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Onix est parti vers l'horizon... de illapa



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» Auteur : illapa - Voir le profil
» Créé le 27/10/2015 à 21:38
» Dernière mise à jour le 27/10/2015 à 21:38

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Chapitre 4 : Mission théière !

Un nouveau jour se leva.
Ou plutôt, un jour nouveau était déjà bien entamé lorsque nous nous levâmes. Après la nuitée agitée que nous avions passée la veille, ma dresseuse décida de prendre du repos une bonne partie de la matinée. Cependant, elle ne voulait pas rater le repas du midi afin de ne pas passer une grosse partie de la journée le ventre vide, elle ne voulait pas prendre un rythme de nuit non plus, et espérait bien accomplir une mission -la première ! - tous ensemble, avec notre nouvelle recrue.
Malachite se réveilla aussi péniblement que moi, cependant, il garda son air blasé, et passa un certain temps à s'examiner devant le miroir de la salle d'eau commune, lustrant sa feuille -sa fierté semblait-il- en veillant à ce qu'elle tombe bien devant l'un de ses yeux -pour le style me dit-il lorsque je lui posais la question.

Enfin, une fois que Willelmina eut fini de s'habiller et Malachite de se pomponner, nous rejoignîmes le réfectoire. La pièce était aussi vaste qu'une cathédrale gothique, cependant même un temple gothique paraissait aussi joyeux qu'un théâtre de rue comique comparée à notre Sanctuaire de la Boustifaille à nous. On y entrait par une lourde et massive porte en bois peinte en noir agrémenté des armoiries de la guilde dans sa déclinaison argentée, aux poignées d'argent, du genre aussi accueillant qu'une tempête de grêle. L'intérieur était très spacieux, les innombrables tables étaient très espacées, et je soupçonnais les pontes d'avoir agencé les meubles de cette façon afin de favoriser les courants d'air et empêcher la chaleur humaine de s'accumuler, dans le but non avoué d'en faire la pièce la plus froide du bâtiment. De grandes vitres verticalement longilignes perçaient les murs sur les côtés de la pièce, devant lesquelles on avait accroché d'épais rideaux de velours noirs qui commençaient à être rongés par le temps. Entre chaque fenêtre on trouvait un fanion nous rappelant les armoiries de la guilde, au cas où nous les oublierions, entre le couloir et ici, ainsi qu'un support à torche en forme de croc.
Au fond, la salle se transformait en un vaste dôme, où le toit était plus haut, circulaire, le sol était surélevé par une volée de cinq ou six marches. Dans cette zone, réservée aux maîtres et personnalités de la guilde, les fenêtres n'étaient pas obstruées par des rideaux couleur cornèbre, en revanche elles étaient ornées de vitraux aux sombres tons bleus, violets et gris, donnant une lumière particulière, froide, qui donnait à l'ensemble des allures de Temple des Ténèbres tel que se les imaginaient les poètes et les peintres ayant abusé de la salade.

Dans un coin de cette immense caveau, on avait installé des tables aux nappes qui semblaient en fait être des rideaux reconvertis, sur lesquelles trônaient des plats que les cuisiniers de la guilde veillaient à toujours garder pleins aux heures des repas, c'est à dire à peu près tout le temps, puisque certains vivaient le jour, d'autres la nuit et d'autres entre deux. La majorité des membres estimant qu'il était tout de même plus approprié de vivre la nuit, le réfectoire n'était qu'au tiers plein à cette heure-ci.

Comme toujours, les plats étaient froids. Les cuisines étaient situées au second étage de l'aile nord, placées là pour des commodités de cheminées supplémentaires spécifiques aux cuisines qu'on n'avait donc pas à construire à travers deux étages, pour des raison d'humidité remontant du sol et abîmant les aliments, et pour des facilités d'éclairage solaire nous avait-on expliqué une fois, lorsque Willelmina avait posé la question lors de son premier repas ici. Le réfectoire se trouvait au rez-de-chaussée du bâtiment, en face de l'entrée et accessible seulement par le hall d'accueil entre les différentes ailes du bâtiment. On l'avait placé là pour qu'il soit accessible à tout le monde et pour faire la jointure de toutes les ailes, et parce que le réfectoire était un lieu de rencontre et de partage, il se devait d'être au centre de tout. C'était la logique même.
Les cuisiniers et commis qui apportaient les plats devaient donc descendre deux étages et passer par un hall d'entrée balayé de courants d'air froids quand ils n'étaient pas glacés avant d'arriver, et la qualité de la nourriture s'en ressentait grandement. Le fait qu'on la présente sur un linceul n'arrangeait rien...

Willelmina se servit tout de même allègrement, car son principe était de prendre un maximum de force avant chaque mission ou voyage, de mon point de vue, ses parents l'avaient surtout habituée à avoir un bon coup de fourchette. Je me demandais d'ailleurs si elle n'avait pas maigri depuis son intégration dans la guilde... Elle hésitait entre deux salades composées presque flétries et un rôti froid aux allures peu engageantes lorsqu'une voix accompagnée d'une odeur de carotte et betterave se fit entendre derrière nous.
-Willelmina, tu es là...
La dresseuse se tourna vers le nouveau venu et se trouva face à son maître.
-Bonjour, Maître.
Sa voix était assez peu assurée, et j'aurais juré qu'elle avait pâli. L'homme avait très certainement eu tout le temps de se remettre de sa surprise provoquée par l'affront que lui avait fait mon humaine la veille, et il avait sans nul doute réfléchi à la façon dont il allait y réagir. Et j'avais comme l'intuition que ce ne serait pas agréable pour ma dresseuse. Je remarquais alors que les autres membres nous regardaient avec curiosité, parfois en ricanant entre eux...
L'humain aux airs de Serpillière Maléfique des Ténèbres lui fit un large sourire, aussi bienveillant que le sourire d'un sharpedo à un bébé rémoraid. Puis il s'adressa à l'assemblée :
-Mes chers compagnons de la guilde Ténèbres, je vous demande d'applaudir notre chère Willelmina qui a trouvé un nouveau compagnon pokémon pour son équipe...
Quelques applaudissement très mesurés retentirent, accompagnés de nouveaux ricanements un peu plus osés. Le maître continua, haussant légèrement la voix :
-En espérant que ce soit suffisant pour lui permettre de réussir ENFIN une mission !

Il avait bien insisté sur le enfin, et les ricanements qui suivirent n'étaient plus retenus. Willelmina était devenue aussi écarlate qu'une baie pomroz, et je crus l'espace d'une seconde qu'elle allait répondre ou exploser, mais elle se contenta de trembler un peu en serrant les poings. Le maître lui adressa un autre de ses sourires à faire pâlir d'envie un squale, puis il tourna les talons accompagné d'un mouvement de cape grandiloquent, puis il se dirigea vers la zone des privilégiés. Un jour, je lui ferais bouffer sa cape. Willelmina le regarda s'éloigner, tremblante et j'espérais qu'elle lui lancerait son assiette sur le crâne tel un de ces disques de bois dont certains se servaient pour faire jouer ou entraîner leurs pokémons canins, mais elle n'en fit rien. Malachite rompit le charme d'un commentaire blasé :
-Wouah, quelle ambiance chez les humains, c'est l'éclate mortelle...
Mon humaine le regarda et déclara d'un ton ferme :
-Tu as tout à fait raison, Malachite, je ne vais pas me laisser impressionner. Je vais leur prouver !
Puis elle se tourna vers le buffet, se servit allègrement comme à son habitude, me remplit une gamelle de pâté froid, agrémenté d'un bel os à moelle de tauros rôti tout aussi froid, et pris quelques baies pour Malachite, puis elle alla s'installer à un bout de table, près d'une fenêtre au rideau particulièrement râpé afin d'avoir le plus de lumière possible, sous les regards moqueurs et les rires à peines masqués de ses pairs.

L'os n'était pas mauvais, quoique trop vieux pour avoir vraiment bon goût et le pâté était trop sec. Malachite se contenta d'ingurgiter une demi baie Oran et ne voulut pas toucher aux autres, dont je me gavais. Willelmina tria sa salade, et le pifeuil fut heureux de récupérer les feuilles dont elle ne voulait pas, puis elle me tendit le reste de son assiette pour que je la réchauffe.
C'était une technique délicate, il fallait envoyer la flammèche sur la nourriture sans la carboniser, et faire attention à ne pas incendier l'assiette ni les couverts en bois. Il m'avait fallut beaucoup d'entraînement pour ça, mais j'étais plutôt fier d'y arriver presque facilement à présent. A défaut d'être un pokémon puissant, j'étais un pokémon précis.


Après ce repas rapide, durant lequel ma dresseuse fit de son mieux pour ignorer le regard de son maître qui glissait souvent sur elle comme de par hasard, quand il ne l'observait pas du coin de l'œil, elle se leva avec toute la dignité qu'il lui restait, traversa le hall d'un pas déterminé et sortit dans la grande cour carrée entourée de l'aile nord, de l'aile ouest et d'un immense mur qui faisait office de portail géant entre les deux. Une ribambelle de statues des personnalités et héros de la guilde s'étalaient le long des murs, et contemplaient un jardin aux allées propres et nettes en forme d'étoile. Les membres de la guilde y cultivaient des herbes, et je n'y avait jamais vu de fleur.
Au centre de tout, tel un cornèbre au milieu d'un cimetière se tenait un large panneau d'affichage fait de bois et de liège agrémenté d'un mini toit afin de protéger les annonces des intempéries. Quelques membres étaient là, accompagné d'un voustourno, d'un scalpion et d'un cornèbre.

