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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 28/04/2015 à 16:45
» Dernière mise à jour le 28/04/2015 à 16:45

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Chapitre 40 : Cavalier de l'Apocalypse
J'embrassai Mila sur la joue en espérant ne pas la réveiller. C'était stupide de ma part de le faire si je ne voulais pas prendre ce risque ; j'en étais pleinement conscient, mais il m'était impossible de partir sans cela.
Elle était couchée sur le ventre, la couverture à moitié relevée sur son corps. La blancheur de sa peau, que l'on remarquait par endroit, notamment sur la jambe qui dépassait des draps, dénotait avec le bleu marine du tissu. Les tâches de rousseur qui arpentaient son corps svelte apportaient au décor une touche exotique, infime détail harmonisant le tableau, complétant la couleur de sa chevelure lui tombant jusqu'au milieu du dos, nu. Du reste je savais qu'elle ne portait d'une simple culotte qu'elle avait remit après que nous ayons fait l'amour avant de nous endormir, aux environs de deux heures du matin.
Sous toutes les coutures, qu'importe la façon dont je la voyais, elle m'apparaissait divine, sans aucun défaut physique ou moral. Un ange descendu du ciel. Ces paroles sont niaises, dénuées du moindre sens. Elles sont pourtant le juste reflet de mon esprit à ce moment-là.

Tout n'avait pas été rose dans notre relation. Elle avait été difficile depuis ce jour où nous avions échangé ce premier baiser à la suite d'un combat, un mercredi après-midi. La première barrière à ce que nous ressentions l'un pour l'autre fut notre propre hésitation, la même que celle qui me hantait au cours de l'affrontement. Ni elle, ni moi ne pouvions décemment assumer une relation qui allait contre certains des principes les plus élémentaires, notamment le fait d'être trop proche de celui que l'on aime. Après tout nous vivions sous le même toit depuis des années et l'idée de se retrouver en couple, même si nous ne réalisions pas tellement ce qu'était véritablement un couple à notre âge, était dérangeant pour la vie que nous menions.
Évidemment nous n'avions rien voulu dire à ses parents, ni à qui que ce soit d'ailleurs, même si tout le monde s'en doutait plus ou moins. Nous n'assumions pas cette relation et, dans nos émois, cela conduisit rapidement aux premières disputes et à un semblant de séparation qui n'eut jamais lieu ; nous revînmes rapidement l'un vers l'autre comme deux pôles impossible à séparer.

Le premier à découvrir notre secret fut l'Ancien, au bout de deux semaines. En vérité je le soupçonnais de tout savoir depuis bien plus longtemps que cela mais ce fut le moment qu'il trouva pour nous surprendre en train de nous embrasser un après-midi après les cours, alors qu'il revenait des bois où il avait l'habitude de s'entraîner avec son équipe. Sa réaction se limita à un sourire, comme s'il nous montrait qu'il était au courant depuis des années de ce qu'il venait de voir. Et je ne doutais pas de sa capacité d'anticipation.
Charles l'apprit plus tard. Les rumeurs dans un petit village vont bon train et Bruce ne s'était pas gêné de raconter qu'il nous avait surprit au collège. Cela arriva ainsi aux oreilles de mon père et de ma mère de substitution, ce qui marqua pour nous le début d'une nouvelle période de notre relation.

S'ils avaient mille façons de nous faire part de leur avis sur la question, ils prirent sans doute la meilleure qui se présentait à eux. Charles vint me voir seul pour me parler ; sa compagne se chargea de sa fille. Cela se passa durant un après-midi où il me demanda de venir l'aider aux champs. Dès qu'il me fit sa demande, je compris qu'elle n'était pas innocente avec tout ce qui se disait à Rovia en ce moment.
Je sais que tu es avec Mila, m'annonça Charles sans passer par quatre chemins. Pour tout te dire je m'y attendais depuis des années. Vous n'avez pas de lien de parenté, vous vous entendez comme des meilleurs amis et vous ne vous séparez jamais. On en a souvent parlé avec Élisa. On se demandait ce que l'on pourrait faire dans ce cas là.
J'ai gardé le silence, n'osant ni baisser les yeux, ni affronter son regard ; poisson errant entre deux eaux dont il connaît les dangers respectifs. D'un côté j'avais peur de le mettre en colère, de l'autre je ne pouvais éprouver un face à face sans ressentir de la honte et de la gêne. C'était sa fille après tout et celle que je voyais comme ma sœur depuis mon intégration à cette famille modèle.
Mais face à ma réaction, étrangement, il m'adressa un sourire et me mit sa main sur mon épaule, un geste qu'il ne faisait que lorsqu'il était question de me réconforter ou me féliciter.

Je savais que cela arriverait un jour ou l'autre quand nous t'avons recueillit. Au départ tu n'étais qu'un simple gosse égaré, maintenant tu es mon fils. Et je me moque de savoir ce qu'il se passe entre toi et Mila tant que vous êtes heureux.
Mes yeux se sont ouverts. Je m'attendais de loin à tout sauf à cela. Il le vit sur mon visage et se mit à rire.
Tu pensais que j'allais te gronder, idiot ? C'est la nature, vous êtes jeunes et il faut bien que cela se fasse un jour ou l'autre. Vous n'avez aucun lien de parenté, vous avez grandit ensemble ; qu'ai-je bien à redire ? Ce ne serait pas Mila, ce serait une autre. Et ce ne serait pas toi, alors elle aurait un autre petit copain. Et les choses se seraient produites exactement de la même manière. L'avantage c'est que je n'ai pas à découvrir s'il est assez bien pour ma fille. Je connais déjà le caractère du bougre qui a décidé de me la prendre.
Une larme à commencer à couler et un sourire à germer sur le coin de mes lèvres.
Ne pense pas avoir gagné pour autant. Ce n'était pas forcément un compliment que je te faisais, je vais t'avoir à l'œil. Et la moindre bêtise pourrait te coûter cher. Et si j'apprends qu'elle est triste à cause de toi, crois-moi, tu regretteras de ne pas avoir dragué une autre fille de ta classe.

