Dent de lait de Zer0mega

Plusieurs heures passèrent, enfin, sûrement un peu moins mais c'était en tous cas l'impression que j'avais eu. Je ne parvenais pas à détourner le regard de la chose ... bestiole ... P ... Pokémon !? Nononon, pas possible, voyons ! Héhéhéhé ... absolument impossible, improbable même ! Je reculais doucement avant de me retourner, j'allais me mettre à courir quand un profond grondement me retint ...

« Attends, c'est ton ventre qui a fait ça ?! »

La petite créature ne répondit rien mais tenta, en vain, de cacher une grimace sur son visage. Bon. Concrètement, je fais quoi maintenant ? Ah ! Un éclair de génie – ou plutôt simplement un instant de lucidité dans la brume recouvrant mon esprit – Et revoici la savoureuse que je sortis de mon sac tel un magicien sortant de son chapeau un Azumarill. Je la tends au chétif crocodile qui l'agrippa, les étoiles pleins les yeux.

Bon, bah c'est pas tout ça mais il faut que je rentre moi ! Je repris donc ma marche ... ma course plutôt ... ... bon d'accord, mon sprint. Enfin je voulais sprinter. En pratique, j'étais assez lent, très lent même ... Oh, je sais ce que vous pensez : ''normal, t'es bourré !'' mais non, ce n'est pas ça. En fait ... je n'arrête pas de repenser à sa figure attristée, à sa grimace ... un peu comme si ... bah comme si cette grimace me ralentissait parce que c'était CETTE Grimace ! Nononon ! Pas possible, je vous dis ! Rhaaaaa ! Non ! Non ! Et puis d'abord, ce genre de trucs, ça n'arrive que dans des fics je vous signale !

...

Bon, j'arrivais finalement en bas de chez moi. Dans la rue, je n'avais croisé personne, à l'exception d'un homme en costard noir qui m'avais jeté un regard bizarre. J'arrive devant ma boite aux lettres ... Pff, la flemme ... Peu importe, je ne reçois jamais de courrier important, ce n'est quand même pas aujourd'hui que ça va commencer ... Je montai les escaliers quatre à quatre jusqu'à l'étage où se situait mon appartement, le huitième. Oui, l'ascenseur était en panne. Je finis par arriver, haletant et dégoulinant de sueur – non, le sport n'était pas mon fort –, devant cette fameuse structure en bois que j'avais quitté le matin même. Enfin chez soi ... J'ai grand besoin de repos, tant pour décuver que pour me remettre de mes émotions ... Tout de même, je dois avouer que la vie en appartement a ses avantages. Je vais enfin pouvoir me détendre après cette journée ... mouvementée ... après cette rencontre particulière avec cet-étrange-crocodile-qui-n'est-pas-un-Pokémon. Seul, juste moi, mon lit, ma télé et ...

« TODIL ! »

Voilà, exactement ! La belle vie en somme ! Ainsi donc il m'avais suivi, héhéhéhé, sacré garnement ! Moi, crispé ? Mais non voyons, je suis calme ! Calme et détendu ! Il y a simplement une toute petite chose, un tout léger détail qui me turlupine ...

« MAIS QU'EST CE QUE TU FOUT LÀ @#§%& ?? »

**Note de l'auteur (ndla) : @#§%& ne désigne pas internet-dièse-pararaphe-poucent-et ce qui n'aurait aucun sens mais une grossièreté voire une vulgarité**

Je faisais face à la bête et son regard ... franchement kawaii ... Mon sourcil droit s'agitait dans un petit rictus nerveux. Tout à coup, un clac clac très caractéristique retentit depuis l'appartement de ma chère et tendre voisine qui écoute aux portes, à toutes les portes, y compris la sienne. Dans un mouvement d'une vivacité et d'une précision rares, j'agrippai d'une main la gueule de la petite bestiole, la bâillonnant et je bondis pour la cacher de mon corps. J'étais accroupi et de dos lorsque Mme Martin apparu.

« Quelque chose ne va pas mon petit Sacha ? Tu as crié rudement fort, je t'ai entendu depuis ma cuisine ! »

Donc, si je résume, Mme Martin, une bonne vieille femme âgée de près de soixante-dix ans avec un peu d'embonpoint, m'a entendu crier depuis sa cuisine et a cessé toute activité pour se précipiter à l'autre bout de son appartement et ouvrir la porte ... le tout en approximativement 1 seconde et 32 centièmes ... ... Je tenais fermement la gueule écailleuse de mes deux mains de sorte à ce que son propriétaire ne puisse rendre la situation encore plus délicate par un gémissement quelconque. En principe, il lui aurait été impossible de l'ouvrir ... en principe ...

