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Cœur de Pierre de Yûn



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Informations

» Auteur : Yûn - Voir le profil
» Créé le 15/11/2014 à 21:31
» Dernière mise à jour le 06/04/2016 à 03:54

» Mots-clés :   Aventure   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life   Suspense

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Chapitre 8. Marquer d'une pierre blanche
Pierre faisait les cent pas dans la salle d'attente, en jouant avec la broche de métal sombre entre ses doigts. Il n'avait pratiquement pas dormi de la nuit, angoissé à l'idée de l'affrontement du jour.
Tout allait se décider aujourd'hui, le seul essai qui lui était accordé. S'il échouait, alors tous ses efforts, toutes les épreuves qu'il avait endurées et surmontées au cours des cinq dernières années n'auraient servi à rien.

Soudain, la porte du vestiaire s'ouvrit, le faisant sursauter. La personne resta dans l'encadrement, mais lui fit signe de la suivre. Le jeune homme prit une grande inspiration et, après avoir replacé le petit bijou sur sa veste, sortit de la pièce.

Le moment de vérité était venu.

***
Rochard senior entra rapidement chez lui et se précipita dans le salon, prenant à peine le temps de se déchausser. Mais, une fois devant la table basse, il poussa un juron. Forcément, la télécommande n'était pas à sa place quand il en avait besoin !
Il passa bien deux minutes à fouiller de fond en comble le living room... Uniquement pour réaliser que la commande se trouvait sur la télévision, comme il l'avait placée là le matin en prévision de cet événement.

Il s'en empara aussitôt pour allumer l'écran, et se laissa tomber de soulagement dans le canapé en voyant ce qui était affiché. Que de la publicité pour le moment. Il n'avait pas raté le début.

***
« Allez papy, dépêche-toi ! Ca va commencer !
- C'est bon, c'est bon, je suis là. Vésuve, qu'est-ce que j'ai dit à propos de monter sur le canapé ? »

Le Feurisson descendit de son siège, penaud mais surtout frustré de ne pas avoir le droit de se mettre au même endroit que les humains. Il regagna son coussin en grognant, tournant résolument le dos à la pièce tandis que M. Moore s'installait à côté de sa femme et de sa petite-fille.

« Tu crois qu'il va gagner, dis ? demanda Adriane en croquant dans un Lava Cookie.
- On verra bien, mais je pense qu'il a ses chances, oui. Même si ses Pokémon et lui doivent être bien fatigués. »

Le jingle de la Ligue Hoennienne apparut alors à l'écran, annonçant le début du programme tant attendu.

« Vas-y Pierre ! » s'écria la jeune fille rousse, sautant pratiquement sur son siège.

***
« Encore bravo pour ta victoire, et bonne chance pour la suite ! »

La Championne de Cimetronelle regarda son challenger quitter l'arène en lui faisant un signe de la main. Mais, à peine les portes s'étaient-elles refermées derrière lui qu'une corneille noire plongea vers elle en poussant des croassements pressants.

« Oui, oui, je sais Auster. »

Matérialisant son oiseau vouivre, Alizée grimpa sur son dos pour qu'il la porte jusqu'à sa maison, dans la cime d'un arbre proche. Un claquement de bec l'accueillit alors qu'elle entrait dans son petit salon.

« Rah, mais tu vas pas te mettre à râler toi aussi, Loo ! fit la Dresseuse du vent en ôtant son casque tout en s'asseyant dans son fauteuil. Tu vois bien que je suis là ! En plus, c'est encore que le générique. »

***
« Excusez-moi, Pr. Kosmo ?
- Oui Céline ?
- Serait-il possible d'allumer la télévision, dans la salle ?
- Hum ? Pourqu... Ah oui ! C'est vrai que ça va être l'heure du match contre le Maître ! » s'exclama le scientifique en portant son regard sur l'horloge digitale placée bien en vue dans l'Institut Spatial.
- Oui, et c'est mon fils qui va justement la défier, alors...
- Mais qu'est-ce que vous attendez ? Allez-y ! »

La femme aux cheveux courts le remercia, avant de faire le signe qu'attendaient ses collègues pour mettre en route l'écran géant.

***
« Voilà votre café, Auguste
- Thank you Aloïs, le remercia le savant kantonnais. Sulfur, catch ! »

Le petit chiot charbon et feu se leva sur ses pattes arrière pour réceptionner le morceau de sucre dans sa gueule. Il grimpa ensuite sur le sofa en croquant sa friandise, la queue frétillante, pour venir se coucher docilement sur les genoux de son maître.
Le Pr. Seko s'assit face à son collègue étranger et but une gorgée de son thé.

« So, c'est le grand jour pour Pierre ?
- Eh oui.
- Ca fait drôle de se dire qu'on connaît le futur Maître d'Hoenn. On aurait dû lui demander un autographe avant !
- Ha ha... » répondit le Professeur, un peu gêné.

Le générique d'ouverture prit alors fin, ouvrant par un couple de personnes, face à la caméra, un gros casque audio sur les oreilles et un micro chacun dans la main.

« Here we are ! » s'écria Auguste McGee avec un petit sourire de savant fou aux lèvres.

***
« Bonjour à tous, et merci à vous de nous rejoindre en direct d'Eternara pour le match final, commença l'homme à moustache alors que l'on pouvait voir un stade bondé derrière lui. Je suis Cyril Aberla, et commenterai le combat en compagnie de Sarah Espant. Bonjour Sarah.
- Bonjour Cyril.
- Ma chère Sarah, je pense qu'on peut s'attendre à un match d'exception ! Et peut-être aurons-nous même un nouveau Maître ?
- En effet, il y a de fortes chances pour que la passation s'effectue cette année. Pour ceux qui n'ont pas vu les combats précédents, je vous rappelle que Pierre Rochard a complètement survolé le Tournoi, établissant même un record en remportant la finale sur le score de 6 à 2 !
- Il faut dire aussi que son équipe avait de quoi surprendre. »

L'image des deux commentateurs commença à disparaître au profit du portrait du jeune adulte, une lueur déterminée dans ses yeux durs, qui occupait la moitié gauche de l'écran, tandis que les clichés des six membres de son équipe se positionnèrent sur l'autre partie.

« Ca, on peut dire que son équipe sort de l'ordinaire, et de bien des manières, poursuivit la voix de la femme. La plupart des Dresseurs du Tournoi essaient d'avoir une couverture de types assez diversifiée, mais lui ne s'est contenté que de quelques-uns.
- Oui, et nombreuses étaient les personnes qui pensaient que cela allait le désavantager. Mais c'était sans compter les Pokémon qu'il avait sous ses ordres. Par où devrait-on commencer, Sarah ?
- Disons qu'à son niveau, Mithril et Gypse sont les deux membres les plus conventionnels de son équipe. Cobalt a déjà surpris quelques personnes, puisqu'il s'agit d'un Pokémon que l'on a plus l'habitude de voir dans des laboratoires ou des usines que sur un champ de bataille.
- Mais ça, ce n'est rien comparé aux trois derniers Pokémon en sa possession. Une Galéking aux proportions monstrueuses et deux créatures que l'on croyait disparues ! Et je pense que leurs adversaires précédents auraient eux aussi préféré qu'ils ne soient pas revenus.
- Pas étonnant ! Au vu du peu d'informations à leur sujet, planifier une stratégie contre eux était une tâche bien difficile. Sans parler d'Antarès qui, pour vous situer, a réussi à stopper un Donphan en pleine Roulade à la seule force de ses pinces !
- Devrait-on alors s'attendre à un match à sens unique et déjà donner le titre de Maître à Pierre ?
- Je n'irais pas jusque-là, réfuta Sarah. D'après ce que j'ai pu entendre, l'une des élytres d'Antarès serait partiellement brisée suite à son duel d'hier contre Ladon, le Drattak d'Aragon. Il souffrira donc d'un petit déséquilibre, qui pourrait lui être fatal vu le combat au sommet qui s'annonce, et va donc réduire la force de frappe de Pierre. A cela s'ajoute toute la fatigue accumulée depuis le début de la semaine puisque, à raison d'un combat par jour, ses Pokémon ont à peine le temps de se reposer. Et puis, ne donnons pas trop vite Ophélie perdante, car elle a déclaré être prête à défendre farouchement son titre, comme les deux fois précédentes ! »

L'écran changea à nouveau sur une femme châtain qui, les bras croisés sur sa poitrine, toisait fièrement la caméra, alors que sa propre équipe s'affichait.

« Notre Maître semble avoir décidé d'exploiter l'une des faiblesses de son adversaire, vu ses choix. On va donc devoir s'attendre à beaucoup de mobilité chez elle, pour frapper avant les coups certes puissants mais lents des Pokémon de Pierre.
- C'est tout de même à relativiser, objecta Cyril. Je vous rappelle que Béryl a vaincu d'un seul coup un Raichu avant que celui-ci ait eu le temps d'amorcer son attaque. Mais il est vrai que, d'un point de vue global, la vitesse semble être le gros défaut de ses Pokémon. Quoiqu'il en soit, le combat se promet palpitant et riche en rebondissements !
- Ah, mais les voici qui entrent sur le terrain ! »

***
Le jeune homme aux cheveux d'acier cligna des yeux quand il sortit sur le terrain, ébloui par la lumière du jour. Des frissons lui parcoururent le corps. La sensation était toujours aussi saisissante. Encore plus en ce jour si particulier, où l'ultime match allait se jouer.
Le public était complètement déchaîné. La foule scandait son nom et celui de son adversaire, dans un vacarme si violent qu'il en faisait légèrement trembler les murs de l'édifice.

Il vit alors la femme qu'il était prêt à renverser. Sa cape de Maître flottant au vent, ses capsules exhibées fièrement sur l'écharpe de cuir qui lui allait d'une épaule à la hanche, elle marchait d'un pas résolu en lui jetant des regards noirs, que Pierre lui rendit bien gracieusement.

Les deux concurrents s'immobilisèrent au milieu du terrain, à moins d'un mètre l'un de l'autre.

« Veuillez vous serrer la main en signe de fair-play, » exigea l'arbitre à côté d'eux.

Ils s'exécutèrent, et Pierre sentit les doigts de sa rivale essayer de lui broyer la main.

« Tu as peut-être réussi à arriver jusqu'ici, siffla-t-elle de sorte que seul lui puisse l'entendre, mais ne crois pas m'avoir aussi facilement. Tes Pokémon ont beau être originaux, j'ai ce qu'il faut pour te remettre à ta place ! »

Le jeune Rochard se retint de répondre quoi que ce soit, même si l'envie le démangeait. Ce n'était pas la peine, il aurait tout le temps de lui faire ravaler son orgueil durant le combat.
Suite à cette petite altercation, ils s'éloignèrent pour rejoindre leur zone respective, de part et d'autre du terrain.

« Le match opposant Ophélie Clara Temple, Maître d'Hoenn, à Pierre Steven Rochard, challenger, va commencer, déclara le juge une fois qu'ils furent en place et que le public se calma un peu. L'enjeu de ce combat, qui se déroulera en terrain neutre à ciel ouvert, est le titre et fonction de Maître d'Hoenn. En sa qualité de Maître, c'est à Ophélie de lancer son premier Pokémon.
- Kerulen, à toi ! »

Le globe se scinda en deux, libérant son occupant. La plante bariolée se redressa en tambourinant joyeusement son ventre rebondi, tandis que la brise faisait ondoyer les rebords du large nénuphar qu'il portait en couvre-chef.

