà à apparaître. Il poussa un cri de frustration. Si ces deux humains n'étaient pas intervenus, tout se serait bien passé ! Ses forces commençaient déjà à diminuer. La Mère Lune le privait peu-à-peu de son pouvoir. Il jeta un regard dédaigneux à l'humain. Pauvre petite chose... si faible... si fragile. Bientôt, sa vie partirait en fumée.
Et il aurait tout perdu.
« Ouh, ma tête... Que s'est-il... ? »
Je me redressai brusquement. Kelly !
Non, Kelly était en sécurité. Et le Noctali... avait disparu.
Je tentai de me mettre debout, sans succès. Je réessayai en procédant étape par étape : à quatre pattes, accroupi puis debout. Je butai à la deuxième étape. Un élancement à la nuque me fit hurler et retomber au sol. Je me saisis la tête entre les mains en criant et en gesticulant comme un forcené.
Mais...
Je m'arrêtai subitement.
Mes mains ?...
Je tendis les bras devant moi et contemplai ce qui avait été des mains.
« Non... Non ! »
À la place de mes mains se trouvaient deux pattes noires recouvertes de fourrure lustrée. Mes doigts étaient devenus extrêmement courts et le côté pulpe était devenu coussinet. Mon regard remonta le long de mon bras et ma tête se tourna du mieux qu'elle pouvait vers le reste de mon corps. J'étais entièrement recouvert de fourrure noire aux reflets chatoyants et de lumineux cercles bleutés ornaient mon flanc. Et... j'avais une queue !
Complètement paniqué, je me dirigeai vers une flaque d'eau que la lune éclairait. Je me penchai au-dessus pour y découvrir le visage d'un jeune Noctali à l'air complètement perdu dont les sourcils formaient un accent circonflexe qui aurait été comique en d'autres circonstances.
Déboussolé pour de bon, je perdis le contrôle de moi-même et me mit à tituber de çà et là sans pouvoir penser à quoi-que-ce-soit. Ce qui m'arrivait était surréaliste. Ce n'était sans doute qu'un cauchemard ! Oui, exactement, et j'allais bientôt me réveiller.
Bientôt.
Je finis par m'écrouler face contre terre dans un parterre de fleurs délicieusement odorantes. N'ayant rien d'autre à faire, je les comptai : une, deux, trois, quatre, cin...
Mes yeux s'arrêtèrent sur la cinquième. Celle-ci n'était pas ordinaire : sa tige était verte, blanche et très grande et elle n'avait de cesse de trembler. Je levai les yeux.
Ô, surprise ! Ce n'était pas d'une fleur dont il s'agissait, mais de la plus belle créature que mes yeux de mortel n'aient jamais contemplé. Un pelage blanc à l'apparence douce et lisse recouvrait son petit corps frêle et de beaux yeux marron embellissaient son visage d'une innocente pureté. Deux délicates oreilles ressemblant à ces feuilles premières-nées que l'on trouve au printemps se dressaient doucement au-dessus de son angélique figure. Une queue semblable s'agitait plus loin, pleine de cette grâce enchanteresse que seules les femmes savaient apporter.
Brusquement, je revins sur terre. J'étais en train de m'extasier devant... une Phyllali ! Cette dernière me regardait avec de grands yeux apeurés, et ne pipait mot. Je tentai de me relever, de reculer, de m'excuser, mais une soudaine faiblesse s'empara de mes membres et je ne pus lancer qu'un pathétique : « Bon... bonjour. »
La Phyllali parut un peu plus rassurée et continua de me dévisager. Ne voulant pas paraître malpoli –après tout, j'étais aussi un Pokémon-, je me présentai :
- Euh... eh bien bonjour, mademoiselle, je m'appelle...
- Moi, c'est Altaïr, me coupa-t-elle.
Là, elle m'avait surpris. Ce soudain changement de personnalité... C'était vraiment étrange.
- En, enchanté Altaïr, repris-je confus, et moi je suis... euh...
