Spoiler :
Lapin Blanc
La femme, au visage livide et dépourvu de charme, soupira. De ses lèvres entrouvertes où s’échappaient deux incisives abîmées, naquit un triste gémissement, précédant les pleurs qu’elle ne sut retenir. À sa main : un pistolet. Tout autour d’elle : un séjour correctement rangé. Dans sa tête : un chantier.
Là-bas dans la cuisine, sifflotait une cafetière qu’elle avait déposée sur le feu, bien plus tôt dans la journée. Le café, encore une chose qu’Anna avait ratée.
Une détonation fit sursauter le Chinchidou de la vieille, morte. Une vague orangée souleva les meubles du salon dans lequel il se trouvait, le plaquant contre un mur. Ses oreilles hurlaient, ses poumons explosèrent. De retour à lui, l’air manquait. Sourd, il retourna auprès du cadavre de sa maîtresse, celui-ci s’était teinté d’un noir ébène ; mais à son poignet carbonisé, on pouvait toujours lire, sur sa montre dorée : quinze heures, trente-six minutes et vingt-trois secondes. Vingt-quatre, maintenant…
La télévision était allumée, la voix du présentateur berçait ses tympans. Elle s’empara d’un linge et épongea les larmes qui ornaient ses joues, ridées ; puis elle déposa son arme sur une table, non loin de ses faibles jambes, avant d’aller chercher de quoi la rendre dangereuse.
Les flammes dévoraient le bois du plafond. Quinze heures, trente-six minutes, vingt-six secondes. Des poutres entières se détachaient de la charpente pour venir atterrir dans les décombres du parquet. Toute la maison tremblait ! Côtoyant la mort, mais luttant pour sa survie, le Pokémon, anormalement calme, reposa son crâne contre la poitrine de ce qui avait été sa dresseuse.
Anna ferma les yeux un instant. Elle inséra une cartouche cuivrée dans son revolver, puis contempla son partenaire, un petit être espiègle au pelage blanc. Celui-ci, des années durant, lui avait tenu compagnie. Aujourd’hui, elle allait s’en séparer. Alors elle passa une main grêle sur le dos de l’adorable créature, qui avait remarqué son chagrin.
« Quelle est intelligente cette bête, pensa-t-elle. Je suis vraiment désolée… Mais je dois partir, et je ne peux pas t’emmener avec moi : tu ne serais pas heureux, mon p’tit ange… »
La mondaine en larmes prit son vieil équipier et le serra tendrement contre elle.
« Au revoir, mon ami… » Quinze heures, trente-six minutes, vingt-huit secondes.
Elle esquissa un dernier sourire, voyant les deux billes sombres de son Pokémon s'emplir d'une eau légère « Je suis en retard »
Quinze heures, trente-six minutes, trente secondes.
Une nouvelle explosion.
Quinze heures ; trente-six minutes ; trente et une secondes.
Anna n’en pouvait plus, la température était trop forte ! Dans ses mains desséchées, trônait un amas de souillures : les restes de son compagnon, un valeureux Chinchidou aux poils platinés. Sa tristesse était telle qu’elle ne parvenait à pleurer ; et autour d’elle le feu grandissait. Le flamboiement du mobilier mangeait l’oxygène si précieux ; les étagères s’effondraient, les armoires se désintégraient…
Soudain, la dame - qui survivait – sentit son front s’hydrater. Un liquide sans chaleur parcourait son visage, il semblait provenir de sa tempe. Afin de répartir comme il le fallait, cette bénédiction sur son corps, la demoiselle relâcha les ossements qu’elle portait ; puis étala soigneusement le fluide inconsistant sur ses muqueuses, pour les rafraîchir.
À la vue de ses doigts, elle frémit : du sang.
Quinze heures, trente-six minutes, vingt-neuf secondes.
La femme, au visage livide et dépourvu de charme, soupira. De ses lèvres entrouvertes où s’échappaient deux incisives abîmées, naquit un triste gémissement, précédant les pleurs qu’elle ne sut retenir. À sa main : un pistolet. Tout autour d’elle : un séjour correctement rangé. Dans sa tête : un chantier.
Là-bas dans la cuisine, sifflotait une cafetière qu’elle avait déposée sur le feu, bien plus tôt dans la journée. Le café, encore une chose qu’Anna avait ratée.
Une détonation fit sursauter le Chinchidou de la vieille, morte. Une vague orangée souleva les meubles du salon dans lequel il se trouvait, le plaquant contre un mur. Ses oreilles hurlaient, ses poumons explosèrent. De retour à lui, l’air manquait. Sourd, il retourna auprès du cadavre de sa maîtresse, celui-ci s’était teinté d’un noir ébène ; mais à son poignet carbonisé, on pouvait toujours lire, sur sa montre dorée : quinze heures, trente-six minutes et vingt-trois secondes. Vingt-quatre, maintenant…
La télévision était allumée, la voix du présentateur berçait ses tympans. Elle s’empara d’un linge et épongea les larmes qui ornaient ses joues, ridées ; puis elle déposa son arme sur une table, non loin de ses faibles jambes, avant d’aller chercher de quoi la rendre dangereuse.
Les flammes dévoraient le bois du plafond. Quinze heures, trente-six minutes, vingt-six secondes. Des poutres entières se détachaient de la charpente pour venir atterrir dans les décombres du parquet. Toute la maison tremblait ! Côtoyant la mort, mais luttant pour sa survie, le Pokémon, anormalement calme, reposa son crâne contre la poitrine de ce qui avait été sa dresseuse.
Anna ferma les yeux un instant. Elle inséra une cartouche cuivrée dans son revolver, puis contempla son partenaire, un petit être espiègle au pelage blanc. Celui-ci, des années durant, lui avait tenu compagnie. Aujourd’hui, elle allait s’en séparer. Alors elle passa une main grêle sur le dos de l’adorable créature, qui avait remarqué son chagrin.
« Quelle est intelligente cette bête, pensa-t-elle. Je suis vraiment désolée… Mais je dois partir, et je ne peux pas t’emmener avec moi : tu ne serais pas heureux, mon p’tit ange… »
La mondaine en larmes prit son vieil équipier et le serra tendrement contre elle.
« Au revoir, mon ami… » Quinze heures, trente-six minutes, vingt-huit secondes.
Elle esquissa un dernier sourire, voyant les deux billes sombres de son Pokémon s'emplir d'une eau légère « Je suis en retard »
Quinze heures, trente-six minutes, trente secondes.
Une nouvelle explosion.
Quinze heures ; trente-six minutes ; trente et une secondes.
Anna n’en pouvait plus, la température était trop forte ! Dans ses mains desséchées, trônait un amas de souillures : les restes de son compagnon, un valeureux Chinchidou aux poils platinés. Sa tristesse était telle qu’elle ne parvenait à pleurer ; et autour d’elle le feu grandissait. Le flamboiement du mobilier mangeait l’oxygène si précieux ; les étagères s’effondraient, les armoires se désintégraient…
Soudain, la dame - qui survivait – sentit son front s’hydrater. Un liquide sans chaleur parcourait son visage, il semblait provenir de sa tempe. Afin de répartir comme il le fallait, cette bénédiction sur son corps, la demoiselle relâcha les ossements qu’elle portait ; puis étala soigneusement le fluide inconsistant sur ses muqueuses, pour les rafraîchir.
À la vue de ses doigts, elle frémit : du sang.
Quinze heures, trente-six minutes, vingt-neuf secondes.