Chapitre : Une Nuit de Songe à Kalos.
Mois X, Jour X, Année, X
Le train filait, fendant les vertes prairies et les pâturages émeraudes à toute allure, scindant les bois et les forêts couleur de jade aussi rapidement qu'un éclair métallique, perçant les montagnes d'argent à toute vitesse.
Toujours plus loin, toujours plus vers l'Ouest.
La sagesse populaire disait que ceux qui voyagent vers l'Est sont tournés vers le passé, ceux qui s'orientent vers l'Ouest voyagent vers l'avenir. En l’occurrence, pour nous, c'était surtout un voyage vers une terre inconnue et nouvelle, une terre qualifiée comme étant « de beauté ».
Un voyage vers une nouvelle source d'inspiration pour Siléas, une nouvelle réalité que son imagination débridée et enthousiaste s'apprêtait à déformer, détourner et maltraiter pour le bien de ses lecteurs.
Un voyage vers la région merveilleuse de Kalos...
Siléas consultait un petit guide touristique en s'éventant doucement avec son chapeau d'explorateur à la mode Massachussets Jones, et s'exclamait à chaque page sur un ton d'extase :
-Oh, le joli château !
-Oh, quelle ravissante petite ville !
-Oh, cette tour !
-Oh, ce phare !
-Oh, ces menhirs !
-Oh, cet énorme cristal !
Ponctués entre chaque d'un :
-Ladikara, tu as vu le joli château ?
-Ladikara tu as vu la belle petite ville ?
-Ladikara, tu as vu la tour ?
Etc, etc.
Et auquel je répondais inlassablement :
-J'ai vu, Siléas, j'ai vu. Je l'ai lu avant toi, ce truc...
Avant de me replonger dans mon propre livre, un fameux traité psychologique intitulé « L'Auto-Estime et la Culture du Soi en Rapport aux Perceptions et Jugement de l'Autre – Pour les Nuls », également sous titré « Comment s'aimer quand les autres ne vous estiment pas pour ce que vous êtes – pour les nuls ». Étrangement ce livre n'avait pas de dédicace « A tous mes nuls de lecteurs... ».
Et ainsi passait l'après midi tranquillement. Nous devions arriver à la petite ville de Mozheim en fin d'après midi, puis prendre une correspondance qui nous mènerait dans la plus grande cité de Kalos en soirée.
J'avais hâte de voir la grande tour d'Illumis, connue mondialement, et la fameux cristal rose géant de Flusselle. Siléas, lui, avait hâte de voir toute la région -comme toujours. Mira restait égale à elle-même, et continuait ses efforts pour apprendre à parler en babillant ses « Sir... Sirl... Sirleas... Rloady... Koara... », en planant tranquillement au milieu du wagon, indifférente au reste du monde, en brave cryptéro qu'elle était. Solaris avait été très enthousiaste à l'idée de découvrir une nouvelle région et de nouvelles espèces de pokémon. Surtout qu'il en avait vu en forme d'épées que mon explorateur de maître avait trouvé dans un livre. On avait alors eu droit à trois jours de bavardages incessants sur lesdites créatures de la part de l'explorateur, et la chenille de feu avait finit par être contaminé par l'impatience de l'humain du groupe. Quant à Ration, il restait égal à lui-même, bullant tranquillement dans sa pokéball, attendant -ou pas- le jour où enfin peut-être, son nom prendrait tout son sens et deviendrait sa fonction.
En fin d'après midi, une employée de la compagnie des trains passa avec son chariot chargé de snacks et autres cochonneries ultra-caloriques, mais surtout de boissons chaudes.
Siléas lui commanda un café serré sans sucre et j'eus droit à un commentaire offert sans édulcorant :
-Oh, ça alors ! Une gardevoir qui sait lire !
Je fermai sèchement mon torchon sur l'auto-estime, et répliquai :
-UN gardevoir.
Le visage de la dame-bonbon s'illumina :
-Oh, ça alors ! Une gardevoir qui sait lire ET parler !
J'allai m'emporter quand je vis le petit sourire en coin de mon ami et frère, trahissant le fou rire qu'il essayait de réprimer. Finalement, j'avais trouvé la réponse que je cherchais dans le livre que je lisais. Comment s'aimer quand les autres ne vous estiment pas à votre juste valeur ? Réponse : en leur jetant le présent objet à la figure.
-Aie ! Hé, ça fait mal ! Excusez-le mademoiselle, « Lady Kara » a ses humeurs. Il prendra un thé vert. Sans sucre. Et avec des gâteaux à la cannelle si vous avez.
C'était le bon côté avec Siléas. Il était moqueur dès que quelqu'un tapait dans mon point sensible, mais il me connaissait bien et savait arrondir les angles avec moi. La demoiselle nous servit, finit par s'en aller, et je dis à mon ami, boudeur :
-Pfff, à quoi bon aller ailleurs, si les gens là-bas sont aussi idiots avec les gardevoirs que chez nous ?
Mira mit son grain de sel dans la conversation :
-Rlôady... Lôa... Kôara...
Il répondit avec son sourire habituel et en me tendant le paquet de petits gâteaux :
-Ah mais mon cher Ladikara, c'est parce que les idiots de là-bas vivent dans des endroits intéressants et différents des idiots de chez nous. Je suis sûr que ça va te plaire. Et comme le dit ton écrivain préféré : « revenir chez soi n'est pas la même chose que de ne jamais en partir ».
Je ne répondis que d'un « Grmpf » boudeur, ramassait l'amas de papier qui me servait de livre et repris ma lecture.
Lorsque nous débarquâmes à Mozheim, un épais brouillard régnait sur la ville. Une purée de pois grise et humide qui masquait le monde merveilleux auquel nous nous attendions. Siléas nous traîna jusqu'au belvédère des cascades : un appontement en bois d'où nous pûmes admirer une magnifique brume grisâtre à la transparence d'un mur en béton armé. Mais ce point était l'attraction touristique de la ville, aussi, nous pûmes admirer ce spectacle désolant avec les bruitages et grondements de chute d'eau inclus. Mais il en fallait plus pour entamer l'enthousiasme d'un Siléas en plein démarrage d'aventure.
-Tu te rends compte Ladikara ! Derrière ce brouillard, il y a des cascades parmi les plus belles au monde !
-J'ai froid.
Il m'ignora :
-Tu les entends ?
