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L'illusionniste [One-Shot] de Yukkin



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Informations

» Auteur : Yukkin - Voir le profil
» Créé le 31/07/2015 à 16:26
» Dernière mise à jour le 31/07/2015 à 16:26

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L'illusionniste
Ses yeux azur plissés à cause des enseignes clignotantes du centre-ville, les oreilles bourdonnantes à force d'entendre des humains bruyants discuter des derniers ragots, il était assis là, dans le métro reliant Safrania à Céladopole - son lieu de résidence. Il se plaisait à observer les humains, qui avaient pourtant tendance à le dégoûter habituellement. Si superficiels, tous ces jeunes habillés de vêtements à la mode aux couleurs criardes, à la peau trouée par tous ces piercings noirs qu'ils avaient sur le visage. Si pathétiques, ces dames d'âge mûr, parlant à un volume sonore élevé de sorte que n'importe qui pouvait connaître les détails les plus honteux de leur vie. Si fragiles, tous ces enfants qui, sitôt leur mère perdue de vue, pleurent à n'en plus finir.

Et pourtant, lui n'avait pas l'air si différent d'eux. Costume noir, chapeau noir orné d'un ruban rouge, il était tout à fait à l'aise au milieu de tous les employés de bureau qui n'avaient de cesse de commenter le cours de la bourse sur les sièges voisins. Sauf que lui, il n'était pas comme eux. Il se persuadait qu'il faisait partie de ce monde-là. Le monde de la finance, des transports en commun et de la famille qui vous attend à la maison après le travail - au détail près qu'il n'avait pas de famille.

Il n'avait pas vraiment à se plaindre de la vie qu'il menait. Appartement spacieux et vêtements de qualité qu'il pouvait s'offrir avec sa paye de trader boursier, collègues peu envahissants, goût prononcé pour la littérature... Tout semblait aller pour le mieux dans sa vie. A le regarder, on ne penserait pas qu'il puisse manquer de quoi que ce soit.

Ses pensées étaient aussi sombres que son accoutrement. Il ne parlait plus que très peu depuis qu'il avait perdu sa famille, et redoutait les contacts humains directs. Au téléphone, ça ne lui posait aucun problème : les interlocuteurs ne pouvaient pas lire la moindre émotion dans son regard puisqu'ils ne le voyaient pas. C'est la raison pour laquelle son travail lui convenait parfaitement.

Il sortait également très peu. C'est tout juste s'il achetait le journal le matin, et il s'arrangeait pour aller faire ses courses le moins souvent possible. C'était ce genre de personne qu'on appelle couramment "asocial". Un genre de personne que les gens évitent de regarder, d'ordinaire. Ils n'existent pas dans la société, ils sont comme invisibles. Mais ça ne semblait pas le gêner, lui, cet être qui se complaisait dans la solitude la plus noire. Aussi noire que son âme souillée par la haine, le dégoût, la peur... Tous ces sentiments qui s'insinuaient en lui comme le fait le poison dans les veines. Ces émotions négatives, il avait quelquefois l'impression qu'elles se répercutaient sur son entourage, qui devenait lui aussi violent et corrompu par la noirceur de la haine. La haine. Ce sentiment si détestable et qui pourtant vous octroie comme une sensation de liberté, de ne plus être attaché à rien. On est libre de haïr le monde dans lequel on vit, les gens que l'on côtoie chaque jour, que ce soit dans le métro ou dans le bus, la société matérialiste et superficielle qui ne cesse de le devenir chaque jour un peu plus... Et parfois ça fait du bien. C'est purement égoïste, mais détester peut faire du bien.

Les humains sont sournois, les humains sont superficiels, les humains sont... Les qualificatifs lui venaient instinctivement, dans un flot de mots intarissable. Et pourtant. Pourtant lui n'était pas si différent. Sournois, il l'était, il s'arrangeait pour que tout se passe selon ses plans, quels que soient les moyens utilisés. Superficiel, il l'était, tout du moins un minimum, son apparence n'étant jamais négligée, toujours irréprochable. Il n'était pas comme eux, il le paraissait. Infime différence s'il en est, mais différence notable. Il n'était pas comme ces humains si détestables, si faibles, si...

Non. Il ne pouvait pas flancher maintenant. Il s'était enfoncé jusqu'au cou dans ce monde régi par l'argent et le pouvoir. Sa vengeance serait accomplie. Il l'avait jurée sur sa tombe. La tombe de cet être si cher à son cœur et dont le souvenir commençait peu à peu à s'estomper, si bien qu'à présent il l'idéalisait un peu trop. Il se souvenait de son rire, un rire cristallin et pourtant si particulier. Ses cheveux tombant en une longue cascade de mèches dorées dans son dos. Et son regard, c'était un de ces regards qui vous montre qu'on vous comprend. Exactement comme vous aimeriez être compris. Ce souvenir était tout ce qu'il lui restait d'elle. C'était ce qui lui restait de plus précieux.

L'arrêt du métro le ramena à la réalité. Il en descendit et essuya d'un revers de la main la les larmes qui avaient coulé à son insu alors qu'il pensait à elle. Mais plus rien ne la ferait revenir, maintenant que cet homme à bord de sa voiture l'avait renversée, sans même prendre la peine de s'arrêter après. Il devait en finir, et après ça, il serait libre de partir la rejoindre. Arrivé en dehors de la station de métro, il se dirigea dans la ruelle peu fréquentée qui lui servait à rejoindre son domicile. Il regarda le ciel de ses yeux azur et pensa à elle.

Sa dresseuse morte depuis deux ans déjà, qu'il vengerait d'ici peu. Pris d'un besoin inexplicable de courir, il rompit l'illusion et reprit sa forme initiale, celle d'un Zoroark au pelage noir et rouge et au regard azur perçant. Personne ne le connaissait sous sa vraie forme, celle de l'illusionniste aux talents parfaits. Personne.