« Un Ludicolo, hein... murmura le Dresseur en plissant ses yeux durs. Dans ce cas... »

Il lança sa propre capsule pour faire apparaître la créature qu'il avait choisie. Les particules de lumière se dissipèrent quand Mithril s'ébroua en faisant tinter ses plumes. Avisant son adversaire végétal, il adopta une position stable sur ses hautes pattes et, déployant l'éventail écarlate de ses ailes, poussa un sifflement de défi tonitruant.

« Ludicolo contre Airmure, » annonça l'arbitre en levant ses deux drapeaux.

Avant qu'il ne donne le signal du début de l'affrontement, le temps sembla se suspendre entre les deux rivaux qui se jaugeaient du regard. Même le tumulte du public s'atténua jusqu'à n'être qu'une lointaine rumeur aux oreilles de Pierre, alors qu'il sentait son cœur s'emballer dans sa poitrine. Dans moins d'une seconde, le match le plus important de sa vie allait débuter. Celui qui le couronnerait de gloire ou sonnerait le glas de sa carrière. Il n'avait le droit qu'à un unique essai pour détrôner le Maître.

Enfin, les drapeaux furent abaissés.

« Commencez !
- Kerulen, Danse Pluie !
- Mithril, Météores ! »

La créature joviale entama une danse ondoyante, faisant preuve d'une étonnante souplesse au vu de sa corpulence, alors que l'oiseau renforcé, d'un prompt coup d'aile, projetait de multiples plumes affûtées dans sa direction. Les couteaux allongés tailladèrent le corps opulent du Ludicolo avant de se briser en s'éparpillant au sol, mais ils ne parvinrent pas à le sortir de sa transe. Des nuages commencèrent à s'accumuler dans le ciel, faisant tomber une pluie fine qui allait en s'intensifiant.

Ce fut le signe pour le rapace renforcé qu'il était temps de gagner son terrain de prédilection. D'un puissant battement d'ailes, il fila rejoindre les géants impalpables invoqués par son opposant. Mais ce dernier non plus ne perdit pas de temps. Voyant que l'être aérien souhaitait se mettre hors de portée, il effectua des mouvements amples et fluides, ramenant sous ses pattes palmées l'eau tombée jusqu'à patauger dans une grande flaque. Puis, il croisa ses bras avant de les propulser vers le haut. L'onde sur le sol réagit immédiatement : une colonne aqueuse en jaillit et grimpa dans les airs, se ruant sur l'aigle de métal.
L'Airmure l'évita aisément en faisant un tonneau sur le côté. Mais déjà le serpent de pluie, obéissant aux gestes experts du nénuphar vivant, revenait dans sa direction, grossi par l'averse, frôlant ses plumes d'argent. Déstabilisé, Mithril perdit un peu d'altitude mais se stabilisa rapidement, esquivant de justesse le reptile factice qui avait failli l'engloutir, au grand soulagement de son Dresseur.

« Mithril ! cria-t-il, ses deux mains en porte-voix pour bien se faire entendre. En bas ! »

Suivant son conseil, l'oiseau de proie baissa le regard sur son ennemi. Ses yeux perçants eurent tôt fait de relier la danse de Kerulen aux mouvements du pilier d'eau. S'il voulait ne plus être importuné, c'était là qu'il devait frapper !

L'aigle en armure piqua vers le sol, les ailes repliées, poursuivit par l'obélisque élémentaire. Il ne se redressa qu'à une vingtaine de centimètres de la terre, l'effleurant de ses pattes hautes, alors que l'eau s'écrasait derrière lui. Le Ludicolo n'avait pas été suffisamment alerte pour lui faire changer de direction.
Sa maîtresse serra les dents en voyant qu'il n'avait pas eu le temps de se protéger du coup de bec ni des serres qui lui abîmèrent sa peau végétale. Mais sa corpulence lui permit d'encaisser la majorité du choc, lui permettant de surprendre l'Aimure en le repoussant au loin d'une impulsion aquatique sur le poitrail. La plante bariolée fit alors des moulinets avec ses bras, projetant des serpes aqueuses sur l'oiseau au plumage d'acier. Qui répondit en brassant l'air de ses larges ailes écarlates, générant ainsi des fouets aériens qui lacérèrent les armes liquides, avant de se précipiter pour harasser le manipulateur de l'onde.

« Profites-en ! Piqué, maintenant ! »

Mithril regagna à nouveau la voûte. Cette fois, hors de question de se faire avoir !

« Siphon ! » hurla le Maître en voyant qu'il se plaçait au-dessus de son Pokémon.

Ce dernier, libéré des agressions des lanières de vent, se mit à faire tournoyer ses pattes avant en direction du ciel, le reste de son corps enveloppé accompagnant gracieusement le mouvement. Les gouttes de pluie cessèrent alors leur chute pour se rassembler à son niveau, formant peu à peu une trombe menaçante.
Mais celle-ci fut trop lente à se façonner pour être réellement efficace. L'aigle en armure tomba du ciel comme un boulet de canon et la traversa de part en part, percutant le nénuphar évolué de son bec massif. Le tourbillon implosa alors que son manipulateur titubait. Une stridulation assourdissante ajouta à son déséquilibre et, avant qu'il ait pu recouvrer ses esprits, une rafale de sabres invisibles vint lui arracher ses dernières forces.

« Ludicolo est hors combat, signala l'arbitre alors que la créature des marais s'effondrait. Pierre mène un à zéro ! »

Une acclamation enthousiaste s'éleva du public, pour saluer la victoire de l'oiseau et la sortie de Kerulen. Ce combat s'annonçait bien, le challenger se défendait férocement !
Satisfait de ce bon départ, le jeune Rochard adressa un sourire à son Pokémon, qui répliqua d'un sifflement mélodieux. En revanche, ses traits s'affaissèrent quand il vit le regard sévère du Maître. Visiblement, elle n'avait pas apprécié d'avoir été la première à concéder un point.

Une seconde plus tard, elle s'emparait d'une autre sphère pour envoyer son prochain combattant.

« Nostenfer contre Airmure ! annonça le juge quand un chiroptère améthyste aux deux paires d'ailes se matérialisa. Commencez !
- Ca ne sera pas aussi simple cette fois ! Camazotz, montre-lui ce qu'est un vrai maître du vol ! »

A ces mots, l'imposante chauve-souris fusa vers le ciel, se retrouvant à hauteur des nuages gris accumulés plus tôt en quelques instants. La rumeur admirative qui émana de la foule devant la vélocité du mammifère aérien fit sourire Ophélie. Mais sa confiance fut ébranlée en voyant le regard complice et amusé qu'échangeait son challenger avec son rapace.

« Navré, mais... Le jeu favori de Mithril, ces derniers mois, c'était de chasser des Nosférapti et des Nosféralto dans le Site Météore.
- Et alors ?
- Eh bien... Même si c'est une forme évoluée que tu as, il garde la même méthode d'attaque et de déplacement. Alors, dans un endroit ouvert, où il n'a nulle part où se réfugier... »

Pierre n'en dit pas plus, alors que son oiseau de proie se lançait à la poursuite du chiroptère muté. Assez peu rassuré devant son comportement prédateur, Camazotz chercha à le semer en mettant son agilité à profit. En vain, cependant. L'aigle de métal était tellement habitué à ce genre de gibier que c'était comme s'il lisait à l'avance ses mouvements abrupts. Et la créature aux ailes membraneuses avait beau accélérer son vol, effectuer les virages les plus secs ou envoyer des projectiles, il ne parvenait à se défaire de son chasseur. Dès qu'il pensait avoir réussi à le leurrer, une serpe de vent ou des plumes acérées se chargeaient de le frapper, le retenant le temps que l'oiseau argent et sang le rattrape.

La course-poursuite dura plusieurs minutes sous les regards de la foule, à la fois émerveillée devant les réflexes de l'oiseau prédateur et perplexe au vu de la difficulté du Nostenfer, qu'ils savaient pourtant véloce, à lui échapper.

Soudain, l'Airmure réussit à s'approcher suffisamment de son jouet pour refermer ses serres dessus. Des cris inaudibles de panique jaillirent de la gueule du prisonnier quand il sentit les griffes lui entamer la chair, tandis que Mithril atterrissait pour le plaquer violemment au sol. Il releva la tête en claquant du bec, satisfait de lui, couvrant sa prise avec ses ailes comme il le faisait à chaque chasse fructueuse. Mais, alors qu'il avançait son bec pour terminer son office, un voile carmin entoura la chauve-souris toxique qui se dématérialisa un instant plus tard.
D'abord étonné, l'oiseau carnassier poussa ensuite un sifflement strident à l'encontre de la femme à la cape, le plumage gonflé d'indignation. Comment avait-elle osé lui enlever sa proie ?!

***
« Nostenfer a été retiré du combat, statua l'arbitre à l'écran. Ophélie Temple n'a désormais plus le droit de changer de Pokémon en cours de match !
- Eh ben, on peut dire que Mithril a sacrément bien progressé niveau maîtrise aérienne ! » s'écria la Championne de Cimetronelle.

Ses oiseaux, autour d'elle, approuvèrent aussitôt en poussant des chants divers. Ils étaient ravis de voir que l'Airmure qu'ils avaient un temps côtoyé et aidé mettait en application tout ce qu'ils lui avaient enseigné. Alors que les deux commentateurs débattaient pour savoir si le choix d'Ophélie d'utiliser son seul joker à un moment aussi tôt dans le match était judicieux ou non, Alizée tourna la tête vers sa propre aigle renforcée.

« Je crois que tu peux être fière de ton élève, Loo ! »

Celle-ci lui répondit d'un claquement de bec triomphant, pas mécontente d'être ainsi flattée.
Mais la petite corneille sur l'épaule de la Dresseuse du vent la rappela à l'ordre d'un croassement aigu. Le combat était loin d'être fini, et le Maître venait d'envoyer son nouveau Pokémon.

***
« Ténéfix contre Airmure ! Commencez !
- Empêche-le de s'enfuir, Moloch ! »

Une lueur maligne éclaira les yeux inestimables du petit démon alors qu'il poussait une plainte fluctuante vers le ciel. Et, au fur et à mesure qu'il récitait son incantation, un œil noir se dessinait sur le crâne renforcé de Mithril, faisant grimacer son maître. Ca n'était pas bon signe... Il allait être obligé de le laisser sur le terrain jusqu'à ce qu'il s'effondre d'épuisement !
Le rapace de métal semblait lui aussi avoir compris quel était le sort qui lui était réservé. Mais soit ! Il était prêt à donner le meilleur de lui-même !

Déployant ses ailes écarlates, il brassa violemment l'air autour de lui, ordonnant ainsi au vent de s'acharner sur la créature occulte. Cependant, ses armes immatérielles n'eurent pas le loisir de le toucher. Le diable aux joyaux se fondit dans sa sombre silhouette, disparaissant du terrain... Pour surgir hors de la propre ombre de l'Airmure !

Profitant de l'effet de surprise, Moloch réussit à se jucher sur le dos de son adversaire, refermant ses griffes aiguisées sur son cou pour éviter d'être délogé. Son réflexe fut le bon car, dès qu'il sentit un poids anormal, l'aigle argent et sang se propulsa dans les airs pour atteindre la voûte désormais dégagée.
Son passager clandestin tenait bon, cependant, et ce malgré toute sa voltige. Ah il ne voulait pas le laisser, hein ? Dans ce cas, il allait voir !

Une toxine claire recouvrit le tranchant du plumage de l'oiseau de proie. Et avant que le Ténéfix ait pu se rendre compte de quoi que ce soit, ses plumes métalliques se hérissèrent, parvenant à entamer le corps diabolique du démon avare pour y répandre son poison.
Un petit couinement s'échappa de la gorge du blessé, mais il répliqua aussitôt : sacrifiant l'une de ses prises, il porta un coup de griffe à sa monture improvisée, modifiant la constitution de ses armes pour qu'elles passent au travers de l'armure mais tailladent la peau fragile dessous.