-Tellement interactif comme attraction...
-C'est formidable !
-Je suis tout trempé !
Il me fit un grand sourire.
-Exactement ! On s'immerge dans le paysage ! On baigne dans l'ambiance locale !
Je soupirai.
-Tu rêvais de la faire celle-là, hein ?
Son excitation sembla retomber l'espace d'une seconde.
-Oh allez... Une nouvelle région !
-Il serait plus juste de dire « ENCORE une nouvelle région ».
-C'est ça l'aventure !
-Je la préfère au sec, au chaud, avec un thé, des petits gâteaux et un bon livre.
Il posa ses mains sur ses hanches et me regarda d'un air qu'il voulait sévère.
-Tu te moques de moi ? Tu as déjà eu tout ça dans le train !
Je croisais mes bras sur ma poitrine. Quand on partait comme ça, les discussions pouvaient durer longtemps.
-Pas du tout. Dans le train j'étais au sec, au chaud, j'avais un thé, des petits gâteaux infâmes, et surtout pas de bon livre.
Son petit sourire en coin réapparut.
-Des petits gâteaux infâmes ? Fallait me le dire, si tu veux j'ai un relicanth en réserve !
-Laisse Ration en dehors de ça ! Et rentrons, j'ai froid.
Ses yeux se firent plus moqueurs.
-C'est dans des cas comme ça où je me dis que je n'aurais vraiment pas dû égarer ta pokéball.
Je lui rendit son rictus malicieux.
-Une pokéball ? Qu'est-ce que j'en ferai ? Tu me prends pour un pokémon ou quoi ?
Nous éclatâmes de rire simultanément. Finalement, il contempla une dernière fois la nappe brumeuse qui s'étalait devant nous et soupira. Il était clairement déçu. Notre première nuit à Kalos aurait dû être une nuit de conte de fée, à arpenter les rues d'Illumis et découvrir sa vie nocturne...
Une nuit de rêve, une nuit de songe...
Mais au lieu de cette nuit de songe, nous avions une nuit à songer au lendemain et à toutes les merveilles qu'il nous réserverait... Mon ami soupira.
-Tu sais quoi ? Finalement je crois que je vais annuler le billet de train de ce soir et réserver à l'hôtel. Comme ça on pourra voir les cascades demain, qu'est-ce que tu en dis ?
J'étais parfaitement d'accord.
Le lendemain en question, Siléas nous réveilla aux aurores, espérant voir les chutes d'eau dans la beauté dorée et chaudement irisée d'un lever de soleil. Mais le temps ne s'était pas arrangé pendant la nuit. L'astre du jour se leva sur la grisaille qu'il perçait difficilement de ses rayons, avant de laisser place à une pluie terne et froide. Siléas se résigna sur un :
-Il faut parfois savoir faire des pauses dans l'aventure pour se reposer et reprendre des forces...
Il en profita donc pour écumer tous les guides touristiques de l'hôtel, au grand désarroi du gérant qui eu quelque mal à satisfaire la curiosité débordante d'un Siléas bouillonnant d'excitation pour sa nouvelle quête, et de son gardevoir en mal de « trucs à lire, tant qu'il n'y a pas « Pour les nuls » dans le titre... ».
Finalement Siléas regagna notre chambre, s'assit sur une chaise devant une de ces minuscules tables qu'on trouve dans tous les hôtels, prit Solaris sur ses genoux en guise de bouillotte et se mit à rédiger le premier chapitre du premier tome des « Formidables Aventures de Siléas Ysalea à Kalos ».
Ladikara.
PS : Bien décidé à le charrier, histoire de sortir un peu de cette monotonie ambiante, je pris un crayon et ajoutai ma touche personnelle au titre :
« Les Formidables Aventures de Siléas Ysaléa à Kalos – Pour les Nuls ». Il sourit.
-Tu as vraiment quelque chose contre cette série, hein ?
Je haussai les épaules devant une telle évidence.
-Elle a tendance à prendre ses lecteurs pour des zéros.
Il rajouta sa touche personnelle :
« Dédicace : A mon nul de gardevoir.... »
Je l'avais cherchée celle-là...
*** ***
Les Formidables aventures de Siléas, Ladikara et Mira Ceti – Pour les Nuls,
écrit par Siléas Ysalea.
Chapitre 1 : Une Nuit de Brume à Kalos.
Le train fonçait, traversant les champs verdoyants et les cultures couleur péridot à toute vitesse, sillonnant les sylves et les jungles à la teinte malachite aussi prestement qu'une foudre d'acier, serpentant à travers les sommets ivoiriens à toute allure.
Vers l'Ouest, vers le Futur...
Ladikara dans sa grande manie à contrarier les adages et les clichés, n'avait pu s'empêcher de lui demander une fois : « Donc si on voyage vers l'Est, et dans la mesure où la terre est ronde, c'est un Retour vers le Futur ? » Mais quoiqu'en dise le gardevoir, ça restait une nouvelle région à explorer, de nouveaux mystères à révéler, et qui sait ? Peut-être de nouveaux ennemis à affronter...
Siléas y réfléchissait et tentait tant bien que mal de contenir son impatience tandis que le serpent de métal qui les transportait dévorait la distance qui les séparait de cette nouvelle et merveilleuse région.
Hoenn, Poëll, Kanto, Johto, Shinnoh, Unys... Ils en avaient vu des régions. Mais en découvrir une nouvelle lui faisait toujours le même effet. Toujours cette même excitation qu'il avait ressentie lorsqu'il avait 17 ans et qu'il avait pris la route pour la première fois, en compagnie de son ami et frère à la robe blanche et verte -symboliquement la lumière et l'espoir...
Bien sûr il s'était enrichi depuis. En pokédollars certes, mais également en réputation, en compagnons de route, en découvertes, en expériences et bien sûr en années...
Ladikara lui, lisait tranquillement un livre hautement philosophique « De la Nullité à l'Estime du Soi » – ou quelque chose comme ça, tandis que Mira babillait, que Solaris sommeillait dans sa ball et que Ration se contentait-d'être lui-même.
Le train devait les déposer dans la petite ville limitrophe de Mozheim en fin d'après midi. Cette mini-cité était réputée pour ses cascades. Mais il ne purent en voir grand chose, à cause d'un brouillard, aussi dense et humide qu'une bouillabaisse congelée. Siléas sentait qu'il y avait quelque chose d'étrange dans cette brume épaisse. Le petit groupe avait à peine eu le temps de déposer ses bagages que déjà, l'aventure les accueillait à bras ouverts...
