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Checkmate de Kazuuya



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» Auteur : Kazuuya - Voir le profil
» Créé le 28/09/2015 à 21:19
» Dernière mise à jour le 28/09/2015 à 21:19

» Mots-clés :   Action   Aventure   Présence d'armes   Suspense

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06 : Point de suture
"Les nuits sont chaudes
Mon sang chavire et tangue
Bateau fantôme
Qui brûle
Je suis tempête et vent
Ombre et lumière
Se jouent de l'amour
Mes vagues reviennent
Mes flots sont si lourds"
(Mylène Farmer, Point De Suture)



Tout le monde avait passé une nuit épouvantable. Tous tourmentés par des "pourquoi", des "comment" ou autres interrogations quelconques. C'est vrai, quoi, la situation était quand même particulière : Ben disparaît au beau milieu de la nuit et réapparaît le lendemain accompagné d'un inconnu. Lequel déclare avoir vu un autre groupe. Et dans un temple, de surcroît. Non, non, non. Ce n'était pas sensé, un tel raisonnement.

Le rassemblement, au matin du quatrième jour, fut glacial. Tout le monde dévisageait son voisin, persuadé qu'il cachait quelque chose. On ne pouvait se fier à personne, mais mieux valait rester groupés. Partir chacun de son côté serait signer son arrêt de mort. Très certainement. Ben et Kenneth, le nouveau, ne pouvaient que constater l'ambiance morose qui régnait sur leur campement de fortune. Pas très joyeux, tout ça.

- Si c'est tous les jours comme ça, autant que je me suicide... confia le nouveau venu à son interlocuteur.
- Je te rassure, il y a eu des périodes moins tendues. Même si Vesper est une psychopathe. Enfin... c'est ce que je pense d'elle. Cette femme a une case en moins, c'est quasiment certain.

Kenneth hocha mollement la tête puis se retourna pour dévisager Vesper. L'œil torve, la mine sombre et la bouche tordue en une sorte de moue pensive, elle semblait effectivement bizarre. Très bizarre, même. Le nouvel arrivant, en observant bien, décelait chez elle quelque chose qui s'apparentait à de la nervosité. Voire même de la peur. Il n'avait pas la moindre idée d'où cela provenait, mais une chose était sûre : elle ne se sentait pas bien du tout. D'autres avaient dû le remarquer aussi, puisque Keira et Juliet lui lançaient de temps à autre des regards inquiets. Elle était à sa limite psychologique.

- Kenneth. Kenny !
- Hein ? Kenny ? On n'est pas amis, que je sache, alors n'exagère pas trop... souffla l'homme aux cheveux grisonnants.

Ben leva les mains en signe de reddition et reprit son sérieux. La mine grave, il se décida à marmonner à voix basse quelques phrases que son acolyte eut du mal à saisir.

- Parle plus fort !
- Je disais que ce serait bien d'aller jeter un œil à ce temple. Si tu sais précisément où il se trouve, bien sûr.

Kenneth détourna les yeux pour observer la jungle, amas d'arbres particulièrement hauts et peuplé de Pokémon en tous genre. Du moins pour ce qu'il en avait vu.

- Non, d'ici, j'aurais du mal à retrouver. Et ce n'est pas aussi simple que ça, Ben...

Le blond voulut le questionner au sujet de ces dernières paroles, mais trop tard, le nouveau venu déguerpissait déjà, proposant son aide à droite ou à gauche. Mince, alors. Ce type était peut-être pas si net que ça, en fin de compte. Sans oublier le sang sur la chemise. Ca ne semblait pas être le sien, alors la seule autre option valable... non, tout de même pas... Ben se mordit la lèvre. Lui qui avait toujours eu un mal fou à accorder sa confiance à autrui se retrouvait confronté à des cas de conscience infernaux. Merde alors.

Les "habitations" n'étant pas encore totalement construites, tout le monde mettait, comme il pouvait, la main à la pâte. Seth fut surpris de voir Keira marcher normalement, comme si plus rien ne la faisait souffrir. Elle n'avait toutefois pas retiré son bandage, par pure précaution. Seuls les paranoïaques survivent, après tout. Eh merde, il regardait trop la télé. Elle lui manquait déjà, sa bonne vieille télé à l'écran haute-définition. Ouais, décidément, la vie citadine était faite pour lui. Pas cette vie-là, celle dans laquelle il venait de basculer, faite de sable fin, de mer - ou d'océan, peu importe -, de fruits exotiques et de verdure. Il avait la nature en horreur. Complètement.