Willelmina examina longuement les affichettes, sélectionnant avec soin la mission dont nous allions écoper. Malachite observa avec soin les massifs de plante d'un air expert et approbateur. Finalement, il découvrit une espèce de buisson à l'odeur forte et incroyablement fraîche, aux feuilles d'un vert éclatant. De la menthe. Il en préleva une petite branche contenant trois feuilles, qu'il se casa dans la bouche et se mit à mâchonner. Pour ma part, je reniflai ici et là afin d'avoir les dernières nouvelles en matière de nouveaux venus, mais aucune nouvelle odeur ne s'était incrustée dans le coin. Je ne pouvais malheureusement pas marquer mon territoire ni creuser dans mes cachettes secrètes en présence de tous ces témoins. Parce qu'un humain allait sûrement venir hurler et je sentais que mon humaine était déjà bien assez énervée pour aujourd'hui.

Et contre toute attente, le maître sortit du hall, suivi par son farfuret aussi méprisant que lui, traversa la cour jusqu'au panneau d'un pas déterminé et là tête si haute qu'elle semblait prête à basculer en arrière. Puis il se planta devant Willelmina, écartant les autres membres par sa simple présence. Il prit la parole d'un ton hautain :
-Ah Willelmina, vous permettez ?
Et sans attendre la réponse, il jeta un coup d'œil rapide aux petits papiers épinglés sur le panneau, puis il en retira une qu'il lui tendit.
-Voilà, vous ferez cette mission.
Ma dresseuse jeta un œil à la requête en question, et ne parut pas ravie.
-Il faut que j'aille... Chercher une théière dans... dans... ?
-Essayez de ne pas la rater celle-ci. Et n'oubliez pas d'aller chercher la récompense chez la cliente, si jamais vous réussissez. Au moins cette fois-ci vous ne risquez pas de vous tromper de saison.
Voyant le regard que lui lança ma jeune humaine, il demanda :
-Ça vous pose un problème ?
Willelmina prit une inspiration, mais je ne sus jamais si elle avait l'intention de lui exprimer le fond de sa pensée, quel qu'il soit, car il reprit la parole et la congédia d'un geste de la main :
-De toute façon, vous n'avez pas le choix. C'est un ordre. Alors du balais, aller chercher cette théière. Ouste !
Des rires s'élevèrent des membres présents, et voyant que l'encapé ramasse-poussière ne bougeait pas, ma dresseuse s'éloigna de cet affreux bonhomme et de ses sbires, puis elle sortit du bâtiment en maugréant.


Le lieu où devait se situer notre mission se trouvait à environ une heure de marche de la ville, en direction du nord-est. L'endroit était connu et reconnu dans toute la région. Une grande arche de pierre accueillait le visiteur, et servait de berceau à un immense portail de fer forgé qui commençait à rouiller par endroit. C'était une merveille d'architecture, de l'avis général.
Évidemment, l'édifice de pierre aurait sûrement été plus crédible si il avait été utile...
En effet, de larges murailles partaient de part et d'autre de l'arche afin de ceinturer l'endroit, mais au bout de quelques dizaines de mètres, les épais murs de pierre étaient inachevés et commençaient même à s'effriter.
Le commanditaire de l'arche avait, dit-on, passé tout son budget dans l'arche et négligé le mur d'enceinte. Puis quand des fonds étaient revenus, on avait jugé inutile de finir le travail, au prétexte que de toutes façons, l'endroit était en perpétuelle expansion ce qui rendait caduque un mur d'enceinte, et on en était resté là.
Un panneau indicateur planté au pied de l'arche informait le visiteur du nom du lieu, que tout les locaux connaissaient : « Au joyeux pochetron ». Et c'était ce nom qui faisait la célébrité de cet endroit, plus que l'arche magnifique ou la surface assez extraordinaire que recouvrait le lieu.

Malachite resta béat un petit moment en approchant, puis, arrivé au pied de l'arche, les yeux brillants, il ne put s'empêcher de lâcher un :
-Wouah, trop cool, c'est morteeel !
Mortel, c'était le mot qui décrivait le mieux « Au joyeux pochetron ».
Willelmina lui répondit :
-Oui, moi non plus, je n'arrive pas à croire qu'on doive chercher une théière là dedans...
L'histoire du « là dedans » était aussi réputée chez les humains que chez les pokémons, qui ne manquait jamais de la raconter au voyageur prêt à prêter l'oreille aux histoires locales.
« Là dedans » était un cimetière.

On l'avait construit il y avait des éons de cela, lors d'une période prospère où la ville s'était développée, ainsi que les petits villages et hameaux alentours. Les habitants de la région avaient eu une idée de génie : venir enterrer leurs morts en un seul endroit, afin de faire une économie de terres agricoles, une économie financière en mettant en commun les moyens nécessaires à l'entretien et au salaire de deux fossoyeurs au lieu d'en avoir un à payer par village, et ils avaient trouvé l'endroit idéal assez loin des points d'eau propre à la consommation, sur le flanc d'une petite colline.
Ils avaient ensuite demandé au gouverneur d'alors de nommer l'endroit, et c'est à ce moment que les choses étaient allées de travers.
L'homme était en effet légèrement porté sur la bibine et largement porté sur l'eau vivifiante issue de fruits fermentés. Quand le conseil s'était réuni, l'homme était aussi rond physiquement que métaphoriquement, et lorsqu'on lui avait demandé de nommer le cimetière, il s'était exclamé d'un ton bien imbibé :
-Un cimeterre ? Qué cimeterre ? Pourquoi que j'nommerai un sabre ?
On lui avait donc expliqué qu'il ne s'agissait pas d'un sabre, mais d'un lieu où, vous savez, on fait des mises en bière, un lieu de repos éternel... Et l'homme avait alors déclaré :
-Ah ! C'était donc ça ! Mais j'ai pas pigé l'histoire du sabre...
On lui avait alors dit d'oublier le sabre, pour se concentrer sur le lieu du repos éternel. Et il avait tranché :
-Bon on a qu'à l'appeler « Au joyeux pochetron » alors ! Ça fait un bon nom pour les choses, là de bière, et pis ça sonne bien comme truc, là de repos, surtout après une dure journée, même si ma dame y trouve toujours à redire, hein ?
Les choses ne s'étaient pas arrangées lorsqu'on lui avait dit qu'il fallait commander une carriole corbillard pour aller dans tous les villages. Le gouverneur avait alors approuvé avec véhémence prétextant que « ça, ce serait vraiment cool qu'on ait un chose comme vous dites, là, l'jeu de boule qu'y viennent d'inventer, les nobles, même si c'est dommage de l'partager avec les aut' ploucs ».
La légende racontait que les membres du conseil, trop contents d'avoir obtenu un bon budget pour un cimetière qui n'était pas une source de revenus formidable et tenait plus du gouffre financier, n'avaient pas insisté pour expliquer au gouverneur qu'on ne parlait pas d'une taverne comme il semblait le croire.

Quelle n'avait pas été la stupeur du dirigent, le jour où il avait voulu se rendre à ce qu'il croyait être un débit de boisson... Malheureusement, il avait déjà rempli toutes les formalités et inscrit le nom dans le registre de la ville et sur les cartes le jour fatidique où il avait choisi ce patronyme, et les copies de tous ces documents étaient déjà parties aux archives dans la capitale qui avaient dû beaucoup rire de l'ignorance des provinciaux.
Aujourd'hui, les habitants tiraient une immense fierté de leur immense cimetière au nom étrange, et les pokémons aimaient ressortir cette histoire lorsqu'ils voulaient se moquer de la bêtise humaine où prévenir les jeunes des dangers de cet alcool que confectionnaient les humains et auquel il ne fallait surtout pas toucher.

Lentement, Willelmina passa sous l'arche, suivie de près par Malachite et moi, et nous entrâmes dans le cimeterre. Ma dresseuse avançait prudemment comme si les tombes allaient soudainement se mettre à danser la carmagnole.
L'entrée du cimetière était une petite place gravillonnée. En face de l'arche, des rangées de tombes et des concessions familiales des paysans de la région s'étendaient sur plusieurs hectares, agrémentées de buissons, de saules et autres végétaux qui étaient censé décorer mais qui prenaient peu à peu possession des lieux au grand dam des deux fossoyeurs chargés de l'entretien. Un chemin partait sur la droite et menait aux cryptes et tombeaux des familles d'aristocrates et de bourgeois, qui ressemblaient à une ville miniature. Sur la gauche un chemin contournait la partie principale pour accéder à la zone non consacrée du lieu de repos éternel.
Willelmina était épouvantée :
-Comment on va retrouver une théière là dedans ? Et comment ça se fait qu'il y ait une théière là dedans ?
Elle paraissait méfiante, et songeuse...
- « Vous ferez celle-là » hein ? Si jamais c'est un canular...
Elle sembla réfléchir un peu, puis elle eut l'illumination et se tourna vers moi :
-Onyx ! Sers-toi de ton flair pour essayer de trouver la théière !