Juste après le déjeuner, ils étaient remontés dans leur chambre, décidés à regarder la télévision, surtout les informations du coin qui leur permettrait de s’imprégner des histoires locales. Et le présentateur télé en avait une bonne à raconter : l'énigmatique brume qui stagnait sur Mozheim continuait d'envelopper mystérieusement la ville. Elle ne se levait pas, elle ne se bougeait pas. Elle restait là, plongeant le tout dans une grisaille froide et déprimante. Et personne, que ce soient les rangers pokémons, ou les météorologues -entre autres spécialistes- ne savait d'où provenait l'origine de ce mystère...
Une seule chose brillait dans cette histoire : le sourire fleurissant de Siléas devant une nouvelle énigme à résoudre... Il se leva soudain et s'exclama :
-Les amis, il faut qu'on s'occupe de cette éminence grise !
Ladikara soupira.
-Je savais que tu dirais ça.
-Un peu d'enthousiasme ! On y va !
-Maintenant ? Mais il va bientôt faire nuit !
-Oui, tout de suite ! Il se passe toujours plein de trucs intéressants la nuit !
Le gardevoir haussa les épaules.
-Même avec des trucs intéressants, je doute vraiment qu'on tombe sur des pièges mortels ici...
Ladikara et son éternelle lubie...
L'explorateur et son bel assistant s'emmitouflèrent donc dans d'épais manteaux, et l'humain du groupe s'équipa de son fameux Chapeau du Vent, décida de ne pas prendre sa Pelle de la Terre pour éviter que l'humidité ambiante ne la rouille, et ils sortirent affronter la grisaille qui s'assombrissait. Les lampadaires de la ville commençaient à s'allumer, mais leur halo était contenu et limité par l’opacité de la brume ambiante. Ladikara commença d'emblée à ronchonner :
-Bon, alors, on va chercher de quel côté maintenant ?
Siléas posa une main sur son chapeau et baissa la tête, geste qu'il faisait toujours lorsqu'il réfléchissait. Il se mua dans un silence le temps d'une longue minute, puis il remonta le col de son manteau marron et déclara :
-Élémentaire mon cher Ladson...
Ladikara soupira.
*** ***
Mois X, Jour X, Année, X
Je soupirai. Bonjour le cliché ! Comme d'habitude, je ne me privai pas pour exprimer le fond de ma pensée à Siléas. Il se contenta de hausser les épaules et de déclarer :
-Oui, mais c'est ce qui plaît au lecteur. L'inter-truc-alité. De faire des références, des trucs comme ça !
-L'intertextualité.
-Voilà, ce truc-là !
Patiemment, je lui répliquai :
-Ok, les références ça plaît. Mais il ne faut pas confondre références et clichés. Ça, c'est un cliché.
Moqueur, il rétorqua :
-Cliché, cliché...Tu te répètes mon cher Ladikara. Ce n'est pas très littéraire tout ça...
Il ne l'emporterai pas cette fois.
-Mon cher Monsieur Ysalea, permettez-moi en toute amitié de vous aviser que votre pénultième lexie s'apparentait fort à un poncif avec lequel il conviendrait de rompre...
Il m'interrompit :
-Ca va, ça va, j'ai compris, « Ladicharabia ». Mais je ne changerai pas ça !
Ladicharabia !? Ca, il allait me le payer...
Ladikara.
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Les Formidables aventures de Siléas, Ladikara et Mira Ceti – Pour les Nuls,
écrit par Siléas Ysalea.
Chapitre 1 : Une Nuit de Brume à Kalos. - Partie 2
Ladikara soupira puis râla :
-Ne me donne pas de noms bizarres ! Et je ne vois pas en quoi ce serait « élémentaire » Sherléas !
Le concerné leva un index d'un air sérieux.
-C'est d'une logique évidente ! Le brouillard, c'est de l'eau qui s'évapore ! Même lorsque c'est pas naturel, ça reste de l'eau. Donc si on trouve l'endroit d'où l'eau s'évapore, on trouvera sans doute ce qui provoque ça ! Les responsables de cette brume, ou autre chose... Et l'eau c'est l'un des quatre éléments. Donc c'est forcément élémentaire, mon cher Ladson !
Ladikara ne sembla pas convaincu et hésita entre répliquer sur les surnoms bizarres, ou simplement faire remarquer que, dans une ville réputée pour ses cascades et ses rivières, la recherche pourrait prendre un certain temps vu qu'il y avait de l'eau partout, d'autant plus que si la brume était provoquée par un être vivant, il n'y avait aucune garantie que ce dernier attende tranquillement qu'ils viennent chambouler ses plans.
Il opta pour cette seconde option, à laquelle Siléas répondit :
-Oh et tu as un meilleur plan, toi peut-être ? Tu préconiserais quoi, hein ?
-Un chocolat chaud. Avec de la cannelle. Et de la vanille.
L'explorateur préféra ignorer cette dernière suggestion.
-Commençons déjà par aller voir près des cascades.
Ce qu'ils firent. Ils se rendirent tout d'abord au belvédère en bois qui permettait d'admirer les fameuses chutes d'eau, mais il n'y avait pas âme qui vive. Par un temps pareil, les gens, humains comme pokémon, préféraient rester chez eux, au chaud, surtout de nuit. « Et on les comprend » avait commenté le gardevoir. Ils allèrent ensuite voir dans les hauteurs de la ville s'ils trouvaient plus d'indices, mais leurs recherches demeurèrent infructueuses. Voyant que le pokémon blanc s'apprêtait à récidiver avec les protestations, Siléas prit les devants :
-Bon, et bien maintenant il nous suffit de longer le courant pour découvrir quelque chose !
Ladikara souffla.
-En amont ou en aval ? Décide-toi bien, on a pas toute la nuit...
Siléas se tourna vers son assistant d'un air contrarié.
-Mais tu vas arrêter de râler, oui ? La nuit ne fait que commencer !
-Oh oui, et quelle nuit de rêve... Une vraie nuit de « je songe à retourner me coucher ! »
Mais Ladikara avait soulevé un point juste. Longer la rivière en amont ou en aval ? La source du brumeux problème pouvait se trouver n'importe où... Siléas commença à réfléchir, mais son ami, transi de froid, coupa court à toute réflexion :
-Bon, allez, on monte.