Robbie dut interpeller l'avocat trois ou quatre fois pour que celui-ci percute enfin. Ses pensées avaient pris un tournant inattendu et il ne rendait pas compte qu'il fixait la jungle comme un demeuré depuis une bonne minute.

- Désolé, je réfléchissais...
- Je comprends. Il m'arrive souvent de réfléchir, à moi aussi. Seulement, il y a un temps pour ça et un temps à consacrer à l'œuvre commune. Tu veux bien me ramener un peu de bois ?

Le blond hocha vivement la tête, trop heureux d'avoir quelque chose à faire. C'était ça, l'échappatoire. Faire quelque chose pour oublier les tracas qui ne cessaient de grandir, de prendre toujours plus de place dans son esprit déjà noirci par les mauvaises pensées. Il se rua dans la jungle, sans un regard en arrière, prêt à rendre service au groupe. Il le devait.


* * *


- Êtes-vous certaine de vouloir faire valider cette déposition auprès du tribunal ?

La jeune adulte détourna les yeux. Elle hésitait encore ? Après tout ce qu'il lui avait fait ? Non, il ne fallait pas, ce crevard ne méritait que la taule ! Promenant son regard sur l'environnement alentour, qui se limitait à un bureau de policier banal meublé d'un bureau, de deux ou trois étagères pleines à craquer de dossiers et de plusieurs chaises, elle réfléchit une dernière fois à la situation. Puis donna son approbation.

- Je ne regrette rien. Il n'a que ce qu'il mérite.

L'officier de police hocha la tête et, compatissant, posa une main réconfortante sur l'épaule de Keira.

- Il y en a beaucoup trop ces temps-ci. Des affaires d'abus sexuel, je veux dire.

La rousse hocha la tête et, décidant d'oublier un temps la barrière psychologique qu'elle s'était forgée suite à "l'événement", se mit à pleurer. L'inspecteur, décontenancé, la serra contre lui en tentant de la réconforter. Vus de loin, on aurait dit un père et sa fille.

- Je suis stupide, pourquoi je me suis laissée embarquer là-dedans ?

Elle ne cessait de pleurer, de maudire sa faiblesse, de jurer contre celui qui fut son professeur en faculté et qui maintenant était en examen dans les locaux de la police. Dans les mêmes locaux où elle se trouvait. Ils n'étaient pas très éloignés l'un de l'autre. Elle jurerait sentir le souffle rauque de cet immonde pervers sur sa peau, tant elle était effrayée. Elle n'en pouvait plus. Elle en avait assez de tout contenir. Verser ces perles d'eau salée lui faisait un bien fou. C'était libérateur.



* * *


- Je ne comprends pas vraiment...

Kenneth marchait, suivi de près par Ben, dans la jungle. Les feuillages denses les ralentissaient considérablement, aussi le blond avait-il choisi de faire appel à son Lugulabre pour brûler les plantes gênantes. Pas très écologiques, mais bon, ils n'avaient guère le choix. Survivre ou mourir. En l'occurence, survivre semblait beaucoup plus attrayant que la seconde option. Oui, c'était mieux.

- Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? demanda l'homme aux cheveux grisonnants, se tournant vers son camarade.
- Pourquoi tu tiens à nous aider ? En allant à la chasse, qui plus est...

Le nouvel arrivant haussa les épaules et, le visage décoré d'un sourire en coin presque hautain, répondit le plus simplement du monde qu'il avait besoin de viande pour survivre et que rendre service aux autres était le principal dommage collatéral.

"Tranquille le mec..."

Ben se contenta de penser ces mots et suivit sans rechigner l'itinéraire qu'il avait parcouru avec Juliet trois jours plus tôt. S'il s'en souvenait bien, il avait demandé à son candélabre fantôme de laisser une marque de brûlure sur un tronc, histoire de garder un point de repère. Le tronc en question ne devait pas être bien loin, à en juger par le temps de marche déjà écoulé.

- Ils sont encore loin, tes Ecrémeuh ? Je commence à croire qu'il ne s'agissait que d'un mirage... railla Kenneth.
- Silence, je te dis qu'ils sont bien réels !
- Choisissons donc de te faire confiance, si tu es si sûr de toi. Après tout, si Juliet les a vus aussi... deux personnes pourraient difficilement imaginer la même chose au même moment et au même endroit. Ce serait douteux, comme coïncidence.