Mithril se redressa en sifflant de douleur pour poursuivre immédiatement son rodéo aérien avec encore plus d'ardeur. Son acharnement parut payer puisque son cavalier avait du mal à se maintenir en selle, n'ayant pas pu rattraper le cou avec sa main libérée. Un spasme saisit soudain l'être de nuit, raidissant ses muscles l'espace d'un instant fatal. Il tomba vers le sol.

Mais, pour le rapace, il était hors de question de le laisser s'en tirer à si bon compte ! Il piqua à sa suite, bien décidé à amplifier l'impact de l'atterrissage forcé en le percutant de son bec !
Ils se rapprochaient à toute vitesse du terrain... Quand Pierre aperçut le rictus sur le visage de son adversaire. Le même que celui que M. Moore affichait quand il lui préparait un plan sournois...

« Mithril, NON ! Redresse ! »

Mais son avertissement vint trop tard. Moloch, au moment d'entrer en contact avec le sol, s'engouffra dans son ombre et celle de son poursuivant, lui permettant d'atterrir en toute douceur dans son monde nocturne. L'Airmure, lui, n'eut pas cette chance. Il vit trop tard le piège de son ennemi et s'écrasa, creusant même la terre sous le choc.

Un sourire malin étira les lèvres d'Ophélie, satisfaite de sa ruse.

« Effectivement, c'est comme tu le disais. Sa méthode d'attaque et de déplacement reste la même, » lui rappela-t-elle.

L'oiseau de proie se redressa difficilement, plusieurs plumes tordues et une aile endolorie alors que, quelques mètres plus loin, la créature au regard de diamant réapparaissait tranquillement.

« Rayon Gemme ! »

Un sourire machiavélique déchira le visage d'encre du diablotin. Levant les bras, il fit s'élever les petits gravats et les débris de plumes éparpillés au sol, avant de les projeter sur l'oiseau de proie d'un mouvement vers l'avant de ses mains griffues. Pierre serra les dents. Malgré son armure, son Pokémon ne parviendrait pas à encaisser les coups... !

C'est alors qu'une nouvelle convulsion s'empara du démon des cavernes, plus violente que la précédente, interrompant sa concentration et son emprise sur les éclats minéraux. Ils tombèrent en pluie sans faire le moindre dommage, tandis que leur manipulateur portait une patte à son torse, la gueule ouverte pour chercher sa respiration.

L'aigle ne laissa pas passer cette opportunité. Il se releva aussi vite qu'il le put, et envoya de nouvelles rafales lacérer le diable spectral. Puis, s'immobilisant un instant, il plissa ses yeux perçants, les ailes déployées malgré la souffrance dans l'un de ses membres. Sa sombre silhouette au sol frémit, avant que des rubans occultes ne s'en élèvent pour recouvrir les plumes écarlates. Une seconde plus tard, il s'envolait pour se ruer droit sur le Ténéfix, tranchant sa peau de nuit de ses épées recouvertes de leur gaine ténébreuse. Le petit démon resta debout un instant... Avant de s'écrouler, terrassé par le poison dans ses veines.

« Ténéfix est hors combat ! Pierre mène deux à zéro. »

Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres du jeune homme, tandis qu'une clameur s'élevait de la foule, ravie d'avoir eu droit à un tel combat. Heureusement que son Pokémon avait eu le réflexe de recourir à ses sécrétions toxiques, sans quoi il aurait été perdu. Il n'en restait pas moins qu'il avait beaucoup souffert de cet affrontement, notamment à cause de sa collision frontale avec le sol. Combien aurait-il aimé pouvoir le retirer du match, s'il n'avait pas été victime du maléfice du spectre démoniaque...

Mais il n'avait pas le temps de s'apitoyer là-dessus. Le Maître, furieuse d'être ainsi menée, venait d'envoyer son quatrième Pokémon. Une imposante créature majoritairement lavande fit son apparition. Bien stable sur ses pattes arrière, elle balayait l'air de sa double queue en forme de tuyaux.

« Brouhabam contre Airmure ! Commencez... !
- Finis-le Ligie ! » tonna Ophélie alors que l'arbitre terminait à peine l'annonce du début de la manche.

La bipède inspira un grand coup, la tête rejetée vers l'arrière en montrant son ventre cerclé de jaune qui gonflait à en éclater. Soudain, elle ouvrit sa gueule immense.
Une vocifération tonitruante à faire pâlir Béryl en surgit, si puissante que l'air et le sol vibrèrent. Surpris, le rapace n'eut pas le temps de réagir et fut pris en plein dans la tempête sonore. Il avait l'impression qu'on lui martelait l'intérieur de la tête, que quelqu'un s'amusait à cogner sur le métal protégeant son crâne pour le faire devenir fou. Il poussa des sifflements plaintifs en titubant, complètement désorienté. Même après que son ennemie eut cessé ses hurlements, il les entendait toujours résonner.
Mais Ligie n'en resta pas là. Retenant à nouveau sa respiration, elle cracha tout l'air de ses poumons, qui s'enflamma en quittant sa gorge. Le brasier engloutit l'aigle renforcé, dont les sifflements déchirants se firent plus sonores encore.

« Mithril ! »

L'Airmure s'effondra, dissipant le feu qui se déchaînait sur lui alors que la marque sombre sur son front disparaissait.

« Airmure est hors combat ! Un à deux pour Ophélie ! »

Une ovation suivit l'annonce du premier point du Maître, qui répondit en adressant un signe de la main au public dans les gradins, un sourire chaleureux sur le visage.
De son côté, le jeune Rochard avait retiré son Pokémon épuisé du terrain. Il porta ses yeux durs sur la Brouhabam. Elle était une sérieuse menace, à ne surtout pas prendre à la légère ! Puisque c'était comme ça, autant qu'il sorte l'artillerie lourde dès maintenant.

L'expression enjouée d'Ophélie changea du tout au tout quand la terre trembla. Se retournant vers le champ de bataille, ses yeux s'écarquillèrent en découvrant l'impératrice gargantuesque qui se tenait devant son adversaire, un grondement roulant dans sa gorge. Impressionnée, Ligie recula même légèrement.

« Euh... hésita brièvement le juge. Brouhabam contre Galéking ! Commencez !
- Ne t'en fais pas, tu peux l'avoir ! s'écria la femme à la cape pour encourager sa combattante.
- Ca je ne crois pas, non ! Béryl, montre-lui un peu ce que tu sais faire ! »

En poussant un rugissement, la colosse cuirassée broya le sol sous l'une de ses pattes massives. La terre se souleva pour déferler en un raz-de-marée tellurique sur la créature lavande, qui fut repoussée plusieurs mètres plus loin. Elle parvint à se réceptionner... Mais pour constater avec horreur que la reine bestiale s'élançait dans sa direction, freinant d'un coup pour la percuter de sa queue massive.
Ligie ne put rien faire pour éviter le choc. Un instant plus tard, elle traversait le terrain pour s'écraser contre le mur, derrière sa propriétaire stupéfaite.

« Ligie !
- Brouhabam est hors combat ! Trois à un pour Pierre ! Le match se poursuivra après quinze minutes de pause ! »

Dépitée, Ophélie fit rentrer sa Pokémon évanouie dans sa sphère, avant de foudroyer du regard son adversaire, qui félicitait déjà son monstre minéral. C'est alors que quelque chose retint son attention. Elle l'avait déjà remarqué en visionnant les combats précédents de son challenger, mais ce n'était que maintenant qu'elle réalisait l'importance que cela pouvait avoir.

Un sourire malin aux lèvres, le Maître regagna son vestiaire. Elle savait maintenant quoi faire pour la suite, et devait s'entretenir de cela avec le Pokémon qui se chargerait de cette mission.

***
La première chose que fit le jeune adulte, de retour dans les quartiers qui lui étaient attribués, fut de boire un grand verre d'eau. Il était complètement assoiffé et en nage, comme si c'était lui-même qui avait combattu directement.

Quand même... Il était étonné que tout se passe aussi bien. C'était quand même le Maître qu'il affrontait. Pourtant, elle n'avait réussi à mettre hors-jeu qu'un seul de ses Pokémon, quand lui en était déjà à trois et avait bien amoché un quatrième. Mais bon, s'il continuait sur cette lancée -surtout Béryl, en fait-, il n'aurait même pas besoin de sortir un autre membre de son équipe qu'il aurait le titre !

Il sourit, amusé à cette pensée. Puis, il détacha la broche de sa veste, pour la contempler une énième fois.

« On dirait bien qu'on va y arriver à être les plus forts d'Hoenn, Cinabre. »

Aucune réponse, bien sûr. Pourtant, il eut l'impression que le reflet du métal sombre dessinait comme un œil fier qui le fixait. Elle avait dû l'entendre.

***
L'ogresse reptilienne réapparut sur le terrain en secouant son corps cuirassé, sous les acclamations de la foule.
Pierre était obligé de l'utiliser après la petite mi-temps, pour rester dans la continuité du match. Mais cela lui convenait. La Galéking avait encore de l'énergie à revendre !

Cependant, il fut étonné de voir le rictus retors sur le visage de son adversaire, alors qu'elle venait de matérialiser un coq humanoïde, qui arborait fièrement deux petites ailes crème sur la tête. Qu'avait-elle en tête pour se montrer aussi confiante ?

« Braségali contre Galéking ! Commencez !
- Bénou, fais exactement comme on a dit !
- Béryl, Lame de Roc ! »

L'oiseau de combat s'élança aussitôt en direction de son ennemie, alors que celle-ci soulevait ses hanches pour abattre violemment sa queue imposante sur le sol. Des dents minérales surgirent de terre, avançant dangereusement vers la créature à la tête ailée.
Mais, au moment d'être frappé par les lames rocheuses, les jambes du rapace de feu s'embrasèrent. Propulsé par les flammes, il évita d'un large bond l'attaque tellurique pour atterrir aux pieds du titan blindé.

Un grognement sortit des crocs de la reine souterraine, alors qu'elle se retournait pour balayer le terrain d'un revers de queue, son adversaire avec. C'était sans compter l'agilité du combattant à plumes qui, s'aidant une nouvelle fois du brasier qui sortait de ses serres, sauta par-dessus l'arme caudale... Pour agripper l'une des pointes proéminentes et se retrouver sur Béryl !

Surprise, la créature colossale poussa un rugissement avant de se mettre à tourner, sentant ce petit parasite sur son dos qui lui remontait la colonne vertébrale.
Le jeune Rochard était perplexe. Pourquoi Bénou n'attaquait pas ? A moins que...

« Non... murmura-t-il en pâlissant. Béryl, débarrasse-toi de lui, vite ! »

L'impératrice de la Route Victoire se pencha alors vers l'avant pour ensuite rouler au sol, espérant ainsi écraser cet avorton. Peine perdue, cependant, le Braségali était suffisamment réactif pour anticiper ses mouvements de géante et agir en conséquence. Sans compter qu'ainsi couchée, elle était d'autant plus vulnérable...

Enfin, le gallinacé muté atteignit son objectif. La tête casquée. Ce qui ne fit que confirmer les craintes du challenger, alors qu'il le voyait se suspendre à la plaque frontale pour faire face à l'un des caches noirs sur les yeux de sa Pokémon...

« Non !
- Oh si ! Casse-Brique ! »

Les serres fermées pour se constituer un poing puissant, le coq de combat frappa en quelques secondes la protection aux endroits critiques repérés par son œil expert. Il acheva sa besogne d'un coup de poing sur la partie centrale. L'œillère ne résista pas, volant en éclats après avoir été ainsi fragilisée, dévoilant la pupille laiteuse...

