Chapitre 1 : Looking for ...
Septembre, 1999.
Il était face à un grillage blanc, les bras croisés devant les yeux.
_ 11, 12, 13, 14 ...
Dans la cour de récréation de l'école primaire d'Ebenelle, un petit garçon brun de 7 ans faisait le décompte du temps que ses amis avaient pour se cacher ; tous se précipitaient derrièrent les arbres et les buissons qui perçaient, ça et là, l'épais revêtement de bitume.
_ 22, 23, 24 ...
_ Hé, Eric !
L'intéressé arrêta de compter et se retourna ; un petit blonc se tenait devant lui, tout guilleret.
_ Vu Matthew !
_ Roh mais non ! Pousse, j'arrête de jouer.
_ Pourquoi ?
_ T'as pas vu l'épisode en sortant de l'école hier ?
Matthew semblait surexcité.
_ Siii ! S'emporta aussi Eric. Quand Sacha se bat contre le bulbizarre et le capture à la fin ! C'était trop bien !
_ Moi j'ai vraiment aimé quand il arrive pour sauver le petit mystherbe au début. C'était mignon et bulbizarre avait trop la classe !
_ Je crois que c'est bulbizarre mon pokemon préféré maintenant !
Des étoiles dans les yeux, les deux enfants parlaient de leur nouvelle série animée préférée, nouvellement diffusée sur une chaîne satellite depuis la rentrée.
_ Moi aussi, plus tard, j'irai combattre les champions d'arène de Kanto ! Et je gagnerai tous les badges !
Eric se calma et demanda avidement :
_ Mais il faut avoir quel âge pour aller aux arènes pokemon ?
_ Mon papa m'a dit 18 ans.
_ 18 ans ? Mais c'est dans longtemps !
_ Ouais, on sera des grands, et on aura des vraies pokeball.
Matthew sortit une pokeball factice modèle réduit de sa poche et la brandit, bras tendu, comme le héros dont il était fan.
_ Je jure que quand je serai grand, je gagnerai tous les badges comme Sacha ! Et je deviendrai maître pokemon !!
Eric sorti une fausse pokeball de sa poche, identique à celle de Matthew.
_ On deviendra maître pokemon tous les deux ! Et on se battre l'un contre l'autre à la ligue !
_ J'suis sûr que je te battrai de toutes façons.
_ D'accord ! Alors on sera rivaux !
Ils baissèrent tout deux leur bras et se regardèrent, peinés.
_ Mais on reste amis ? S'enquit timidement Matthew.
_ Bien sûr Matt. Tu seras toujours plus mon ami que mon rival !
*
* *
La sonnerie retenti, le tirant de sa torpeur. Contrairement à d'habitude, cela ne le contraria pas ; il avait eu du mal à s'endormir la veille, tant l'attente de ce jour l'excitait. Bizarre d'ailleurs comme ces quelques heures lui parurent si longues alors qu'il patientait depuis déjà presque 12 ans.
Le jeune homme s'étira en expirant de tout son soul, éteignit le réveil, rejeta les draps au pied du lit et s'empressa d'aller ouvrir les volets.
Du haut du premier étage, il vit le soleil matinal déjà radieu darder Ebenelle de ses rayons. Le jeune homme, ébloui, dû plisser les yeux quelques instants pour s'habituer à la lumière éclatante qui, par chance, aller accompagner son rêve.
Un léger heurt à la porte vint perturber cette scène idyllique.
_ Eric ? Tu es réveillé ?
Un sourire en coin, feignant l'agacement, il répondit :
_ Rôôôôôh... m'man ! Bien sûr que je suis debout. J'ai à peine pu fermer l'oeil de la nuit tellement j'attendais ce jour, exagera-t-il.
La mère d'Eric entra dans sa chambre, sans lui demander l'autorisation ; c'était un code qu'ils avaient entre eux, une sorte d'accord tacite : elle était toujours le bienvenue dans sa chambre, sauf s'il ne lui en refusait explicitement l'entrée.
Elle se tint dans l'enccadrement de l'huit, la main encore sur la poignée, couvant son fils de désormais 18 ans du regard, avec amour et tiraillement.
Du haut de son mètre soixante dix, il la dépassait d'une tête ; sans être petit, il n'était pas spécialement grand non plus, mais ses membres fins, sa musculature sèche et ses épaules carrées contribuaient à l'élancer même dans son pyjama rouge et jaune trop grand.