Je gémis. Comment voulait-elle que je renifle un truc dont j'ignorais l'odeur ? Mais je ne voulais pas passer pour inutile à ses yeux, aussi reniflais-je un peu le sol par ici, un peu par là... Au cas où je découvre une odeur surprenante, ou un parfum de thé... Mais il y avait beaucoup de senteurs, de pierre, de bois, d'os délicieux, et d'innombrables visiteurs qui se mélangeaient...
Je le fis savoir à ma dresseuse par un nouveau gémissement.
-Bon, au moins on aura essayé...
Elle contempla les lieux autour d'elle.
-C'est comme trouver une aiguille dans une botte de foin... Mais ne nous décourageons pas ! Il ne doit pas y avoir des tas de théières dans un endroit pareil !
Malachite choisi alors ce moment pour sortir de sa contemplation béate du cimetière et se tourna vers moi :
-Au fait, ça ressemble à quoi une théière ?


Willelmina réfléchit un peu plus afin de déterminer où nous allions chercher en premier. Malheureusement, il n'y avait pas de coin cuisine au Joyeux Pochetron, pas plus qu'il n'y avait de coin « salon de thé. » Elle examina son bout de papier, et je remarquai qu'il n'y avait pas d'image de la théière qui aurait pu aider Malachite.
-Il n'y a pas non plus le nom du commanditaire... on aurait pu chercher le nom sur les tombes, la théière aurait pu être dessus... Ils disent juste d'aller s'adresser au manoir Beaubois pour la ramener... Je suppose qu'on a plus qu'à chercher tombe par tombe...

Je contemplai l'étendue de sépultures qui s'étalait devant nous. On était pas couché... Soudain Willelmina s'écria :
-Oh non ! Ca veut dire que... Je dois piller une tombe !? Oh nononon, il ne me ferait quand même pas ça, le Maître ! Nononon, c'est hors de question ! Onix, qu'est-ce que je vais faire ?
Elle me regarda droit dans les yeux d'un air affolé.
-Commencer par te calmer ?
Malachite ajouta :
-De toutes façons, tu es pas assez transparente pour traverser le marbre.
Willelmina continua sur sa lancée :
-Et si jamais je réveille un guerrier squelette maudit ? Oh nononon, ça va pas le faire !
Je soupirai. Décidément l'ambiance poético-gothique du quartier général avait de drôles d'effets secondaires sur l'esprit des jeunes recrues. Je lui affirmai :
-Si c'est le cas, je l'incinère et on n'en parle plus...
Malachite ajouta :
-Si c'est le cas, on pourra devenir son ami et le recruter, ce serait trop la classe !
Je contemplai le pifeuil. Décidément, l'effet secondaire était dangereusement contagieux...

Mais tandis que nous étions plantés là, à chercher un plan d'action qui pourrait être efficace, je sentis arriver avec le vent une odeur qui me sembla familière. Et en humant l'air, je finis par voir la source de l'effluve. Elle provenait d'un chevalier blond aux yeux très bleu en armure rutilante, accompagné d'un haydaim harnaché et équipé d'une armure de parade, ainsi que d'un kirlia portant une tiare argenté orné d'une pierre verte et une petite cape assortie à celle de son maître. Le petit groupe arrivait tranquillement du chemin qui menait à la partie riche du cimetière. Visiblement fiston modèle avait fait sa bonne action envers ses ancêtres.
Je me souvenais de ce m'as-tu-vu, que nous avions vu quelques jours plus tôt sur la place du village en train de séduire une flopée de midinettes en mal de romantisme façon conte de fée. Par chance, ma dresseuse avait eu le bon sens de l'ignorer plutôt que de jouer les fans dévouées en lui bavant sur les socques.
Malheureusement, lorsque lui nous aperçut, son visage sembla s'illuminer, et il adressa un sourire radieux découvrant ses crocs d'un blanc étincelant à mon humaine, ainsi qu'un petit coucou de la main. J'espérai que Willelmina ne l'ait pas vu, mais mes espoirs furent déçus : elle l'avait aussi repéré. Cependant, comme l'autre fois et à mon grand plaisir, elle choisi de l'ignorer plutôt que de lui adresser la parole.
-Onix, Malachite, venez !
Et elle prit la direction opposée, se dirigeant tout droit vers la partie non consacrée du lieu. L'homme parut déconcerté et déçu, mais il ne nous suivit pas et resta planté sur place, la main en l'air et l'air ahuri.

Malachite me demanda si nous connaissions ce gus, et je lui répondis qu'on l'avait juste croisé en train de se la péter sur la place du village. Le pifeuil haussa les épaules et conclut :
-J'aime bien la cape du Kirlia. C'est stylé.
Puis il n'ajouta plus rien. Nous marchâmes quelques minutes, puis nous arrivâmes dans une partie du cimetière séparée du reste par un muret couvert de mousse et à moitié écroulé.
La différence avec la partie principale était flagrante : à l'exception d'une ou deux tombes, aucune n'avait de dalle en pierre et n'étaient qu'un monticule de terre marqué par une planche, ou un gros rocher grossièrement gravé, voire simplement peint puis vernis afin que l'inscription survive aux caprices du ciel. On repérait facilement l'ancienneté des tombes à l'état de l'épitaphe.
La zone était envahie par les ronces, les orties, les chardons, les fougères, des arbustes, des arbres et autres végétaux à l'expansion enthousiaste mais on y voyait quelques allées boueuses, et on voyait aussi quelques pots de fleurs fanées indiquant qu'il y avait quand même du passage dans cette partie là du cimetière aux allures de forêt mal entretenue.
Malachite ne put s'empêcher de commenter :
-On sent qu'il y en a qui sont aimés...
-Je ne suis pas un expert nécrologue, mais je crois que quelqu'un avait expliqué un jour à Willelmina que la parie non consacrée était réservée aux suicidés et aux gibiers de potence.
-Pourquoi ? Et ça veut dire quoi non-consacrée ?
Je n'en savais rien. Je croyais depuis longtemps que les humains mettaient des plaques en marbre sur les tombes pour éviter que les défunts ne deviennent des pokémons spectres comme ils le croyaient couramment, mais visiblement, ça ne les gênait pas que des « mal aimés » reviennent les hanter. Alors ils étaient peut-être pas si mal aimés que ça... Ou alors, je ne comprenais rien à la logique humaine.

Willelmina quant à elle, ne semblait pas du tout à l'aise. Ce qui m'étonnait, après tout, il ne faisait pas nuit, nous étions en plein après-midi, et les spectres dormaient encore à cette heure. Elle grommelait des choses comme : « Tomber sur un guerrier squelette maudit... » « si j'attrape une malédiction, le maître va m'entendre... » « quelle idée de perdre une théière dans un endroit pareil ! ».
Elle contempla encore un peu les lieux, puis déclara :
-On devrait peut-être se séparer...
Je répondis derechef :
-Mauvaise idée. En plus, Malachite ne sait pas à quoi ressemble une théière.
Mais elle m'ignora :
-Moi je vais aller de ce côté avec Malachite...
Quoi !? Elle voulait déjà m'abandonner pour ce piqueur d'amour qui cachait bien son jeu !
-Et toi Onix tu vas de ce côté.
Je lui lançais un regard noir, même sans avoir appris l'attaque du même nom. Elle se baissa vers moi et me grattouilla les oreilles.
-Allons Onix, ne fait pas cette tête. On se retrouve ici à la nuit tombée, en espérant que l'un de nous ait la théière.
Elle pouvait se gratter pour que j'accepte un plan-embrouille pareil. Ou plutôt, elle pouvait ME gratter, oui, juste là...
-S'il te plaît Onix, ne me regarde pas comme ça. Je ne peux pas partir sans pokémon pour me protéger, et je te fais confiance pour chercher comme il faut, et pour me retrouver avec ton flair si je ne suis pas au rendez-vous, où même si tu trouves la théière avant moi... j'ai confiance en toi Onix, je sais que tu n'en profitera pas pour t'enfuir, et je sais que tu feras de ton mieux. Je suis sûre que tout va bien se passer !

J'en doutais, mais comment aurais-je pu argumenter alors qu'elle ne comprenait pas un traître mot de ce que je lui disais ? Devais-je la suivre en cachette ou pas ? Non, si elle s'en rendait compte, ce serait un drame. Elle s'arrêta de me choyer, puis déclara :
-Je vais par là avec Malachite, toi tu vas par là. A toute à l'heure Onix !
Et elle se mit en route. J'hésitai à la suivre, mais après tout, n'avait-elle pas dit qu'elle me faisait confiance ? Je devais me montrer digne de la confiance qu'elle avait en moi... Mais si Malachite en profitait pour me voler l'amour de mon humaine, sa jolie feuille stylée finirait dans les flammes de l'enfer d'un malosse déchaîné.
Je commençais donc à partir sur le sentier qu'elle m'avait désigné. Mais à peine trente secondes plus tard, j'entendis un cri. Je fis volte face, pour la voir en train de paniquer en agitant les bras, le pied coincé dans un des monticules de terre qui faisaient office de sépulture. Malachite essaya de la tirer pour la dégager, tandis qu'elle criait : « Aaah, je vais réveiller un guerrier squelette maudit ! »

Le temps que je me demande si je devais intervenir, son pied était sauf et elle tituba pour s'éloigner de cet odieux piège funéraire. A ma grande surprise, un skelenox s'extirpa lentement d'une tombe en bâillant ostensiblement. Je crus l'entendre maugréer quelque chose contenant le mot « raffût » avec un accent à couper au couteau, mais je n'en sus pas plus car Willelmina le vit.
Il y eu un hurlement qui fit s'envoler quelques piafabecs d'un immense arbre au loin, puis je vis mon humaine détaler en courant et criant :
-LE GUERRIER SQUELETTE MAUDIT ! AAAAAAH ! ONIIIIIIIX !
Mais dans sa panique, elle ne courut pas dans ma direction, mais dans la direction opposée, celle qu'elle projetait de suivre dès le départ. Malachite la suivit en courant ou bondissant de pierre tombales en arbre et d'arbustes en rochers, faisant preuve d'une agilité surprenante, mais après tout, il était de type plante et donc à l'aise dans ce milieu envahit par les végétaux.
Le nouveau venu spectral les regarda s'éloigner d'un air stupéfait, se gratta le crâne, puis lâcha au milieu du silence qui retentissait soudain après un tel cri : « Plaît-il ? »
Puis il partit à leur suite...