« Béryl ! »

La Galéking se releva d'un coup en hurlant de douleur, incapable de supporter le soleil de fin d'été. Elle était devenue comme folle, piétinant le sol pour repérer un abri tandis que son agresseur atterrissait sans dommage, ayant utilisé les ailes de sa tête pour planer et s'éloigner de la créature paniquée. Mais, avant qu'elle ait pu faire de réels dégâts, elle se dématérialisa.

***
« Galéking a été retiré du combat ! »

Adam Rochard serra les dents, se sentant coupable pour cet incident. Les caches avaient pourtant été élaborés pour qu'ils soient le plus résistant possible... ! Mais jamais il n'aurait imaginé qu'un Dresseur irait ordonner à son Pokémon de les attaquer directement !
Et voilà qu'à cause de sa négligence, son fils était obligé de faire une croix sur son monstre séculaire...

« Je suis vraiment désolé, Pierre, » souffla-t-il en se passant une main sur le visage.

***
« Beau travail Bénou. On dirait bien que ta Galéking n'était qu'un colosse aux pieds d'argile, finalement ! » se moqua le Maître, un mauvais sourire confiant aux lèvres.

Il ne répondit pas à la pique, la mâchoire serrée, alors que le public partageait son étonnement devant la réaction inattendue de cette géante qu'ils avaient crue inébranlable. Il n'avait absolument pas prévu que Béryl se fasse sortir du combat aussi vite ! Même si elle était techniquement encore dans le match, il ne pouvait pas se permettre de l'utiliser à nouveau. Toute à sa panique, elle ne reconnaîtrait même pas sa voix, et pourrait faire de nombreuses victimes dans sa recherche désespérée d'un abri pour échapper à la lumière qui lui agressait la rétine.
Tant pis. Il allait devoir faire avec, c'était les aléas du combat.

Il récupéra l'une de ses élégantes sphères noires de sa poche, et en libéra son occupant. La plante préhistorique se redressa, dépassant le rapace terrestre de plus d'une tête alors qu'elle le fixait de ses vrais yeux, bien à l'abri dans le calice anisé.

« Braségali contre Vacilys ! Commencez !
- Silène, ancre-toi dans le sol et Pouvoir Antique !
- Déloge-la ! »

Un enchevêtrement de racines sortit des ventouses du végétal millénaire pour s'enfoncer profondément dans le terrain. Puis, tandis que son adversaire se ruait sur elle, la créature des temps anciens leva brusquement son calice vers le haut, sa corolle de tentacules déployée. Des rochers apparurent alors dans le ciel, invoqués par l'incantation silencieuse, pour s'écraser en pluie sur le sol.
Bénou fut obligé d'interrompre sa progression pour ne pas se faire aplatir, sautant sur les côtés alors que les pierres affûtées le frôlaient. Il dut même se protéger la tête en croisant les bras pour qu'une des gouttes minérales s'éclate dessus, le faisant reculer de presque un mètre sous l'impact.

L'averse minérale s'estompa quelques instants plus tard... Mais Silène profita des dernières chutes de pierre pour allonger ses pétales et emprisonner l'oiseau bien chétif comparé à elle. Le ramenant à elle pour l'avoir à portée de bouche, le Braségali put entendre un gargouillis remonter sa tige...

« Boutefeu ! » s'écria Ophélie, alors qu'une odeur âcre emplissait l'air.

L'oiseau muté ne se le fit pas répéter. Prenant une inspiration, il fit surgir des flammes de ses serres, se parant en quelques instants d'une armure flamboyante. Blessée par la fournaise, la Vacilys rétracta aussitôt sa couronne végétale, libérant sa prise, mais eut le temps de cracher son acide. La substance corrosive aspergea partiellement le torse et l'une des jambes de son adversaire, qui poussa un piaillement plaintif sous l'effet de la brûlure.

« Stratopercut ! »

Un feu intense s'échappa des serres postérieures de Bénou qui, s'aidant de ses ailes frontales, se propulsa vers le haut en tournoyant. Son poing heurta de plein fouet le calice imposant, sonnant la plante antique.
Il ne lui laissa pas le temps de souffler. Attrapant sa tige, l'oiseau guerrier s'en servit comme appui pour se retrouver au-dessus de la tête cachée. Puis, en effectuant une rotation vers l'avant, il y abattit brutalement son pied embrasé.

***
Les deux savants grimacèrent devant l'action qui repassait à l'écran, alors que l'arbitre déclarait Silène hors-jeu une fois son calice tombé durement au sol.

« Ouch, j'ai mal pour elle... fit Aloïs Seko. J'espère qu'elle ira bien.
- Vous vous êtes déjà pris un coup d'un Pokémon combat ?
- Non, et je préférerais éviter. Pourquoi, vous oui ?
- Il y a longtemps, à la fac. Un petit imbécile qui a voulu me donner une leçon parce que je l'avais prétendument bousculé... Je suis resté inconscient pendant presque deux jours. Mais je lui ai fait payer le prix fort. »

Le scientifique hoennien préféra ne même pas savoir ce qu'il avait manigancé, surtout que son sourire de savant fou laissait bien penser que ce n'était rien de bon.

« But hey, Silène en a vu d'autres, s'exclama le Champion kantonnais en grattouillant le crâne de Sulfur. Et je doute qu'elle succombe aussi facilement alors qu'elle a réussi à traverser les âges ! Surtout qu'à son époque, ça devait être autre chose. »

Le Pr. Seko hocha la tête, mais reporta son attention sur la télé où le scorpion géant venait d'apparaître. Il fronça les sourcils, un peu inquiet.

« Son élytre est vraiment bien abîmée, dit-il en voyant l'aile minérale découpée rudement.
- Come on Aloïs ! C'est d'Antarès dont on parle ! Il préférera amener son adversaire au tapis avec lui plutôt que de lâcher prise ! »

***
« Braségali contre Armaldo ! Commencez !
- On va appuyer là où ça fait mal ! Bénou, Casse-Brique !
- Antarès, tiens-le à distance ! »

Un crissement presque imperceptible quitta la gorge de l'arachnide, alors qu'il déclenchait une averse de roche. Mais le coq humanoïde n'avait aucun mal à s'y soustraire, décrochant un sourire moqueur chez sa Dresseuse.

« Ca a tellement bien marché la première fois que tu voulais réessayer ? Franchement... »

Son air sarcastique en prit un coup, néanmoins, quand des projectiles aqueux frappèrent de plein fouet son Pokémon qui cria sa douleur, en particulier lorsque l'eau toucha les parties de son corps qui avait été entamées par l'acide.

« Qu'est-ce que... ?! »

Persuadée que Pierre employait la même stratégie qu'avec sa plante préhistorique, elle n'avait pas vu que l'Armaldo avait ramené à lui l'eau de pluie tombée au tout début du combat. L'élément liquide s'était rassemblé devant lui en un cercle fluide suspendu dans les airs, qu'il avait ensuite pilonné de la pointe de ses pinces. Répondant à ces impulsions, de grosses aiguilles d'eau avaient surgi du miroir aquatique pour se ruer sur le gallinacé infernal.

Un sourire satisfait aux lèvres, le Dresseur aux cheveux d'acier donna son nouvel ordre.

« Séisme ! »

Abandonnant l'élément marin, qui retomba au sol en éclaboussant les alentours, le scorpion planta ses pinces dans le sol, soulevant une vague terrestre...

« Mimique ! » ordonna Ophélie, sachant pertinemment que son guerrier à plumes ne résisterait pas à la déferlante s'il n'agissait pas.

Aussitôt, le Braségali percuta le terrain de sa paume ouverte. La terre se creusa mollement avant que n'en parte un roulis. Il était d'une envergure bien moindre comparé au rouleau tellurique de son adversaire. Pourtant, quand la rencontre survint, provoquant au passage des exclamations dans la foule, la lame parvint à absorber la plupart de la puissance du tsunami, ne laissant plus que quelques vaguelettes inoffensives atteindre l'oiseau à la tête ailée.

Cependant, déjà ce dernier repartait, le bec pointé vers l'avant, d'une vitesse si folle que l'on avait l'impression de voir une traîne de feu dans son sillage. Le voyant arriver sur lui, Antarès envoya ses pinces tranchantes s'occuper de lui... Mais c'était sans compter son élytre endommagée, qui perturbait son équilibre ainsi que sa précision, et les réflexes du coq embrasé, qui évita aisément les armes menaçantes. Puis, prenant appui sur le sol, il s'enveloppa une nouvelle fois de son manteau incandescent pour frapper avec précision le plastron du blindage de son adversaire.

« Antarès ! cria Pierre pendant que son combattant reculait d'un pas, penché vers l'avant pour chercher son souffle.
- C'est fini pour lui ! Bénou, Pied Voltige ! »

Le Braségali se propulsa immédiatement dans les airs à l'aide de ses petites ailes et des flammes de ses jambes, arrivant presque aux limites du stade. Là, cessant son ascension, il se laissa tomber sur son adversaire, sa jambe la première. Il entra violemment en contact avec le scorpion antique, ses serres percutant la base de ses élytres.

La créature d'un autre temps se plia en deux sous le coup, aucun son ne sortant de sa gueule ouverte. Mais, alors que le juge allait le déclarer hors combat, il eut un dernier sursaut. L'eau des flaques recouvrit brusquement sa queue qu'il projeta sur son assaillant, le repoussant au loin. L'élément liquide et les pointes eurent raison du guerrier qui avait déjà été bien amoché. Il s'effondra, suivant de peu le scorpion sans poison.

« Armaldo et Braségali sont hors combat ! Pierre mène par quatre à trois ! »

***
« Ah, vous voyez ! Qu'est-ce que je vous avais dit ! s'exclama le Dr. McGee avant de partir dans un rire sonore.
- Mais oui Auguste, répondit son collègue, en le regardant s'esclaffer d'un air embarrassé. Mais oui. »

***
Pierre essuya la sueur de son front après avoir fait rentrer l'arachnide dans sa capsule noire. Ca devenait tendu... Même si le Maître n'avait officiellement que trois points, il n'aurait d'autre choix que d'abandonner si sa reine de fer était la seule qui lui restait.
Quand même, la femme à la cape avait vraiment rehaussé le niveau avec Bénou. Tout comme son aigle renforcé au début du combat, il avait mis à terre deux combattants à lui seul, en plus d'infliger un lourd handicap à un troisième.

Il prit une grande inspiration pour se calmer un peu. Allons, rien n'était encore joué. Il leur restait encore deux Pokémon chacun, dont un très affaibli pour Ophélie. Il... Non, ils pouvaient le faire !

« Gypse, à toi !
- Camazotz ! »

Le jeune homme fut surpris de voir le chiroptère aux quatre ailes se matérialiser devant le golem d'argile. Il ne s'était pas attendu à un tel choix de sa part... Mais peut-être préférait-elle garder son dernier atout intact pour la fin.

« Nostenfer contre Kaorine ! Commencez !
- Gypse, il est déjà affaibli ! Utilise Extrasenseur pour l'achever !
- Ne te laisse pas attraper ! »

Les bras trapus de l'imposante poupée venaient à peine de se détacher de son corps que la chauve-souris améthyste était déjà haute dans les airs. Et, le temps que la créature au regard multiple ajuste l'orientation de ses membres, l'être aérien fusait sur lui pour le taillader de ses ailes rendues tranchantes comme des mandibules.
Mais le Nostenfer se gardait bien de rester à portée. Son méfait juste accompli, il s'éloignait un peu avant d'effectuer un virage serré, pour revenir harasser son adversaire.