Un décalco du Petit Spirou en ornait le haut. "La classe", se dit ironiquement sa mère Inès, car elle savait qu'Eric ne nourrissait aucun culte des apparences et se fichait de ce dont il avait l'air. Cela là désolait quelque peu, car elle savait que derrière les longs cheveux noirs qui lui tombaient jusqu'aux épaules se trouvait un visage fin à la peau lisse, au nez droit et aux yeux gris débordant de gentillesse et de compassion.
Sans mauvaise intention aucune, Eric prenait soin de lui mais sans attention particulière pour se mettre en valeur. Il s'habillait par pudeur et se coiffait par obligation maternelle ; s'il ne l'avait pas écouté, il aurait les cheveux plein de noeuds et jusqu'en bas des fesses. Heureusement pour sa mère, Eric était imberbe. "Un soucis de moins", en riait-elle.
Elle inspira imperceptiblement, repoussa la frange brune de ses cheveux courts de devant ses yeux bleux clairs et lui dit gentiment :
_ Joyeux anniversaire mon grand.
Cette simple convenance le fit sourire d'une oreille à l'autre. Sa mère aussi souriait, mais dans son regard se peingaient quelques regrets.
_ Merci m'man ! Il sautilla et trépigna sur place, puis exulta finalement. Enfiiiin !! Enfin je peux aller récupérer les badges !! Gniiiiiii !
_ Calme-toi mon grand, s'amusa Inès. Je descend préparer le p'tit déjeuner.
_ J'ai une heure à tuer, quoi.
La réputation des mésaventures culinaires de sa mère n'était plus à faire. Tout le voisinage les connaissaient.
_ Pff, mauvaise langue ! Met donc ce temps à profit pour te coiffer. On dirait que tu as touché un Wattout.
Il leva les yeux au ciel et ce mis au garde à vous.
_ Oui chef !
Amusée, sa mère sorti de la chambre et ferma la porte derrière elle. Habituellement, elle ne laissait jamais le dernier mot à Eric ; mais aujourd'hui, c'était différent, il le savait. Elle n'avait par le coeur à casser son fils, que ce soit par humour complice ou par autorité parentale, car aujourd'hui, sa majorité acquise lui octroyait le droit de pourvoir à l'obtention des badges d'arènes des quatres régions de Pokepolis, et il comptait bien en profiter.
Il retourna à la fenêtre, se pencha par dessus le cadre et balaya le jardin de la famille du regard. Avec le soleil dans les yeux et la verdure de l'herbe touffue, il mis un peu de temps à trouver ce qu'il cherchait.
_ Botan !
En se mettant en mouvement, une petite forme verte se détacha du gazon ensoleillé. Un bulbizarre se retourna mollement vers Eric.
_ Eh bien mon p'tit père, t'as du mal à emerger ?
Pour seule réponse, Botan bailla et étira tous ses membres, lianes comprises.
_ Aller quoi, un p'tit effort. On part pour notre voyage de dresseur quand même.
Le bulbizarre cessa sa gymnastique et fixa Eric de ses yeux rouges.
_ Fais au moins semblant, j'sais pas moi, j'ai l'impression de te faire chier en te demandant ça.
_ Mmmmmhhhh...! Zarre !
Sans crier gare, Botan planta d'un coup ses lianes dans le sol et s'éjecta comme un missille en direction de la fenètre où se tenait son maître.
_ Eric à la réceptiooooooon !
Il lui ouvrit grand ses bras et l'attrapa au vol avec adresse. Apparrement, lanceur et receveur avaient l'habitude de ces acrobaties.
_ Hooooh mon bébé mon amour mon chéri mon kiki adoréééééééé !!!
Eric serrait Botan dans ses bras avec amour et hystérie, ce dont le bulbizarre semblait blasé et ne s'émeuvait même plus, restant inerte en attendant que son maître ait finit ses papouilles.
_ Je sais que je t'embête avec mes calins mais j'm'en fous... T'es trop beau !!!
Un dernier bizou sur le crâne et il desserra enfin son étreinte. Botan sauta à terre et s'ébroua comme pour se débarasser des embrassades d'Eric. Cela faisait rager ce dernier, mais il savait que ce n'était que pure taquinerie de la part de son pokémon ; d'ailleurs, il attendait la réaction d'Eric avec un faux air détaché, un petite sourire en coin.