L'explorateur regarda son assistant avec surprise.
-Hein ?
Le gardevoir leva un index et déclara d'un ton très formel :
-Élémentaire mon cher Watléas ! Le brouillard, c'est généralement un truc qui part du sol et qui monte vers le ciel, un phénomène d'évaporation. Donc, pour que le brouillard enveloppe la ville, il faut qu'il parte d'en-dessous de la ville. DONC il doit sans doute partir de l'aval de la rivière. SAUF QUE quelqu'un d'assez intelligent pour élaborer un plan consistant à paralyser une ville par la brume doit aussi être assez malin pour ne pas rester sur le lieux de son forfait. Donc il ne doit pas se trouver en bas, mais ailleurs ! Et quel est le meilleur ailleurs que l'opposé d'où l'on est censé être ? Donc le coupable doit être en amont. En route !
Et joignant le geste à la parole, il ignora l'aventurier qui avait pris un air ahuri face à un tel revirement d’attitude et surtout face à une telle logique, et commença à chercher un chemin pour longer la rivière par le haut..
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Mois X, Jour X, Année, X
Siléas se tourna vers moi, et me regarda d'un air surpris et amusé.
-Je fais de mon mieux pour ne pas te faire passer pour un salaud et un sadique, mais t'es quand même sacrément tordu, tu le sais ça ?
Je lu rendit son sourire :
-Ne fais pas semblant de ne pas avoir l'habitude et de ne pas aimer ça.
Ladikara
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Les Formidables aventures de Siléas, Ladikara et Mira Ceti – Pour les Nuls,
écrit par Siléas Ysalea.
Chapitre 1 : Une Nuit de Brume à Kalos. - Partie 3
Voyant que son gardevoir s'était enfin décidé à faire autre chose que de la production de protestations à la chaîne et n'avait surtout pas la moindre intention de l'attendre, Siléas se hâta derrière lui.
Ils trouvèrent finalement un petit chemin de terre boueux qui menait au sommet des chutes d'eau. Siléas avait pris soin d'emmener une lanterne électrique empruntée à l'hôtel avec lui et l'alluma. Il fit également sortir Mira et lui confia l'objet afin qu'elle puisse les éclairer avec un peu de hauteur. Le terrain était complètement inondé par l'humidité ambiante et ils n'y voyaient goutte, la lueur de leur lampe mobile aussi étouffée que celle des luminaires urbains. Plusieurs fois, Siléas faillit glisser en risquant de chuter comme l'élément liquide, mais Ladikara parvenait à le rattraper avec ses étranges pouvoir psys.
La berge qui bordait la rivière n'était pas dans un meilleur état, et plusieurs fois, ils manquèrent de peu le plongeon forcé.
Assez rapidement, le cours d'eau entrait dans une forêt luxuriante -et trempée. L'explorateur commençait même à sentir humidité percer à travers son manteau et lui saisir les os.
Il se demandait également si cette piste qu'il suivait était tracée par leur coupable où si c'était un chemin de troupeaux pokémon. Peut-être les deux. Au bout d'un moment le petit sentier se dégageait du lit de la rivière pour s'enfoncer un peu plus profondément dans les bois.
Le groupe fit une halte, et l'aventurier demanda à son bel assistant :
-Tu es sûr qu'on ne fait pas fausse route ?
-Aucune idée.
-J'ai vu des traces de pokémon sur le chemin, tu crois qu'il y a un lien ?
-Aucune idée.
-Et... tu as une idée de ce que tu fais, hein ?
Ladikara le regarda droit dans les yeux.
-Aucune. Idée.
Siléas était choqué.
-Tu plaisantes !
-Oui.
Et sans prêter attention à la complainte de son ami sur les gardevoirs dissidents et l'idée séduisante d'acheter un fouet, Ladikara reprit la tête du convoi.
-Ce sentier est emprunté fréquemment par des pokémons. Tu as vu leurs traces, elles sont assez fraîches. On va forcément tomber sur quelqu'un qui pourra nous renseigner.
Mais ils ne tombèrent pas sur un habitant local. Au lieu de ça, ils découvrirent...
*** ***
Mois X, Jour X, Année, X
Je sifflai en voyant la suite.
-Tu es sérieux ?
Il me sourit.
-Tu aimes mon idée ?
-Beaucoup.
Son sourire s'élargit, il referma son cahier bleu d'un claquement sec et annonça joyeusement :
-Tu connaîtras la suite demain, alors !
Il rappela Solaris dans sa ball, enfila son pyjama, fit un détour par la salle de bain et se jeta sous ses draps. Je l'imitais.
-J'ai besoin de ré-imaginer d'autres choses. J'espère que le brouillard se sera levé demain... Debout aux aurores les amis !
J'espérais également que la météo serait plus clémente le lendemain. Mais déjà, par la fenêtre, on voyait pointer timidement des étoiles à travers les volutes vaporeuses qui se dispersaient de plus en plus dans le ciel, ce qui était plutôt de bon augure.
Et surtout j'espérais que les cascades monopoliseraient son esprit et qu'il lâcherait le fascicule qu'il avait trouvé le midi même parmi les brochures touristiques de l'hôtel.
Siléas s'était plongé dans ces quelques pages avec passion, délaissant totalement de sa Flammekueche me regardant fixement après avoir examiné chaque nouvelle page en affichant un petit rictus, voire même en ricanant sournoisement.
Je commençais vraiment avoir peur des idées que cette pub sur le toilettage culturel des couaffarels allaient lui donner à mon sujet...
Rien que l'idée me donnait des frissons. Avec un peu de chance je pourrais peut-être dévier son attention sur Solaris... J'allais passer une nuit de songes étranges...
Cela dit, il ne fallait pas que les chutes d'eau le distraient trop au point qu'il en oublie son chapitre. J'avais vraiment hâte de découvrir ce que nos alter-égos fictifs allaient découvrir avec le train en ruine qu'ils avaient trouvé...
Ladikara
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Les Formidables aventures de Siléas, Ladikara et Mira Ceti – Pour les Nuls,
écrit par Siléas Ysalea.
