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Les Nuits de Sang de BioShocker



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» Auteur : BioShocker - Voir le profil
» Créé le 07/12/2015 à 19:29
» Dernière mise à jour le 07/12/2015 à 19:29

» Mots-clés :   Action   Hoenn   Présence d'armes   Suspense   Unys

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004 : 1960's weren't what you imagine, y'know ?
"Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays."
- John Fitzgerald Kennedy




Les rues de Mérouville, d'ordinaire surveillées par les officiers Unovites, n'étaient ce soir-là arpentées que par quelques habitants de la région tout à fait normaux. La neige avait cessé de tomber depuis deux, peut-être trois jours, et le temps se faisait moins froid. Les citadins pouvaient donc quitter leur maison sans crainte de devenir l'un des cadavres gelés que l'on pouvait fréquemment voir durant les hivers Hoennais. Les maisons, les immeubles, et même la banque centrale de Hoenn étaient décorés aux couleurs de Noël. Ou plutôt du nouvel an, en l'occurence, puisqu'il s'agissait du dernier soir de l'année 1961.

Le militaire le plus haut-placé dans la hiérarchie à Mérouville - le colonel Waltz, donc - avait tenu à interrompre toutes les opérations militaires de routine pour se consacrer à la soirée, qu'il voulait inoubliable. On ne savait pas pourquoi il y attachait autant d'importance. Certains supposaient qu'il avait une âme de fêtard, d'autres qu'il souhaitait montrer aux Hoennais passant dans la rue l'importance et la grandeur du quartier général de l'armée Unovite. Mais bon, personne ne le savait vraiment, et on se doutait bien que le colonel lui-même ne répondrait pas à cette question. Cela gâcherait l'image énigmatique qu'il voulait - une fois encore, rien n'était certain - que l'on aie de lui.

A l'intérieur des locaux militaires, la fête battait son plein. Sur les tapis rouges, les serveurs armés de leurs flûtes de champagne virevoltaient entre les tables comme des acrobates. Une chanteuse de cabaret entonnait un air bien connu des Unovites, alors que des danseuses offraient une prestation des plus incroyables. On discutait, on dansait, on buvait, on se saoulait même, vidant des verres jusqu'à ce que l'évanouissement s'en suive. A ce lieu d'ordinaire si strict, si martial, succédait une atmosphère de débauche et d'alcool coulant à flots comme l'inépuisable diversité de la vie. On était au début des années soixante, et on se croirait de retour aux années folles, dans l'Amérique de 1920.

L'instigateur de tout cela avait, bien entendu, honoré de sa présence ces lieux où régnaient l'amusement et la détente, mêlés à une frénésie fêtarde inarrêtable. Le colonel Hans Waltz avait décidé de troquer son uniforme militaire pour un smoking noir élégant, une chemise blanche parfaitement immaculée et un foulard d'un rouge sanglant à faire pâlir les âmes sensibles. Son visage d'ordinaire serein le paraîssait encore plus qu'à l'accoutumée, alors qu'entouré de collègues, il plaisantait allègrement, laissant toute part d'excentricité au placard. Il était à la fois fondu dans la masse et exceptionnellement voyant.

Le petit groupe avec lequel il conversait faisait partie de la police politique, l'une des principales fonctions de l'armée Unovite. Trois femmes et deux hommes, aussi élégamment vêtus que l'officier supérieur, qui racontaient quelques histoires vécues pendant le service.

- Et là, savez-vous ce qu'il m'a répondu ? leur demanda l'une des femmes, une grande brune à la coupe au carré.

- Non, mais nous serons ravis de l'apprendre, sourit un rouquin à l'air affable.

- Eh bien il a osé répliquer que si il n'était pas content, le patron de Mérouville n'avait qu'à venir lui même à sa porte pour récupérer les taxes ! Vous imaginez un peu ! C'est scandaleux !

- Allons, allons, c'était un mauvais plaisantin ! ricana le colonel Waltz en tapotant l'épaule de la brune.