« Dommage pour toi, mais ma prédécesseuse avait elle aussi un Kaorine, signala le Maître d'un ton goguenard. Du coup, Camazotz sait exactement comment faire pour les gérer. Il est peut-être affaibli, mais il est trop rapide pour que tu puisses le toucher. Continue les Plaie-Croix ! »

Ca n'était pas bon du tout ! Elle avait complètement raison, Gypse était beaucoup trop lent à réagir. Son ennemi avait le temps de le frapper deux fois avant qu'il ne parvienne à placer correctement ses bras pour contrer le premier assaut passé ! Il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme, surtout que le mammifère ailé visait principalement la brèche qui courait sur son corps sombre.

Une idée lui traversa alors l'esprit. C'était risqué, surtout qu'il allait devoir bénéficier de l'effet de surprise... Mais il lui était arrivé plusieurs fois que son Pokémon entende l'ordre qu'il formulait dans sa tête et s'exécute avant même qu'il ne l'ait prononcé. S'il se concentrait assez, peut-être réussirait-il à provoquer volontairement ce phénomène.

« Gypse, utilise Telluriforce pour te protéger ! »

Aussitôt, le Kaorine abîmé cessa de viser vainement son adversaire. Ses bras descendirent au niveau du sol, les pointes orientées vers le bas. Puis, prenant le corps massif comme pivot, les membres se mirent à tourner autour. Un instant plus tard, le terrain s'élevait pour se refermer sur son manipulateur, à l'instar d'une fleur minérale avant son éclosion.

« Ha ! Tu ne fais que retarder l'inévitable ! Camazotz, Aile d'Acier ! Détruis-moi ce cocon ! »

Obéissant, le chiroptère se mit à agresser la roche de ses ailes membraneuses devenues aussi dures et tranchantes que du métal.

***
« Oh non ! Allez Gypse ! Vas-y ! s'exclama la jeune fille rousse en sautant de son siège, réveillant Vésuve en sursaut.
- Calme-toi un peu Adriane. Ce n'est pas en maltraitant le canapé que tu vas l'aider.
- Mais il faut qu'il gagne, quoi ! Là, il est tout piégé ! »

Son grand-père poussa un soupir amusé avant de lui indiquer de se rasseoir.

« Ne t'en fais pas. Je crois que Pierre a une idée derrière la tête.
- Ah bon ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Il a plutôt l'air de plus savoir quoi faire, je trouve, » répondit sa petite-fille, inquiète.

Effectivement, la caméra montrait le jeune homme, les yeux clos et la mâchoire serrée, de telle sorte qu'on avait l'impression qu'il était abattu. Mais, pour le vieil homme aux lunettes rondes, ce n'était pas du découragement qu'il lisait sur son visage. Il l'avait affronté suffisamment de fois pour reconnaître quand le Dresseur aux cheveux d'acier était déterminé. Ce qui était le cas présentement.

« Je le sais, c'est tout, dit-il doucement.
- J'te crois pas...
- Tu veux qu'on parie ?
- Ah non, tu vas encore tricher ! »

***
A force d'être molestée par les assauts réguliers du Nostenfer, des fissures commençaient à apparaître sur une face de l'abri minéral. Un large sourire confiant illumina le visage du Maître, alors qu'elle voyait son challenger a priori dépité devant la protection qui se fragilisait.

« C'est presque trop facile... murmura-t-elle, ravie de cette revanche pour l'affront subi plus tôt. Camazotz, porte-lui le coup de grâce ! » s'écria-t-elle en levant son bras vers le haut.

Imitant son geste, son Pokémon s'éleva dans les airs avant de se stabiliser.

« Rapace ! »

La chauve-souris améthyste replia ses ailes pour se laisser tomber en même temps que sa maîtresse abaissait son membre. Un sifflement accompagna sa chute, tant sa vitesse était grande. La paroi de roche, affinée par ses précédentes attaques, allait montrer autant de résistance que s'il avait dû traverser une feuille de papier de riz !

Soudain, alors qu'il allait percuter le cocon...

« Maintenant Gypse ! »

Comme prévu, la créature aux ailes membraneuses brisa la pierre, s'enfonçant dans l'abri de son adversaire. Cependant, il n'y eut aucun contact avec le Kaorine. Simplement des milliers de particules de sable qui s'échappèrent par l'ouverture ainsi créée...

« Que... Non, Camazotz, sors de là tout de suite ! »

L'ordre vint trop tard, néanmoins. Le temps que l'imposante chauve-souris se retourne pour quitter la protection minérale, la poupée animée s'était entièrement reconstituée et, d'un mouvement de ses bras sans attache, avait scellé l'ouverture artificiellement créée. Le Nostenfer était pris au piège.

« Il n'y échappera pas cette fois ! Extrasenseur ! »

Les membres trapus se positionnèrent de part et d'autre de la geôle opaque. Puis, alors que les runes et le regard multiple du golem antique s'illuminaient, les pointes de ses bras se mirent à vibrer intensément. Des cris suraigus jaillirent aussitôt hors du piège, emplissant le stade.
Quand, finalement, après presque une minute à exercer son emprise, Gypse cessa son attaque et dissipa la cage, tous purent découvrir Camazotz qui gisait au sol.

« Nostenfer est hors combat ! déclara l'arbitre. Pierre mène par cinq à trois !
- Bien joué Gypse ! »

Le regard grave, Ophélie réintégra son combattant évanoui dans sa capsule sous les applaudissements enthousiastes du public. Elle s'empara de la dernière sphère sur son écharpe de cuir, la contempla un instant.

« Je compte sur toi, Mafdet. Tu es ma dernière chance, » murmura-t-elle.

Elle envoya ensuite la sphère, qui se scinda en deux pour dévoiler son ultime Pokémon.

Lorsque celui-ci se matérialisa, les yeux durs de Pierre s'écarquillèrent alors qu'il devenait blanc comme un linge.

« Non... »

Ce fut tout ce qu'il réussit à articuler.

***
Adriane plaqua ses mains sur sa bouche en ouvrant grand les yeux, horrifiée par ce qui était présent à l'écran.

« Non, c'est pas possible ! Elle a pas pu... !
- Calme-toi ma chérie.
- Mais papy, c'est... !
- Je sais... Mais elle n'a pas forcément fait exprès. »

Il était impossible que le Maître ait été au courant. Mais, quelles avaient été les chances pour que cela se produise ?

Le Champion de Vermilava reporta son attention sur la télévision, un air inquiet sur son visage ridé.

« J'espère que ça va aller pour toi, fiston... »

***
Le jeune Rochard était complètement tétanisé. Son cœur s'emballa alors que la créature se redressait en lui tournant résolument le dos. Sa respiration semblait se bloquer dans sa gorge tandis que le piège sombre d'acier se balançait au bout du crâne de la combattante adverse. Des tremblements le saisirent, faisant couler la sueur sur son front et dans son dos, pendant que ses yeux durs détaillaient et reconnaissaient chaque partie du corps de la Pokémon, que cela soit sa peau de miel, ses gants réglisse ou ses yeux grenadine.

« Ci... Cinabre... » articula-t-il difficilement, la bouche asséchée par l'angoisse.

Répondant à la profonde détresse qu'il percevait dans l'esprit perdu de son maître, Gypse réagit en conséquence de leur lien mental. Il se mit subitement à tituber, incapable de demeurer droit alors que ses bras tournaient follement autour de lui. Cela ne fut pas sans étonner la foule, d'où quelques rires s'élevèrent.
Le Maître aussi était perplexe devant une telle réaction. Qu'est-ce qui lui prenait, à ce Kaorine ?

« Mysdibule contre Kaorine ! Commencez !
- Mafdet, Mâchouille ! »

La fée de métal se précipita sur la poupée déboussolée, couvrant en quelques instants l'espace qui les séparait. Elle freina subitement en se retournant, sa gueule démesurée se refermant sans peine sur le corps d'argile de son ennemi. Les crocs factices se plantèrent dans le golem en confusion, s'enfonçant plus profondément à chaque seconde où elle mobilisait la puissance de sa mâchoire. Un instant plus tard, elle broyait le Kaorine qui, redevenant sable sous les dents d'acier, se recomposa au sol, le regard éteint.

« Kaorine est hors combat ! Quatre à cinq pour Ophélie ! »

***
« C'est pas bon du tout... » marmonna Céline, les yeux rivés sur le grand écran de l'Institut Spatial.

En voyant le Mysdibule entrer sur le terrain, elle avait tout de suite su qu'il allait s'agir de la plus dure épreuve que son fils ait eue à surmonter depuis la mort de son amie. L'agitation de Gypse n'avait fait que confirmer ses craintes, connaissant les facultés des Kaorine à retranscrire les troubles et traumatismes de leur Dresseur.

« Ben alors Céline, qu'est-ce qu'il a ton fils ? s'étonna l'un de ses collègues. Il a même pas réagi quand il s'est fait attaquer !
- C'est à cause de cette Mysdibule. »

Les regards quittèrent l'écran pour se poser sur elle, en quête de plus d'informations.

« Pierre aussi avait une Mysdibule, il y a quelques années. Mais... Elle est décédée dans l'éruption du Mont Chimnée. »

Un silence plombant suivit ses explications, alors que le visage pâle du jeune Rochard était montré à l'écran.

***
« Pierre Rochard, veuillez faire rentrer votre Kaorine dans sa PokéBall. »

Mais il était incapable d'esquisser le moindre mouvement, ne parvenait à détacher ses yeux de l'être aux deux bouches sur le terrain. C'était d'ailleurs à peine s'il avait entendu l'ordre de l'arbitre.

« M. Rochard, reprit ce dernier d'une voix autoritaire. Pour la dernière fois, veuillez retirer votre Pokémon du combat sous peine de disqualification ! »

Il y eut un instant de flottement. Puis, d'un geste lent et mécanique, il récupéra la capsule du golem effondré et la pointa sur lui.
La rumeur perplexe de la foule persista même après le retrait de Gypse. Personne parmi eux ne comprenait et n'aurait pu comprendre ce qu'il se passait dans la tête du jeune homme aux yeux durs.

« M. Rochard, articula le juge, dont la patience semblait être mise à l'épreuve alors que cela faisait presque une minute que Pierre n'avait plus bougé. Veuillez envoyer votre Pokémon. Maintenant. »

Le jeune adulte posa sur lui ses yeux en proie à la panique. Il ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, mais aucun son n'en sortait.

« Si dans dix secondes votre Pokémon n'est pas sur le terrain, je vous disqualifie ! le menaça l'arbitre. Un. Deux. »

Il ne comprenait pas ce qu'il lui demandait. Pourquoi voulait-il qu'il se batte contre Cinabre ?

« Trois. Quatre. »

Il n'allait quand même pas l'obliger à faire ça ?! Comment pourrait-il vouloir faire du mal à son amie !

« Cinq. Six. »

Non, non, il ne pouvait pas ! Il ne voulait pas !

« Sept. Huit... »

Alors que Pierre fixait toujours le juge de ses yeux perdus, un éclair de lumière jaillit de sa poche interne, grossissant alors qu'il atteignait le terrain. Le voile éclatant s'ôta, révélant Cobalt.
Malgré la barrière de sa sphère, il avait perçu le désespoir de son maître, tant celui-ci était intense. Il avait donc agi en conséquence, espérant lui apporter son soutien même si son esprit d'ordinateur ne comprenait pas comment il pouvait confondre leur amie disparue avec cette Mysdibule étrangère.

