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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 18/05/2015 à 15:24
» Dernière mise à jour le 18/05/2015 à 15:24

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Chapitre 48 : Merci
Nous n'avions pas parlé de l'endroit où nous nous rendions durant tout le reste du trajet. C'était un sujet trop délicat pour Ed' comme pour les autres.
Au final tous ces types avaient fini par s'accrocher à moi. Évidemment le capitaine de l'escouade n'était pas étranger à ce revirement de situation, même s'ils étaient tous naturellement plus ou moins bons, même Cooper finalement. Le tout au point que j'allai bien souvent me demander plus tard comment ces mêmes hommes avaient pu réduire Rovia en poussière. La dictature, la puissance du régime et la hiérarchie de l'armée sont des fléaux dont on imagine à peine l'étendue réelle. Mais les fourmis dont on se sert restent des hommes et durant ce voyage ces quelques sous-fifres d'Aimé avait démontré leur humanité.

« Je suis désolé, avait simplement dit Ed' au moment de me voir revenir devant l'école.
– Ce n'est pas ta faute, lui avais-je répondu. Mais je n'ai rien qui m'attend ici, pas plus qu'à Rovia. Je n'ai pas d'endroit où aller.
– Mieux vaut être nulle part que là où nous nous rendons. »
J'ai baissé les yeux et retenu une larme avant de serrer les poings et de rendre mon jugement. « Ed', finissons-en, s'il te plaît. Allons-y ! »
Puis il s'approcha de moi et me prit dans les bras. J'eus alors l'impression que cela faisait des années que personne ne m'avait exprimé son amour. Mila n'était plus qu'un spectre, ma sœur un fantôme errant dans les affres de mon esprit et Rovia le pâle symbole d'une vie terminée. Tout me semblait si loin et irréaliste.

« Nous ne sommes plus qu'à deux heures de Fan. J'ai demandé à ce qu'on ralentisse mais le soleil ne tardera pas à se coucher et on ne doit pas dépasser ce délai. H ne plaisante pas avec les horaires. Ce type est malade, réglé comme une pendule et ne veut rien laisser au hasard. » J'hochai la tête tout en souriant. Ses gestes et ses paroles étaient sincères et je n'en demandais pas plus. D'ailleurs je n'avais rien demandé. Ces soldats auraient pu être désagréables avec moi, me droguer pendant une semaine et me jeter du bus comme un sac poubelle troué. Après tout c'était grâce à eux que je pouvais enfin vivre pleinement avant d'arriver à destination.
J'ai reposé ma tête contre la vitre et regardé défiler le paysage qui s'étendait devant mes yeux. Nous étions de l'autre côté du pays, sur la côte ouest et l'océan s'étendait devant moi, teinté par un soleil chatoyant.

« Je n'avais jamais vu la mer, confessai-je à mon protecteur. C'est magnifique.
– Jamais ?
– J'habitais à la capitale et mes parents n'aimaient pas voyager. Du moins mon père. Il n'aimait pas les vacances en règle général ; un truc de feignant, qu'il disait. Un jour on est partit en week-end à la montagne, dans le nord, mais c'est tout. »
Ed' ne répondit rien et je poursuivis silencieusement ma longue contemplation. Me retournant vers lui après quelques secondes je le trouvais en train d'essuyer sa joue.

« Ed'... » Il ne répondit pas tout de suite et renifla.
« Je suis désolé, gamin. Je suis désolé.
– Ce n'est pas de ta faute.
– Ton village…
– Sans doute que tout devait arriver. L'œuvre du créateur doit être détruite un jour ou l'autre, c'est le bon déroulement des choses. Si Rovia devait brûler alors personne ne pouvait l'en empêcher.
– Tu ne sais plus ce que tu racontes, tu es fatigué. Est-ce que tu as au moins des souvenirs du jour de la bataille ? »
Je ne me souviens plus ce qu'il se passa réellement à ce moment dans ma tête. La seule chose dont je suis certain c'est que je ne répondis pas à mon protecteur et que la mort de Mila restait un rêve que mon esprit refoulait sans cesse au fond de moi afin que je n'ai pas à affronter la réalité. Le moment où elle me frapperait de plein fouet arriverait rapidement. Et j'allai pleurer, hurler, pester contre dieu, contre le monte, contre H, Aimé et même Ed'. J'allai vouloir tout détruire, mourir et me venger. Mais pour le moment je n'étais qu'une larve dans un cocon, un insecte qui se protégeait du monde en se mettant à l'écart. Je ne voulais rien voir de tout cela.
Ma vie ne pouvait changer si brusquement.

Ed' n'a pas cherché à continuer sur ce terrain. Dans sa logique il devait sans doute penser qu'il était plus sage de s'en écarter pour ne pas me blesser. Un jour ou l'autre j'allai devoir l'accepter et souffrir. Mais il ne voulait sans doute pas être responsable de tout cela.
« Si un jour tu sors de Fan, promets-moi qu'on se reverra, lança-t-il en guise de conclusion.
– Ouais, promis ! »
Il a levé la main ; je l'ai frappé avec la mienne. « Croix de bois, croix de fer…
– … si je mens je vais en enfer, répondis-je en riant. »
Cooper a tourné la tête de l'avant du bus et s'est mit à sourire à son tour. « On pensera à toi. Quand tu auras besoin de nous, n'hésite pas une seconde. »

Je me suis mit à rire sans penser à Fan. Eux aussi n'y pensaient pas. C'était loin ce moment où on allait se dire adieu ; une longue heure seulement que l'on ne devait faire durer par des larmes. Dans ce bus j'avais trouvé du soutien, des amitiés précieuses que j'allais conserver longtemps. Car toutes ces promesses porteraient leurs fruits. Un jour je reverrai Ed', je le savais avant même que ce ne soit le cas.
Et il allait m'aider. Il serait un allié de poids dans la guerre que j'allais déclencher sous peu lorsque je tenterai de ramener Mila d'entre les morts et la démocratie dans ce pays corrompu. Mais avant il y aurait la souffrance, la peine et des milliers d'épreuves à surmonter. Ma séparation avec Ed' et ses hommes n'était pas un simple au revoir.
Car une heure plus tard s'ouvrait les portes de Fan et la vieille grille de fer grinçait pour me laisser passer, seul ; le bus et mon escorte n'étaient pas autorisés à aller plus loin.

Me retournant je fixai Ed' du regard. Cooper se tenait prêt de lui, une main sur l'épaule et le pouce levé dans ma direction. « Prend soin de toi, gamin.
– Merci. » Une force se réveilla soudain dans ma poitrine tandis que deux infirmières me prenaient par la main. Et cette puissance incontrôlable était celle qui allait me hanter durant mes premiers jours à Fan. Le cocon se brisa et la vérité explosa. Et les larmes commencèrent à couler pendant que le portail se refermait dans mon dos.
Ma vie prenait fin, ou était-elle déjà terminé ? J'en prenais simplement conscience.
« Merci ! hurlai-je en tentant de couvrir le grincement de la grille alors que mes yeux se brouillaient du flot qui les inondait. Merci pour tout, merci encore ! »
Ed' leva la main, du moins il me semble. Car à ce moment-là je sentis un pincement sur le haut de mon bras et, presque aussitôt, mes paupières furent lourdes et ce que les femmes m'injectèrent me plongea dans un sommeil profond.