Au rire de l'officier supérieur s'ajoutèrent ceux des autres membres du petit groupe, et bientôt, on ne tarda pas à aller se réapprovisionner en boissons alcoolisées. Certains avaient déjà la vue qui se troublait, d'autres commençaient à s'agiter en grimpant sur les tables ou les sofas en balançant tout et n'importe quoi sur leurs voisins. On pouvait voir, le temps d'une soirée, des choses que l'on n'oserait à peine imaginer habituellement dans le quartier militaire de Mérouville.


*
* *


Tout le monde avait beau se trouver à son aise dans cet environnement de luxe, de plaisir et d'alcool, il y avait toujours des sceptiques et des non convaincus. Des gens qui, plutôt que de prendre part à l'amusement général, se bornaient à rester à l'écart, persuadés d'œuvrer pour leur propre bien. Parmi ces sceptiques-là, on pouvait retrouver Alex Raine. Dans sa robe noire fine, surmontée d'un gilet blanc, elle était plus belle que jamais. Ses cheveux, d'ordinaire relevés en un chignon serré, tombaient en cascade dans son dos, comme des vaguelettes blondes. Son regard acéré, en revanche, était toujours le même. Les mains croisées derrière son dos, se balançant d'un pied sur l'autre, elle observait tout ce beau monde sans oser se servir quoi que ce soit. Elle fut bien obligée de prendre une flûte de champagne lorsqu'un serveur lui en tendit une, mais elle n'y toucha pas, préférant laisser son passé là où il était.

Car en dépit de ce que l'on en disait, le lieutenant Raine n'avait pas toujours été comme cela, sérieuse et froide. Le temps avait bien changé, plutôt en bien qu'en mal, cette jeune femme fêtarde et insouciante, qui allait de soirée en soirée, chaque fois avec un compagnon différent, enchaînant les verres et les danses maladroites. Ces fêtes-là, au début des années cinquante, se terminaient toujours de la même façon. Dans une salle de bains. Alex, la tête dans la cuvette, régurgitait tout ce qu'elle avait pu avaler, complètement saoulée par les innombrables consommations qu'elle avait, sans se soucier des conséquences, enchaînées à un rythme impressionnant. Elle avait beau nier, rejeter cette part d'elle, chaque fois qu'elle se retrouvait dans ce genre de soirées, tout cela lui revenait en pleine figure, comme un boomerang qu'on lance et qui revient brutalement.

Non loin d'elle, le docteur Joseph Watson, un médecin militaire aux apparences trompeuses, ne consommait pas plus qu'elle et ne profitait aucunement de la fête. Tous deux, dans un coin, n'avaient rien de mieux à faire que de discuter de tout et de rien, pour oublier tous les événements vécus ces derniers temps, notamment en ce qui pouvait concerner le camp non loin de Cimetronelle. Cette histoire-là les avait tous deux ébranlés. Le docteur Watson ne s'en cachait pas. De toute façon, on parvenait aisément à deviner ses sentiments rien qu'en observant son visage aux traits doux. Alex, en revanche, était plus compliquée à cerner. Elle se fermait à tout le monde, se cachait derrière une façade de froideur et de confiance en elle qui déconcertait quiconque souhaitait lui faire la conversation. Ce soir-là, elle décida d'abandonner ce côté revêche et de s'ouvrir un peu plus à l'amitié de son collègue.

- Tout cet alcool... ça me donne la nausée, geignit le médecin, qui avait du mal à supporter toute cette agitation.

- J'ai horreur de l'admettre, mais moi aussi ! souffla la blonde, tentant du mieux qu'elle pouvait de sympathiser avec le médecin.

Fatigué, il prit place sur l'un des canapés en s'épongeant le front avec une serviette.

- Je ne sais pas pourquoi j'ai si chaud...

- Peut-être que vous avez attrapé une mauvaise fièvre, docteur. Permettez.