_ Tu te donnes des airs cool en jouant les inatteignables mais tu serai bien embêté si je te pampougnait plus tous les matins.
Botan sourit carrément cette fois ; c'était une scène quasi-rituel entre les deux amis. Puis il pris un air attentif et se mit face à Eric.
_ Bon alors t'es prêt ?
_ Zarre !
_ Tu t'es étiré aprés l'entrainement hier soir ?
_ Zarre !
_ T'as pas trop bu avant de t'endormir ?
_ Zarre !
_ T'as capté assez de lumière ce matin ?
_ Zarre ?
L'intonation de cette dernière réponse differait des autres. Eric fronça légerment les sourcils et s'approcha de son pokemon qui se pencha en avant pour lui présenter son bulbe.
_ Mmmh... c'est vrai que l'interieur est encore un peu humide. Mais c'est pas grave, c'est ma faute, c'est moi qui t'es réveillé dans ton bain de soleil du matin.
Botan avait contracté une grave maladie propre aux pokemon plantes quelques mois plus tôt, mais il en avait heureusement réchappé : il s'agissait d'un parasite appellé le phyloxéra. Il s'attaquait d'ordinaire aux vignes, mais aussi en de rares occasions aux bulbizarres, germignons et tournegrains ; de très rares cas de tropius infectés avaient également été répertoriés.
Eric s'était beaucoup renseigné sur les différentes afflictions pouvant toucher les pokemon plantes depuis que Botan était tombé malade. Il savait que, même si son organisme était entierement débarassé du parasyte, les parties de chairs végétales que celui-ci avait dévoré à l'interieur de son bulbe pouvaient encore s'infecter si elles n'étaient pas scrupuleusement surveillées. Il n'y avait que comme ça que les blessures internes, invisibles à l'oeil nu, pourraient se refermer sainement.
En outre, l'humidité à l'interieur du bulbe dûe à la rosée du matin pouvait occasionner l'apparition de champignons potentiellement dangereux.
_ Aller hop, au hamam !
Eric attrapa une poche de plastique remplie d'un gel bleu et la mit dans un four à micro-onde posé sur son bureau. Au bout de deux minutes, il récupéra la poche de gel fûmante avec des gants de cuisine pour ne pas se brûler et l'emmitouffla dans une serviette éponge avant de l'enrouler autour de la base du bulbe de Botan. Il pris une poignée de coton dans un pot à côté du micro-onde et le tassa au sommet du bulbe.
La chaleur allait faire remonter l'eau jusqu'en haut du bulbe de Botan. Le coton était là pour capter la vapeur avant qu'elle ne se condense au contact de l'air ambiant et que les goutellettes ainsi reformées ne retombent dans le bulbe.
Botan, loin de se formaliser au vue de l'intimité de cet examen, se laissa au contraire tomber à plat ventre sur le parquet en ronronnant presque d'aise. La chaleur, c'était son dada.
_ T'es vraiment un prince : t'adores qu'on s'occupe de toi.
_ Mmmmh... zaaaaaaarre...
Des bruits de pas précipités résonnèrent sur le planchet du couloir.
_ Oh non...
Il se rapprochaient de plus en plus de la chambre d'Eric.
_ Pas elle...
La porte s'ouvrit à la volée et rebondie contre le mur. La jeune fille qui avait failli l'enfoncer la retint en claqua sa main contre le pan. Botan fronça les sourcils à la vue de la petite furie de 16 ans ; ses cheveux chatains foncé coupés au carré brillaient et sentaient bon ; ses vêtements avaient une coupe inpécable et des boucles d'oreilles stylisées pendaient à ses lobes. Dans tout son être au look soigné qui contrastait avec l'apparente négligence d'Eric, seuls ses grands yeux gris lui faisaient écho.
_ Putain Eric ! T'es pas encore parti !?!
_ Et toi ? Les parents t'ont pas encore jeté dehors ?
_ Gna gna gna ! Gros con !
_ Tiphanie ! N'insulte pas ton frère !
La mère d'Eric et de Tiphanie venait de parler depuis la cuisine. Malgré la douceur de sa voie, elle pouvait la faire porter. La bouche de Botan se mua en un rictus torve.
_ Mais c'est lui qui...!
_ Je ne l'ai pas entendu t'insulter, répliqua la matriarche, catégorique.
_ HaaaAN !
_ Alors p'tite soeur, pressée d'avoir la maison pour toi toute seule ?