J'eus une illumination. Comment dire, une foule de vérités universelles m'agrippèrent l'esprit en une fraction de seconde :
– Parfois, hurler n'est pas la solution
– Je n'étais définitivement pas en train de rêver
– Cette bestiole est finalement bien un Kaïminus
– Son espèce n'a vraisemblablement pas usurpé sa réputation
– 42
– C'est la 2G qui avait raison : Morsure est bien du type Ténèbres
Je ne m'étais jamais senti autant Flagadoss ...

Je me mordis la lèvre inférieur jusqu'au sang et retint une larme au coin de l'œil. Tournant ma tête en direction de ma voisine, je lui affichai un sourire largement exagéré.

« Oh ! Mon Dieu, mais tu saignes ! As-tu des problèmes mon enfant ? »

Ces deux derniers mots me firent un petit pincement au cœur. Je ne répondis rien. Qu'aurais-je pu dire de toutes façons ? ''Oh, non, rassurez vous je viens juste de me faire mordre par le Kaïminus que je ne voulais pas que vous voyez mais sinon tout va bien !''

« Oh ! Je sais ce dont il s'agit ! Tu ne pensais tout de même pas me cacher quelque chose comme ça, tout de même ? »

Quoi ? Non, elle n'a quand même pas ... Je la regarde droit dans les yeux. Elle me retourne un petit sourire sympathique. Mais ... Mais ... Comment ? Nononon ... Impossible, improbable, elle n'a pas pu deviner ! Sauf, si ... attendez, elle était derrière sa porte depuis le début, non ? Et si elle l'avait entendu ? Et si ... elle était vraiment au courant ? Et si ... et si ... elle avait elle aussi un Pokémon ? Et si on mettait Safrania en bouteille ?

« C'est une histoire de fille, n'est-ce pas ? »

... OK ... ... il faut vraiment que je me calme moi ... Ce n'était pas gagné vu que mes cinq litres de sang traversèrent à toute vitesse ma carotide pour rejoindre ma tête, écarlate, sur laquelle on aurait pu faire cuire un steak. J'allais objecter, j'allais démentir, contester puis je repensa à ma plaie à l'avant-bras et aux véritables lames de rasoir qui s'y étaient sévèrement incrustées.

« C'est que ... enfin, voilà quoi ... bredouillais-je, on ... on ne peut rien vous cacher, héhé ... »
Sur ces mots, je me rua à l'intérieur de mon appartement et claqua la porte, laissant simplement derrière moi une petite marre de sang sur le sol.

Je levai mon avant-bras juste au niveau de ma tête et fusillai du regard la petite masse bleue qui s'y est farouchement agrippée.

« Tu compte me lâcher bientôt ?... »

Le Pokémon Mâchoire – oui, je me suis résigné à l'évidence – tourna ses deux pupilles en direction de mon visage. Il ouvrit la gueule ... tomba à terre, rebondit sur les fesse et finit par s'étaler sur le ventre en couinant. Je réprimai à grand peine un petit fou rire ... avant de me remémorer la douleur lancinante qui me tenaillait. Je m'éclipsai quelques secondes dans ma salle de bain pour sortir une valise en métal blanc décorée d'une croix rouge. À l'intérieur, je trouvai mon bonheur en un ensemble de bandages, sparadraps et épingles à nourrice. En face de moi, le miroir me reflétait l'image du petit animal aux douloureuses mâchoires qui m'avait suivi jusque dans l'étroite pièce au carrelage bleu ciel. Il avait du sang sur la patte et semblait l'examiner avec attention avant de me lancer un regard mélangeant timidité et curiosité. Je soupirai avant de lui adresser d'un ton sec :

« Oui, c'est du sang, c'est à moi, et oui c'est toi le responsable de son épanchement ... »

Il eu une mine attristée, comme pour me dire qu'il était sincèrement désolé. Il ... Il avait réellement compris ? Je le pris par dessous les bras et le levai au dessus de mon visage attendrit.

« Écoute ptit' gars ... Ce n'est rien, ne te tracasse pas avec ça. Ça n'a rien contre toi, tu es adorable et tu semble tout gentil ... mais je ne peut pas te garder, pas un Pokémon, pas ici ... Je ... – serrant les dents – je regrette mais il va falloir que tu t'en aille ... »

Et tandis que je m'approchait de la porte, le Kaïminus toujours dans les bras, ses deux petits yeux que je n'avais connu que plein de vigueur et d'énergie devinrent livides et commençaient à s'humecter de larmes. Toute trace de joie avait quitté son visage ... Non, arrête, me fait pas ça ! Pitié ! Si tu continue je sens que je ... je vais ...

