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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 17/04/2015 à 09:54
» Dernière mise à jour le 17/04/2015 à 09:54

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Chapitre 37 : Et si…
On ne refait pas le monde avec des si. C'est que me disait souvent ma mère adoptive, Élisa, dont j'ai peu parlé. Il faut dire que je n'étais pas aussi proche d'elle que je le fus de Charles. Elle était là dès que j'avais besoin d'elle, me donnait tout l'amour du monde et je l'aimais en retour. Je lui serai pour toujours reconnaissant de m'avoir accueillit et élevé comme son propre fils. En revanche il m'est impossible de comparer notre lien avec celui que je tissais en parallèle avec mon nouveau père.
Néanmoins j'aimais beaucoup lui parler, notamment pour toutes les leçons de morale qu'elle avait à me transmettre. Elle semblait en avoir une pour chaque situation. Dès que j'avais un problème, que ce soit en rapport avec Mila, mon passé ou mon adolescence, elle savait le résoudre. Elle trouvait les mots justes au bon moment.

Avec des si on referait le monde. Ne cherche pas à savoir comment les choses auraient pu être, ni comment elles seraient si tu avais fait un autre choix. Contente-toi de te dire qu'elles sont ainsi, que pour le meilleur et comme pour le pire elles le resteront. Et tu ne peux rien y faire.
Dans quel contexte avait-elle dit cela ? Je n'en sais vraiment plus rien. Sans doute était-ce lors d'une discussion sur mon passé qui revenait souvent me hanter, sur mon père dont je me moquais et ma sœur qui me manquait. Mais la question n'est pas de savoir quand ces paroles furent prononcée mais plutôt pour quelle raison elles me revenaient à l'esprit alors que j'arpentais inlassablement le balcon d'un petit hôtel sur la route de Gefat.

Au loin le ciel était calme. La pluie n'était pas tombée depuis des jours, il faisait presque chaud. Des centaines d'étoiles parsemaient la voûte au-dessus de ma tête, milliards d'yeux grouillants d'une fourmilière en ébullition pour laquelle je n'étais rien. Un point dans la galaxie dont le passé, l'avenir et même le présent ne représentait rien. Juste un insecte que l'on écrase du pied. Au regard de cette immensité je n'était rien qu'un personnage qui tentait de s'élever grossièrement au-dessus de tous ses semblables.
J'émis un soupir.
Et si…

Immédiatement je secouai la tête pour éviter de penser à cela. Élisa me l'avait assez répété : on ne refait pas le monde avec des si. Et pourtant… Combien de fois j'avais pu le refaire dans mes rêves ce monde ? En partant d'une simple hypothèse le façonner de nouveau, plus beau, plus reluisant et plus triste à la fois.
Et si je n'étais jamais venu à Rovia… Si j'étais resté chez mes parents d'origine, sous le joug de mon père, m'aurait-il réellement envoyé à la banque plus tard afin de lui succéder ? Après tout ce n'était peut-être qu'un caprice d'adolescent de ma part, un caprice qui aurait du passer au bout d'un temps si la patience avait été de mise. Peut-être n'était-ce qu'une étape dans la vie de mon père et qu'il n'avait pas toujours été comme ça ; ma mère ne l'avait sans doute pas épousé pour rien. Si j'avais fait preuve de patience, alors peut-être tout cela ne se serait pas produit, que je serais resté un petit gamin qui suivait son père le mercredi à son travail ; rien de plus. Et plus tard, comprenant mes objectifs, il m'aurait laissé partir sur les routes.

Ce soir-là, directement après avoir eu cette pensée, j'ai trouvé qu'elle sonnait faux. Pourtant même en sachant cela je ne pouvais m'empêcher de me questionner. Et, quand bien même c'était le cas, je ne pouvais me pardonner d'autres événements de ma vie. La fuite vers Rovia n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan, assez grande pour le faire déborder, mais elle n'en restait pas moins une goutte.
Ma vie n'a pas changé à ce moment-là.
Non. Elle avait véritablement changé un après-midi de mes dix-sept ans, alors que je faisais comme d'habitude ma séance d'entraînement chez le vieux. On avait entendu un coup de feu, un cri puis un immense silence. Ce dernier sembla durer des heures avant d'être interrompu par une explosion que le chaos allait suivre. Je me souviens avoir retenu ma respiration un instant, juste le temps que tout soit suspendu.
Puis plus rien.

Et si cela n'était pas arrivé, si notre amour n'avait pas été brusquement arrêté ce jour-là, est-ce que cela aurait été possible ? Après tout nous n'étions que deux gamins qui pensaient pourvoir vivre pour l'éternité aux côtés de l'autre, une idylle impossible aux yeux du monde que seul un regard naïf peut voir s'accomplir. Si tout cela n'était pas arrivé, si ce jour-là je ne l'avais pas tiré des décombres de la chambre qui avaient chuté dans la rue, sur le point de mourir ; est-ce que l'univers serait le même aujourd'hui ? Si tu avais vécu dans ce monde, m'aurais-tu aimé ? On se serait sans doute séparé, sur le coup de nos vingt ans, peut-être plus, comprenant qu'un amour de jeunesse ne peut durer éternellement. J'aurais alors quitté Rovia, te considérant comme la sœur que la vie m'avait empêché d'avoir, partant sur les routes pour accomplir un rêve qui ne me tiendrait jamais à cœur. Je t'aurais aimé, sans doute un certains temps avant d'oublier que nous avions eu cette courte relation. Et tu aurais trouvé quelqu'un d'autre, fondant ta vie avec lui, créant une famille sans plus penser à l'ermite que j'étais devenu.
La vérité est que nous n'étions que des gosses et que cette histoire ne pouvait durer. La seule raison pour laquelle je pense encore à toi et qu'elle n'aura jamais eu le temps de connaître sa fin, que la vie nous a malmené au point de nous empêcher de mettre un point à la phrase. Tout a commencé par un baiser, tout devait finir par un baiser, quelques larmes dans le pire des cas. Du sang… Il ne devait pas y en avoir sur le tableau final.

Cette nuit, en partant pour Gefat, je contemplais le ciel à tes côtés. Je ne te voyais pas, mon œil ne parvenait pas à s'ouvrir comme c'était parfois le cas depuis l'orphelinat, depuis la table. Si j'avais pu te parler ce soir-là, sans doute qu'on aurait discuté de cette histoire qui venait de naître sans pouvoir se terminer. On aurait parlé d'amour et de conneries. Je me serais demandé si tout ce que tu disais était sincère, si ton esprit n'était pas resté bloqué des années en arrière à Rovia, sous les décombres aux côtés de ton corps sans vie, sous ta main blanche tâchée de poussière et de sang. Et j'aurais pleuré, toutes les larmes de mon corps, une fois de plus.
Car depuis ce jour je pleurs la fin de cette histoire. Si seulement tout avait continué et que nous nous étions quittés, si seulement tu avais eu toute la vie devant toi…