_ Pff, c'est pas comme si on t'y voyais souvent, t'es toujours cloitrée dans ta chambre ou dans le jardin à t'entrainer avec ton crapaud.
Botan se leva en soupirant, énervé et lassé. Tiphanie avait pour la énième fois gâché son plaisir. Il se mit face à elle, fléchi les pates avant, tendis les posterieures, et força.
_ Il feule ton oignon maintenant ? se moqua Tiphanie.
La boule de coton humide qui tronait au sommet du bulbe de Botan fut ejectée par la pression des spores qu'il y accumulait et alla se coller en plein visage de sa tourmenteuse.
_ Mmfff ! Pouah ! Sale bête de merde à chier ! Vivement que tu te casses avec l'autre Pierrafeu !
_ Joli tir ! Eric félicitait Botan, clin d'oeil et pouce levé à l'appui.
Rageuse, Tiphanie sortie de la chambre à pas pressés en jetant ça et là les boules de cotons qu'elle décolait de son visage.
_ Plus ça va, moins tu te laisses embêter par Tifa. Heureusement que ça t'arrives que maintenant, sinon maman m'aurait tenu pour responsable de ton tempérament revenchard.
Botan fit le fier, une lueur de complicité dans le regard.
_ Hm hm... Mon premier pokemon est un froid calculateur. J'adore ! Bon ! Voyons si tu es sec.
Palpage, essuyage, confirmage.
_ Nickel chrome ! Maintenant que tu souffres de secheresse intime, allons réveiller Jerry.
Botan ne paru pas comprendre mais suivi quand même son maître jusqu'à la fenêtre d'où ils déscendirent en rappel grâce aux lianes du pokemon. Ils allèrent jusqu'à un bac à sable installé dans un coin du jardin et se penchèrent au dessus d'une masse qui y était terrée.
_ Jeeeeeerryyyyyyyy... murmura Eric.
Pas de réponse.
_ Jérichoooooo... appella-t-il.
Frémissement de la balle.
_ ZARRE !
Sursaut ! La croûte de sable humide éclot et laissa apparaitre une petite boule beige et blanche lovée en son sein. Encore assoupi, un petit sabelette se dressait difficilement sur ses pattes arrières, ne tenant nullement rigueur à Botan pour son reveil forcé.
_ Alors mon Jéricho d'amour ? Bien dormi ?
_ ...Mmf...
_ Dire que t'es plus du matin que Botan d'habitude...
Jéricho traversa à petits pas maladroits et endormis le bac à sable et se serra contre les genoux d'Eric en poussant de petits gémissement de pokemon transi d'amour.
_ Mais oui mon sabelette, je t'aime aussi.
Eric calinait toujours Jéricho plus modérément que Botan ; cet état de fait était sans doute dû au feint désintéret de Botan pour les cajoleries d'Eric et à la propantion de Jéricho aux démonstrations d'affection inconditionnelle. Comme dit le proverbe : "suit-moi, je te fuis, fuit-moi, je te suis".
_ Le petit déjeuner est prés les enfants !
_ Ah ! Maman a préféré la sécurité à l'esbrouffe ce matin.
En effet, une odeur de café soluble embaumait la cuisine. Inès avait disposé de la brioche industrielle et du chocolat sur la table et remplissait les mugs à l'aide d'une bouilloire électrique. Cela permettait d'éviter tout débordement, au sens propre du terme : le micro-onde se rappelait encore de la dernière fois qu'il avait fait bouillir du lait ! Ne parlons pas de la gazinière...
Eric entra dans la cuisine par la baie vitrée de la véranda. A sa suite, Botan. Accroché à son pyjama, Jéricho.
_ Eric ? Je te croyais encore dans ta chambre !
_ Baaaaaah non. J'suis allé réveillé Jerry.
_ Ne me dit pas que tu as encore escaladé le mur avec bulbizarre ?!
_ Ouais, t'as encore dû tout salopé !
_ Tiphanie ! Arrête de dire des gros mots à tout va.
_ J'étais pied nu cette fois, y a aucune marque.
_ J'espère pour toi mon grand, c'est pas toi qui va nettoyer une fois que tu seras parti.
_ C'est pas non plus papa. Je suppose qu'il est parti travailler très tôt ce matin ?
_ Trés tôt ou très tard, ça dépend. L'est même pas rentré hier soir le pater', informa Tiphanie.