« Bon ... ... peut-être que ... si tu me promet de te tenir tranquille ... je peut te garder pour la nuit ... »

Son visage s'illumina d'un seul coup, ses yeux reprirent leur forme de chevron tant réjouissante et il m'offrit un ''Todil'' visiblement empli de gratitude.

« Hey, juste une nuit j'ai dit ! »

Toujours jubilant, il agitait ses petites pattes avant en ma direction. J'acceptai volontiers de l'enlacer et reçu par la même occasion mon premier véritable geste d'affection depuis bien longtemps. Ah, ça ... je devais vraiment être convaincant ...

Une vieille boite en plastique fut ainsi réquisitionnée à ma collection de goodies et équipée d'une épaisse couche de tissus de toutes sortes pour accueillir du mieux possible mon nouveau colocataire. Chacun dans notre couchette, la sienne au pied de la mienne, nous nous endormîmes promptement ... promptement ... ... promp... et zut, j'aurais dû me douter que ça ne marcherait pas ... Comment? comment pourrais-je m'endormir avec ce qu'il m'arrive ? Un Pokémon ! j'ai vraiment adopté un Pokémon ?! Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir en faire ? Je ne vais quand même pas pouvoir le garder ! L'abandonner ? Mais ça ne va pas ? C'est quoi cette idée ? De toute façons, je n'y arriverais jamais ... Pour commencer d'où il vient ? Comment est-il arrivé ici ? Est-il le seul, ou bien y en a-t-il d'autres ? Tant de questions tournèrent dans ma tête comme des Flambus... (attendez, mais qu'est ce que je raconte moi depuis tout à l'heure??!) dans ma tête COMME DES RAPACES. Rhaaa, ça recommence ! C'est pas vrai ! Aller, on respire ... on se calme ... au dehors, la faible animation de la rue émettait un léger bourdonnement qui se répercutait jusque dans ma chambre ... une agréable mélodie qui résonnait doucement dans ma tête ... en harmonie avec le tintant tictac de la trotteuse de ma cuisine ... cette douce musique avait le don ... de m'aider à m'endormir ... elle était ... ce soir ... accompagnée d'un curieux petit son continu ... un peu ... comme ... ... comme des griffes. Des griffes qu'on frotte. Sur un mur. Un mur avec une tapisserie hors de prix.

J'allumai ma lampe de chevet ... avant de constater horrifié que le petit crocodile était effectivement en train de tester son attaque Normale à 40 de puissance sur le papier peint haut de gamme responsable d'une caution déraisonnable pour un si petit appartement. ET C'ÉTAIT SUPER EFFICACE !! Ni une, ni deux, je bondit sur le vandale qui n'eut pas de mal à me glisser entre les doigts d'un petit mouvement agile. Il se retourna, toujours en reculant pour me jeter un petit rire défiant et moqueur. Ah tu veux jouer ? Très bien, garnement, je vais te tirer les oreilles en pointes moi ! J'eus à peine fini de penser cela que dans sa course mon adversaire se pris les pattes dans les câbles de la Nintendo GameCube que Léo m'avait prêtée. Il s'étala sur le sol à plat ventre. Je n'eus pas le temps de lui adresser un ''bien fait !'' : la précieuse machine était en chute libre et le sol mortel se rapprochait dangereusement. Je vis toute sa vie défiler devant mes yeux :

Sortie le 14 septembre 2001 au Japon et le 3 mai 2002 en Europe, cette console de salon signée Nintendo connu quelques déboires dans ses débuts en raison d'un catalogue de jeu très restreint. En dépit des efforts de la firme jouant notamment sur la connectivité avec la très appréciée Game Boy Advance, la machine n'eut pas le succès escompté et ne se vendit in fine qu'à un peu moins de 22 millions d'exemplaires. Elle compte toutefois parmi ses titres quelques uns des jeux les plus populaires chez les joueurs vétérans tels que Super Smash Bros Mélée, The Legend of Zelda : the Wind Waker, Star Fox Adventures ou encore Pokémon Colosseum. (source : Wikipédia)

D'un réflexe digne des plus grands gardiens de but, je réussis à l'attraper en vol ... avant de heurter violemment le meuble sur lequel elle était exposée au milieu de la télé et de bouquins diverses ... puis d'encaisser une Triplattaque sur le haut du crâne de la part de trilogie du Seigneur des Anneaux qui en avait profité pour se joindre à la fête. Je poussai un long gémissement et vit le Kaïminus disparaître derrière la porte. Sale bête ...

Il revint quelque secondes plus tard grimaçant et tirant la mallette de premiers secours qui avait déjà servi un peu auparavant. Je me sentis un peu stupide ... Ça peut paraître con, mais je crois que je l'aime bien cette sale bête.