Le blond acquiesça et repéra le tronc calciné. Ils touchaient au but. A une dizaine de mètres se trouvait l'étrange clairière où un troupeau d'Ecrémeuh broutaient tranquillement l'herbe qui s'offrait à eux. Les deux hommes parcoururent la distance restante et Kenneth en resta bouche bée. Alors c'était vrai. Des Ecrémeuh. En plein milieu de la jungle. Dans une clairière, tous regroupés. Non mais où était la logique, sur cette fichue île ?!

- Décidément cet endroit paumé au milieu de nulle part est plein de surprises...
- Je te le fais pas dire. J'espère que tu as des compétences en combat Pokémon, je ne compte pas faire tout le boulot.

Kenneth haussa un sourcil. Aurait-il oublié de mentionner qu'il ne possédait pas le moindre Pokémon ? Ben le regarda, les yeux ronds comme des billes. Tout le monde avait des Pokémon, des enfants aux personnes âgées en passant par les employés de bureau. C'était la loi. Ils étaient devenus obligatoires, une petite dizaine d'années auparavant, par souci de sécurité : se défendre devenait plus aisé en possession d'une de ces créatures aux pouvoirs incroyables.

- Je n'arrive pas à croire que tu n'en aies pas ! T'as dû être coffré pour ça, non ?
- Même pas. C'est une longue histoire que je te raconterai volontiers autour d'un café, mais là... si on s'occupait du problème présent ?

Le blond leva les yeux au ciel, prêt à donner un ordre à son Lugulabre. Kenneth lui intima de ne rien faire et de regarder, puis sortit un couteau, petit mais aiguisé, de sa poche. Ben s'en étonna. Si ce type avait envie de le tuer, visiblement, il en serait tout à fait capable. Ce n'était pas bon signe, mais alors pas du tout. Sans laisser à l'ancien chercheur en laboratoire le temps de dire quoi que ce soit, l'homme à la chemise ensanglantée, d'un geste précis et rapide, lança la petite arme.

- Han non, bonjour la connerie... souffla le blond en se cachant les yeux, redoutant une terrible boulette de la part de son acolyte.
- Tu peux ouvrir les yeux. On a de quoi dîner ce soir.

Voyant que Ben tardait à s'exécuter, Kenneth dégagea ses mains de son visage pour qu'il constate par lui-même. Et ce qu'il vit l'étonna, l'impressionna et le terrifia. Les trois en même temps. Il fallait dire que le spectacle qui s'offrait à lui était désolant : un Ecrémeuh, raide mort, la lame plantée en plein cœur. Et les autres, à côté, qui ne se souciaient guère du décès de leur homologue. Ils semblaient presque habitués à ce genre de situation. Etrangement.

- Tu... tu as... tu as fait comment ?!
- Que veux-tu dire par là ?
- Mais tu as balancé ce couteau en plein dans le cœur de ce Pokémon ! Va pas me faire croire que c'est le hasard !
- Oh.

Kenneth sourit et, d'un geste nonchalant de la main, signifia que ce n'était pas important. Il ajouta toutefois, sur un ton de plaisanterie :

- J'ai toujours été bon aux fléchettes.

Ben le regarda, mi-étonné, mi-pensif.

- Viens m'aider, ce cadavre ne va pas se traîner tout seul jusqu'au campement... s'il te plaît ?
- ...j'arrive...

Il le sentait de moins en moins, ce type-là. D'abord, il se retrouve évanoui en plein milieu de la jungle, soit. Sa chemise est en sang et ça ne semble pas être le sien. Puis il parle d'un autre groupe et d'un temple. D'accord, pourquoi pas. C'est un peu étrange, voire même très étrange, mais encore concevable. Ensuite, il évite de parler du temple en question. Cacherait-il quelque chose ? Plus bizarre encore, il se révèle être un professionnel dans l'assassinat d'Ecrémeuh sauvage. Et être bon aux fléchettes n'explique certainement pas une telle maîtrise du lancer d'armes blanches.

Ce type était louche. Et Ben se promit de découvrir le pourquoi du comment.