L'après midi avançait, et je n'avais toujours pas trouvé de théière. Je me demandais si Malachite et Willelmina s'en sortaient mieux. Je crus entendre un cri d'humaine en détresse de l'autre côté de la zone, là où les tombes se faisaient de plus en plus rares et la végétations de plus en plus fournie et où la forêt commençait vraiment ; mais je n'entendis plus rien depuis. Je supposais donc que Willelmina avait croisé le skelenox et avait de nouveau prit la poudre d'escampette.
J'avais finalement décidé de ne pas la suivre.
Malachite était un type ténèbres après tout, il serait donc logiquement en mesure d'affronter un spectre, au moins le temps de lui permettre de fuir. Et s'il n'était pas efficace et bien... mon humaine ne saurait que mieux que je lui suis indispensable. Accessoirement, j'avais le sentiment que c'était mieux pour mes pauvres oreilles. Et puis... Je devais me montrer digne de la confiance que Willelmina avait en moi. Lui montrer que je n'étais pas un incapable, et lui ramener cette théière. Cela dit... Est-ce que je lui manquais déjà ?

Je cherchais donc depuis un long moment, lorsque je croisais quelqu'un... C'était un jeune garçon humain, aux cheveux gris souris, aux traits ordinaires, mais portant un vêtement sortant de l'ordinaire : il était en effet habillé d'un espèce de linceul gris comme tissé dans une toile de mimigal. Il me fixa du regard, ce qui me mettait mal à l'aise, mais ce qui me dérangeait le plus était son odeur : il avait l'odeur du cimetière. Puis il s'adressa à moi, la voix emprunte de curiosité :
-Tu es qui toi ? Et tu es quoi ?
-Onix, un malosse.
-Enchanté, Onix Unmalosse.
Voilà, tout était dit. De toutes façons, avec les enfants...Une minute, il avait dit quoi ?
-Tu... tu comprends ce que je dis ?
Il acquiesça.
-Mais tu es humain !
Il réitéra son geste.
-Qui es-tu ? Comment ça se fait que tu puisses me comprendre ?
Il m'expliqua d'un ton patient :
-Je suis Bod. Je suis citoyen du cimetière, alors je peux faire des trucs que les vivants font pas d'habitude.
Citoyen du cimetière. Voilà une jolie façon de désigner un fantôme. Si c'en était bien un...
-Ah, d'accord.
Il se sentit l'obligation d'ajouter :
-Là, j'attends la nuit pour pouvoir voir Silas.
-Silas ?
-C'est mon ami, mais il dort le jour. Il m'apprend des trucs...
Chouette. Un fantôme avec un spectre ou un type ténèbres. La belle affaire. Cela dit, il pouvait peut-être m'aider...
-Dis moi heu, Bob...
-C'est Bod.
-D'accord, Bod, est-ce que tu aurais vu une théière dans le coin ?

Le jeune garçon sembla réfléchir un moment avant de demander :
-Tu veux dire comme dans T pour Théière ?
Je ne comprenais pas le sens de sa question. Sûrement un genre de logique humaine qui m'était si insondable. Je décidai de répondre :
-Oui, sans doute.
Il répliqua avec sérieux :
-Je ne sais pas. Je n'ai jamais vu de théière. Et puis d'habitude je ne viens jamais ici.
Voilà qui ne m'aidait pas beaucoup... Et puis, ce truc me mettait mal à l'aise. Il n'avait pas l'odeur d'un humain, mais il n'avait pas non plus l'odeur d'un spectre. Je ne savais pas ce qu'il était et ça me perturbait. Il valait mieux prendre congé de cette créature au plus vite.
-Bon, et bien, je vais continuer à chercher alors ! A la prochaine !
Je fis mine de partir, et le garçon ne répondit rien. Je me retournai pour voir s'il allait m'arrêter, mais... il n'était déjà plus là. Paniqué, je pris mes pattes à mon cou.


Je courus comme un dératé si bien que je finis par arriver en bordure du cimetière, complètement essoufflé. Et je n'avais toujours pas trouvé de théière...
Mais tandis que je faisais le point, un nouveau cri retentit, assez proche cette fois, et je cru même reconnaître mon nom. Je décidai alors de foncer en direction du bruit, la truffe haute afin de trouver rapidement l'odeur de mon humaine et du pifeuil. Tant pis pour mes oreilles, il fallait que je protège ma dresseuse !

Je finis par la voir un peu plus loin, courant sur un sentier très étroit serpentant entre des massifs de ronces agrémentés d'orties, Malachite sur les talons, coursés par un spectrum, quelques fantominus et un essaim de munja.
Je m'activai alors, tentant malgré tout de sauver ce qui me restait de souffle et m'engageai à leur suite, les ronces se prenant dans mon pelage et ralentissant ma course. L'une d'elle me griffa même la truffe. Un nouvel appel s'éleva :
-Oniiiiiix !
Visiblement, ma dresseuse chérie n'avait pas remarqué que je m'étais mis à les poursuivre. Je lui signalai ma présence en aboyant, puis criait aux spectres :
-Laissez mon humaine tranquille, où vous goûterez à mon attaque Morsure !
Je tentai une nouvelle accélération, mais le souffle me fuyait. Cependant malachite avait jeté un coup d'œil en arrière et s'était soudainement arrêté, faisant barrage aux spectres qui n'eurent d'autre choix que de tout piler et se prirent une attaque Tranche-herbe qui ne leur fit qu'assez peu de dégât, et ne fit rien aux munjas.
Plus loin, Willelmina avait fini par s'arrêter pour voir ce qui était arrivé au pifeuil.
-Malachite !
Puis faisant le point sur la scène, elle ajouta :
-Onix !
Elle n'avait pas besoin de me donner des ordres. Les spectres s'étant arrêtés et esquissant un léger mouvement de recul face au Tranche-herbe du pokémon plante, ils étaient à portée de mes flammes.
Deux fantominus et trois munjas s'enfuirent en survolant le roncier. Une attaque Morsure sur le spectrum plus tard, le reste du peloton spectral les suivirent sans demander leur reste.

Willelmina me courut dessus, tomba à genou et m'enlaça. Elle pleurait presque.
-Oh Onix ! C'était une très mauvaise idée de se séparer ! C'était horrible !
Elle me relâcha et je remarquai son état déplorable. Elle était couverte de terre et de boue, ses vêtements étaient déchirés, probablement dû à la traversée éclair du roncier, elle avait des feuilles et des brindilles dans les cheveux et elle avait recommencé sa collection de bleus, de bosses et d'écorchures. Elle commença son récit, la voix tremblante et les yeux humides, mais elle allait trop vite et je ne compris que quelques mots...
-Suis tombée dans, dans... le caveau était énorme et souterrain... un vrai squelette !... Le guerrier squelette maudit... de la poésie... et après j'ai glissé... les spectres... mais, mais...
Elle renifla, prit une grande inspiration et continua :
-Me regarde pas comme ça, c'est pas de ma faute si je ne connaissais pas les attaques de Malachite !
Puis elle s'épancha sur le thème « je suis contente que tu nous aies retrouvé... ».
Finalement, je m'adressai au pifeuil :
-Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ?
Mais le pokémon plante avait l'air mal en point lui aussi, et il hocha les épaules d'un air de dire «  elle vient de tout te raconter ». Il se contenta cependant de maugréer un :
-Elle vient de te le dire.

Après quelques instants nécessaire à Willelmina pour se calmer et reprendre du courage, elle regarda autour d'elle et déclara :
-Hé mais, je crois que je reconnais cet endroit ! Il y avait l'épitaphe marrante... Donc la sortie est là bas... Allons nous-en, allons chercher cette théière ailleurs !
Et j'étais bien d'accord avec elle. Je reniflai le sol et finis par retrouver la trace de son premier passage, mais il semblait qu'elle se souvenait vraiment du chemin. Et au bout de cinq minutes, nous arrivâmes à l'entrée. Dire que nous tournions en rond depuis deux heures ! Et tout ça pour rien !