Quel idiot ! Je ne me souvenais plus de mon prénom !
- Tu ne sais plus qui tu es, c'est cela ? subodora la Phyllali.
- Euh... non.
- Tu n'es pas le premier. Mon frère est encore plus idiot que je ne le croyais !
Elle soupira. Finalement, malgré son apparence fragile, elle n'était peut-être pas si timide que ça... ?
- Ton frère ? m'étonnai-je. Qui est-ce ?
- En fait, ce n'est pas mon vrai frère, j'ai été adoptée. Donc, mon « frère » est un Noctali prétentieux, ambitieux et inconscient qui a pour seul but d'accomplir la Transformation Lunaire nonobstant qu'il sache qu'il est trop jeune et que ce rituel ne s'effectue qu'en des circonstances particulières.
Je restai figé de stupeur, la bouche grande ouverte. C'était ce Noctali qui m'avait attaqué !
- Eh oui, tu as deviné, soupira Altaïr. Mon idiot de frère...
Frère. Ce mot... me rappelait...
- Kelly ! m'écriai-je en me relevant. Au revoir, Altaïr, et merci pour tout !
- Attends ! Ils ne vont pas...
Je ne l'écoutais plus et courus à travers champs vers Floraville.
* *
Comment avais-je pu les oublier ? Kelly, Papa, Maman, Chaglam et Malosse ! Ils devaient terriblement s'inquiéter pour moi ! Heureusement, mon nouveau corps me permettait d'atteindre des records de vitesse, et mes yeux perçants m'empêchaient de buter dans les obstacles.
Soudain, j'eus un déclic. Je voyais comme en plein jour, mais... il faisait nuit ! Même les Noctali ne voyaient pas aussi bien que moi à cet instant ! Et...
Je me secouai. Ce n'était pas le moment. Je repris de plus belle ma course vers la maison.
* *
Du haut du piton, le Noctali regardait l'ex-humain courir à travers champs.
Vers Floraville.
Vers chez lui.
Il ricana. L'humain qu'il avait marqué ne savait pas ce qui l'attendait.
En fait... il allait vers son ancien chez lui.
« Maison en vue ! »
Tout émoustillé à l'idée de revoir ma famille, je poussai un hurlement de joie et redoublai de vitesse. Kelly m'accueillerait en pleurant de joie, Maman me prendrait dans ses bras, Papa serait exubéramment soulagé et les Pokémon sauteraient partout. Et moi... je leur raconterais tout. Ils comprendraient et m'aideraient à redevenir comme avant, et l'incident serait vite oublié.
Ça y est, j'étais presque arrivé. Je vis la porte de la maison s'ouvrir, et un rayon de lune s'accrocher à un objet luisant. Qu'est-ce que...
* *
« Aoouuuh ! »
- Papa ! s'écria Kelly, effrayée.
La petite fille alla se réfugier dans les bras de son père, qui la rassura.
Un second hurlement retentit. Kelly se mit à pleurer. Son père la posa sur le sol et se dirigea vers une malle.
L'enfant pleurait toujours.
Sa mère la prit sur ses genoux et la consola. La petite fille se lova contre sa maman.
Se faisant un devoir de protéger leurs maîtres, Chaglam et Malosse attendirent que le Chef prenne son "Bâton-qui-crache-le-feu" et qu'il ouvre la porte pour le suivre et se poster à ses côtés.
- Je l'attends de pied ferme, ne vous inquiétez pas, fit gravement le père en se campant devant la porte, un fusil à la main.
*
Je m'arrêtai net. Une silhouette se dressait devant la porte de la maison. À ses côtés, deux formes sombres se tenaient, à l'affût. J'étais trop loin pour les voir correctement, malgré ma vue perçante. Je continuai donc ma route, mais plus lentement. La silhouette sembla se raidir, et resserra sa poigne sur son tube brillant. Cet objet ne m'inspirait pas confiance... Je me sentais oppressé, en danger. J'avançai plus prudemment, à présent. Bientôt, j'allais pouvoir distinguer les traits des silhouettes. Très bientôt... Maintenant !
