Voila trois jours que Mathieu dormait chez sa mère. Après avoir fait le tour du pays et accomplis son objectif, il s'est dit que lui rendre visite et rester sur place quelques jours lui ferait plaisir, et de son côté ça lui permettrait de prendre un repos bien mérité. Et cela faisait deux nuits qu'il entendait un étrange bruit venant du grenier... Il se souvenait petit avoir peur la nuit lorsque le vent soufflait dans le grenier mais le bruit qu'il entendait maintenant n'était pas le même, on aurait plutôt dit une plainte ou un appel... Va savoir quel bestiole loge dans le grenier ! Mais il en avait parlé à sa mère suite à la première nuit et elle était alors montée au grenier. "Il n'y a rien là haut" lui avait-elle dit, "rien à part les affaires de ton père que j'ai gardé, et aussi tes vieux jouets". Ses vieux jouets... Et si c'était ? Il ne savait former sa pensée avec des mots mais il avait l'impression de pouvoir dire ce qui engendrait ces bruits, comme s'il en avait autrefois connu la cause mais qu'il ne s'en souvenait tout simplement pas.
Mais pourquoi était-ce lorsqu'il s'était évoqué à lui même ses vieux jouets que cette impression lui était venu ? Cela avait-il un rapport ?
Il sombra alors petit à petit dans le sommeil avec comme pensée qu'il ne se souviendrait probablement pas de cette réflexion demain, mais peu importe, dormir était plus important.
Mais le bruit se fit de nouveau entendre, juste au moment où il allait entrer dans un profond sommeil, ce qui eu le don de l'irriter !
"Bon, je ne suis plus un môme qui a peur du noir" se dit-il à lui même, "je monte là haut et je cherche ce qui peut bien faire ce foutu bruit, ensuite je retourne me coucher". Il sorti de sa chambre, sans trop faire de bruit car il aime le respect et déranger quelqu'un dans son sommeil est à ses yeux une marque d'irrespect qu'il désapprouve énormément, hors de question de faire du bruit et de réveiller sa mère donc. En réalité, il n'avait pas non plus envie de se faire entendre si l'origine du bruit était capable d'entendre.
Il ne monta pas au grenier directement, il descendit d'abord à la cuisine sans allumer les lumières, il n'en a pas besoin puisqu'il connait la maison par cœur et peut donc s'y déplacer les yeux fermés si l'envie lui en dit, sa mère n'ayant effectué que peu de changement depuis son départ (nouvelle cuisinière, nouveau canapé et nouveau papier-peint dans le salon et dans la salle de bain, voila les seuls changements majeurs au cours de ses années d'absences), il se servit un bon verre d'eau qu'il bu immédiatement et une lampe de poche, il en aurait certainement besoin car il savait que le grenier n'avait pas été refait et que le circuit électrique était en piteux état. Peut être même n'y a t-il plus d'ampoule ?
Bref, la lampe de poche en main, il remonta les escaliers, toujours en faisant le moins de bruit possible ce qui était tâche ardue avec ces vieux escaliers en bois qui ont tendance à grincer pour un rien.
Arrivé devants la porte du grenier, une hésitation le stoppa : ce n'était peut être plus un enfant mais malgré ça, il avait l'impression qu'une nuit noire et silencieuse, quelques pensées drôles et l'un ou l'autre bruits suspects venant perturber le long silence suffisaient à faire ressurgir son âme d'enfant apeuré. Il se demandait d'ailleurs avec une pointe de honte si c'était pareil pour tout le monde ou s'il manquait effectivement de courage.
Il était donc là, debout dans le noir à se poser ces questions... Il se trouva alors un peu ridicule et entrepris d'ouvrir la porte. La lampe qu'il tenait en main était toujours éteinte mais il n'allait pas tarder à l'allumer, à moins qu'il renonce à monter au grenier et qu'il retourne dormir, après tout il n'avait plus entendu le bruit depuis qu'il était sorti de son lit (et si le bruit en question venait de sa chambre ? Non, il ne savait dire pourquoi mais il était certain que cela venait du grenier) ou que le bruit se fasse entendre de manière menaçante, sur quoi il se ficherait bien de savoir que ses peurs enfantines pouvaient l'emporter et irait se planquer sous sa couette.
Mais voila, il avait ouvert la porte et il était déjà en train de monter les escaliers qui menait au grenier. Ceux-ci avait beau être aussi en bois et bien plus vieux que ceux qui mènent au premier étage, ils ne grinçaient pas, ou très peu du moins, Mathieu n'en était pas sûr. Il alluma sans vraiment y prêter attention sa lampe de poche.
Arrivé en haut des escaliers, il s'immobilisa et fit balancer le rayon lumineux de la lampe dans tous coins. Bien qu'il n'y eu rien de suspect, il était en chair de poule et des frissons lui donnait froid... A moins que ce soit le froid qui lui donnait des frissons, après tout des trous parsèment le toit. "Mais non, nous sommes en juin, bientôt juillet même, et la nuit est douce, tu es juste un froussard, voila pourquoi tu as la chair de poule !". Il avait un doute, il ne savait pas s'il venait de se parler à lui même, s'il venait de parler malgré lui à haute voix ou si c'était quelqu'un qui venait de lui parler. Il avait en effet la bizarre certitude que sa dernière pensée, si c'était bien la sienne, avait une sorte de matérialité, chose que n'ont pas les paroles que l'on se formule dans la tête. "Bah ! Tout ça le stress, je suis fatigué, j'ai dû me parler à voix haute sans m'en rendre compte et me surprendre moi-même" pensait-il. "Faisons vite-fait un tour et retournons nous coucher".