Cependant, il y avait eu un peu de changement du côté de l'entrée.
Cinq personnes étaient arrivées là, accompagnés de deux wattouatt. Ils portaient de grandes robes grises sombres à capuche qui dissimulaient leurs visages. Ils étaient affairés à installer des bougies et des encensoirs autour d'un grand drap sur lequel était imprimé un grand cercle contenant une étoile à... beaucoup de branches qui pointaient toute vers un symbole différent. Les espaces libres sur le drap étaient remplis de genre de runes ou de symboles cabalistruc. Je n'étais pas vraiment un expert en symboles bizarres.
Nous voyant arriver ils se figèrent et ma dresseuse fit de même.
Les deux camps se jaugèrent, puis, chacun voyant que l'autre n'avait pas l'intention de se lancer dans une offensive, ils se saluèrent poliment.
-Heu... bonjour.
Dit l'un des encapuchonnés d'une voix de jeune mâle adolescent. Willelmina était tout aussi gênée.
-Oui, bonjour... Heu... désolés, on ne fait que passer...
-Y a pas de mal, y a pas de mal, on se préparait juste au rituel...
Ma dresseuse les observa avant de demander :
-Ah... Bon... C'est pas... dangereux, hein ? Vous n'allez pas invoquer de guerrier squelette maudit ?
Celui qui semblait être le chef des capuchons gris répondit :
-Oh non, juste les trucs habituels, vous savez, invoquer Arcéthulhus, faire un sacrifice et communier avec les Puissaaaaances de notre Mèère Natuuuure !
Horrifiée, mon humaine demanda :
-Vous allez faire un sacrifice !?
Le groupe des sectaires en herbe s'agita, mal à l'aise. Une deuxième voix masculine mais un peu plus grave s'éleva d'un capuchon à peine plus massif que son comparse.
-Ben pas vraiment, frère Ichabod a juste emprunté les wattouatt à son père en lui disant qu'on allait rendre visite à ma grand mère... mais on va pas les sacrifier, parce que c'est super salissant, pis on aura plus rien pour se défendre si des fantômes arrivent, alors heu... On les tonds un peu et ça fait tout comme !

Ma dresseuse resta bouche bée face à cette révélation fracassante, et devant l'audace de ses jeunes en mal de sensations fortes. J'eus du mal à retenir un ricanement devant la tête des wattouatts blasés. Willelmina fut tirée de ses pensées par Malachite qui lui tirait sur la manche et lui désigna du doigt un encapuchonné que je ne voyais pas, car il était caché par un de ses compagnons. Mon humaine s'exclama :
-Oh, dites, cette théière... !
Le porteur du pot à thé s'agita un peu et montra son objet, que je pus découvrir ; il s'agissait d'une petite théière en céramique grise clair, sur laquelle on avait peint grossièrement des symboles rappelant ceux du drap. Le porteur du pot expliqua, d'une voix féminine :
-Ca ? C'est pour préparer la Poootion Sacrééée de Coooomunion avec notre Mèèèère Natuuure ! Chouette hein ? C'est ma tante qui me l'a offerte !
Le premier capuchon commenta :
-Cette semaine, c'est verveine-menthe ! Vous voulez faire partie de notre confrérie ? On accepte aussi les sœurs !
Willelmina parut un peu mal à l'aise.
-Non, c'est gentil, mais je suis en mission là, alors... je vais juste y aller...
Je ne savais pas ce que pensait ma dresseuse de ces illuminés, mais je me demandais s'ils ne faisaient que boire leur verveine-menthe où s'il n'y avait pas la Pipe Sacrée de la Transe de Communication ou quelque chose comme ça offerte par un Oncle Tedd.
Nous nous éloignâmes donc pour revenir sur la place de l'arche, et Willelmina commenta :
-Bah, je suppose que chacun à ses goûts en matière de jeux...
Vraiment, des fois, elle m'étonnait.


Nous étions donc de retour à l'entrée générale du cimetière. Lentement, le soleil commençait à se rapprocher de l'horizon. Willelmina soupira.
-Nous revoilà au point de départ, et on n'a toujours rien trouvé...
J'échangeai un regard avec mon compagnon type plante. Nous n'étions pas couchés... Il n'y avait personne à l'horizon, aussi mon humaine décréta-t-elle :
-On n'a qu'à passer entre les tombes et regarder si on trouve une théière...
Ce que nous fîmes. Willelmina et Malachite passaient dans une rangée, je passai dans celle d'à côté.
Nos recherches furent une fois de plus infructueuses, et le soleil était déjà caché derrière l'horizon lorsque nous examinâmes notre dernière rangée de tombe. Willelmina avait sorti sa petite lanterne qu'elle emportait avec elle dans son petit fourre-tout.
-Je propose qu'on aille s'asseoir au pied de la statue là-bas le temps que je l'allume...

« Là-bas » désignait une immense statue de marbre représentant un homme sur un piédestal, et qui était situé au point le plus haut du cimetière. L'homme avait une main sur son ventre très rebondit, l'autre tenait une grosse clé en bronze. La statue dominait le cimetière, elle faisait face à l'arche à laquelle elle était reliée par l'allée centrale du lieu. Willelmina parvint à lire l'inscription et déclara :
-Ah, c'est la statue du gouverneur qui a baptisé le cimetière... Effectivement, il a vraiment l'air d'un pochetron...
Je m'en fichais. Pour moi, il avait surtout l'air d'une immense borne marqueuse de territoire. Non pas que j'aie l'intention de m'approprier ses terres, mais cela ne faisait jamais de mal d'indiquer aux autres que Onix le malosse était venu, avait vu et avait... reconnu ces terres comme intéressantes, disons.
Tandis que Willelmina s'acharnait avec son briquet à silex, je contournait l'œuvre de pierre afin de trouver le meilleur endroit pour que ma marque dure le plus longtemps possible.
Et c'est ainsi que je la trouvais... J'en alertai aussitôt mes compagnons...
-Hé, venez voir ! Venez voir ce que j'ai trouvé !

Malachite accourut et Willelmina l'imita aussitôt :
-Qu'est-ce qu'il t'arrive Onix ! Oh ! La théière !
Et elle était là, sagement posée au pied de la statue au milieu de ses copines tasses, soucoupes et couverts... Un joli service à thé en porcelaine blanche agrémentée de motif bleu clair, semblable à de l'encre en train de se diluer dans de l'eau.
Willelmina sembla troublée...
-Mais... il y a aussi des tasses... il y a même un sucrier ! Qu'est-ce que je dois faire ?
J'échangeai un regard intrigué avec Malachite. Ce dernier haussa les épaules. Qu'est-ce qu'il lui arrivait tout à coup, on était venu pour ça, il était où le problème ?
-Hm, l'annonce dit bien qu'il s'agit d'une théière, pas d'un service à thé... Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois aussi ramener les tasses ? Mais si elles appartiennent à quelqu'un d'autre, et que ce quelqu'un vient, il ne retrouvera pas ses tasses... Pas vrai Onix ? Mais d'un autre côté, si je ne prends pas les tasses et qu'elles vont avec la théière, je n'aurais pas rempli ma mission... ou alors je serais obligée de revenir. D'un autre côté, l'annonce dit bien qu'il faut aller chercher UNE théière... Hm, il y aura peut-être une prime de récompense pour les tasses ? Que faire, que faire ? Cette situation mérite vraiment une analyse approfondie...
Vraiment parfois, je ne comprenait pas la logique humaine.

Une demi heure d'analyse approfondie plus tard, le problème n'était toujours pas résolu, et Willelmina débitait toujours ses hypothèses et interrogations à haute voix. Le ciel avait perdu ses couleurs dorées et irisées du crépuscule pour laisser place à un bleu ténébreux et Willelmina avait fini par allumer sa loupiote, qu'elle avait posée à côté des objets problématiques pour mieux les observer.
Et moi, j'avais de plus en plus faim. Malachite errait non loin de nous, les yeux brillants. Quand je lui avait demandé ce qu'il faisait, il m'avait répondu :
-Visiter un cimetière de nuit, c'est trop cool ! Tu crois qu'on verra des feux follets ?
Je n'en avais aucune idée, je voyais surtout des spectres qui commençaient à arriver et à vadrouiller dans les allées, vaquant à leurs occupations. L'un d'eux tenta de s'approcher, mais il alla vite voir ailleurs sans demander son reste en me voyant grogner et claquer des mâchoires.

J'avais décidément trop faim. Je me demandais combien de temps s'écoulerait avant que Willelmina ne se détourne de son épineux problème pour se plaindre du froid et de la famine.
Et dire qu'il nous fallait encore une heure avant de rentrer à la guilde...En admettant qu'on parte dans la seconde, ce qui me semblait assez peu probable. Je décidai donc de prendre les choses en pattes. Après tout, chacune de ces pierres était un garde manger... Je commençais donc à creuser sous une dalle. Malachite revint et ne put s'empêcher de s'exclamer :
-Tu déterre un os ! Mortel ! Tu crois que tu vas réveiller des zombies ou des squelettes vengeurs ?
La folie poético-gothique l'avait décidément gravement atteint...
Mais ses cri attirèrent l'attention de Willelmina qui se mit soudain à hurler.
-Qu'est-ce que vous faites ? Onix !
-Je creuse pour trouver à manger !
-Mais ça va pas de creuser pour déterrer les tombes ! C'est mal !
-Ils sont morts, ils s'en fichent ! Un os de plus ou de moins ils remarqueront pas la différence, ils en ont d'autres et y en a partout !
-Franchement, Onix ! Me dis pas que tu veux déterrer un os !
-Je ne te le dis pas alors, mais j'en ai quand même l'intention !
-C'est d'un mauvais goût !
-Ah non, je suis sûr qu'au contraire il aura très bon goût !
Elle me regarda droit dans les yeux, croisa les bras en affichant un air sérieux et sévère :
-Ne discute pas ! C'est mal de déterrer les morts, alors tu laisses ces os là où ils sont ! Je ne veux pas que tu réveilles un guerrier squelette maudit ! Ou pire, un skelenox qui fait de la poésie ! Tu auras à manger ce soir, mais là, j'ai un problème plus important sur les bras !
Quoi ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire de skelenox poète ? Qu'est-ce qu'ils avaient encore inventé comme délire artistico-gothique ?