« Cobalt...
- Mysdibule contre Métalosse ! annonça l'arbitre, imperturbable. Commencez !
- Mâchouille encore une fois ! »

A nouveau, la créature miel et réglisse courut sur le terrain, bien décidée à happer son adversaire. Cependant, celui-ci l'évita en repliant ses bras articulés sur son dos pour s'élever dans les airs. Atterrissant derrière son opposante, il se dressa sur ses deux pattes arrière, prêt à abattre celles de devant sur le sol pour soulever la terre...

« COBALT, NON ! Ne lui fais pas de mal ! »

Le hurlement de son Dresseur perturba l'araignée mécanique. Ses marteaux s'enfoncèrent dans le terrain, mais les deux vagues qui en surgirent partirent sur les côtés, sans inquiéter la fée de métal.

Frustré d'avoir été ainsi interrompu, le Métalosse adressa des bruits électroniques rauques et un peu accusateurs à son humain.

« Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu t'en prends à elle ?! »

De son côté du terrain, Ophélie fronça les sourcils. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez ce garçon ? D'abord la réaction de son Kaorine, et maintenant, il interdisait à son Pokémon d'attaquer ?! C'était tout bonnement ridicule !

« Si c'était pour faire ça, tu aurais tout aussi bien pu rester chez toi au lieu de te fatiguer à arriver jusqu'ici ! Mafdet ! »

Aussitôt, sa combattante métallique envoya sa gueule se refermer sur l'un des bras complexes de l'imposant robot, les crocs factices s'enfonçant légèrement dans le métal bleuté. Cobalt voulut se débarrasser d'elle d'un coup de pince électrisée mais l'ordre du jeune homme le lui empêchait. Il ne voulait pas qu'il la blesse, mais elle n'hésiterait pas à lui arracher la patte !
Tant pis, il n'avait pas le choix semblait-il...

Soulevant son membre articulé, la machine consciente se mit à le secouer violemment, espérant ainsi faire lâcher prise son ennemie. Il ne fut cependant pas étonné de voir qu'elle tenait bon, connaissant parfaitement la ténacité dont cette espèce faisait preuve quand il s'agissait de piéger une proie.

Soudain, il réussit enfin ! Les crocs furent délogés des encoches qu'ils avaient créées, et ripèrent sur son bras. Mais la mâchoire accrocha involontairement quelque chose, avant de s'enlever de la patte massive. Quand elle fut éjectée sur le côté, elle arracha la chaîne qui enserrait l'articulation, éjectant le pendentif qui y avait été placé.

Les yeux durs comme le fer de Pierre suivirent l'objet du regard alors qu'il s'élevait dans les airs, avant sa chute. Le pendentif. La petite capsule allongée, faite d'un métal sombre. Métal qui provenait de la mâchoire qu'ils avaient ramenée du Mont Chimnée. Celle d'une Mysdibule. Celle de Cinabre.

Le sombre bijou tomba au sol, alors que les pensées du jeune Rochard s'ordonnaient.
Cinabre. Sur le volcan. C'était M. Moore et lui qui l'avaient retrouvée, du moins ce qu'il en restait. Mais c'était Cobalt qui avait assisté à sa disparition. Une scène horrible, que pourtant le Métalosse refusait de supprimer de sa mémoire. Parce qu'il ne voulait pas oublier son amie. Parce qu'il ne voulait pas oublier pour quoi et pour qui elle s'était sacrifiée. C'était la même raison pour laquelle le vieux Champion lui avait offert ces accessoires. La même raison pour laquelle il avait offert le pendentif à son Pokémon. Pour se souvenir.

Ce n'était pas Cinabre que Cobalt était en train d'affronter.

Des larmes coulèrent doucement de ses yeux durs.

Ce n'était pas Cinabre. Juste une banale Mysdibule.

Son poing se serra.

Ce n'était pas Cinabre.

« Ce n'est PAS Cinabre ! » tonna-t-il, surprenant la foule et son adversaire.

Une lueur de colère déterminée dansait désormais dans ses pupilles claires, tandis que les pleurs continuaient de ruisseler sur ses joues.

« Marto-Poing ! »

Ragaillardi par la volonté de son maître, l'araignée mécanique se rua sur son adversaire et percuta sa mâchoire entre les deux marteaux qui lui servaient de pattes. L'impact fut tel que la gueule s'en retrouva déformée, sous le râle plaintif de l'être aux deux bouches.

« Poing-Eclair ! »

Les crochets d'une de ses pinces crépitèrent avant de se retrouver couverts d'électricité. L'instant d'après, Mafdet était touchée de plein fouet et repoussée au loin.

Pierre sentait le sang bouillir dans ses veines. Il était comme pris d'un accès de rage. Furieux que Cinabre ne soit pas là pour profiter de ce moment. Furieux qu'elle ne soit plus là du tout. Par sa faute !

« SEISME !! »

Cobalt se cabra pour broyer le sol. La terre se craquela sous la violence du coup, avant de s'élever en un tsunami titanesque qui s'apprêtait à tout engloutir sur son passage.

« Mafdet... ! »

Ophélie aurait voulu lui donner une consigne à suivre. Mais elle savait pertinemment que rien n'arrêterait une telle masse en mouvement.

Impuissante, elle vit sa combattante se faire emporter par la déferlante tellurique, finissant sa course en s'écrasant contre les parois du stade.

Le silence retomba sur le terrain. Tout le monde était comme assommé par ce qu'ils venaient de voir.

Puis, lentement, l'arbitre leva son drapeau en direction du challenger.

« Mysdibule est hors combat ! énonça-t-il. Pierre Rochard remporte le match et le titre de Maître ! »

A cette annonce, le public explosa. Tous se levèrent pour ovationner le vainqueur et nouveau Maître d'Hoenn, scandant son nom.

Mais Pierre, lui, s'était déjà précipité sur le terrain. Il ramassa le pendentif sombre qui avait miraculeusement échappé aux dégâts, avant de tomber à genoux devant son Pokémon, prenant sa large tête dans ses bras.

« Merci Cobalt... réussit-il à articuler, des larmes perlant au coin de ses yeux. Merci. »

La machine consciente répondit de doux bruitages, voulant le consoler.

Ophélie s'approcha alors d'eux, présentant sa main à son adversaire pour l'aider à se relever.

« C'était... C'était un beau combat... bredouilla-t-elle une fois qu'il fut debout.
- Merci... Mais j'ai bien cru ne pas y arriver.
- Et moi donc. Quand je t'ai vu être complètement figé, j'ai cru que j'allais pouvoir t'achever. Mais je me trompais... Enfin. »

Elle détacha la cape qu'elle portait sur les épaules. Elle fixa le tissu pourpre dans ses mains, apprécia une dernière fois son toucher entre ses doigts.

« Ca m'agace un peu d'être obligée de quitter mon poste, je dois t'avouer. Mais bon, les règles sont les règles, et tu l'as bien mérité. »

D'un signe de la main, elle demanda le silence, qui se fit au bout de quelques instants.

« A genoux, Pierre Rochard ! » dit-elle d'une voix forte.

Le jeune homme obtempéra, posant un genou au sol en baissant la tête.

« Moi, Ophélie Clara Temple, Maître d'Hoenn, ai été vaincue ! proclama-t-elle. De ce fait, en vertu des lois de la Ligue Pokémon d'Hoenn, je suis défaite de mon rang, qui revient de droit à mon adversaire victorieux ! »

Déployant la cape, elle en recouvrit les épaules du Dresseur aux cheveux d'acier.

« Gloire au nouveau Maître d'Hoenn, Pierre Steven Rochard ! »

***
Seul dans son salon, le directeur de la Devon S.A.R.L. applaudissait autant si ce n'était plus que la foule à la télévision. Ses vieux yeux étaient emplis de fierté, alors qu'il voyait son fils se relever pour saluer le stade.

Soudain, il se précipita sur le téléphone du living, commença à taper un numéro. Mais, au moment d'appuyer sur la dernière touche, il s'immobilisa. Et se ravisa. Non. Il n'allait pas l'appeler maintenant. Il n'avait probablement pas son PokéNav sur lui, et même s'il l'avait, ce n'était pas dit qu'il entende la sonnerie.
Et puis, il n'était même pas certain qu'il décrocherait en reconnaissant le numéro. Même en un tel jour, alors que tout ce qu'il aurait voulu, c'était de le féliciter pour sa victoire laborieuse. Pour l'aboutissement de cinq années d'efforts et de sacrifices. Cinq années durant lesquelles ils n'étaient pas entrés en contact.

Le visage d'Adam Rochard s'assombrit de tristesse. Finalement, il se dirigea dans le bureau. S'il ne pouvait pas l'appeler, au moins pourrait-il lui écrire une lettre. Même si rien ne disait qu'il la lirait, au moins il pourrait mettre sur papier tout ce qu'il ressentait, en ce moment précis.

***
Le doux soleil de début de printemps laissait passer ses rayons par la fenêtre du laboratoire quand on frappa à la porte d'entrée, réveillant brusquement le Pr. Seko de sa sieste sur le canapé.

« Une se.... Conde, » bailla-t-il.

Il s'étira, faisant tomber le livre qu'il lisait avant de s'endormir, avant d'aller ouvrir.

« Tiens, Pierre ! Quelle heureuse surprise !
- Bonjour Professeur, dit le jeune homme en lui serrant chaleureusement la main.
- Mais entre voyons ! Tu rentres tout juste ?
- Non, j'ai fait un crochet par Cimetronelle, répondit-il en passant la porte.
- Ah, oui, pour récupérer Mithril ?
- Oui. Ca m'a fait un peu bizarre de ne pas l'avoir avec moi pendant tout ce temps, mais je crois qu'il n'aurait pas trop apprécié que je passe mon temps dans des grottes. Et puis, Alizée était ravie de l'accueillir. »

Cela faisait presque quatre ans que le jeune Rochard avait remporté son titre. Quatre ans durant lesquels il avait exercé son rôle de Maître, mais avait aussi poursuivi ses recherches concernant l'éblouissante rivière cristalline du Site Météore. Sur les conseils avisés d'Aloïs Seko, il s'était rendu à Illumis, où le Pr. Platane avait pu un peu l'éclairer. Mais, il y avait encore beaucoup à découvrir sur le phénomène mystérieux qui se produisait parfois quand des créatures entraient en contact avec ces pierres.
Depuis, il allait trois fois par an à Kalos, afin d'épauler le savant étranger dans ses recherches.

Alors qu'ils s'installaient dans le salon, l'homme de sciences remarqua la petite boule de poils, sur l'une des épaules de son illustre invité.

« Oh ? Qu'est-ce que c'est ?
- Hum ? Ah, vous voulez parler de Grisou ! Allez, réveille-toi petit bonhomme, que je te présente. »

Il caressa doucement la fourrure grise rayée de bleu, faisant frémir la petite créature. Celle-ci tourna lentement sa tête blanche vers le Professeur, clignant de ses yeux endormis avant de se gratter le front d'une de ses griffes impressionnantes pour sa taille.

« Vous savez, le colloque des Maîtres qui se déroulait à Unys ?
- Oui ?
- Il se tenait à Port Yoneuve. Du coup, j'en ai profité pour demander au Champion Bardane de me faire visiter l'une de ses mines. C'est là que je l'ai trouvé, complètement affamé et déshydraté. Il a dû perdre sa mère. »

Les yeux durs du jeune homme s'illuminèrent alors, comme s'il venait de se souvenir de quelque chose, et se mit à fouiller son sac.

« J'y pense ! Il y a autre chose que j'ai trouvé dans cette mine ! Ce n'était pas un des cristaux, mais... Ah, le voilà ! »

Il extirpa un petit morceau de roche, qu'il tendit au scientifique qui l'examina en plissant les yeux.