_ Bon, tant pis.
Le père d'Eric et de Tiphanie, Antoine, s'absentait longtemps, souvent des jours d'affilés, pour rester à son bureau de Doublonville où il était courtier dans un cabinet indépendant. Depuis plusieurs mois, son patron lui avait signifiait qu'il était un des mieux placé pour pourvoir à un des trés rares et très recherchés postes de gérant de l'agence et de membre du conseil de la compagnie régionale. Il gagnerait ainsi beaucoup plus pour un simple travail d'administrateur.
Voulant mettre toutes les chances de son côté, il abattait le double, voire le triple de travail que ses collègues accomplissaient pour se faire bien voir pas les gros bonnêts.
Eric ne lui en voulait pas, mais il avait quand même du mal à être content ou fier de son père qui s'échiner à entretenir la famille alors que son fils ainé allait quitter la maison le jour de ses 18 ans. Mais bon, après tout, son père avait toujours eu des lubies obscesionnelles qui le travaillaient des jours voire des semaines entières, lui faisant perdre tout sens commun et l'écartant sensiblement de la famille le temps qu'elles duraient.
_ Par quel badge tu vas commencer ? Tiphanie coupa court à ses rêveries.
_ Je pensais d'abord me diriger vers Argenta en prenant le ferry de Tohjo et de la route Victoire. La-bas, j'affronterais le champion local.
_ Attend ! T'avais pas dit que John avait le mal de mer ?
John était un ami d'Eric et, accessoirement, la personne avec qui il allait entreprendre sa quête des badges d'arènes.
_ Si. Mais c'est lui qui a insisté pour qu'on prenne le bateau.
_ Tout de même, s'imissa Inès. Je n'aime pas trop ce John. Il est bizarre, et on ne connait presque rien de sa famille. C'est à peine si tu sais où il habite.
Ding Dong. La sonnette tinta doucement dans la maison. Inès se dirigea vers la porte d'entrée et découvrit sous le porche un grand jeune homme aux cheveux verts clairs en bataille et aux yeux cuivrés. Un sourire malicieux fendait son visage.
_ Bonjour madame la maman d'Eric. Je viens vous enlever votre enfant préféré pour l'accompagner dans des régions hostiles et inhospitalières où milles dangers inconnus nous attendent.
_ Bonjour John, répondit-elle sobrement. Eric n'est pas encore prêt et il ...
_ Ah bon ?! s'exclama John en s'engoufrant dans la maison sans y avoir était invité. Moi qui croyait qu'il dormirait pas de la nuit pour être prêt à partir dés le lever du soleil, je suis déçu.
Il débarqua dans la cuisine, suivit par une Inès désolée pour ses enfants. Mais en vérité, ils aimaient bien John tous les deux.
_ Eric, t'es pas un vrai, t'es pas un dur ! T'as intérêt à te magner le jonc parce que j'compte bien avoir haché la gueule de Pierre avant la fin de la semaine !
_ Hey, John ! On t'as jamais appris la politesse ? l'apostropha Tiphanie, friante de confrontations avec l'ami de son frère.
John se raidit. Son regard se durci et il pris un air grave. Il contourna la table de la cuisine, alla se planter devant Tiphanie et la toisa de toute sa hauteur, menaçant.
John n'était pas quelqu'un de dangereux...
_ Toi, t'as encore fais chier ton frère. Jusqu'à son départ, t'as pas intérêt à récidiver, sinon...
...mais il était parfaitement imprévisible.
_ Sinon quoi ? s'enquit Tiphanie d'un ton faussement assuré.
Pour seule réponse, il sortit son téléphone portable de sa poche, tapa sur deux ou trois touches et lui fit lire un message. Au fil de sa lecture, les yeux de Tiphanie s'écarquillaient et sa machoire béait.
_ Mais com... !?! J'l'ai dis à p... ! Enfoiré ! Connard ! Sac à merde ! Tu fais ça j'te...
_ Hey Tiphanie, la coupa-t-il avec un ton mielleux. On t'as jamais appris la politesse ?
_ Qu'est-ce que tu lui as montré ? demanda Eric.
_ Rien ! répondit aussitôt sa soeur. Et elle vissa son nez dans sa mug, les joues rosissantes.
Petit silence dans la cuisine. Inès et sa fille étaient gênées, alors qu'Eric s'amusait de la prise en main de la situation de son ami.