* * *


Elle était heureuse. Son frère, d'un an son cadet, arriverait d'une minute à l'autre. Un an qu'elle ne l'avait pas revue, étant trop prise par ses études et récemment très affectée par son agression sexuelle impliquant son professeur en faculté de médecine. Non, décidément, rien n'allait plus dans sa vie. Aussi était-elle ravie de retrouver ne serait-ce qu'un peu de l'amour familial qu'elle avait perdu. Il ne lui restait que son frère Ivan, dix-neuf ans au compteur, qui comptait étudier pour rejoindre la police. Elle avait toujours admiré Ivan pour son courage et son honnêteté aussi bien que pour ses mauvaises blagues. Lorsque la sonnette retentit, elle se rua jusqu'à la porte de son petit studio et fut surprise de ne trouver personne sur le palier. Seule une boîte, de taille moyenne, était posée sur le paillasson. Probablement le courrier du jour.

Déçue, elle referma derrière elle et s'installa dans son fauteuil, posant le carton sur la table. Précautionneusement, elle arracha les morceaux d'adhésif qui collaient solidement les ouvertures de la boîte et finit par l'ouvrir. Elle se glaça d'effroi en découvrant ce qui l'attendait à l'intérieur. Ce n'était ni plus ni moins qu'une main tranchée, reposant sur des feuilles de papier froissé. L'une d'elles, en revanche, était intacte et pliée en quatre. Keira déglutit et déplia le feuillet. Une écriture ronde et droite qu'elle reconnaîtrait entre mille s'offrait à son regard. En bas, la signature de l'homme qu'elle avait fait emprisonner.

Que disait la lettre ? La jeune femme recevrait, dans les jours suivants, les différentes parties du corps de son frère. Visiblement, il avait réussi à sortir de prison par Arceus sait quel moyen et trouvé une vengeance adéquate. Pour venger l'affront qu'il avait subi, il renvoyait à Keira son frère, morceau par morceau...



* * *


- Arrêtez de vous inquiéter à mon sujet, je vais bien. Je vous l'assure.

Juliet et Wallace se regardèrent. Ils n'avaient jamais rencontré de femme aussi têtue, voire même bornée, que Vesper Malone. Elle n'écoutait personne d'autre qu'elle-même, peut-être par souci de fierté ou Arceus savait quelle sottise. En attendant, ils s'inquiétait pour elle, car depuis le début de leur petite exploration - démarrée une heure plus tôt -, elle s'était quand même pris les pieds dans trois racines d'arbres. De telles erreurs d'inattention ne lui ressemblaient pas, de ce qu'en savaient les deux qui l'accompagnaient.

- Je ne sais pas si on a bien fait de l'accompagner, bornée comme elle est... souffla l'étudiant.
- Ne dis pas ça, qui sait, elle pourrait se blesser sans nous !
- Bonne remarque.

La blonde sourit et reporta son regard sur la brune, qui n'avançait plus. Les yeux grands ouverts, une main portée à sa bouche, elle était comme pétrifiée. Que se passait-il ? Juliet n'en savait rien. Pour en avoir le cœur net, elle s'avança jusqu'à Vesper, suivie par Wallace. Tous deux eurent la même réaction que l'enseignante, à savoir la surprise, voire même le choc psychologique. Juste devant ce qui semblait être la tanière de quelque bête sauvage, plusieurs valises étaient entassées, les unes sur les autres, formant une masse. Juliet se précipita dessus et put constater que des étiquettes avaient été collées dessus, portant des noms qu'elle reconnaissait : ceux de leur petit groupe, à l'exception de Kenneth.

L'étudiant s'en approcha lui aussi et ouvrit celle qui portait son nom. Il fut ravi de sa trouvaille : des vêtements lui appartenant et même quelques effets personnels, comme son carnet de dessins et ses crayons, s'y trouvaient. Il remercia en silence Arceus pour ce présent digne d'intérêt. Vesper était, quant à elle, plus sceptique. Bien que satisfaite d'avoir de quoi se changer, pas la moindre trace d'appareil électronique. Ceux qui les avaient conduits ici - car elle était certaine que ce n'était pas le fruit du hasard - pensaient décidément à tout.

Juliet ne se formalisa pas de la réaction défaitiste de la brune et découvrit avec joie ses affaires propres, ainsi que celles de son mari, dans la valise d'à côté. C'était assurément une excellente nouvelle. Bien entendu, il y avait sans nul doute une signification derrière ce tas de bagages, mais ils y réfléchiraient plus tard. La joie était trop rare sur cette île, autant en profiter. Et ce ne fut pas de longue durée : un rugissement puissant se fit entendre.