« On dirait qu'il y a comme des plumes dessinées... Une portion d'aile, peut-être ? Mais je ne vois pas de quel Pokémon il pourrait... »

Soudain, il comprit.

« Décidément, tu as l'air d'être verni en ce qui concerne la découverte de fossiles !
- Ca ne fera jamais que le deuxième... Bon, troisième en presque dix ans. Ce n'est pas si énorme que ça. Et, je voulais vous demander si...
- Laisse-moi deviner. S'il ne serait pas possible de le faire revivre, n'est-ce pas ? »

Un peu gêné, Pierre acquiesça, la main derrière la tête.

« Hum... Ce sera plus complexe que la dernière fois, vu qu'il ne s'agit qu'une partie de fossile...
- C'était ce que je craignais... Je n'ai pas réussi à trouver le reste.
- Du calme, je n'ai pas dit que c'était impossible ! Et puis, je suis certain qu'Auguste adorera se pencher là-dessus.
- Tant qu'il ne refait pas le même coup qu'avec Antarès et Silène, » plaisanta le Maître d'Hoenn.

Les deux hommes éclatèrent de rire en souvenir de la mésaventure qu'ils avaient vécue, dérangeant le petit Rototaupe dans sa sieste.

« Alors, qu'est-ce que vous me racontez de beau ? demanda le jeune Rochard.
- Eh bien... Pas plus tard qu'il y a un mois, je me suis fait pourchasser par un Zigzaton !
- Encore ?! Ca n'a pas l'air de s'arranger, votre souci avec les Pokémon !
- Oui, et j'en suis le premier désolé... Mais bon, heureusement, une jeune fille passait par là et a réussi à s'en débarrasser avec son Arcko. Je ne sais pas si tu l'as déjà vue, c'est Flora, la fille de Norman Sinfonia.
- Ah, vous voulez parler du nouveau Champion de Clémenti-Ville ? Je ne crois pas avoir vu sa famille lors de son intronisation. Si je me souviens bien, il m'avait dit qu'ils ne viendraient que quelques mois plus tard.
- Dommage, c'est une jeune fille vraiment charmante. Ah, et elle participe au Défi de la Ligue !
- Vu le père, ça ne m'étonne pas vraiment ! »

Ils interrompirent leur discussion, le temps de boire une gorgée de thé.

« Et toi alors, ces recherches avec le Pr. Platane ?
- Ca avance. On a trouvé pas mal de choses... Et notamment des runes qui parlaient de la Grotte Granite.
- ... Quoi, celle à côté de Myokara ?
- Exactement ! D'ailleurs, j'avais l'intention de m'y rendre après être passé vous voir.
- Ah... Tu ne restes pas, donc ?
- Pas cette fois, non ! »

Il termina le contenu de sa tasse avant de se lever.

« Je dois me rendre à Vermilava dans un peu plus d'une semaine. Alors, j'aimerais bien profiter du temps que j'ai jusque-là pour commencer les recherches. Surtout qu'après, je vais devoir reprendre l'entraînement pour le challenger de cette année.
- Oui, je comprends. Je ne te retiens pas plus longtemps, du coup. »

Le Pr. Seko le raccompagna jusqu'à la porte, où ils échangèrent une poignée de main. L'instant d'après, Pierre, juché sur son aigle en armure, s'éloignait dans le ciel.

***
« ... D'accord. Merci encore, Aloïs. »

Adam Rochard raccrocha, un triste sourire sur le visage. Il était ravi d'apprendre que son fils allait bien, mais aurait aimé le revoir. Comme toujours depuis ce jour fatidique de novembre.

Il n'eut cependant pas le temps de se morfondre davantage, car on frappa à la porte.

« Entrez.
- Bonjour Monsieur, pardonnez-moi de vous déranger, s'excusa l'employé qui venait de passer la porte avec une jeune fille.
- Ne vous en faites pas. Mais, que se passe-t-il ? Vous semblez dans tous vos états !
- Eh bien... Vous vous souvenez qu'on m'avait agressé dans le Bois Clémenti, il y a une dizaine de jours ?
- Comment pourrais-je l'oublier ! Cette histoire a fait le tour du bâtiment pendant des jours !
- Malheureusement, on s'en est à nouveau pris à moi, et ils ont réussi à me voler les pièces pour le Devon Scope... Mais cette jeune fille a bien voulu me venir en aide, et a réussi à les récupérer ! »

Il désigna de la main la personne à côté de lui, qui salua le dirigeant en inclinant la tête, faisant se balancer ses couettes.

« Bonjour monsieur, commença-t-elle avec un accent étranger. Je suis Flora Sinfonia !
- Enchanté de faire ta connaissance, Flora. Il semblerait que nous te devons une fière chandelle.
- Surtout qu'elle m'a aussi aidé au Bois Clémenti !
- Bah, c'est normal, je suis sûre que vous auriez fait de même à ma place ! »

Rochard senior remarqua alors l'emblème accroché fièrement à sa veste.

« Tu ne serais pas Dresseuse, par hasard ?
- Et si ! D'ailleurs, j'ai remporté mon premier badge juste hier ! Je pensais partir pour Myokara aujourd'hui, mais j'ai finalement bien fait de retarder mon départ. »

Le vieil homme tressaillit en entendant le nom du village côtier. Qui était situé juste à côté de... C'était peut-être sa chance.

« Dis-moi Flora, est-ce que tu accepterais de me rendre un service ?
- Bien entendu ! Enfin, si je peux, hein. »

Il ouvrit un tiroir de son bureau, y prenant la feuille qui s'y trouvait. Il la glissa dans une enveloppe, avant de griffonner quelques mots rapides dessus.

« Est-ce que ça te dérangerait de passer par la Grotte Granite, sur le chemin, pour remettre cette lettre à mon fils ? Il s'appelle Pierre Rochard.
- Aucun problème ! Vous pouvez compter sur moi ! »

***
Eclairé par sa lampe-torche et le regard multiple du golem antique, le Maître d'Hoenn était complètement absorbé par l'étude d'une immense fresque, trouvée dans une salle profonde de la grotte.

« Ca ressemble bien au même phénomène que celui décrit à Yantreizh... marmonnait-il dans sa barbe, pour se concentrer. Mais dans ce cas, pourquoi y avoir représenté les Titans des Eléments*... Auraient-ils un rapport avec... ? »

Un hurlement lointain lui parvint, derrière lui, le faisant se retourner quand il s'aperçut qu'il devenait plus fort. Soudain, il vit quelque chose tomber du plafond. Une silhouette humaine...

« Gypse ! »

Aussitôt, les bras sans attache se précipitèrent sur la personne pour lui tourner autour, ralentissant sa chute pour lui faire toucher le sol sans le moindre heurt.

« Est-ce que tout va bien ? demanda Pierre en s'approchant.
- Ca peut aller... répondit une voix claire de jeune fille avec un accent prononcé. Mais je me suis faite courser par un Galégon, je crois.
- Ah, ça, ça n'est pas très étonnant. Les Pokémon de cette famille sont très territoriaux et n'apprécient pas quand des intrus s'aventurent sur leur territoire. Je parle d'expérience... »

Il l'aida à se relever, la laissant ensuite ôter la poussière qui était tombée sur ses vêtements.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? Pour arriver ici, ce n'est pas le chemin principal que tu as dû emprunter !
- En fait, je cherche quelqu'un... Ah, mais je me suis pas présentée ! Je m'appelle Flora Sinfonia !
- Ah, la fille de Norman ? Je me disais bien qu'il y avait une ressemblance... Pierre Rochard.
- ... Sérieusement ? »

Il hocha la tête en souriant, mais fut étonné de voir la lueur de joie dans ses yeux.

« C'était vous que je cherchais ! Votre père voulait que je vous donne ça ! »

Le jeune homme fronça les sourcils pendant qu'elle fouillait dans sa sacoche en bandoulière. Son père ? Confus, il prit l'enveloppe pour l'examiner. Trois mots y étaient lisibles.

A mon fils.

« ... Tu n'aurais pas dû te déranger pour ça, tu sais...
- Mais si, ça me dérangeait pas ! De toute façon, j'avais prévu de venir m'entraîner ici avant d'aller défier l'arène de Myokara, alors...
- Si tu le dis... »

Il ne savait pas vraiment quoi lui dire. La remercier d'avoir pris cette peine lui semblait naturel, mais devant l'origine de sa commission... Non, il n'y arrivait pas.

Serrant la missive dans sa main, il reprit la parole.

« Je n'ai pas vraiment grand-chose à t'offrir pour ça...
- Hein ? Mais pas besoin de récompense ! ... Sauf si vous avez un moyen de sortir de là sans avoir à refaire tout le chemin. Là, j'accepterais bien. »

Sa réponse surprit Pierre, qui finit par sourire malicieusement.

« Je peux éventuellement te proposer ça. Gypse ? »

Le Kaorine s'approcha d'eux et leur présenta ses membres trapus. Son maître posa la main sur le plus proche, et invita la jeune fille à l'imiter.

« Ca fait un peu bizarre la première fois, mais ne t'en fais pas, c'est sans danger. »

Les runes sur le corps de la poupée imposante s'illuminèrent et, un instant plus tard, ils se désagrégeaient en sable et autres fines particules... Pour se retrouver à l'entrée de la caverne, où la brise maritime vint aussitôt leur caresser le visage.

« Wah, c'était génial ! Merci !
- Je t'en prie, répondit-il, amusé par son enthousiasme. Bon courage pour ton voyage.
- Merci, au revoir ! »

Il la regarda s'éloigner en lui faisant un signe de la main. Mais, dès qu'elle fut assez loin, son expression s'assombrit.
Le jeune Rochard baissa le regard sur la lettre que cette jeune fille venait de lui remettre. Le premier vrai message qu'il recevait de son géniteur depuis... Depuis qu'il était parti de chez lui, en fait.

Faisant rentrer Gypse dans sa capsule, il s'assit sur la plage, adossé à un palmier, et examina à nouveau l'enveloppe. Rien. Il n'y avait rien d'autre à part ces trois mots qui s'adressaient à lui. Impossible pour lui de savoir le contenu de l'écrit. A quoi devait-il s'attendre ? De la colère ? De la tristesse ? Des remords ? Du pardon ?
Il avait beau essayer de s'imaginer ce qu'il pouvait y avoir, chacune des possibilités lui paraissait envisageable.

Une petite partie de lui, vestige de son adolescence, voulut déchirer la missive sans même la lire pour ensuite la jeter au vent ou à l'eau ! Mais cela aurait été une réaction très immature, et il était loin le temps où il aurait agi sans réfléchir davantage.

La curiosité était la plus forte. Il devait savoir. Il voulait savoir.

En déglutissant, il ouvrit lentement l'enveloppe. Ses doigts tremblaient légèrement quand il en extirpa la feuille de papier pliée en trois.

Il prit une grande inspiration, afin d'apaiser un peu sa crainte. Puis, il déplia la lettre pour la lire.

Ses yeux durs s'écarquillèrent de surprise en voyant ce qu'il y avait d'inscrit. Ou plutôt... Ce qu'il n'y avait pas. La feuille était entièrement vierge.
C'était... Tout sauf ce à quoi il se serait attendu. Il crut même à une plaisanterie, un moment, comme s'il cherchait à se moquer de lui ! Mais vraiment ? Son vieux père aurait été capable d'une telle chose ? Il avait des doutes... Mais, comment être sûr... ?