_ John, je te sert un café ? proposa la maîtresse de maison.
_ Non merci Inès, je ne voudrai pas tenter le sort.
_ OK ! Je vais dans ma chambre pour me préparer. John, tu m'accompagnes.
Ce n'était pas une question. Eric se faufila hors de la cuisine et monta les escaliers quatre à quatre, alors que John quittait les lieux du sinistre calmement, sans se presser, fier de son petit effet.
Lorsqu'il parvint en haut des escaliers, Eric l'attendait sur le palier.
_ T'es pas gêné toi ! lui reprocha-t-il en baissant le ton pour ne pas être entendu de sa mère. Tu sais bien que ma mère t'aime pas trop, alors évite de faire un scandale avant que je parte.
_ Pourtant je l'aime bien ta mère, moi. Elle est marrante à ne jamais s'emporter alors qu'elle bout de l'interieur.
_ Mais quel fouille merde...
_ J'aime bien ta soeur aussi, mais elle est trop facile à casser ; elle est trop ... transparente. Pourtant elle en a jamais assez et reviens toujours à la charge... c'est ce qui doit faire son charme.
Eric haussa les sourcils, surpris et embeté à la fois.
_ Par charme, j'entend l'envoutement qui m'empêche de me lasser de nos altercations alors que je sais que j'en sortirai systématiquement vainqueur.
_ Mouais... j'préfère.
Eric entra dans sa chambre, pris quelques vêtements sous le bras et se dirigea vers la salle de bain attenante.
_ Tu vas pas te laver maintenant ? C'est presque onze heure ! J'te signale que Sidonie est déjà prête.
_ Et alors ? J'en ai que pour cinq minutes.
_ Avec ta touffe et ta fleme légendaire ? Aucune chance ! T'auras tout le temps de te lisser la toison et de te oindre le derme dans notre cabine à bord du ferry ou dans un centre pokemon de Kanto. La crise les a salement laissé sur la paille, mais il paré qu'ils ont encore l'eau courante.
_ Ha ha... Je vais me doucher. Tu peux lire mes mangas ou aller sur l'ordi en attendant, mais n'embête pas Botan et Jerry !
Et il enclencha le loquet de la salle de bain. John resta planté dans la chambre. Botan et Jerry le regardaient suspicieusement.
_ Quoi ?! V'voulait vous battre ?
Les deux pokemon se firent face et commencèrent à discuter entre eux sans se soucier de la menace de John.
_ Mouais... j'vous l'ai faite trop souvent celle du mec agressif.
John se faisait clairement chier. Il s'était levé aux aurores, pressé d'entreprendre ce voyage avec son ami, et il se retrouvait finalement à devoir attendre que ce-dit ami soit propre. Quel barbe !
Il balaya la chambre du regard à la recherche d'un quelcquonque objet suceptible de susciter son interêt. Mais il ne vit sur les étagères que des mangas, des livres de fantasy et de science-fiction, et quelques volumineuses encyclopédies médicales pokemon vulgarisées.
Son regard fini par retomber sur Botan et Jerry qui papotaient toujours. Il se dit qu'ils ne verraient aucun inconvénient à être rejoint par un tierse invité.
_ Aller, Spade, va te dégourdir les pattes.
John fit sortir un malosse d'une pokeball. Le chiot noir s'approcha tranquillement de ses deux comparses et s'assit à leur côté. La discussion reprit.
L'eau coulait toujours dans la salle de bain. John se laissa tomber sur le lit et remarqua un cadre retourné sur la table de chevet. Il s'en emparra.
Il s'agissait d'une photo de classe de lycée ; celle de l'année de seconde d'Eric précisement. C'est cette année là que John avait rencontré Eric, Sidonie et Matthew pour la première fois.
_ Au fait Eric, tu veux savoir comment j'ai fait enrager ta soeur tout à l'heure ? demanda John à travers le mur.
_ Ouais, comment ? lui répondit-il, toujours sous la douche.
_ Ta soeur a un faible pour quelqu'un. Et je sais qui c'est.
Petit blanc entrecoupé par le bruit des goutes d'eau sur les vitres de la cabine.
_ Pff, n'importe quoi ! Tifa peut pas blairer les mecs. Elle traine jamais avec les garçons, alors de là à avoir un petit ami.
_ Pas un petit ami, juste un béguin. D'ailleurs l'intéressé n'est même pas au courant. Et puis, pourquoi crois-tu que ta soeur ait rougi aussi subitement ?