Je restai figé de stupeur. C'était Papa ! Papa m'avait attendu avec les Pokémon ! Euphorique, j'oubliai totalement le bâton luisant et me précipitai vers mon père. Je courais plus vite que je n'avais jamais couru.
« Papa ! C'est moi, Jay ! »
J'étais si heureux ! Enfin, je rentrais chez moi ! Tout à mon bonheur, je me tus et laissai les sons me parvenir, tous sans exception.
Ce fut à ce moment que je compris que quelque chose clochait.
Malosse émettait un grognement d'avertissement sourd et on le devinait prêt à l'attaque. Des feulements furieux résonnaient dans la nuit, et l'auteur n'en était autre que Chaglam. Mon père avait levé son bâton et le ramenait contre sa joue. Tout-à-coup, je me souvins du nom de ce bâton.
Un fusil.
Comme dans un rêve, le coup partit.
« HAN ! »
Il m'avait touché à l'épaule. Ma patte ne pouvait plus supporter mon poids. Blessé tant physiquement que moralement, je m'écroulai.
Je regardai mon père, sans comprendre. Pourquoi... pourquoi m'avait-il tiré dessus ?
Avec effroi, je le vis me remettre en joue. Le canon de son fusil luisait d'une beauté effroyable. Comment... comment un si bel objet pouvait-il ainsi décider de vie ou de mort ?
Je fermai les yeux, désespéré. Cette fois, mon père me tuerait.
Mon Papa.
*
Vite ! Je dois le rejoindre !
S'il le fait... Non, je ne dois pas y penser.
Tiens ? Une lueur jaune ?...
... Mon frère. Ce crétin.
À cause de lui, je vais te perdre...
... Skylight.
*
Le monstre me regardait de ses yeux dorés. Mes doigts glissaient à leur vue, j'avais du mal à tenir mon fusil. En serrant les dents, je repensai à Jay.
Plein d'une résignation nouvelle, je raffermis ma prise sur l'arme.
Le monstre va mourir.
Je vais te venger, mon fils.
*
Je vis un humain positionner son doigt, me viser au niveau du cœur, crisper sa main et appuyer sur la gâchette.
Je vis la balle, petit morceau de métal, fusant vers ma poitrine.
Je vis ma courte vie défiler devant mes yeux, souvenirs inaccessibles.
Puis je vis mon Papa.
Celui en qui j'avais confiance.
Celui qui m'avait élevé.
Celui qui allait me tuer. Sans que j'aie jamais su pourquoi je l'avais déçu.
Mon Papa.
*
« PAN ! »
Pan ?
Non !
Je ne peux pas arriver trop tard !
Tiens bon ! Je vais te sauver !
*
La balle...
Si proche...
Dans quelques millièmes de secondes... ce serait la fin.
Adieu...
« NOOOOOOOON ! »
Un éclair jaune et vert s'interposa au dernier moment. Du sang gicla, m'éclaboussant.
Et puis, il se passa autre chose...
... mais je n'étais plus là.
Où suis-je ?
Il fait si sombre, ici !
« Laisse-toi guider... »
Quoi ?
Qui... qui a parlé ?
« Laisse-toi... guider... Ton Sombre... »
Mon... Sombre ? ... Mais...
...
Oui... Je vois... je comprends.
Tiens ? Je me sens mieux... Et je vois mieux.
Avançons.
...
Ooooh ! Mais ! Tu... tu es Shaymin !
« Non... Je suis son esprit. »
Mais, pourtant... malgré tes étranges couleurs et le fait que tu brilles...
« Je suis l'esprit de Shaymin, ce qu'elle est dans le monde des rêves et ce qu'elle sera au Pokéden, près d'Arceus, quand le temps sera venu. »
Ah... Mais...
Que fais-je ici ?