Elle posa sa main glacée sur le front du blondinet, et la différence de température les fit sursauter tous les deux en même temps. Le rouge monta vite aux joues de Watson, plus gêné que jamais, alors qu'Alex ne disait rien. Finalement, ils éclatèrent d'un rire franc et sonore, sans pouvoir s'arrêter. La jeune femme ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait ri de la sorte. Des larmes perlaient au coin de ses yeux et sa respiration se faisait de plus en plus erratique, tandis qu'elle se laissa tomber dans le canapé, aux côtés du médecin. Une voix familière les interrompit.

- Je ne vous avais jamais vu rire comme ça, lieutenant Raine. Et vous, vous semblez moins stressé que la dernière fois, docteur Watson.

Le major Jim Warden les regardait, tour à tour, alors qu'ils tentaient de regagner leur calme. Chose plutôt difficile pour Alex, qui peinait à prendre au sérieux le militaire bougon et peu motivé engoncé dans un smoking noir.

- Quoi ? Je vous fais rire ? s'étonna le brun aux yeux bleus écarquillés.

- Non, non... si. C'est juste que... que ça ne vous va pas aussi bien que l'uniforme.

Warden haussa un sourcil, ignorant s'il devait prendre ça pour un compliment ou bien s'inquiéter du fait que sa collègue, la froide et inexpressive Alex Raine, admette le trouver bien dans son uniforme.


*
* *


La ville la plus exotique de Sinnoh, Cimetronelle, était la seule que les militaires Unovites n'occupaient pas. Ils n'appréciaient aucunement de vivre sans technologie, en harmonie avec la nature, alors ils avaient choisi de la laisser aux Hoennais. Selon la nouvelle carte de leur "empire", Cimetronelle ne faisait pas partie intégrante de Hoenn, et évidemment, il s'agissait là d'une aubaine pour les résistants, qui avaient monté leur principal camp ici. Bien sûr, un groupe d'officiers d'Unys passait par là de temps à autre, pour vérifier qu'aucune activité dangereuse n'avait lieu dans le coin. Heureusement pour les résistants, ils n'avaient pas découvert leur quartier général souterrain, qui s'étendait sous une bonne partie de la ville.

Le quartier général en question s'apparentait aux bunkers allemands, lors de la Seconde Guerre Mondiale : des murs gris et froids, des portes métalliques qui grinçaient horriblement et du matériel de communication à la pointe de la technologie pour pouvoir contacter aisément le monde extérieur. Personne ne vivait vraiment là, il s'agissait surtout d'une base d'opérations où se regroupaient les résistants pour échafauder leurs stratégies et où l'on stockait les armes. Rien de plus, rien de moins. Dans l'une des pièces principales, pourvue d'une grande table entourée de chaises, sur laquelle trônait une carte de la région annotée ici et là, se trouvaient deux personnes, une femme et un homme.

La femme, Bridget Travis, avait des cheveux roux longs, qui tombaient jusqu'au milieu de son dos. Ils étaient repoussées en arrière et maintenus par des épingles, lui permettant de se pencher sur la table sans être entravée. Elle portait une tenue relativement masculine, composée d'un pantalon de toile et d'une chemise guère plus épaisse, malgré le froid régnant dans le bunker. Ses yeux noisette pétillaient de malice, et elle semblait être l'incarnation même de la joie de vivre. Seulement, il s'agissait d'une personne très influente dans la résistance Hoennaise, puisqu'elle était la femme du dirigeant.

Lequel observait, d'un air songeur, le gigantesque plan de Hoenn déroulé sur la table. Winston Travis était assis dans une chaise, les bras croisés, repoussant parfois en arrière une mèche de ses cheveux noirs courts qui venait se poser sur son front. Ses yeux verts restaient fixés sur un point de la carte, non loin de leur position actuelle : le camp de la route 119, qui avait sauté avec bon nombre de munitions et de camarades, ainsi que quelques prisonniers Unovites. Mais il n'était pas le seul à blâmer : il avait confié la direction du camp à son second, et si celui-ci avait failli, c'était de sa faute. D'ailleurs, étrangement, il n'avait pas reparu, bien qu'il ne se soit pas trouvé sur les lieux de l'explosion.

Bridget regardait son époux, intriguée, alors qu'il se leva pour quitter la pièce. Elle l'attrapa par l'une des bretelles qui retenaient son pantalon et il se retourna en soupirant.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu as l'air bizarre, c'est tout. Quelque chose ne va pas ?