L'eau se coupa presque aussitôt. Moins de deux minutes plus tard, Eric sortait de la salle de bain, habillé. Il avait attaché ses longs cheveux mouillés en queue de cheval avec un élastique.
_ Alors, c'est qui ? J'espère que c'est pas une des racailles qui lui fait la court. Oh ! Salut Spade.
Le malosse le salua en retour par un petit glapissement.
_ Rassure-toi, c'est quelqu'un de parfaitement convenable. Tu le connais bien d'ailleurs, et il est sur cette photo.
John montra la photo de classe à Eric et désigna un adolescent de 15 ans aux cheveux blonds coupés courts et aux yeux noisettes. Un grand sourire ornait son visage rond alors qu'il était bras dessus bras dessous avec John et Eric, un de chaque côté.
_ Nooooooooon ! Matthew ? Ma soeur est amoureuse de Matthew ?!
_ Regarde donc ce qui lui a fait péter un plomb dans la cuisine.
John tendit son portable à Eric. Un message pré-enregistré dans les brouillons apparut à l'écran :
"Mon départ et celui de ton frère te laisseront sans doute de marbre, mais sache que finalement, Matthew nous accompagne. Ne t'inquiète pas ! Je saurai garder le secret et je ne révelerai rien de ton amour pour notre blondinet préféré... ou pas ! Je me demande comment il réagira..."
Eric rendit son portable à John, lentement. Il paraissait assez surpris. John garda le silence, attendant qu'Eric lui fasse part de ses impressions à chaud.
_ Mince. Ma soeur est amoureuse d'un de mes amis.
_ Et ça t'embête ?
_ Je sais pas, avoua-t-il.
_ T'es même pas drôle ! Tu met autant de temps pour te faire une opinion de la situation que quand t'avais 15 ans.
_ De toute façon, on s'en fiche, on part pour un an en train-trip et vu que Matthew sera avec nous, ma soeur aura aucun moyen de le voir. Alors la question ne se pose plus.
_ Tu fuis la réalité Eric. Et j'm'en fous. Prend ton sac, j'ai envie qu'on décole !
John rappela Spade dans sa pokeball et Eric fit de même avec Jéricho et Botan. Il pris un grand sac à dos de voyage préparé la veille, le fit passer sur son épaule et suivit John dans les escaliers. Sans se retourner, il lui dit :
_ Traine pas trop pour leur dire au revoir. Je t'attend dehors.
Et il sorti sans un mot pour la mère et la soeur de son ami. Cela aurait pu leur parraître grossier en d'autres circonstances, mais personne ne lui en tint rigueur ; Inès, Tiphanie et Eric attendaient et redoutaient à la fois ce dernier moment à passer ensemble. En sortant précipitament, John fit comprendre à tout le monde que ce moment était venu, leur épargnant la gêne d'une entrée en matière forcée.
_ Maman, merci de m'avoir soutenu et même encouragé dans mon projet. Et merci aussi d'avoir accepté de subvenir à mes besoins durant cette année.
Eric avait posé son sac par terre et s'était jeté à l'eau.
_ Mon chéri, ne parlons pas d'argent maintenant. Tu sais bien que ça me fait plaisir, et je sais aussi bien que si je ne l'avais pas fait, tu aurais travaillé pour réunir les fonds nécessaires à ton voyage. Nous y trouvons tout les deux notre bonheur : toi, tu n'as pas à te soucier de quoi que ce soit, sinon à l'obtention des badges, et moi, je te saurai heureux et en bonne santé.
Eric ne pleurait pas facilement. Mais les larmes lui vinrent quand même aux yeux. Ils s'avança vers sa mère et la serra fort dans ses bras, comme pour étouffer les pleurs qui menaçaient de le submerger. Se séparer d'elle provoquait en lui un déchirement tel qu'il l'engloutissait sous la culpabilité.
Depuis des années, Inès travaillait à lui mettre de l'argent de côté pour qu'il puisse partir à la conquête des arènes ; pourtant, la dernière chose qu'elle souhaitait pour son fils était de commencer sa vie active par un voyage itinérant durant lequel il devrait subir les aléas de la vie au grand air : temps changeant, température peu clémente, nombreuses nuits à la belle étoile, danger sur les routes... Mais jamais elle ne lui fit part de ses doutes ni de ses craintes, préférant se soucier de la réalisation du rêve de son fils que des ses propres inquiétudes.