Chapitre 1 : Une Nuit de Brume à Kalos. - Partie 4
Le vieux train rouillé se dressait majestueusement au milieu de la clairière dans laquelle ils venaient d'entrer. Il avait une vieille locomotive à vapeur, comme on en voyait dans les films et les images des musées et livres d'Histoire. En s'approchant, les aventuriers remarquèrent que des rails étaient engloutis sous les mousses et les feuilles mortes, formant un léger relief au sol. En faisant le tour, le trio nota également que la locomotive était amarrée à trois wagons qui étaient envahis par la végétation, et dont les fenêtres étaient légèrement trop surélevées et masquées par diverses plantes pour qu'ils puissent voir à l'intérieur.
Ils décidèrent donc d'entrer... Avant que la lubie sur les pièges mortels de Ludikara ne refasse surface.
-C'est sûrement un train fantôme qui va nous piéger pour nous emmener en enfer !
Siléas soupira.
-Et il va rouler sur quoi ? Il n'y presque plus de rails !
-Ah, parce que tu crois qu'un train fantôme à besoin de rails pour rouler ?
Mira profita de ce moment pour se rephaser avec la réalité et ajouter sa contribution :
-Cryptéro ! Cry !
Nouveau soupir.
-Franchement, vu comme il a été parasité par les organismes végétaux, ce train a plus l'air vivant que fantomatique. C'est sûrement la brume qui fait cet effet-là...
Mais malgré son intention d'être rassurant, ce n'était pas tout à fait la bonne réponse à donner à un pokémon psy pas très très porté sur les spectres...
-Tu veux dire que...C'EST UN MORT VIVANT !?
L'explorateur agita les bras en signe d'exaspération.
-Bien sûr que non ! C'est une machine ! C'est que du métal !
Un court silence lui répondit. Puis son gardevoir rétorqua :
-Les métalosses et les cliticlics aussi.
Troisième expiration exagérée.
-Oui, mais ça ce sont des pokémons. Eux ce sont du... du métal organique, voilà.
Nouveau silence et regard appuyé du pokémon blanc, puis :
-Rappelle moi ce que tu viens juste de dire sur les organismes végétaux du train, là ?
Voyant que la conversation risquait de tourner en rond un moment, Siléas décida donc de dévier la discussion sur un terrain plus stable et affirma tout net :
-Bon, ben reste là, moi j'y vais.
Ladikara gronda d'un ton menaçant :
-Train fantôôôôme... Il va t'emmener en enfeeeer...
Mais son maître haussa les épaules.
-Au moins j'arrêterai de me les geler alors. Et je suis sûr que visiter les enfers serait une aventure trop « mortelle ».
Le gardevoir laissa de nouveau passer un blanc avant de déclarer :
-C'est ton sens de l'humour douteux qu'il faudrait tuer !
-T'as pas d'humour.
-Sisi. La preuve, tu vois : je suis « mort » de rire.
Ils finirent donc par entrer dans le dernier wagon. L'endroit était assez étroit, aussi Siléas récupéra-t-il sa lanterne et rappela Mira sans sa ball.
-Et tu vois mon cher Ladikara, toujours pas de piège mortel ! Les portes ne se sont pas refermées brusquement pour nous piéger et nous emmener.
Mais le concerné semblait tétanisé.
-Ladikara ?
L'intéressé attrapa la manche de son ami et frère et annonça d'une petite voix :
-Siléas... J'ai vu des yeux...
Voulant de nouveau être rassurant pour son bel assistant, l'humain répondit :
-Les plantes n'ont pas d'yeux. Ton imagination te joue des tours. Tu vois... OH BON SANG !
Il y avait effectivement une multitudes de paires d'yeux qui les fixaient, luisant à la lumière de la lanterne. Des paires de gros yeux rouges surmontant des paires de petits yeux noirs luisant comme des billes obscures. Seule une paire n'était pas rouge mais verte, bien que les iris soient tout de même couleur sang... A côté de lui, Siléas sentit le gardevoir se mettre à trembler comme une feuille morte secouée par les vents d'automne.
Il y eu un instant suspendu durant lequel toutes les entités présentes se contemplèrent entre... entre plein d'yeux qui ne cillaient pas. Un silence de plomb régnait, rien ne bougeait, même le vent qui s'était tu toute la nuit continuait sur sa lancée. Soudain, les plantes qui grimpaient le long des murs intérieurs du wagon bruissèrent. Quelque chose bougeait parmi les feuilles, masqué par l'ombre des plantes que la lanterne ne parvenait à écarter. Ladikara cédait de plus en plus à la panique.
-Fan... fant...
Puis, l'une des plantes à la lisière du halo lumineux se mit à frémir et une petite créature apparut, légèrement éclairé. Une petite boule bleutée avec de longues pattes et surmonté d'un aiguillon. Tout fut soudain très clair pour les aventuriers.
-Oh ! Ce sont des maskadras ! Ils vivent dans ce train ! Ladikara, tu crois qu'ils ont quelque chose à voir avec le brouillard ?
Seul un cri lui répondit :
-Des insectes ! Un train fantôme plein d'inseeectes ! JE DETESTE LES SPECTRES ET LES INSECTES !
Suivit d'un courant d'air en forme de Ladikara qui se précipitait vers la sortie. L'aventurier n'eut même pas le temps de le retenir. Il se précipita à la suite de son assistant. Il était à peine sorti du train que le gardevoir était déjà à l'autre bout de la clairière, essoufflé.
Par chance pour son ami, le pokémon blanc n'avait jamais été un grand sportif. Siléas aurait été embêté de devoir lui courir après sur une longue distance ce soir.
-Ladikara, calme-toi. Ce ne sont que des maskadras !
Mais l'intéressé était furieux.
-Ce sont des insectes ! Je suis un pokémon psy ! J'aime PAS les insectes !
-Allons. J'ai besoin de toi pour faire la traduction.
-Ce sont des insectes ! J'aime PAS les insectes !
-Ton plan, c'était bien de trouver des pokémons locaux pour leur demander ce qu'ils savent du brouillard, non ?
-Oui, mais PAS des insectes !
-Ca reste quand même plein de pokémon à interroger.
-Ca reste quand même des insectes. J'aime PAS les insectes. Aah !
Le « aah » concernait les fameux insectes mal-aimés qui sortaient du wagon par la porte et quelques fenêtres brisées, intrigué par cette scène peu habituelle. Siléas tapota l'épaule de son cher ami, et opta pour une autre stratégie.
