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Les Nuits de Sang de BioShocker



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Informations

» Auteur : BioShocker - Voir le profil
» Créé le 19/11/2015 à 19:34
» Dernière mise à jour le 19/11/2015 à 19:34

» Mots-clés :   Action   Hoenn   Présence d'armes   Suspense   Unys

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000 : 9 mai 1961

"J'adore les rumeurs. Les faits sont parfois trompeurs alors que les rumeurs, vraies ou fausses, sont souvent révélatrices. "
- Hans Landa, Inglourious Basterds, 2009


Les yeux rivés sur le spectacle désolant qui avait lieu juste devant lui, il arborait un sourire énigmatique. De satisfaction ou de plaisir, nul ne saurait le deviner. Les bras croisés derrière le dos, il se tenait bien droit, dominant de son regard inquisiteur, depuis le toit d'un bâtiment, la capitale de Hoenn. Ce qu'il voyait l'amusait.

Du sang. Mérouville était blessée. Presque détruite, même. Les vitres brisées, les murs criblés d'impacts de balles et les rues pavées couvertes de cadavres, d'humains comme de Pokémon, en témoignaient. Les soldats des deux armées, celle de Hoenn comme celle d'Unys, ne souhaitaient pas abandonner. Leurs Pokémon se battaient à leurs côtés, certains perdant la vie pour leur dresseur. La mort régnait en maître sur la ville, emportant tout sur son passage. Sans distinction.

Des larmes. Les enfants et les femmes ne faisant pas partie de l'armée pleuraient sur les corps inertes de leurs pères ou de leurs époux. D'autres angoissaient, tant et si bien qu'ils se rongeaient les ongles jusqu'au sang. L'anxiété était à son paroxysme. Personne n'était capable du moindre sourire à des kilomètres à la ronde. Sauf lui, bien évidemment, qui observait tout depuis son perchoir.

Le 9 mai 1961 marquerait bientôt la fin de cette guerre qui durait depuis déjà trois ans. L'armée Unovite était clairement avantagée, que ce soit du point de vue technologique ou de l'organisation des effectifs. Les soldats de Hoenn n'étaient pas reconnus pour leur génie militaire. Ils se reposaient avant tout sur les Pokémon, ce qui les handicapait grandement. Des bataillons entiers se faisaient décimer en à peine quelques secondes. Les généraux Unovites ne tarderaient pas à arriver pour décider du sort de la région.


"Plus le mensonge est gros, plus il passe."
- Dr. Joseph Goebbels


Un soldat intéressait particulièrement l'observateur depuis le début de la bataille de Mérouville. Un homme jeune, qui ne devait pas avoir trente ans. Accompagné de deux Démolosse redoutables, il semait à lui tout seul un chaos sans nom. Ses chiens des enfers brûlaient, sans distinction, humains, Pokémon et bâtiments. Et il semblait tirer une certaine satisfaction de son travail, sans toutefois se déconcentrer. Donnant des ordres d'une part, tirant coup de feu sur coup de feu d'autre part, il serait sans doute responsable d'une grande partie des morts. Quoique la jeune femme qui l'accompagnait n'était pas en reste non plus, avec ses effrayants Scalproie qui tranchaient tout ce qui passait sous leurs yeux perçants. A eux deux, ils tuaient sans la moindre difficulté, et cela l'amusait beaucoup.

En entendant des pas se rapprocher derrière lui, il se retourna, toujours sa nonchalance non feinte peinte sur le visage. Un jeune soldat, l'air presque plus effrayé par lui que par la bataille, s'approcha en restant à une distance respectable. On aurait dit que le regard perçant de l'officier supérieur le dévorait de l'intérieur, que ses entrailles brûlaient et qu'il n'allait pas tarder à s'écrouler. Mais le jeune soldat se retint de montrer davantage sa faiblesse, qui transparaissait bien assez comme cela. Respectueusement, il salua son supérieur et, d'un ton monocorde quoique plus ou moins incertain, il prononça quelques mots :

- C'est fini, colonel Waltz. Tout ça... tout est fini.