_ Je t'aime maman, marmonna-t-il sur son épaule.
Un sanglot failli trahir sa tristesse. Il avait tellement attendu ce jour qu'il ne voulait pas que sa mère le voit triste ; pas aprés tout ce qu'elle avait fait pour lui. Ce devait être un jour merveilleux.
_ Je sais mon chéri. Je t'aime aussi.
Sa voix était calme, sereine.
Eric desserra son étreinte et s'écarta de sa mère une fois qu'il fut sûr que son visage ne laisserai rien parraître de son chagrin.
_ Et moi ? Je pue ?
Tiphanie s'était levée depuis qu'Eric était entré dans la cuisine, mais elle avait préféré garder le silence pour ne pas déranger mère et fils durant leur séparation.
_ Oui. Mais comme que je ne te reverrai pas avant un an, je vais passer outre et te faire un calin.
_ Tu es tellement bon avec ta petite soeur, ironisa-t-elle. Mais fait vite ! Je ne vais pas pouvoir contenir la joie que m'inspire ton départ éternellement.
Eric sourit à la plaisanterie de sa soeur. Par moment, elle savait faire de bon traits d'esprits sans cumuller les grossieretés. Dommage que ce ne fut pas plus fréquent. Malgré leurs alltercations quotidiennes, elle allait lui manquer.
Eric serra tendrement sa petite soeur dans ses bras ; l'étreinte fut plus brève, et moins émouvante aussi. Eric était majeur, et Tiphanie le serait elle aussi d'ici deux ans. Tous les deux savaient que la vie allait les séparer afin que chacun puisse trouver son chemin. Cet au-revoir était une invitation au changement, un défi que leur fierté de jeunes adultes leur lançait : "dans un an, je ne serai plus comme tu me connais aujourd'hui ; dans un an, j'aurais grandi !" Tiphanie espérait avoir gagné en maturité d'ici là, et Eric souhaitait vivement que ce fut le cas, mais aussi qu'il aurait toujours conservé une longueur d'avance sur elle. Grand frère oblige.
_ Aller, va-t-en ! le poussa-t-elle. Ca fait 11 ans que tu nous tannes pour partir avec ton crapaud et ta belette, alors maintenant que tu le peux, fais pas genre les adieux t'incitent à revenir sur ta décision. Psshhhh !
Elle fit mine de le chasser comme elle l'aurait fait d'une bête errante sur le pas de sa porte.
_ D'accord. Alors salut soeurette !
Et il lui vola une bise sur la joue qu'elle ne put esquiver à temps.
_ Pouah ! Vil incestueux ! Casse-toi !
Tiphanie destestait les démonstration d'affection de son frère.
_ A bientôt maman. Je reviendrai triomphant et glorifié par mes nombreuses victoires, exagéra-t-il.
_ Reviens moi heureux et en un seul morceau, ça me suffira.
Et il se fire la bise.
_ A bientôt mon grand.
Eric resta quelques seconde face à sa famille presque au complet, sans rien dire. Ses secondes parurent des heures et, malgré leur mutisme, mère et enfants scélèrent beaucoup de liens dans cet adieu tacite. Il finit par ramasser son lourd sac de voyage, le mit sur son dos et se dirigea vers la porte d'entrée que John avait pris soin de laisser entrouverte pour écouter leur conversation. Mais Eric le vit comme un signe, un appel à l'aventure que son ami lui lançait.
John était près. Le sac à dos qu'il avait laissé sous le porche avant d'entrer était maintenant fermement arimé à ses épaules et ses chaussures de marches étaient lassées jusqu'en haut, à mi-mollet par dessus son pantalon cargo beige.
_ Près à partir ?
_ Prés.
Eric revint à la réalité. Ses esprits furent rapatriés de la cuisine jusqu'au moment présent, comme s'il émergeait d'un rêve. Il ne croyait toujours pas qu'il allait entreprendre son voyage dans quelques minutes.
_ Alors on y va ! Ikkimashooooouuuuu ! Hurla John, en bon fan d'anime qu'il était.
Et de son téléphone portable, de faire jouer une musique qui avait bercé l'enfance d'Eric.
"Thème Pokémon" de notre enfance. (incruster un lien youtube avec le theme fr ? )
Le voyage avait commencé. Et Eric ne savait absolument pas dans quoi il s'embarquait.