-Solaris est un insecte. Ca ne t'a jamais posé problème jusque là...
L'espace d'un instant, le gardevoir eut le sifflet coupé. Siléas en profita :
-Là, là. Ca va aller.
Il laissa son assistant reprendre son souffle et se calmer. Finalement, ce dernier se ressaisit, et déclara :
-Je suis désolé. Solaris est tout seul, et je le connais. Tous ces insectes ce soir... ce train... l'idée des spectres... cette brume qui me tape sur les nerfs... la phobie des psys face aux insectes a eu raison de moi...
L'explorateur lui adressa un sourire chaleureux.
-Bien. Alors, on va leur demander s'ils savent quelque chose ?
Ils se rapprochèrent donc de la nuée de papillons aux ailes intimidantes ainsi que des arakdo qui les observaient un peu en retrait, cachés dans les ombres des plantes et du wagon, puis Siléas prit la parole.
-Excusez-mon ami, il est un peu nerveux ce soir, et vos ailes lui ont fait peur. Je suis Siléas Ysalea, voici Ladikara. Nous sommes des aventuriers. Et on cherche la cause du brouillard étrange qui ne veut pas quitter Mozheim, peut-être que vous...
Une vague d'agitation se propagea chez les insectes qui se mirent à bourdonner doucement...
Ladikara fit signe à son ami de se taire. Il avait parfois du mal à comprendre les insectes, n'ayant pas les oreilles très adaptées pour les bourdonnements, surtout ceux chuchotés. Mais il perçut quelques brides :
« Comment il ont su ? » « ...Va avoir des problèmes ? » « Mais il a dit... le faire... » « Comment... nous ont trouvé... » « N'a marre des humains ! »
Le gardevoir eut soudain comme un pressentiment... Il écouta encore un peu les marmonnements des locaux, mais ne put rien apprendre d'intéressant. L'agitation allait en croissant dans le rangs des papillons. Le pokémon blanc décida de tenter le tout pour le tout et s'écria :
-C'est vous ! C'est vous qui avez provoqué cette brume !
Ils se figèrent soudain. Puis le maskadra aux ailes vertes se détacha du reste du groupe, s'approcha et prit la parole, relayé par Ladikara :
-(Que voulez-vous ? )
Siléas se remettait de la nouvelle :
-Attends, c'est vraiment EUX qui provoquent ce brouillard ?
-Oui.
-Maska ?
Siléas était sidéré.
-J'y crois pas, ton plan tordu pour trouver le coupable a vraiment marché !
-Ah bien merci !
-Dra, maska !
-Et du premier coup !
-Tant de confiance, ça fait plaisir !
-Maskarda !!
-Tu n'avais aucune idée de ce que tu faisais, avoue-le !
-Bien sûr que si !
Remis de sa double surprise, l'explorateur parut songeur.
-Mais pourquoi ils font un truc pareil ? Les maskadras sont plutôt pacifiques d'ordinaire ?
-MAS ! KA ! DRA !
Le duo parut enfin remarquer le papillon chromatique qui s'agitait dans de vaines tentatives pour se faire entendre.
-Qu'est-ce qu'il dit ?
-(Je ne vous laisserais par interférer avec notre plan !)
Ladikara commenta :
-Et il n'a même pas rajouté le «Mouahahahaha !!!» dément de rigueur. J'ai connu un skitty maléfique plus crédible que ça. Les méchants ne sont vraiment plus ce qu'ils étaient...
Mais les choses commencèrent à se compliquer pour le groupe d'aventurier.
-(Encerclez-les!)
Les pokémons aux ailes rouges et luisantes de rosée se déployèrent alors, encerclant les intrus avec célérité, ne leur laissant pas le temps de réagir. L'aventurier et son bel assistant se retrouvèrent dos à dos, guettant l'instant ou les insectes allaient passer à l'action. Ladikara ne put s'empêcher d'y aller de sa petite observation.
-Ah, je crois qu'on va avoir des problèmes... Mon cher Siléas, t'ai-je déjà mentionné que je n'aimais pas les insectes ?
L'intéressé ronchonna :
-J'ai cru vaguement en entendre parler oui... Ça ne te dirait pas, là, genre tout de suite, de péter une durite, de passer en mode berserk et d'envoyer valser tout le monde ?
-Non.
-T'es sûr ?
-Ca veut pas venir.
-T'es vraiment sûr ?
En guise de réponse, le gardevoir attrapa une des balls à la ceinture de son ami dans son dos. Cela ressemblait de plus en plus à une nuit de cauchemars plutôt qu'une nuit de songe...
-J'aime pas les insectes, j'aime PAS les insectes ! J'en ai ASSEZ DES INSECTES CETTE NUIT ! Ca va chauffer ! Solaris ! Lance-flamme !
La chenille solaire jaillit de sa ball en crachant un long jet de feu sur les assaillants qui l'esquivèrent aisément en se dispersant, puis reformèrent leur cercle. Une demi seconde plus tard, l'ordre du maskadra shiny fusa et ils passèrent à l'assaut. Simultanément, Siléas attrapa la pokéball de sa belle cryptéro et l'expédia au combat :
-Mira ! Lame d'air !
Le combat qui s'engagea fut féroce. Siléas lâcha sa lanterne, qui s’éteignit en tombant au sol. L'obscurité soudaine surpris les deux camps qui semblèrent hésiter le temps d'un instant, mais l'avantage du brouillard, c'était qu'il formait une matière qui réfléchissait assez bien la lumière de la lune, même s'il ne permettait pas de voir à deux mètres. Au bout de trente secondes, le temps que les yeux s'habituent à la demi clarté ambiante, l'assaut se lança vraiment.
Les insectes étaient rapides et esquivait assez aisément les attaques. L'avantage c'est qu'ils se gênaient mutuellement dû à leur nombre. Mais Solaris était affaibli par l'humidité stagnante, et Mira, bien que rapide, avait du mal à gérer autant d'ennemis d'un coup, ne parvenant pas à éviter toutes leurs attaques. Ladikara, tout en guidant Solaris, avait fait apparaître un bouclier avec ses étranges pouvoirs psys pour se protéger avec son humain, cependant il ne pouvait pas maintenir un tel champ de force trop longtemps. Ils devaient trouver une solution assez rapidement, mais leurs assaillants continuaient de les encercler, ne leur laissant même pas l'opportunité de faire une percée pour fuir, et la visibilité était quasi-nulle.