Winston soupira de nouveau, retroussa un peu plus les manches de sa chemise blanche et se laissa retomber sur la chaise. Après un long moment de silence, il dit :

- Je m'inquiète au sujet d'Owen.

Bridget pencha la tête sur le côté, laissant ses boucles rousses remuer. Il adorait ce geste, et le détestait en même temps. Elle faisait tout le temps cela pour attirer son attention. Finalement, elle demanda :

- Tu t'inquiètes pour lui, ou pour les potentielles victimes collatérales qu'il risque de faire s'il sort ?

- Un peu les deux, admit l'homme en haussant les épaules, peu rassuré.

Elle soupira et lui tapota le dos, avant d'ajouter, sur un ton qui se voulait rassurant :

- Ne t'inquiète pas pour ça, il doit être loin de Mérouville à l'heure qu'il est... enfin j'espère.


*
* *


Le quartier de Mérouville où était situé la base militaire était des plus silencieux. L'homme marchait d'un pas rapide, sûr, confiant. Les cadavres jonchant le sol dans le quartier pauvre ? Peuh. Il les avait ignorés, tout en continuant à marcher. Il en avait même piétiné quelques uns, mais cela ne faisait aucune différence. C'étaient des morts, après tout. Et les morts ne sont pas vivants, tout le monde le savait. Il y avait, chez ce type-là, quelque chose d'étrange, d'inquiétant, même. Dans ses yeux gris se reflétait une lueur presque mauvaise, alors que ses cheveux blonds courts et inhabituellement désordonnés s'agitaient au gré du vent. Malgré le froid - bien que moins atroce que les jours précédents -, il n'était vêtu que d'une chemise blanche aux manches retroussées et d'un pantalon noir rayé de blanc. Le tout lui donnait une élégance décontractée plutôt attrayante. Regardant droit devant lui, il était accompagné d'un Pokémon. Un Cizayox d'une couleur inhabituelle : il n'était non pas rouge, mais verdâtre. Son corps était rouillé par endroits, et l'une de ses pattes semblait salement blessée. Il traînait sa carcasse dans un cliquetis de ferraille peu rassurant, brisant le silence de la nuit. Tous deux se dirigeaient, d'un pas décidé, vers le quartier général de l'armée Unovite.


*
* *


La musique, couplée aux cris délirants des ivrognes, contribuaient au mal de crâne qui vrillait la tête du docteur Watson. En plus de subir cela, il était en plus chargé de s'occuper des officiers qui avaient trop bu. Il en avait plein la tête - sans mauvais jeu de mots - et était reconnaissant envers le lieutenant Raine, qui restait à ses côtés. Elle ne disait rien, mais ça semblait aux yeux du médecin plus agréable que d'ausculter ces ivrognes tout seul. Un léger sourire peint sur le visage, les yeux dans le vague, elle était tout à fait charmante et très jolie à regarder. A cette seule pensée, Joseph Watson rougit, et continua son ingrate besogne, lorsqu'elle prit la parole.

- Cela doit être éprouvant. De vous occuper de tous ces gens à l'haleine putride, je veux dire.

Le blondinet hocha la tête, on ne peut plus d'accord.

- C'est mon métier, je suis bien obligé de remplir mes fonctions lorsqu'on me le demande.

- Qui parle de fonctions ? souffla-t-elle. Vous êtes en congé, comme nous tous. Vous auriez tout aussi bien pu refuser.

Watson se gratta la tête et détourna le regard.

- Je vois. Vous manquez cruellement de volonté, reprit-elle en voyant le médecin mal à l'aise.

- Croyez-moi, je fais de mon mieux pour combler cette lacune, mais j'ai beaucoup de mal... geignit-il, un peu honteux.