Willelmina tourna ensuite les talons et s'en retourna à son problème de théière. Et voilà, nous étions condamné à attendre dans cet immense garde-manger sans avoir le droit d'y toucher... Si ça, c'était pas une vraie malédiction... Et l'humaine qui ne semblait pas décidée à faire son choix...
Finalement, j'échangeais un regard avec Malachite qui hocha la tête. Ok. Il était temps de prendre les devants !
Je rejoignis Willelmina, et ordonnai au pifeuil :
-Ouvre son sac !
Il obtempéra aussitôt, ouvrit le fourre-tout de notre dresseuse et y inséra le sucrier que je lui passais, puis il y agglutina les tasses, sous les « Hé mais ! Qu'est-ce que vous faites ! Mais ! Mais qu'est-ce qu'il vous prend ? » de Willelmina. Il n'y eut malheureusement pas assez de place pour une tasse une cuiller et la théière, mon compagnon plante prit donc la tasse et la cuiller, je pris la théière par son anse, et nous nous dirigeâmes vers la sortie, talonné par notre dresseuse qui rouspétait :
- Mais attendez ! Hé ! Et si ça appartient à quelqu'un ! Hé !

En approchant de la sortie, nous croisâmes un homme effrayant. Il était chauve, bossu, portait des vêtements sales et était équipé d'une pelle qu'il s'était jetée sur l'épaule. De son autre main, il tenait un mélancolux et un viskuse les suivait.
Il interpella ma dresseuse d'une voix éraillée :
-Tiens tiens, on se ballade au clair de lune ?
Ses yeux ne clignaient pas en même temps, et il avait un étrange toc qui lui faisait agiter la tête en ouvrant et fermant la bouche comme un magicarpe hors de l'eau.
-Heu... je rentrais justement. J'étais juste venue... chercher un truc.
Puis timidement elle ajouta :
-Qui... qui êtes vous ?
L'homme lui adressa un grand sourire auquel il manquait plusieurs dents.
-Je suis Igor le fossoyeur ! C'est l'heure de ma tournée, petite ! Mais si tu veux que je creuse quelques part, c'est 20 piécettes d'argent, héhéhé...
Toujours d'une petite voix, elle lui répondit :
-Bonne tournée alors !
Puis elle s'empressa de s'éloigner de l'individu et de sortir du cimetière, son problème de théière complètement oublié. Un drôle de rire démoniaque à glacer les sangs provenant du fossoyeur retentit et elle força l'allure.


Willelmina avait tenu à aller au manoir Beaubois pour livrer la théière, et peut-être le reste du service à thé et chercher la récompense avant de revenir en ville. Elle ne voulait pas retourner au quartier général sans cette récompense, elle voulait y retourner la tête haute. Elle voulait annoncer à l'encapé qui lui servait de maître qu'elle avait réussi une mission elle aussi, non mais sans blague !
Mais elle ne pouvait pas passer au manoir Beaubois, situé au nord de la ville dans un état aussi lamentable.
-Je ne vais quand même pas me présenter couverte de boue, avec les cheveux dans cet état ! En plus je suis sûre que j'empeste le squelette à des kilomètres !
J'étais sûr qu'elle n'avait pas d'odeur aussi alléchante sur elle, mais elle ne me comprit pas. Elle imaginait de ces trucs parfois !

C'est donc ainsi que nous nous arrêtâmes sur le chemin du manoir Beaubois, près d'un étang pour que Willelmina se débarbouille et me brosse un peu le poil. Elle avait même un bout de savon dans sa sacoche, qu'elle sortit en déclarant :
-Regarde Onix, j'ai été super prévoyante cette fois ! J'ai tiré des leçons de nos précédentes aventures !
Jugeant que ses vêtements étaient également trop sales et voulant se soulager de quelques bleus, mon humaine retira entièrement sa seconde peau, posa sa lanterne sur la berge près de l'eau et s'aspergea petit à petit en gémissant que l'eau commençait à refroidir et à perdre sa chaleur accumulée en journée, frotta un peu ses habits avec de l'eau et son bout de savon... Elle réussit même à entrer dans l'eau jusqu'à la taille.
-Onix, tu me sèches mes habits pendant que je me lave ! Vise bien les endroits mouillés pour ne pas les brûler !
Je m'exécutais, prenant bien garde à viser les tâches humides, qui devinrent des tâches humides chaudes.
Et tout à coup, tout bascula.

J'entendis le clop-clop des sabots d'un équidé, reconnus l'odeur d'un haydaim accompagné... d'un kirlia et d'une forte odeur de métal et d'eau parfumée, mais le temps de me retourner, une voix masculine retentit :
-Oh c'est vous ! Comme je vous retrouve ! Vous êtes ma naïade sortie des eaux !
Willemina écarquilla des yeux devant l'apparition soudaine du chevalier m'as-tu-vu, puis elle se mit à hurler, effrayant plusieurs hoothoot proches. Complètement paniquée, elle se mit à reculer et à regarder partout, se cachant derrière ses bras, et c'est là qu'elle glissa, bascula en arrière et perdit pied, puis elle commença, à boire la tasse.
Mais pourquoi ne se remit-elle pas debout ? Elle sembla rester prostrée, tout en agitant vainement des bras, ou peut-être qu'elle avait atteint une zone plus profonde... je l'entendis m'appeler avant qu'elle ne boive une nouvelle tasse.
Malachite se tourna vers moi, l'air affolé :
-Onix, fait quelque chose !
-Quoi ? Mais je suis un type feu moi ! TOI fais quelque chose ! Va la sauver !
Le pifeuil me répondit avec cet exaspérant on blasé :
-Mais je sais pas nager !

Je me ruai vers l'eau, mais ma phobie fus plus forte, et je ne pus pas plonger pour aller sauver ma chère humaine, je ne pus que la contempler, impuissant en aboyant son nom, et Malachite ne faisait rien de plus utile. Soudain, le chevalier s'écria :
-Tenez bon ma mie ! Je m'en vais vous sauver !
Il avait déjà ôté son armure et courut vers l'eau. Ça se présentait mal ! Lui, toucher mon humaine qui avait faillit se noyer pour échapper à son regard ? Cet espèce de séducteur à femelle, le laisser la séduire pour qu'il lui brise le cœur ? Et puis, je vivais chez les humains depuis assez longtemps pour savoir ce qu'il se passait quand deux humains se voyaient nus. Pas question qu'il me vole l'amour de Willelmina ! Je fonçai sur lui et l'interceptai dans son élan, l'envoyant valser dans un massif de boutons d'or proche en hurlant :
-TOUCHES PAS A MON HUMAINE ESPECE DE PERVERS !
Le mâle tenta une nouvelle fois de se jeter à l'eau, mais je lui croquai le mollet et le tirai en arrière. Il se débattit en hurlant qu'il allait sauver son aimée, réussi à me faire lâcher prise, mais je fus plus rapide et d'un bond, je lui barrai le passage. Il tenta de me feinter, mais j'étais près à le carboniser s'il faisait un pas de plus. Soudain il s'écria :
-Mais j'essaye de sauver ta dresseuse, malosse ! Elle se noie ! Vite, psyko !
Derrière lui le kirlia obéit. Une vague d'énergie m'entoura, mais ne me fit rien. Les types psys n'avaient jamais été capables de toucher les types ténèbres... Désespéré le nobliaux cria :
-Mais pas sur lui ! Sur elle !
Malheureusement, le pokémon psy ne put pas obéir, car Malachite, voyant qu'il s'en prenait à moi, lui avait foncé dessus et s'écharnait à le baffer allègrement. Visiblement, il avait une dent contre lui, vu le cœur qu'il mettait à l'ouvrage. Derrière moi j'entendais ma dresseuse brasser de l'eau, mais pourquoi Willelmina ne se reprenait-elle pas ? Elle savait nager en plus ! Il n'y avait plus de temps à perdre.
-Malachite, saute à l'eau et va sauver Willelmina !
-Mais je sais pas nager !
-T'as pas un fouet liane ?
Et soudain contre toute attente, le haydaim du chevalier en slip s'élança, me sauta par dessus d'un bond puissant et plongea. Un quelques secondes, il avait rejoint Willelmina, l'avait attrapé par les cheveux pour éviter qu'elle ne coule à pic, puis mon humaine avait pu se reprendre, et moitié nageant, moitié s'accrochant à son dos, ils regagnèrent le rivage où elle suffoqua un moment.