Puis la solution arriva soudainement, comme un deux ex machina tombé des cieux. Littéralement.
Une horde de scorplane jaillit des frondaisons embrumées et se joignit à la mêlée, percutant les premiers papillons avec force et les expédiant au tapis. La bataille commença à s'équilibrer. Ladikara ne put maintenir son bouclier plus longtemps. Il se décida donc à employer ses pouvoirs psy pour se défendre de façon plus directe : il saisit psychiquement un des assaillants et s'employa à taper rageusement sur ses congénères avec, en hurlant tel une furie : « Ah ! Comme ça vous craignez pas les attaques psy ! On va voir si vous craignez les attaques insectes ! ».
Quelques secondes après l'arrivée des scorpions volants, les fourrés qui bordaient la clairière s'agitèrent et un colosse d'un mètre trente tout en armure blindée couleur sombre jaillit dans une pluie de feuilles en hurlant :
- DRASCOOOOOORE !
Que Ladikara traduisit plus tard par : « Y EN A MARRE DE CETTE FICHUE BRUME ! »
Suivi par deux fermites, quatre vortente et autant de colimucus tout autant excédés par le brouillard et sa froideur, puis d'un galegon qui chargea dans le tas, rata toutes ses cibles volantes mais faucha quelques arakdos imprudents et alla percuter un arbre qui éclata en une pluie d'allumettes sous la violence du choc.
Face à un tel revirement de situation le chef aux ailes vertes ordonna le retrait de ses troupes, et les insectes volants et aquatiques qui n'étaient pas à terre se réfugièrent dans le wagon qui leur servait d'abri.
Le camp des « marre du brouillard » encerclèrent la structure de métal.
Siléas et ses compagnons en profitèrent pour reprendre leur souffle. Mira était dans un sale état. L'aventurier la cajola un peu, lui disant de tenir bon, la félicitant pour sa bravoure, et la rappela dans sa ball, lui promettant de l'emmener très vite au centre pokémon. Il fit de même avec Solaris qui n'était pas en meilleur état. Le pauvre pokémon feu était trempé, grelottait et était amoché de partout. Ladikara était dans une meilleure condition physique, et n'avait toujours pas lâché son gourdin improvisé et complètement assommé qu'il brandissait furieusement en direction de la cachette de ses ennemis, en menaçant d'un « Ca va pas se passer comme ça ! »
Siléas lui, avait quelques ecchymoses, et son manteau avait été déchiré à plusieurs endroits. Le bouclier de son gardevoir avait été plutôt efficace, et Mira avait encaissé la plupart des attaques qui le visaient à sa place sur la fin du combat.
Après s'être assuré de l'état de son équipe, il entreprit ensuite de convaincre son bel assistant de libérer sa victime de son emprise psychique, maintenant que la bataille était terminée.
Ce que le gardevoir ne fit qu'à contrecœur, en envoyant le malheureux papillon s'écraser sur les fenêtres d'où les observaient ses congénères, qui reculèrent sous le choc.
Il était vraiment teigneux quand il s'y mettait...
Les renforts semblaient attendre quelque chose, prêt à se relancer de nouveau à corps perdu dans une bataille à la moindre provocation. Il décida donc de prendre les devants.
-Maskadras ! Rendez-vous ! Il est temps de faire cesser ce brouillard !
Il n'y eu aucune réponse de la part des insectes vaincus.
Un colimucus se mit à s'agiter :
-(On en a marre d'avoir froid ! )
Repris en cœur par ses voisins :
-(Ouais ! Plus que marre ! Cette fois c'est assez ! Vous vous en sortirez pas comme ça ! Vous allez nous le payer ! Cette fois, vous ne pourrez pas vous enfuir ! )
Le drascore se rapprocha de Siléas, et s'adressa à lui, relayé par Ladikara :
-(Merci l'humain. Ces maskadras sont les pros de la fuite.On a essayé de les arrêter plusieurs fois, mais à chaque fois, soit on n'était pas assez nombreux pour les vaincre, soit ils s’enfuyaient en s'envolant, se réfugiaient là où on ne pouvait les atteindre. On ne savait pas où était leur QG, on pensait qu'il s'abritaient derrière l'une des cascades, c'était là qu'ils vivaient avant... Alors dès qu'on a vu que ça s'agitait dans ce coin, on a accouru.)
L'explorateur lui répondit :
-Je vois... Vous êtes arrivés pile à temps. Merci.
Puis aux vaincus :
-Sortez de là, où je vous envoie Ladikara ! Des volontaires pour lui servir de défouloir ?
Quelques bourdonnements chuchotés s'élevèrent du wagon. Les retranchés semblaient discuter de la marche à suivre. Les deux pokémon blindés commencèrent à perdre patience. Le galegon commença à gratter le sol de sa patte avant, à se ramasser et à souffler tel un frison furieux prêt à foncer dans le tas.
Le drascore ne s'encombra pas de telles formalités. Il se rua sur le wagon en rugissant « On va pas y passer la nuit ! » et avec l'aisance d'un couteau dans du beurre, se mit à éventrer le monstre de métal avec ses puissantes pinces.
Siléas était scandalisé.
-Aaah ! Le train ! Le pauvre train ! Une merveille des années industrielles ! Ladikara arrête-le !
Le gardevoir, qui se remettait à peine de son passage en mode furie, n'était pas de cet avis et se contenta de hausser les épaules.
-C'est un type ténèbres. Mes pouvoirs psys ne le toucheront même pas.
Mais ils n'eurent pas besoin d'intervenir. Le drascore recula pour laisser apparaître l'insecte shiny qui commandait la bande de papillons fous. Il prit la parole d'un petit bourdonnement faible. Des perles humides apparurent au coin des petites billes noires qui lui servaient d'yeux.
-(Mais on voulait... on voulait juste vivre...)
Tout le mode parut étonné. Il continua :
-(On a toujours vécu sous les cascades de Mozheim... mais les touristes... toujours plus d'humains... toujours plus de bruit... toujours plus de déchets... notre bassin tout crade... moins en moins de place pour nous... toujours plus de lumière... voulait juste qu'ils partent... voulait juste vivre en paix... il l'a eu l'idée du brouillard... il a dit si on unit nos pouvoirs pour la brume... voulait juste notre chez nous... tranquilles...)