"Pardonne tes ennemis, mais n'oublie jamais leur nom."
- John Fitzgerald Kennedy


L'officier supérieur haussa les sourcils et son sourire s'élargit. Il avisa le regard apeuré du jeune soldat et ses mains couvertes de sang. De toute évidence, celui-ci avait des remords. Comme pour confirmer ses doutes, le soldat contempla ses mains ensanglantées pendant un bon moment. Le silence pesant qui s'était installé entre eux était de temps à autre perturbé par le son d'un tir ou le cri d'agonie d'un Hoennais. Le colonel Waltz s'avouait intrigué par ce jeune homme, qui regardait ses mains comme si sa vie en dépendait. Finalement, le soldat tira son couteau de sa veste et lança un regard déterminé à son supérieur. Lequel n'esquissa pas un mouvement de recul, pas le moins du monde effrayé.

- Je serais vous, je réfléchirais posément à la situation. Rien ne nécessite d'en arriver à de telles extrémités, soupira le colonel de sa voix calme et posée, teintée d'un très léger accent allemand, presque imperceptible.

Le jeune soldat secoua vivement la tête, comme pour se débarrasser des paroles de son supérieur. Il ne l'écouterait pas. Il serra son couteau dans sa main, si fort qu'il en avait mal. Mais qu'importe. Ce serait bientôt terminé. Il serait débarrassé de toute cette cruauté et de cette peur une fois qu'il en aurait fini. Les mains dans les poches, l'air toujours aussi serein, le colonel Waltz observait son vis à vis, une curiosité non feinte dans le regard.

- Vous en êtes bien certain ? demanda l'officier supérieur, plongeant ses yeux dans ceux de son subordonné. Sachez que je ne tenterai rien pour vous en empêcher.

- Je dois... je dois le faire... je suis désolé... balbutia le jeune homme, tremblant et presque en larmes.

- Ne soyez pas désolé. C'est votre choix. Vous avez le droit de choisir, alors profitez-en. Ce sera mon dernier conseil.


"Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais."
- Oscar Wilde


Déterminé, le soldat hocha vigoureusement la tête. Il s'inclina une dernière fois devant son supérieur, tenant fermement l'arme blanche entre ses mains. Puis, tremblant, il adressa ses adieux au colonel avant de se trancher la gorge. Son corps vidé de toute vie s'écroula sur le sol froid du toit.

Le colonel Waltz soupira et secoua la tête, atterré. Nonchalamment, il s'approcha du cadavre et tira de la poche de la veste du mort trois Pokéballs. Sans dire un mot, il se releva, retourna près du bord du toit et lança les trois sphères bicolores. Un Grodoudou, un Riolu et un Gruikui se matérialisèrent dans la rue en contrebas. Sans demander leur reste, ils s'enfuirent en courant, loin de ce massacre. Loin de leur dresseur. Loin de tout.

Le regard de l'officier supérieur vint se poser une seconde fois sur le corps du jeune soldat. Il secoua de nouveau la tête, cette fois-ci avec un sourire.

- Si jeune, c'est du gâchis... enfin.


"Tout ce que je sais, c'est que tous ceux dont j'ai parlé me manquent pour ainsi dire (...). C'est drôle. Ne racontez jamais rien à personne. Si vous le faites, tout le monde se met à vous manquer."
- J. D. Salinger, L'Attrape-Cœurs, 1951


Chantonnant l'hymne national d'Unys, il quitta le toit pour regagner l'intérieur du bâtiment. Lumières éteintes, portes pour la plupart ouvertes, cadavres jonchant le sol, cet endroit n'était plus que l'ombre de lui-même. Sans s'arrêter, il regardait attentivement chaque porte, jusqu'à ce qu'il tombe sur celle qui l'intéressait. L'inscription "Directeur des services de renseignement" était lisible sur la porte. Il entra, ne prit pas la peine d'allumer la lumière, et se dirigea vers le bureau. Le cadavre de l'occupant, troué d'une dizaine de balles, gisait toujours sur le fauteuil.

Le colonel Waltz, d'un coup de pied, l'en délogea et s'y installa, les jambes posées sur le bureau. Il alluma une cigarette et son visage s'éclaira d'un sourire.

Ils avaient gagné. Hoenn était à eux. Bientôt, tout l'Etat Major Unovite débarquerait, et lui aussi, il aurait sa part du gâteau. Sans même avoir tué le moindre Hoennais. Tout était dans la persuasion et l'autorité.

Hoenn mourut. Le 9 mai 1961, elle passa aux mains de l'ennemi.


"Notre vie est tout autant sans fin que notre champ de vision est sans limite."
- Ludwig Wittgenstein