Le chevalier la couvrit de sa cape, en lui débitant des bêtises comme :
-N'ayez crainte, belle naïade, vous êtes sauve ! Mon haydaim vous a sorti des eaux, ma mie.
Au bout de quelques minutes, Willelmina sembla reprendre ses esprits, et crachota à mon attention et à mon compagnon, comme pour me rassurer et me faire cesser de gémir d'inquiétude :
-J'arrivais pas... à... trouver le haut... arrêtais pas de suffoquer....
Puis avisant l'homme qui lui tapotait dans le dos :
-Vous... vous êtes qui d'abord ?
L'homme se présenta fièrement, quoique décrédibilisé par sa tenue qui se résumait à un slip bleu orné de dentelle :
-Je suis Ernest-Arthur Willfried de Clairecieux !
Willelmina se redressa et se remit debout, prenant bien soin de rester enveloppée dans la cape de l'homme et pointa sur lui un doigt accusateur mais chargé de rage :
-Ah, et qu'est-ce qui vous a pris de venir me reluquer comme ça, hein ? Vous croyez que votre statut de noble vous permet tout, que vous pouvez profiter des donzelles du petit peuple !
-Je n'ai voulu que vous sauver !
-Je n'avais pas besoin d'être sauvée ! C'est à cause de vous si j'ai failli me noyer ! Si vous n'aviez pas débarqué pour me reluquer je n'aurais pas perdu pied !
-Mais, je voulais simplement faire boire mon haydaim !
-Ah, c'est facile comme excuse ! Et vous attendez quoi, que je me change devant vous ?
L'homme avait soudain rougit comme une baie tomato.
-Mais, mais non ! Je...
-Onix ! Vire-moi ce pervers ! Flammèche !

Je ne fus que trop heureux d'obéir. Sous les attaques flammèches et tranche-herbe de Malachite, l'homme, son kirlia et son haydaim n'eurent d'autre choix que de prendre la fuite, attrapant son armure à la sauvette... et oubliant sa cape.
Puis Willelmina se tourna vers nous :
-Onix ! Et toi aussi Malachite ! Vous m'avez sauvée !
C'était un point de vue, c'était surtout le haydaim qui l'avait aidé à nager dans le bon sens pour sortir de l'eau. Quand au chevalier, je n'allais pas laisser un misérable coureur de femelle me voler l'affection de ma dresseuse. C'était déjà assez pénible qu'il l'ait vu nue, à cause de leurs histoires d'humains de morale, de « des sens » ou je ne savais quoi...
Willelmina reprit ses vêtements encore humides, les enfila rapidement, récupéra ses affaires puis la théière qui n'avaient pas pu rentrer dans son sac à la main, obligea la tasse en surplus à rentrer dans ce dernier, reprit sa loupiote, Malachite s'accapara la cape de l'homme, et nous partîmes sans demander notre reste pour le manoir Beaucois.


Malgré l'heure qui commençait à être tardive, le manoir Beaubois était allumé et un majordome nous ouvrit de suite lorsque Willelmina frappa au heurtoir.
Il examina ma dresseuse dans son habit moyennement propre d'un air dédaigneux signifiant : qu'est-ce que vous voulez à cette heure-ci, les bouseux ? Mais lorsque mon humaine lui expliqua la raison de sa présence, il l'invita à entrer et la conduisit à une immense salle à manger. La pièce était éclairée par un immense lustre. Les fenêtres étaient ornées de rideaux blancs et légers. Les meubles étaient en bois vernis, il y avait des tapis au sol, et la table était servie dans de belles assiettes blanches en porcelaine et des couverts en argent.
Rien à voir avec notre réfectoire aux meubles en bois grossiers, nos lourds rideaux funéraires et notre lumière raréfiée. Je sentais que Willelmina était admirative et je ne pouvais que la comprendre. Malachite lui, avait l'air blasé. Soit le style ne lui plaisait pas, soit il s'en fichait...

Les occupants étaient encore en train de dîner, ils en étaient au dessert, un magnifique Illumis-Yantreizh géant qui me fit baver à vue et saliver d'envie. Le comte, la comtesse, leur fils et leur deux filles nous virent arriver avec curiosité, et il y eu un instant de stupeur en voyant qu'ils avaient un invité : le chevalier pervers. Son kirlia avait même eu droit à sa place à table. Un coufarel soigneusement toiletté à la coupe « tas de pompons » était couché au pied de l'aînée des filles et un mélancolux flânait tranquillement près du plafond.
Je vis le chevalier ouvrir la bouche, mais il n'eut pas le temps de parler, car le majordome expliqua à son maître que la demoiselle était venu rapporter sa théière.
Il y eu un instant de flottement, puis le maître des lieux se leva. Il était assez grand pour son espèce, avait les cheveux très noirs soigneusement noué en catogan, les yeux sombres, et était vêtu de vêtements rouges, bleus et or avec plein de motifs, de machins et de bidules de couture raffinée.
-Mademoiselle, je crains qu'il n'y ait ait méprise. Le chevalier Ernest-Arthur Wilfried de Clairecieux nous a déjà rapporté notre bien.

Il y eut un nouveau silence, durant lequel je vis mon humaine pâlir, ouvrir puis refermer la bouche plusieurs fois tel un rémoraid asphyxié, puis elle montra la petite théière en porcelaine blanc aux motifs bleutés :
-Mais, et ça alors ?
Le comte hocha la tête en signe de dénégation :
-Je regrette, notre théière était en fonte gravée, un domestique l'avait échappée devant la crypte de nos aïeux lors de notre hommage annuel. J'ignore à qui appartient celle-ci. Hilbert, veuillez raccompagner cette jeune dame.
Le majordome s'inclina devant son maître et nous invita à rejoindre la sortie d'un « Par ici je vous prie. », puis il nous reconduit au hall d'entrée. Mais avant que nous ne franchissions la porte d'entrée, une voix retentit :
-Attendez !
Le chevalier machin truc se hâtait vers nous.
-Belle demoiselle, permettez moi de...
Mais Willelmmina ne le laissa pas terminer.
-Vous ! Vous avez failli me noyer, et maintenant vous me volez ma mission !
-C'est un malentendu, je...
Mais ses efforts pour tenter d'apaiser une Willelmina en colère se perdirent dans le néant :
-C'est bon, je vais vous la rendre votre cape ! Malachite ! Redonne sa cape au Môôssieur !

Le pifeuil s'était enroulé dans la cape et s'en était fait une toge beaucoup trop grande qu'il trouvait « trop stylée » ; il protesta un peu mais il retira son habit de fortune et la tendit au kirlia du bonhomme. La pauvre étoffe avait traîné par terre depuis que le pifeuil se l'était appropriée sur les bords de l'étang et elle était à présent dans un état déplorable, à force d'avoir traîné par terre sur tout le chemin jusque là.
Pendant ce temps, Willelmina avait tourné les talons, était sortie du manoir et s'éloignait à grandes enjambées. J'hésitai l'espace d'un instant, ne voulant pas laisser malachite derrière, mais le pifeuil la rejoignis en courant, et je l'imitai.
Derrière nous, le majordome débita une formule de politesse, mais je n'y prêtais pas attention. Le chevalier de Clairecieux quand à lui, cria quelques stupidités telles que :
-On pourrait se revoir ? Dites, je pourrais vous offrir un verre !
Willelmina se retourna, et lui lança de but en blanc :
-Et qu'est-ce que je ferais d'un verre, j'ai des tasses !
Puis elle lui tourna le dos avec un petit « hmf » dédaigneux et repartit aussi vite.

Nous marchâmes un moment en silence. Willelmina ne s'embêta pas à allumer sa lanterne, elle me fit cracher une toute petite flammèche dessus, qui laissa une grande trace noire sur la petite vitre du fond. Malachite brisa le silence en râlant :
-Dire que j'avais une jolie cape qui m'aurait sorti de l'indifférence de l'ordinaire, une jolie cape qui m'aurait aidé à m'accomplir pleinement...
Willelmina répondit :
-Exactement ! Comme si il avait besoin de gagner de l'argent, lui !
Je décidai donc d'être de la partie, d'un long hurlement lugubre qui ne demandait qu'à sortir de mon cœur depuis quelques heures :
-J'AI FAIIIIIIIIIIIIIM !
-Je sais Onix, je sais, mais...
Elle soupira.
-On ne va pas se laisser abattre encore une fois... Cette histoire de théière est ridicule ! Comme si les théières courraient les cimetières, comment j'aurais pu savoir ?
Et elle continua à râler en avançant...


La nuit était bien avancée lorsque nous arrivâmes en ville. Willelmina s'arrêta aux portes de la cité pour respirer un grand coup et se préparer à aller annoncer un nouvel échec à son maître.
Elle exprima un dernier commentaire :
-C'était pas de notre faute !
Puis elle se mit en route., et nous la suivîmes. A nouveau, la ville était emplie d'odeurs passées témoins de l'activité diurne, et envahie des membres de la guilde spectre accompagnés de leurs fantômes, de membres de la guilde Ténèbres accompagnés de leurs obscurs pokémons. Tous nous ignorèrent superbement...