Les vainqueurs se regardèrent effarés. Voilà qui était inattendu. Siléas se rapprocha du chef shiny
et lui parla avec douceur :
-On va trouver une solution. Je vais aller parler aux humains pour vous. Mais il faudrait commencer par retirer cette brume. Elle fait du tort à beaucoup trop de monde.
-(N'est désolé... Voulait pas faire de mal aux pokémons... Vraiment désolé... Voulait juste vivre...)
Finalement, le chef parvint à se calmer. Il appela ensuite ses troupes, puis ils ramassèrent les blessés qu'ils installèrent dans leur abri, puis ils se réunirent et utilisèrent leurs pouvoirs ensemble.
Le brouillard se mit à devenir de plus en plus transparent, à se lever, à se disperser, et en une minute, tous purent distinguer les étoiles et une lune gibbeuse qui éclaira le bosquet de sa lumière pâle. Débarrassé de son humidité l'air paraissait soudainement plus chaud. La nuit devenait presque agréable.
Un léger vent se mit à souffler et fit danser les rayons de lune à travers le feuillage des arbres.
Soudain, il y eu un reflet lumineux dans les ombres à l'orée de la clairière, qui attira l’œil de Siléas et son bel assistant. Ils y avait une ombre... une silhouette sombre vaguement humanoïde et immobile se fondait parmi les ténèbres des frondaisons.
-Il y a quelque chose !
Tous se tournèrent vers cette étrange apparition. Un léger mouvement et un reflet argenté voire métallique se mit à luire l'espace d'une seconde là où on devinait la main de la silhouette. Puis une voix grave comme venant d'outre-tombe retentit.
-Bravo. Vous avez déjoué mon plan avec les maskadras. Mais ce n'est pas fini...
Siléas s'écria :
-Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?
La silhouette ne broncha pas, et se contenta de répondre tranquillement :
-Je veux offrir à Kalos ce qu'il y a de plus beau pour elle. Je veux une nuit de songe !
Siléas ne put cacher sa surprise.
-Quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
Mais la silhouette se fondit un peu plus dans les ombres. Dans un léger mouvement et l'espace d'une seconde, il n'y avait plus rien.
Le drascore prit la parole :
-(Il est parti.)
Puis le chef des insectes, sur un ton horrifié :
-(Son « plan avec les maskadras ? » C'est lui qui a eu l'idée du brouillard pour faire partir les touristes et récupérer notre chez nous... Il disait qu'il nous comprenait... Qu'il voulait nous aider... Il... il nous a manipulé depuis le début ? Mais...)
Il y avait clairement une grande tristesse chez ce papillon aux ailes couleur d'espoir...
Mais quelque soit le côté par lequel ils retournaient le problème, ils ne pourraient rien faire de plus concernant cet être mystérieux. Il faudrait juste parler des maskadras aux habitants de Mozheim... Rien de bien compliqué.
Siléas regarda autour de lui. Les renforts s'occupaient maintenant des insectes qui avaient été vaincus pendant la bataille leur offrant des baies que deux fermites étaient allés chercher en urgence.
Il se mettait à faire plus chaud, et la clairière, encore toute humide et couverte d'une multitude de perles de rosée étincelait comme parée de milliers de diamants, comme si les étoiles du ciel étaient, l'espace d'une nuit, venues se reposer sur terre. Le maskadra aux ailes vertes vint offrir une baie willia à Siléas et Ladikara en signe de paix. Voilà qui ressemblait déjà plus à un conte de fée aux milles merveilles, à la nuit de rêve qu'ils étaient venus chercher...
Finalement, après l'avoir tant espérée, ils avaient enfin eu leur nuit de songe à Kalos !
*** ***
Mois X, Jour X, Année, X
Je me réveillai en sursaut. Siléas s'agitait dans le noir. La chambre était seulement éclairée par un rayon de lune au trois quarts pleine. Mon ami et frère sautillait sur une jambe à côté de son lit en tentant en vain de faire je-ne-savais-quoi. Je me frottai les yeux.
-Qu'est-ce que tu fais ?
Il sursauta.
-Oh, Ladikara, tu es réveillé ! Désolé ! Je ne voulais pas...
-Qu'est-ce que tu fais ?
Il se frotta le dessus du crâne, signe qu'il avait dû prendre son air gêné.
-Il est trop tôt, rendort-toi.
Je soupirai.
-Trop tard. Pour la troisième et dernière fois : qu'est-ce que tu fais ?
Nouveau frottement de tête.
-Je... je m'habille. Je suis tombé du lit, je n'arrive pas à me rendormir, alors...vu que le brouillard s'est levé dehors... je me suis dit que j'allais voir les cascades de nuit...
Siléas et ses lubies aventureuses... Incapable de tenir en place même quand il dormait. Une chance qu'il n'ait pas été somnambule en prime. Cependant je n'eus pas de mal à me décider.
-Je t'accompagne.
J'allumai, pris mon écharpe, enfilait mon long manteau blanc brodé de fil vert assorti à mes couleurs que Siléas m'avait offert, et nous sortîmes de l'hôtel, sous le regard médusé du gardien de nuit emmitouflé dans son plaid.
Dehors, le vent avait effectivement balayé le brouillard et les nuages. Il faisait un froid sec et mordant, qui aurait presque pu me faire regretter ma couette si je ne venais pas de passer plus de 24 heures dessous, mais il en fallait plus pour nous décourager.
Évidemment le belvédère et ses appontements en bois étaient déserts. Les cascades se déversaient là, splendides, se jetant infiniment dans un grand bassin qui s'étirait ensuite pour former les divers cours d'eau qui scindaient la ville. Malgré les remous qui troublait la surface, le ciel et ses myriades d'étoiles se reflétait devant nous, et les rayons de lune faisaient scintiller les gouttelettes qui s'échappaient du ruban mouvant que formaient les chutes d'eau. Comme si cet endroit de Mozheim s'était soudainement paré de joyaux étincelants qui dansaient tranquillement au fil du courant. Siléas ne disait rien, contemplait béatement ce spectacle et je l'imitais.
Quelle beauté ! Kalos méritait amplement sa réputation. Quel endroit de rêve !
Nous avions bien fait d'attendre pour notre nuit de songe à Kalos !
Ladikara