Sans attendre, un Ursaring de près de deux mètres cinquante de hauteur sortir de sa tanière, envoyant valser une valise à quelques mètres de là. Son pelage brun était d'une épaisseur anormale - probablement dû à sa condition de Pokémon sauvage - et son regard plus meurtrier que celui de n'importe quel Ursaring classique. Celui-ci était un vrai monstre assoiffé de sang, une machine à tuer. Et quelque chose leur disait qu'ils seraient le dîner d'un ours...


* * *


Keira, précautionneusement, retira le bandage qui lui enserrait la jambe depuis trois jours, entreprenant de le changer. Lorsqu'elle posa ses yeux sur sa plaie, elle se figea. Plus rien, sinon une cicatrice presque invisible. Toute trace de la blessure avait disparu. Elle trouvait bien cela étonnant de pouvoir marcher normalement après seulement trois jours, mais elle s'attendait à tout sauf à ça. Là, ça battait des records. Soit ses capacités de guérison étaient incroyables, soit il se passait quelque chose de pas très net. Et la rouquine avait le sentiment que la réalité se rapprochait plus de la seconde option.

Résignée, elle se leva et rejoignit Seth, lequel était adossé à un arbre, taillant des morceaux de bois avec le couteau que Vesper avait consenti - après bien des refus - à lui prêter. Le blond leva les yeux vers elle lorsqu'elle arriva près de lui, l'interrogeant du regard.

- Je... j'ai plus rien, à ma jambe.
- Plus rien ? répéta l'avocat, incrédule.
- Regarde, il ne reste qu'une cicatrice, et encore, presque invisible.

Seth observa ce qu'il restait de la plaie et, effectivement, elle disait vrai. C'était la première fois qu'il voyait quelque chose de semblable. Dans un sens, ça l'effrayait. Une telle capacité de guérison n'était pas censée exister chez l'être humain. Le trentenaire commençait à se poser énormément de question au sujet de cette île dont, finalement, il ne savait rien.

Robbie, de son côté, finalisait la construction de l'un des abris. Tâche difficile pour lui, qui n'était qu'un architecte. Il avait l'habitude de voir les autres construire selon ses plans, jamais de tout faire lui-même. Il ne se débrouillait pas aussi bien qu'un professionnel, mais la structure semblait tenir bon. De toute façon, ils n'avaient pas énormément de matériaux à leur disposition, alors ils feraient avec. Un cri sortit le brun de sa torpeur. La voix, il aurait pu la reconnaître entre mille.

- Juliet !

Keira et Seth se tounèrent vers l'architecte, qui se lançait sans réfléchir dans la jungle. Ah. Aller l'aider, ou pas ? Ils hésitaient à laisser l'un d'entre eux seul au campement, ou même à laisser le camp complètement vide. Après quelques longues secondes passées à tergiverser, ils se lancèrent tous deux à la poursuite de Robbie. Il valait mieux écarter tout danger, c'était plus prudent...


* * *


Ben et Kenneth, après une demi-douzaine de pauses, reprirent leur marche, traînant derrière eux l'Ecrémeuh étonnamment lourd qui leur servirait de dîner. Ils avaient bien du mal à tirer le cadavre du Pokémon derrière eux, mais ne se plaignaient pas. Pas le temps pour ça, de toute façon.

- On y est, j'aperçois la plage.

Soulagé, Ben s'autorisa à sourire et accéléra un peu, pressé de pouvoir se reposer un peu. Après une escapade aussi étonnante que celle-ci, il l'avait bien mérité. Kenneth quant à lui, semblait songeur, ne regardant pas où il mettait les pieds.

Finalement, les deux jeunes hommes atteignirent le campement, qui était un peu trop vide à leur goût. Non, il n'y avait vraiment personne.

- Sympa l'accueil... soupira le blond en lâchant le corps du Pokémon près de l'abri.

Effectivement, le silence était oppressant. Ben ne se posa pas plus de questions et partit, selon ses propres dires, "se reposer". Kenneth le laissa tranquille et prit place sur un rocher, à quelques mètres seulement de l'étendue d'eau. Son regard oscillant entre le bleu et le violet fixait un point invisible à l'horizon, tandis que ses lèvres s'étirèrent en un sourire étrange.