« J'ai à te parler. »
* *
« Non ! »
L'homme se précipita vers le Pokémon qu'il avait touché. Il se pencha au-dessus.
« Qu'ai-je fait ? Mais qu'ai-je fait ?! »
Peu-à-peu, il se rendait compte de toute l'horreur de son geste. Car le Pokémon qu'il avait touché... était le Gardien de la forêt de Vestigion !
Il se retint de crier, et prit son visage entre ses mains, horrifié de lui-même. Il se rendait compte, à présent, que si la Gardienne n'était pas intervenue, il aurait tué un Pokémon. Une de ces créatures mystérieuses et magiques qui peuplaient ce beau monde.
Il releva la tête. Le Noctali était toujours là. D'ailleurs, il n'avait pas l'air si méchant. On l'aurait dit plutôt... terrifié ?! Finalement... peut-être qu'il devrait le soigner ?
Soudain, l'image de son fils lui revint en mémoire. Une douleur poignante prit son cœur en étau.
Non.
Il ne pardonnerait pas.
Sentant les larmes rouler sur ses joues, il prit son fusil, et, la vision troublée, tenta de faire partir le Pokémon Ténèbres. Il ne le tuerait pas. Son fils... Jay... aimait tous les Pokémon, même les plus dangereux. Il n'aurait pas voulu qu'on fasse de mal à un Noctali, si monstrueux soit-il.
Voyant que le Pokémon ne bougeait toujours pas, il fut pris d'un violent accès de colère et leva son bras qui tenait le fusil, puis l'abattit brusquement sur le Noctali. L'arme s'arrêta à quelques centimètres du pelage de celui-ci. Hébété, l'homme dévisagea le Pokémon en face de lui. Ce Noctali avait une drôle de façon de le regarder...
Soudain, il sentit les yeux dorés du Pokémon le happer dans leurs profondeurs, et, ne pouvant résister à cette attraction colossale, son esprit plongea dans les abysses de souvenirs que lui offraient ces perles dorées.
Nous sommes dans une chambre d'hôpital. Sur un lit, une femme se repose, l'air exténué. Dans ses bras, un nourrisson s'ébat joyeusement pendant quelques secondes, puis, fatigué, s'endort paisiblement. Ces personnes... je les connais... ce sont...
À peine ai-je esquissé un geste que le décor se trouble, ses couleurs changent. Je sens une brise fraîche me caresser la joue. Surpris, j'observe le paysage autour de moi. Il est radicalement différent. Avec stupeur, je m'aperçois que je me trouve devant notre maison, à Floraville, peu de temps après le déménagement.
Me souvenant du Noctali, une mélancolie profonde m'envahit, et je tente de toutes mes forces de retourner dans l'instant présent, en vain. Les étranges souvenirs du Pokémon me retiennent prisonnier ici.
Résigné, mais toujours triste, je me décide à observer la vague de souvenirs qui déferlent en mon être. De prime abord, celui-ci.
Je perçois des éclats de voix provenant de la maison. La porte d'entrée s'ouvre, et un petit garçon à l'air guilleret accompagné d'un homme font irruption dans le jardin. Ils parlent d'un ton enjoué. Le petit garçon tient un ballon dans ses mains. Et l'homme...
J'ouvre de grands yeux ahuris. Cet homme... c'est...
Le sol se dérobe sous mes pieds. Je pousse un cri terrifié, et tente de trouver une prise, en vain. Je me sens chuter profond, très profond...
Le sang commence à me monter à la tête, et j'ai mal au cœur. Pourvu que ce supplice s'arrête vite !
Soudain, un choc violent sous mes pieds vient stopper ma chute. Je serre les dents. Pour être rapide, c'était rapide... Je ne sens plus mes jambes !
Je m'assois péniblement sur le sol et tente de remettre de l'ordre dans mes idées. D'abord, ce premier souvenir. L'hôpital. Les Pokémon n'ont pas le droit d'entrer dans ce genre de bâtiment. Que faisait là ce Noctali lors de ces évènements ?