Raine sourit et ne tarda pas à éclater d'un rire franc, ce qui surprit le blond. Cette femme était tantôt froide, tantôt amicale, voire même très détendue. Il ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait dans sa belle tête blonde, et s'interrogeait beaucoup au sujet de cette femme singulière. Il avait du mal à savoir ce qui se passait dans son propre esprit. Il était attiré par Alex Raine, mais il ne saurait dire s'il l'aimait ou non. De toute manière, il était bien trop maladroit pour exprimer ses sentiments, et n'en avait nullement l'intention. Il s'arracha à la contemplation de la jeune femme lorsqu'elle posa son regard sur lui, et se remit au travail, non sans un soupir.


*
* *


De leur côté, parmi les officiers tout à fait à l'aise, le major Jim Warden et le colonel Hans Waltz conversaient parmi une brigade de la police politique. La grande brune de tout à l'heure et le rouquin étaient toujours là, ainsi que quelques autres. Ils discutaient sans se soucier du reste, aidés par l'alcool qui coulait à flots. La chanteuse continuait à entonner des chants, alternant entre country et soul, en passant par des airs plus populaires, ravissant son public. Elle savait y faire, sans nul doute.

- Est-ce vrai que le camp près de Cimetronelle a explosé ? sourit la brune aux cheveux coupés au carré, son enthousiasme naturel décuplé par les effets de la boisson.

- Major Greene, vous l'ignoriez ? s'offusqua faussement le colonel Waltz en lui donnant une tape sur l'épaule. Allons, c'était mon idée, tout de même !

- Eh, je travaille à Clémenti-Ville, moi ! Je ne suis pas censée me trouver là. Pas un mot à mon supérieur !

- Pas un mot, répéta-t-il en souriant. Et sinon, qu'avez-vous pensé de l'exécution publique retransmise dans toute la région ?

- Ma foi, c'était divertissant. Le regard de ce résistant valait la peine d'être vu. C'était quelqu'un de déterminé, ce gars-là.

Jim Warden vida son verre de cocktail et s'empressa d'en commander un autre, pas assez enivré pour profiter pleinement des festivités. Il en voulait plus que ça. Un serveur se fit une joie de remplir son verre du même liquide exotique.

- Vous tomberez dans les pommes, à ce rythme-là, s'étonna le rouquin qui partageait leur discussion.

- N'vous en faites pas pour moi, je tiens bien l'alcool. A la vôtre !

Et il commença à fredonner l'hymne national Unovite, laissant les autres, perplexes, le regarder se ridiculiser tout seul. La dénommée Greene se mit à rire franchement, et le colonel Waltz ne tarda pas à la suivre, savourant la gaieté générale. Il aperçut une silhouette familière et prit congé du groupe, en laissant son verre de champagne entre les mains du major Warden, qui ne se fit pas prier pour le vider.

Lorsqu'elle vit Hans Waltz s'approcher d'elle, Alex Raine haussa un sourcil, intrigué. Il la prit par le bras et l'entraîna au milieu des danseurs, gratifiant simplement le docteur Watson d'un "désolé, je vous l'emprunte". Le blondinet resta dubitatif un moment, puis se concentra de nouveau sur l'officier saoul qu'il était en train d'examiner.

- Mais qu'est-ce que vous voulez ?! s'écria-t-elle alors qu'il posait sa main sur sa taille en commençant à danser avec les autres.

- Moi ? Oh, rien, voyons, juste faire la conversation avec quelqu'un de sobre. Votre collègue le major Warden est bourré comme un coing !

Elle eut un sourire en coin.

- Oh, ça ne m'étonne qu'à moitié.

Puis elle se tourna vers la jeune femme qui chantait, elle devait l'admettre, vraiment bien.

- Où l'avez-vous dégotée, cette chanteuse ?

Waltz suivit son regard et répondit, le plus simplement du monde :

- Je l'ai rencontrée en 58, alors qu'elle travaillait pour un cirque itinérant à Sinnoh... il appartenait à un certain Rosenweiss, je crois. Je n'en suis plus très sûr. Je le connaissais très peu, cet homme-là.

