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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 06/01/2015 à 13:43
» Dernière mise à jour le 12/03/2015 à 19:41

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Chapitre 5 : Secrets fraternels
J'ai rarement connu quelqu'un avec d'un naturel aussi calme et adroit que ma sœur. Elle n'avait que sept ans à l'époque et pourtant plus de maturité que nombre d'adultes que j'ai rencontré par la suite.
« Il ne faut pas avoir peur de ce que l'on aime, m'a-t-elle lancé lorsque je lui ai avoué un soir le spectacle dont j'avais été témoin dans la rue. C'est comme ça que l'on devient heureux. »

Elle avait cette manière d'utiliser des mots lui étant propre, un talent pour donner un sens à des phrases simples et naïves. J'aimais ça chez elle.

« Ce que j'ai vu à ce moment-là, la façon dont les gens regardaient le combat, l'ambiance... Je ne peux à peine dire ce que je ressens. C'est indescriptible.
– Tu veux devenir dresseur ? »
Elle m'a demandé ça naturellement, faisant papilloter ses yeux. Et je me suis mis à rire d'autant de naïveté.
« Papa me tuerait. Il veut que je travaille avec lui à la banque quand je serais plus grand.
– Ce n'est pas sa vie. »

Du haut de ses sept ans elle frappait de nouveau juste. La voix de ma petite sœur était une flèche qui jamais ne manquait le centre de la cible.
« C'est la tienne, a-t-elle ajouté. Tu en fais ce que tu veux.
– Les choses ne sont pas aussi faciles...
– Elles le sont. »
Elle s'est dressée sur son lit, a allumé sa lampe de chevet et m'a fixé droit dans les yeux. Dès lors je savais que je ne pourrais plus la contredire durant le restant de la discussion.

« Papa est banquier et toi tu ne veux pas. Ce n'est pas à lui de décider. Hier, à l'école, maîtresse nous a demandé ce que l'on voulait faire quand nous serions plus grands. Chacun notre tour on a répondu. Et elle n'a dit à personne que son rêve n'était pas bien, qu'il n'y arriverait pas ou qu'il devrait en changer. Elle a souri à chaque fois.
– Notre père n'est pas de l'avis de la maîtresse.
– Alors il n'a pas raison. »
Puis elle a éteint la lumière et a arrêté de me parler. Quelques minutes après je pouvais entendre son ronflement tandis que je tournais dans tous les sens en quête du sommeil. Si seulement je pouvais avoir sa facilité à survoler les choses, la vie n'en serait que plus simple...

Néanmoins ma sœur ne s'est pas arrêtée là. Un jour, à la sortie de l'école – j'étais en dernière année et elle était juste dans la classe du dessous, ayant sauté une année – elle a pris ma main et m'a attiré quelques rues plus loin.
« Maman va nous attendre à la sortie, lui ai-je lancé tandis qu'elle me demandait de la suivre en silence. Elle va se faire du souci pour nous, April.
– Elle aura du retard. Médecin, a-t-elle ajouté.
– Comment tu sais tout ça ?
– J'écoute quand elle parle. »

Après m'être fait renvoyer de la sorte je ne pouvais rien ajouter. Je fus contraint de garder le silence jusqu'à arriver devant la petite boutique bleue qui marquait l'angle de la rue derrière l'école.
« Ils vendent des objets pour dresseur ici, April. C'est pas du tout l'endroit où j'aimerai qu'on se fasse chopper par papa.
– Je sais ce que je fais. »
Et elle a franchi le seuil d'un pas décidé, a salué la vendeuse et m'a demandé de la suivre d'un signe de la main. Je n'étais bien entendu pas rassuré, la raclée que m'avait passé mon père une semaine auparavant n'aidait pas.
« On va réaliser ton rêve, m'a dit April pour m'inciter à venir. »

Disant cela elle a passé sa main dans ses longs cheveux roux qui s'emmêlaient autour de son cou en de fines boucles. Je ne pouvais pas résister à sa gentillesse, qu'importent les claques que je pourrai recevoir par la suite.
Je suis entré dans la boutique à sa suite.
« Et maintenant ?
– On fait les courses. »

Elle s'est dirigé vers le rayon le plus en vue du magasin et me l'a montré du doigt. « PokeBall. L'objet le plus important d'un dresseur.
– Tu sais tout ça comment ?
– Télé. Quand je rentre de la gym le mercredi et que papa est encore au travail avec toi, maman me laisse regarder des combats.
– La chance... »
Je l'ai vu hocher les épaules l'air nonchalant puis se tourner de nouveau vers le rayon. « Alors, on prend quoi pour commencer ? »

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à trouver les limites du plan de ma sœur. Visiter un magasin pour dresseurs était une chose, acheter en était une autre. Premièrement je n'avais pas les moyens de me payer une seule de ces balles ; deuxièmement si mon père les trouvait j'étais certain de passer la pire soirée de toute ma vie.
« Tu es tombé sur la tête ?
– Pas du tout, j'ai pris tes économies en partant de la maison ce matin. Tu as de quoi en prendre au moins une je pense. »
Ajoutant le geste à la parole elle fouilla dans ses poches pour en retirer les deux billets et une poignée de pièces.

« Et papa ?
– Tu vois le mal partout. Il en saura rien, m'a-t-elle assuré en se tournant de nouveau vers le présentoir où étaient exposées les balles. Tu peux m'aider à compter ?
– Combien tu as ? » Disant cela je me résignais à aller contre les pulsions de ma petite sœur qui ne se rendait pas compte des circonstances. Mais elle m'a adressé un grand sourire et j'ai oublié ces dernières.
Elle m'a tendu ses mains et j'ai rapidement fait le tour de l'argent qui s'y trouvait. J'ai retrouvé le compte de mes économies plus un petit supplément qu'elle devait avoir tiré des siennes pour que je puisse vivre mon rêve. La larme m'est montée à l'œil mais je me suis bien gardé de la lui montrer.
« Vingt-deux, ai-je alors répondu en baissant la somme que j'avais obtenu pour ne pas qu'elle mette son argent dans mon projet.
– Menteur. »

Et encore une fois elle avait de l'avance sur moi.
« Avec tout ça nous pouvons en prendre au moins trois, a-t-elle affirmé en se saisissant d'une balle sur le présentoir. Celles qui sont rouges et blanches te vont ? Elles coûtent moins.
– Le résultat sera le même. »
Elle en a glissé deux dans mes mains, s'est emparé d'une autre et s'est dirigée vers la caisse.
« Maman va pas tarder, dépêche-toi. »

Sans plus de cérémonie nous avons donné tout l'argent à la vendeuse, glissé les balles au fond du sac de ma sœur où mon père n'irait pas fouiller – il le faisait pour le mien – et nous sommes retournés à l'école.
Dans la voiture ma sœur ne cessait de me sourire. Le soir, avant que l'on s'endorme, elle m'a montré la lame de parquet sous laquelle elle comptait cacher notre secret. « Avant j'y mettais des bonbons pour toujours en avoir quand maman me l'interdisait. »
Nous avons ri, tout bas pour ne pas réveiller nos parents, puis nous nous sommes couchés. Au moment de dormir elle m'a dit qu'elle était heureuse que je puisse suivre mon rêve et que je ne devais pas hésiter.
« Si tu dois partir, fais-le. Soulève le parquet, prend le sac et pars très loin. C'est ton rêve. »