Tous, sauf un homme d'une quarantaine d'années suivi par un magirêve qui nous courut après lorsque nous traversâmes la place principale de la ville.
-Mademoiselle, hé, mademoiselle, attendez !
Il finit par nous rattraper, et ma dresseuse se tourna vers lui, l'air mauvais. Ce n'était pas vraiment le moment de lui taper sur les nerfs, et si il s'avisait de lui proposer un verre, j'étais prêt à lui offrir un rôti instantané. Mais l'homme n'avait aucune intention séductrice. Il pointa du doigt la théière que ma dresseuse avait gardé à la main faute de place dans son fourre-tout, et demanda, à bout de souffle :
-Puis-je... voir... cette... théière... s'il... vous plaît...
Agacée, Willelmina lui tendit l'objet. Le nouveau venu retourna le petit pot de porcelaine entre ses doigts, puis s'exclama :
-C'est elle, c'est bien elle !
Stupeur générale dans les rangs.
-Quoi ?
-Vous l'avez retrouvée ! C'est notre Pot aux Larmes !
Je crus avoir mal entendu. Son quoi ? Mais mes oreilles étaient toujours aussi bonnes, car l'homme héla ses confrères :
-Les gars ! On l'a retrouvé ! On a retrouvé le Pot aux Larmes !
Puis s'adressant à Willelmina :
-Vous n'auriez pas retrouvé des tasses avec ?
Ma dresseuse sembla se remettre petit à petit de sa surprise et déclara :
-Si. Et un sucrier.
Et elle montra l'une des tasses à l'homme. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ?

Très vite, nous fûmes entourés des adeptes des spectres et leurs pokémons de compagnie favoris qui se réjouissaient d'avoir récupéré leur théière, questionnant ma dresseuse sur le où, quand et comment elle avait récupéré l'objet. Puis l'homme s'adressa une nouvelle fois à Willelmina :
-Permettez moi de vous expliquer, je suis Tibère...
Il eut une hésitation avant de continuer :
-Delajoie...
Derrière lui, son magirêve leva les yeux au ciel.
-Et je suis l'un des intendants de la guilde Spectre. Ceci...
Il désigna la théière :
-Est notre Pot aux Larmes. C'est une relique sacrée dans notre guilde. Il y a peu nous avons dû nous en servir pour un rituel très important d'intronisation aux nouvelles recrues qui a lieu dans le cimetière du Joyeux Pochetron, et en rentrant, nous nous sommes rendus compte que nous avions perdu notre relique et le service à thé qui l'accompagne ; Nous l'avions commandé exprès pour qu'il aille avec notre relique, c'était assez gênant de devoir en commander un autre. Évidement, perdre notre relique sacrée était un scandale...

Décidément, ces types étaient plus illuminés que je ne le pensais pour prendre une théière pour une relique sacrée. Ou alors ils devaient vraiment s'ennuyer... Puis l'homme ajouta :
-Vous devez me prendre pour un fou...
Je répondis : « Oui », mon humaine répondit « Mais non ! » et Malachite haussa les épaules.
L'homme tint à récompenser Willelmina et lui offrit une pierre nuit et une pierre feu « pour faire évoluer son malossse ». Comme si mon espèce évoluait grâce à une pierre... Remarque elle pourrait toujours échanger la pierre feu pour une pierre plante pour malachite. A condition qu'elle sache que les pifeuils évoluent grâce à une pierre plante et qu'elle n'oublie pas de l'échanger... telle que je la connaissais, je la voyais bien oublier les deux pierres au fond de sa malle de possessions personnelles dans le dortoir...
-Je n'ai que ça, mais vous pourrez toujours les vendre si vous n'en voulez pas, ça vaut assez cher, je vous doit bien ça pour avoir retrouvé notre cher Pot aux Larmes...
Et il s'épancha encore en remerciement, repris en écho par ses sbires. Son magirêve lui tapa sur l'épaule :
-Arrête de parler, tu es trop bavard. La fille à sûrement autre chose à faire...
Le visage de Tibère s'éclaira et il répondit :
-Ah mais oui, tu as tout à fait raison ! Mademoiselle, permettez moi de vous offrir une perle de connaissance, pour vous remercier d'avoir récupéré notre relique !
Je vis ma dresseuse bredouiller, mais elle n'osa pas refuser directement. Peut-être sa colère était-elle retombée, peut-être n'osait-elle pas offenser un homme qui lui avait fait un cadeau de valeur, quelle que soit la valeur réelle d'une pierre nuit, ou alors elle ne voulait pas froisser un gradé de la guilde Spectre. Le silence se fit autour d'eux, et l'homme commença à étaler sa science :

-Il y a très quelques siècles de cela, notre royaume sombra dans une guerre sans merci avec nos voisins. La guerre dura longtemps, si bien que les hommes dans les campagnes finirent par être recrutés pour aller servir le roi, et le roi lui-même dû se rendre au front.
A force d'attendre leurs maris et leurs fils, les femmes se mirent à pleurer, et le chagrin envahit le royaume. Elles pleurèrent tant qu'un jour, la reine décida qu'il fallait faire quelque chose, mais elle-même était transie de chagrin pour son époux.
Alors, elle décida d'enfermer ses larmes. Elle choisit sa théière préférée, qui était d'un blanc pur, et y versa toutes ses larmes. On dit que toutes les femmes de la noblesse qui lui offraient conseils et compagnie firent de même et ajoutèrent leurs propres larmes dans le pot. C'est alors que les motifs bleus apparurent sur le flanc de la théière.
Puis elles cessèrent de pleurer, et la reine reprit son royaume en main.
Malheureusement, la guerre fut perdue, les maris et les fils furent tués. En apprenant leur mort, les femmes, qui ne pouvaient plus pleurer car leurs larmes étaient enfermées dans le Pot aux Larmes, décidèrent d'ouvrir la théière pour laisser couleur leur chagrin.
Les larmes s'évaporèrent alors, elles s'envolèrent et rejoignirent les corps des défunts pour se verser sur eux. A ce moment là, les âmes des morts revinrent parmi les vivants, sous la forme de pokémons spectres.
C'est ainsi que les spectres apparurent, et que la Guilde Spectre fut créée par les descendants de la reine et de ses dames de cour qui avaient joint leurs larmes dans le pot, et que cette théière, le Pot aux larmes, devint notre relique sacrée. Alors encore une fois, merci d'avoir retrouvé cet objet de grande valeur... Ils se répandirent encore en remerciement, mais ma dresseuse réussit finalement à s'éclipser et à se débarrasser d'eux.


Willemina semblait avoir enfin retrouvé le moral lorsqu'elle franchit le seuil de la guilde ténèbres, son sac allégé de ses tasses et alourdi de deux pierres évolutives. Quand à moi, j'avais toujours l'estomac aussi vide et j'entendais bien me jeter sur le buffet à la première occasion. Malachite lui, ne disait rien et contemplait le monde de son air blasé et indifférent.
Heureusement, Willelmina se rendit tout de suite dans la salle de réfectoire. Elle devait peut-être être affamée elle aussi, après tout...
Elle se servit encore allègrement, et comme ce matin, c'est au moment où elle se servait que je sentis approcher une odeur carotte-betterave et que le maître porte-serpillière vint la voir. Il y avait comme une impression de déjà vu...
-Ah, Willelmina...
Soudain dans toute la salle, les discussions baissèrent brusquement de volume sonore, quelques ricanements résonnèrent et toute l'attention se porta sur nous.
-J'ose espérer que vous nous ramenez les 500 pièces d'argent de récompense pour votre mission...
Ma dresseuse se figea. Elle avait un os à la main qu'elle avait visiblement sélectionné pour moi. Mon ventre se mit à gronder. Il y eut un rugissement :
-Non !? COMMENT CA « NON » ? Il fallait récupérer une théière dans un cimetière, rien de plus ! Comment avez vous pu échouer à une mission aussi simple ! Ça ne court pas les cimetières, les théières ! Il fallait juste la trouver, la prendre et la livrer !
Je vis Willelmina brandir son os comme un osselait soupe au lait :
-Et bien justement ! Je l'ai trouvé, je l'ai ramené, la théière ! Seulement les théières, ça court les cimetières que vous le croyez ou non, parce que c'était pas la bonne, et que quelqu'un avait déjà retrouvé et ramené la bonne théière !
Le maître resta coi l'espace d'une seconde, et un silence terrible s'abattit sur la salle. Si seulement Willelmina pouvait abattre son os jusque dans ma gueule... Mais le maître trouva de quoi rebondir, et la tempête ne fut que plus terrible pour ma dresseuse :
-Vous avez laissé quelqu'un vous voler la mission ! Vous vous êtes fait battre par un concurrent même pour une mission aussi simple ! Vous êtes une honte ! Un enfant de sept ans aurait réussi cette mission, mais vous...
Et il tempêta ainsi pendant un quart d'heure, devant toute la salle qui cachait à grand peine son hilarité. Il n'y avait plus qu'une solution : mesure d'urgence. Je me tournai pour demander de l'aide à malachite, mais celui-ci examinait les rideaux d'un air songeur, essayant de se draper dedans, mimant une coupe comme-ci ou comme ça...

L'autre aboyait encore et encore sur ma dresseuse, je n'étais pas prêt de voir mon os que j'avais attendu depuis si longtemps ! Je me mis donc à hurler, avec toute la force de résonance d'un estomac vide, et je devais bien avouer que cette salle avait un bel écho. Je hurlais encore et encore, jusqu'à ce que le maître cesse d'aboyer pour se tourner vers moi, pour que les rires se muent en figure d'étonnements. Willelmina se tourna vers moi, l'air inquiète, et son bras retomba le long de sa jambe... avec l'os au bout. Très vite, je le saisis, et partis savourer mon trésor plus que mérité ailleurs. Que les humains se débrouillent entre eux, leurs histoires n'étaient pas une raison pour affamer un pauvre malosse !
Cependant, Willelmina me rejoignit très vite, son assiette à la main et Malachite sur les talons.

Mon humaine fulminait, mais j'avais mon os, j'étais satisfait, et demain était un autre jour.