Alex hocha la tête et se laissa guider par son supérieur, suivant avec peine le rythme de la musique. Elle avait toujours été excellente au tir, à défaut d'être une bonne danseuse. Certainement pas ce que l'on attend d'une charmante demoiselle comme elle. Elle n'avait rien bu de la soirée, et pourtant, il lui sembla un instant que la pièce tournait et que tout devenait flou. Elle secoua vivement la tête et tout redevint normal. Elle devait avoir mal au crâne, elle aussi. Le colonel la regarda, mi-inquiet, mi-amusé.

- Vous allez bien, lieutenant Raine ?

La blonde hocha la tête. Après que la danse fut finie, elle s'attendait à ce que Waltz s'en aille, mais il ne se contenta pas de cela. Il l'embrassa brièvement au coin des lèvres, puis prit congé sans rien dire. Sans doute sa façon de dire "merci de m'avoir accordé une danse", ou quelque chose du genre. Elle resta figée un bon moment. Le docteur Watson, qui avait assisté à cela avec une petite pointe de jalousie, mais surtout avec beaucoup d'étonnement, lui tapota l'épaule. Elle le regarda.

- Moi non plus, je ne comprends pas, docteur Watson. Il est bien trop complexe.

Au même moment, une détonation assourdissante retentit. Tous les militaires, même les ivrognes les plus saouls, sursautèrent. Cela venait de dehors, mais ça ne semblait pas plus rassurant pour autant. Une grande partie des officiers quittèrent le bâtiment pour aller voir ce qu'il se passait. Watson et Alex, accompagnés du colonel Waltz, restèrent à l'intérieur, les deux premiers trop fatigués, le troisième trop bien au chaud pour aller se rafraîchir dehors.

A l'extérieur, un homme seul, un grand blond habillé d'une tenue plutôt légère, incendiait des maisons. Les officiers s'indignaient purement et simplement, étant donné qu'il s'agissait de leurs résidences. Le type lançait ce qui semblaient être des grenades et des cocktails Molotov. Une bonne partie du quartier était en train de brûler. En remarquant le troupeau de militaires Unovites, il prit la fuite. Ils voulurent le rattraper, mais une créature bruyante s'interposa. Tous reculèrent en voyant le Cizayox chromatique rouillé en plusieurs endroits, et traînant la patte. Il avait l'air franchement inquiétant. Sans doute était-ce le Pokémon de ce pyromane, qui gagnait du temps afin que son dresseur prenne la fuite. Plusieurs militaires tentèrent de passer sur les côtés, mais il les prit de vitesse et les décapita sans faire trop d'efforts. Tétanisés, les autres ne purent que sortir leurs Pokémon, n'ayant pas d'armes sur eux.

Tous ceux qui avaient des Pokémon aquatiques s'occupaient d'éteindre le feu, alors que les autres s'évertuaient à distraire l'étrange insecte métallique qui courait un peu partout, en dépit de sa patte invalide. Chaque fois qu'il sautait, on entendait un cliqueris métallique très désagréable, suivi de grincements atroces qui vrillaient les oreilles. Enchaînant les attaques, ce Cizayox était une vraie machine de guerre. Qui qu'il soit, son dresseur était vraiment très bon. Quelques officiers eurent la bonne idée d'aller chercher des pistolets dans le hangar, mais toutes les balles qui touchaient le Pokémon furent absorbées à l'intérieur de sa peau métallique.

- C'est pas possible, il est génétiquement modifié ! grommela Greene, la grande brune venue de Clémenti-Ville.

- Je vous le fais pas dire, renchérit un autre officier tout en donnant des ordres à son Aligatueur.

Finalement, le Cizayox estima avoir gagné suffisamment de temps pour son dresseur et, tout comme lui, prit la poudre d'escampette, à l'exception que lui était couvert de blessures et avait absorbé un nombre important de balles, l'affaiblissant considérablement. Alors que leurs Pokémon éteignaient l'incendie qui avait ravagé une bonne partie de leurs demeures, les officiers regardaient tous dans la direction où le Pokémon s'était enfui, abasourdis et intrigués.

A l'intérieur, le colonel Waltz regarda sa montre, qui indiquait un peu plus de minuit. 1962 ne commençait pas sous les meilleurs auspices.