Posté : mer. 05 déc. 2007, 22:30
J'ai commencé un nouveau one-shot qui ornera (si je le finis) un nouveau chapitre de Des Pokémon et des Hommes. tout commentaire et idée bienvenu!
- Victoire, au pied!
Un jappement parvint à mes oreilles, suivit du bruit des ongles qui frappait doucement le bitume. Mais c'est son odeur qui me confirma que mon Caninos se tenait à présent à nouveau devant moi. Cette odeur à peine musquée et pleine de soleil, que j'aurais pu reconnaître entre mille autres. J'approchai mes mains et Victoire amena sa tête auprès d'elles pour recevoir des caresses réconfortantes. A travers sa fourrure si douce et si chaude, je distinguais les battements de son coeur. Ce coeur, qui avait su sauver le mien, si froid et perdu.
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Mon histoire est banale et en même temps extraordinaire. Pour moi qui vous la raconte, ce n'est rien de plus que la vie, simplement. Mais si cela vous tente, asseyez-vous et écoutez mon récit. Peut-être vous étonnera-t-il, vous fera-t-il réfléchir, rire, pleurer ou vous fâcher. En plus il se termine bien, car les histoires qui se terminent bien sont toujours mieux, non?
Tout commence avec un jeune homme d'une vingtaine d'année, qui refuse d'entrer dans la vie. Il se fiche de tout, et son unique but est de faire le minimum pour qu'il puisse être tranquille. Cet homme, c'est moi. La majorité de mon temps, je la passais à ne rien faire, à traîner, à errer. Lorsque je commençais à lire un livre, je ne lisais que les premiers chapitres. Si une émission de télévision me tentais, je m'en lassais après quelques dizaines de minutes. Même mes repas se finissait en assiettes pas terminées qu'il fallait jeter.
C'est dans cet esprit que commença l'infection de mes yeux. Oh, au départ elle ressemblait seulement à une quelconque inflammation de l'oeil, mais je ne fis rien, comme d'habitude. Et au fil des jours, la bactérie mangeait littéralement ma vue, sans que l'inquiétude me gagne. La douleur était bien présente, mais je me disais qu'elle passerait, comme une plaie que l'on se ferait en s'égratignant le genou. Et un matin, plus rien, le noir perpétuel, un sens qui s'éteint. Et le médecin qui m'annonce « je suis désolé Monsieur, mais vous êtes aveugle ». On imagine toujours des gros accidents, des actes foudroyants, des crises de larmes, mais là j'étais devenu aveugle simplement comme ça. Parce que je me fouttais d'absolument tout, et surtout, de moi-même.
Autant la période de mes vingt ans était marquée d'un je-m'en-fouttisme total, que la découverte des ténèbres perpétuels amena un profond changement dans ma façon de voir les choses, le monde et moi-même. La perte de la vue m'amena à détester absolument tout. Privé d'un de nos sens principaux, les autres devinrent plus sensibles. Je ne supportais plus d'écouter la télévision, je détestais l'odeur des gateaux du four et je haïssais profondément qu'on me touche. Seule ma soeur supportait encore de s'occuper de moi, cet être qui ne cessait de se renfermer sur lui-même et tentant de construire une carapace dure comme le diamant. Ce qui m'empêcha de sombrer dans mon petit monde idyllique, c'est certainement le fait que je me détestais. Et comment supporter quelqu'un que l'on déteste dans son petit monde réduit à soi-même?
- Viens manger maintenant, et fais pas chier!
Voilà une phrase bien typique de ma soeur. Elle fait partie de ces gens qui ont une grosse voix mais qui pleure devant un film à peine triste. Tout le contraire de moi qui intériorisait, elle extériorisait tout le temps, racontait tout ce qui la tracaissait, disant sa façon de penser. Elle me malmenait chaque jour par amour, essayant de me sortir de ma torpeur malsaine. Mais malgré toute sa sympathie et ses efforts, elle n'avait pas les moyens de me sortir d'un tel bourbier, mon cas était désespéré. Régulièrement je l'entendais pleurer après m'avoir crié dessus, et même sans ça, sa voix tremblait de tristesse à la fin de ses phrases. Le genre de détails que je n'aurais jamais remarqué avant de devenir aveugle.
Elle me traîna un jour dans un chenil pour faire connaissance avec mon futur Caninos d'aveugle. Je m'en souviens comme si c'était hier, et je devrais féliciter ma soeur chaque jour d'avoir pu me supporter et d'insister pour m'y amener!
- Fous-moi la paix, je veux pas sortir, annonçais-je à ma soeur qui me tirait le bras pour me lever.
- Lève-toi et viens, toute façon tu n'as pas le choix alors bouge-toi merde!
Elle tira encore de toute ses forces et je me laissa finalement entraîner avec un soupir long et râleur. Dans la voiture qui nous amenait au chenil, je ne disais pas un mot. Elle m'avait énervé. Tout ce bruit ambiant de voiture, de gens et les odeurs qui vont avec me donnait envie de vomir. Elle aussi ne disait rien, apparemment tout autant énervée après tant de semaines à supporter mes sautes d'humeur. Finalement elle me sortit de la voiture, et à peine la porte ouverte l'odeur très forte des Pokémon vint à mes narines et ne fit retrousser le nez.
- Putain mais ça put ces sales bêtes!
Je m'asseyais à nouveau dans la voiture, tentant de fermer la porte en cherchant la poignée à tâtons. A ce moment-là je n'eut même pas le temps de comprendre ce qu'il se passait que ma soeur m'avait administré une formidable gifle à la figure.
- T'es vraiment un con c'est pas possible! M'hurla-t-elle à la figure avant de m'obliger à sortir du véhicule.