Le jour où il prononça ces mots je savais qu'il ne plaisantait pas. On ne pouvait être plus sérieux que lui. Et même si je n'avais pas à craindre de dommages physiques, tout ne se résout pas par la violence et encore moins du point de vue de mon père adoptif, il pouvait user des mots de telle manière à rendre honteux quelqu'un pour le restant de ses jours. Mais à ce moment-là je lui fis la promesse de ne pas le décevoir, de ne pas blesser Mila et de rester fidèle à mes sentiments. Avec la plus grande sincérité du monde il répondit qu'il me connaissait assez pour savoir que je disais vrai, même si cela ne changeait rien à ce qu'il venait de dire.
Mais jamais cela n'aurait la chance d'arriver. Car ce matin, alors que je me levais doucement du lit pour rejoindre l'Ancien pour une nouvelle séance d'entraînement à la fermeture de mon œil, la vie que nous menions allait basculer. Et jamais nous n'aurions l'occasion de rompre, de pleurer, de nous en vouloir, de nous réconcilier, de repartir, peut-être, de vivre ensemble si la chance était à nos côtés dans cette aventure… Le temps et le destin allaient manquer de bonne volonté. La destinée allait faucher notre histoire à son apogée, ne laissant que des remords et des questions dans son sillage.

« J'arrive à ouvrir parfaitement l'œil et à le refermer, expliquai-je ce matin-là à mon maître au cours de la séance. Quand je veux ne plus les voir, il me suffit de penser très fort à des paupières en train de se clore. Et cela fonctionne, presque à chaque fois du premier coup.
– Parfait, tu arrives à maturité. L'entraînement porte ses fruits, bientôt tu pourras sans doute tenter de repasser de l'autre côté comme la nuit de ton arrivée.
– Comment cela se fait ? Je veux dire… Je ne savais rien de l'œil et de son fonctionnement lorsque je suis monté dans le bus, pourtant tout s'est produit instinctivement, sans que je ne ressente rien ou presque. »
Le vieillard but un peu de thé avant de répondre et croqua dans un cookie. Même si les années passaient, les gâteaux de l'Ancien restaient éternellement les mêmes : croquants avec de délicieuses pépites de chocolat en guise de cœurs. Lors de nos rencontres ils étaient devenus comme un rituel. Il disait les faire pour moi, m'en donner toujours un sac pour que je l'apporte à sa petite fille mais, en vérité, je savais qu'il en raffolait et s'en gavait en cachette. Ce n'était rien de plus qu'un prétexte pour assouvir ses pulsions gourmandes. Ce jour-là j'étais loin de me douter que je croquais dans ses pâtisseries pour la dernière fois.

« Je ne sais pas ce qu'il se passa cette nuit. Ta volonté, ton destin, une force supérieure ? Toutes les réponses sont bonnes. Le fait est que je ne sache pas laquelle choisir. Parfois l'œil s'ouvre de façon totalement aléatoire. Certains découvre même leur don en passant dans l'autre monde, à la mort d'un proche ou lorsqu'ils tentent de trouver refuge quelque part. Certains mystères ne sont pas encore totalement résolus, nous en savons peu et personne ne travaille sur le sujet, personne n'écrit sur le don. La seule source valable que nous ayons est un flot de rumeurs. »
J'ai levé les yeux au ciel pour réfléchir, m'imaginant un jour devenir le premier à rédiger un livre sur le sujet, sans savoir que ce serait véritablement le cas des années plus tard quand le troisième œil serait connu de tous après l'incident à la capitale. Un silence s'est installé, de quelques secondes.

Puis il fut brisé. Par un coup de feu.

Ce dernier traversa l'espace comme une fusée, brisant la fine couche du son et marquant le début d'un nouveau cycle pour le village. Dans le calme d'un matin comme les autres, ce bruit qui résonna au fond de mes oreilles se détacha du reste de l'univers. Cela pourrait être seulement le cri d'un pokemon que je n'avais pas identifié correctement, ou même le fusil d'un chasseur des environs ; tout mais rien pouvant nous être terrible. Pourtant, à l'instant même où il s'échappa dans l'air, nous sûmes.
Ce coup de feu était le vent amenant la tempête, le premier navire de guerre à accoster un rivage en paix, un cavalier de l'Apocalypse dont les narines du destrier crachaient de la fumée noire. Aimé se préparait depuis des semaines à attaquer Unys, tout le monde le savait. Les journaux clandestins ne faisaient que parler de cela depuis des mois, un jour ou l'autre nous savions que cela arriverait.
Mais Rovia n'était pas menacé, nous en étions certain. Pourtant…

Dans mon esprit une sonnette d'alarme fut tirée. Je ne sais si c'était une cause logique ou que le don me permettait de savoir aussi certaines choses de ce genre, faisant de moi un voyant capable de voir le noir destin de sa vie. Néanmoins je ne me posais pas de question car le nom de Mila résonnait au fond de moi. J'avais l'intuition qu'elle était en danger et que je devais aller la voir le plus rapidement possible.
Je savais que quelque chose de terrible allait se produire dans les minutes à suivre.
En revanche je n'imaginais pas une seconde ce que j'allais voir. Car bientôt j'allais me retrouver face à ce village en flammes, tenir dans mes bras le corps de celle que j'aimais et prendre un bus qui me ramènerait d'où je viens.
Ma vie changeait, brusquement.