"Je pourrais venir avec toi ?" lui demanda une voix qui ne sembla pas humaine. Il resta pétrifié, se demanda s'il avait bien entendu ce qu'il cru entendre. "Dis, je pourrais venir avec toi ? Je me sens seul ici, depuis tellement longtemps..." lui dit la voix. Il en est certain, ou presque car peu de chose lui semble certaine à présent, la voix qu'il entend est bien réelle, ce n'est pas la sienne non plus, elle n'a rien d'humaine bien qu'elle semble légèrement enfantine, elle est froide et chargé d'une certaine douceur étrangement, mais il a l'impression qu'une menace pèse dans la question qu'on vient de lui poser.
"Qui est-ce !?" dit-il tout haut en parcourant de nouveau le grenier de sa lampe de poche. "Qui est-ce ?" répéta-t-il presque immédiatement, trahissant son état de stress. Il avait envie de redescendre les escaliers, mais si c'était sa mère ou n'importe qui d'autre qui lui faisait une farce, il aurait tellement honte qu'il n'oserait plus partir de chez ses parents avant un sacré bout de temps. Ou pire, si la chose qui lui parle est bien autre chose qu'un être humain et que la menace qu'il sent peser au dessus de sa tête est réelle, il craindrait trop que la chose qui lui parle le suive et le rejoigne dans sa chambre, ou profite de sa fuite pour lui sauter dessus.
Mathieu n'osa pas bouger et un moment de silence et d'immobilisme totale s'en suivit.
C'est lorsqu'il allait enfin bouger que la voix se fit de nouveau entendre. "Tu ne te souviens pas de moi Mathieu ? Tu n'es donc pas venu pour moi !?".
"Barnie !" s'écria-t-il en lui même. Barnie ? Mais qui est Barnie ?
"Tu m'as donc oublié..." dit la voix, chargé de tristesse et de regret, "moi je ne t'ai pourtant jamais oublié !" ajouta la voix avec une colère non dissimulée.
Mathieu n’eut qu'une envie, prendre ses jambes à son cou, tant pis pour ce qu'il adviendra mais il n'y arrivait pas, comme si une étreinte invisible l'empêchait de bouger.
Il lui sembla alors voir quelque chose bouger là où ses vieux jouets sont entassés, dans des cartons poussiéreux, et il se rappela alors qui était Barnie.
Une silhouette émergea de l'obscurité, il n'avait plus la même forme mais il reconnu Barnie, c'était bien lui, il en était sûr.
...
Lorsqu'il était un petit enfant, Mathieu était très timide, et si les araignées ne lui faisaient pas peur, parler et jouer avec les autres enfants lui inspiraient de la crainte, au point de n'avoir aucun ami.
Son père, qui était bricoleur et aussi un peu artiste et qui surtout s'inquiétait de voir son fils passé ses journées à s'ennuyer seul dans son coin, lui avait confectionné un jouet ou une peluche, appelez ça comme vous voulez. Il le lui avait donné et lui avait dit "Regarde Mat', je te présente Barnie ! Il a très envie de jouer avec toi mais lui aussi est très timide, il m'a demandé de te demander si tu es d'accord pour jouer avec lui ?". Mathieu lui avait alors sourit et pris Barnie, il était ensuite parti en courant, faisant voler Barnie en le tenant à bout de bras.
Barnie était son premier ami et c'est en jouant avec que Mathieu gagna suffisamment de confiance pour ensuite se faire un second ami, un autre petit garçon cette fois. Et c'est en jouant avec cet autre garçon à la récréation qu'il se fit encore de nouveaux amis, et c'est grâce à ces nouveaux amis qu'il se fit encore d'autres amis, et c'est grâce à tout ces nouveaux liens qu'il avait tissé que petit à petit Mathieu vaincu sa timidité et que Barnie, premier ami de Mathieu, avait été relégué au rang de simple poupée.
Si Barnie gardait cependant une place particulière dans le cœur de Mathieu et qu'il trônait sur le haut d'un meuble en face de son lit, il fût cependant jeté dans une boite lorsque le père de Mathieu décéda, à cause du pincement au cœur que Mathieu ressentait chaque fois qu'il regardait Barnie, lui rappelant son père.
Si Mathieu ressortait Barnie de temps en temps de sa boite, notamment lorsqu'il avait une dispute avec un de ses amis ou avec sa mère, il finit par l'y oublier pour de bon avec le temps, et lorsqu'il parti de la maison pour entreprendre son voyage, sa mère rangea la boite où résidait Barnie avec les autres cartons à jouets au grenier.
...
Mathieu n'avait pas pensé une seul fois à Barnie pendant son voyage mais Barnie lui ne l'avait pas oublié.
Barnie est très triste et il est tout autant en colère. Il s'est échappé du grenier à maintes reprises la nuit pour explorer les environs dans l'espoir de retrouver Mathieu, et lorsqu'en début de semaine, il l'avait vu rentrer à la maison, il pensait que Mathieu se précipiterait au grenier pour le sortir de sa boite et le serrer dans ses bras comme il le faisait lorsqu'il était petit. Mais non ! Alors il l'a appelé la nuit précédente et la nuit d'avant mais Mathieu n'était pas venu. Et voila que maintenant, ce lâcheur de Mathieu venait enfin lui rendre visite et cette Pauvre MERDE ne se souvenait pas de lui !?
Maintenant Mathieu se souvenait de lui, du pauvre Barnie abandonné, seul et triste, mais c'était trop tard, Mathieu doit payer et il va payer, il n'a plus le choix !