Une idée lui traversa l'esprit. Il porta la main à sa ceinture, où son PokéNav était accroché. Mais il se ravisa au moment de le prendre. Etait-ce vraiment une bonne idée ? En même temps, il voulait en avoir le cœur net !
Il referma la main sur l'appareil, qui portait toujours les craquelures causées lors de sa rencontre avec Béryl. L'engin se déploya une fois qu'il eut appuyé sur le bouton central, se rendit dans son répertoire. Mais il resta un bon moment le doigt suspendu au-dessus du numéro qu'il voulait. Il hésitait encore, en proie à un intense débat interne sur le pour et le contre d'une telle action.

Le pour sembla l'emporter, cependant. Il toucha l'écran, déclenchant l'appel.

Son cœur battait la chamade à mesure qu'il entendait la sonnerie retentir. Si ça se trouvait, il n'était même pas là, ou avait une réunion, ou ne voulait pas décrocher, ou...

« Allô ? »

Pierre fut si surpris qu'il lâcha le PokéNav, le rattrapant juste avant qu'il ne touche le sable. Il poussa un soupir de soulagement.

« Allô ? » répéta la voix grave de son père.

Il cala le dispositif contre son oreille, ouvrit la bouche pour parler... Mais aucun son ne passait ses lèvres. Il ne parvenait même pas à répondre un simple bonjour. Comment pouvait-il être si dur de formuler des mots ?!

« Allô ? »

La voix était plus pressante. S'il ne disait rien, il allait raccrocher !

« Je... »

Ce fut tout ce qu'il fut capable d'articuler. La seconde d'après, il refermait le PokéNav, coupant court à la conversation.

Le souffle court comme s'il venait de courir un marathon, il se passa une main sur le visage pour se calmer. Il n'en revenait pas d'être dans un état pareil pour un truc aussi... Bête que de passer un coup de téléphone. Néanmoins... Il comprenait un peu mieux le contenu de la lettre de son père, désormais. Ce n'était pas qu'il avait cherché à se moquer de lui.

Bon, c'était bien beau tout ça, mais il ne savait plus du tout quoi faire, maintenant... Il aurait bien besoin de conseils... Et savait quelle était la meilleure personne placée pour cela.
Une fois son stress retombé, il sélectionna un autre numéro.

« Allô ?
- Salut maman. Je te dérange ?
- Pas du tout mon grand ! Ca va ?
- Oui, je suis à Myokara, là. Mais, je voulais te demander... »

Il lui expliqua alors pour la lettre, ainsi que son essai infructueux de parler à Rochard senior.

« ... Du coup, tu n'aurais pas un conseil à me donner ? »

Aucune réponse ne vint. Le Maître patienta une trentaine de secondes avant de relancer :

« Maman ?
- Dis-moi, Pierre, tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu n'as pas connu tes grands-parents paternels ?
- Pas vraiment... Mais je suppose que c'est parce qu'ils sont morts, ou un truc du genre.
- Non. Du moins, c'était le cas jusqu'à il y a quelques mois, mais ça n'a pas de rapport.
- Ah ? ... Ben non alors, je ne vois pas pourquoi.
- Ca remonte bien avant ta naissance. Je ne le connaissais pas encore, à l'époque, mais il m'a raconté... Ton grand-père était un ébéniste assez populaire vers Cimetronelle, et il voulait que ton père prenne sa suite. Sauf que lui était plus intéressé par ses études de commerce que par le travail du bois...
- Et alors ?
- Un soir, il y a eu une violente dispute entre eux deux. Je ne connais pas vraiment les détails, mais toujours est-il que ton père a été chassé de chez lui juste après. »

Le jeune homme garda le silence alors que ses yeux s'écarquillaient.

« Ils ne se sont plus jamais parlés depuis. Ton grand-père n'est même pas venu à notre mariage, ni à ta naissance. Ils avaient tout simplement coupé les ponts...
- J'en avais aucune idée... Mais, quel rapport avec papa et moi ?
- Je crois que vous avez plus ou moins le même problème, tous les deux. Vois-tu, une seule fois ton grand-père a communiqué avec ton père après leur altercation. C'est quand il a été promu au poste de dirigeant de la Devon S.A.R.L., après le décès de M. Devon. Je m'en souviens très bien encore aujourd'hui. Il lui avait envoyé une canne en bois sculpté. Je pense que tu vois de laquelle je parle.
- Oui, acquiesça son fils.
- Pourtant, malgré ce premier pas, ton père n'a jamais réussi à lui reparler. Ce n'était pas qu'il n'avait pas le courage ou l'envie. Mais, à chaque fois qu'il essayait, quelque chose en lui se bloquait. »

Pierre hocha la tête. Oui, il comprenait parfaitement ce qu'elle voulait dire, vu qu'il avait expérimenté la même chose un peu plus tôt.

« Qu'est-ce que je devrais faire, alors ?
- Je ne vois qu'une seule solution. Tu dois aller lui parler.
- Maman, je t'ai déjà dit que...
- Tu ne m'as pas comprise. Je n'ai pas dit que tu devais lui parler, mais que tu devais aller lui parler.
- Quelle différ... Oh. »

Elle voulait dire, aller le voir directement ? ... C'était vraiment ça, sa solution ? En quoi est-ce que ça faciliterait leurs échanges !

« ... Je vais y réfléchir...
- D'accord... ... Ah, je dois te laisser, on a besoin de moi. A bientôt mon grand !
- Salut... »

Il raccrocha et laissa tomber son bras dans le sable.

Il n'était pas vraiment convaincu... Il y avait tellement de choses sous le tapis, comment se rencontrer pourrait-il réparer les choses ?

... En fait, si, ça pouvait se faire. Après tout, c'était bien ce qu'il avait fait avec Cobalt, quand il s'était excusé pour son comportement envers lui. Oui, mais il agissait déjà docilement avec lui... Et ce n'était pas quelqu'un aussi imprévisible qu'un être humain.

Fouillant dans sa poche, il en sortit la capsule de son premier Pokémon, la faisant rouler entre ses doigts. Ca le détendait et l'aidait à mieux réfléchir.

***
« Monsieur ? grésilla le téléphone.
- Oui Baptiste ?
- Quelqu'un souhaiterait vous voir.
- Ah ? Il ne me semble pas que j'avais rendez-vous, pourtant...
- Non, vous n'en avez pas. Mais, je pense que cette personne n'en a pas besoin. »

Adam Rochard fronça les sourcils, intrigué.

« Vraiment ?
- Je suis catégorique, Monsieur. Dois-je le faire entrer ? »

Le vieil homme se massa le front. Il avait encore des dossiers à traiter avant la réunion de l'après-midi... Mais, pour que son secrétaire insiste autant, cela devait être important.

« Allez-y. »

Quelques secondes plus tard, la porte du bureau s'ouvrait, laissant passer l'individu.

L'homme d'affaires reconnut sa silhouette avant même qu'il ne soit entièrement dans le bureau. Il se leva immédiatement de son siège, n'en croyant pas ses yeux. Il était là.

Pierre avait passé toute la nuit à réfléchir sur la situation, dormant à peine. Finalement, au petit matin, il s'était envolé en direction de Mérouville.
Il avait tout de même erré un bon moment dans les rues de la métropole, essayant de retarder cet instant qui l'angoissait.Mais le fait d'être sans cesse accosté par les badauds avait avancé le moment de la rencontre.

Il était surpris de voir son père aussi vieilli. Ses lunettes fines sur le nez, son regard fatigué, ses rides marquées et ses cheveux qui viraient au blanc, tout autant de signe indiquant le poids des âges sur cet homme. Et peut-être aussi une grosse part de stress et d'angoisse.

Rochard senior trouvait son fils grandi. Pas simplement physiquement, mais ses yeux, son allure, sa façon de se tenir le rendaient plus mature. Sans compter l'élégant costume sombre rehaussé d'un foulard bordeaux, qui lui conféraient un certain cachet, une prestance digne du Maître qu'il était.

Le silence dura un moment entre les deux hommes. Puis, comprenant que l'un d'eux devait bien se jeter à l'eau, le jeune Rochard réussit à articuler quelques mots gênés.

« Euh... Salut papa... »

Ridicule. Dix ans d'absence, et c'était tout ce qu'il arrivait à lui sortir ? Comment faisait-il pour être aussi pathétique !

« Salut... » bafouilla son père.

Apparemment, lui non plus n'avait pas plus d'inspiration que lui. Ce qui le rassurait un peu, d'un côté...

« Tu peux t'asseoir, si tu veux. »

Le dirigeant de la Devon S.A.R.L. se mordit la lèvre. Sous le stress, il avait dit cela d'un ton qu'il pensait sec, inamical. Aussi fut-il soulagé de voir que Pierre, après un hochement de tête, s'installait dans le siège face à lui.

« Tu... Euh... Tu veux boire quelque chose... ?
- Non, ça ira. ... Merci quand même. »

Quelques instants embarrassés passèrent, avant que le vieil homme ne se racle la gorge.

« Et donc... Tu as reçu ma lettre ?
- Oui. »

Le silence retomba, plombant l'ambiance déjà tendue.

Qu'est-ce qu'il attendait ?! Il devait lui dire qu'il était désolé pour tout ce qu'il avait fait, qu'il s'excusait de l'avoir insulté, qu'il le remerciait pour son aide, directe ou non, qu'il avait eu raison de lui offrir Cobalt, que...

Mais pourquoi avait-il la gorge aussi serrée ? Etait-ce vraiment aussi dur de dire à son propre enfant combien il était fier de ce qu'il avait accompli, qu'il le félicitait pour son titre de Maître, qu'il était vraiment désolé pour ce qui était arrivé à sa Mysdibule, que...

Les monologues intérieurs de chacun furent interrompus par une sonnerie stridente, qui les fit sursauter. Ils restèrent un instant figés, se fixant l'un l'autre alors que le bruit pressant insistait.
Finalement, d'un geste lent, Pierre saisit son PokéNav tonitruant.

« Tu permets... ?
- Bien sûr. »

Il le remercia timidement d'un hochement de tête, avant de décrocher.

« PIERRE ! hurla aussitôt une voix sonore, qui se répercuta sur les murs du bureau. Mais qu'est-ce que tu fabriques bon sang !
- C'est pas la peine de crier Adri'... tenta-t-il pour la calmer.
- Mais tu avais promis de venir aujourd'hui ! Papy est en train de faire le barbecue, et Vésuve essaye déjà de chiper toute la viande !
- Désolé, je sais pas si je serai là pour ce midi...
- QUOI ?! Mais tu m'avais dit que...
- Je t'avais dit que je viendrais aussi vite que possible, et c'est ce que je vais faire ! Je dois juste m'occuper de... Enfin, je te promets d'être là ce soir, quoi qu'il arrive.
- Mouais... répondit Adriane, pas vraiment convaincue. T'as intérêt d'être là, sinon ça va barder pour toi !
- ... C'est pas très malin pour toi de menacer le Maître la veille de ton intronisation de Championne, la taquina-t-il.
- C'est ça ! A ce soir sans faute ! »

Il replia l'appareil en poussant un petit soupir. Elle n'avait pas hérité du tempérament calme de son grand-père, ça c'était sûr.

« Petite amie ou travail ? »

Etonné, il reporta son attention sur son père. Ses traits s'étaient légèrement détendus, au point qu'un petit sourire était visible.

« Qui, Adri' ? Non, c'est plus une petite sœur pour moi. Et techniquement, c'est du travail, vu que je dois lui donner le titre de Championne de Vermilava demain. Mais, comme je m'entends bien avec la famille Moore, c'est assez fréquent qu'ils m'invitent... »

Le vieil homme hocha la tête d'un air entendu.

« Et toi, les affaires ?
- Ca a été assez dur pendant un moment. Le démarrage de la Luxe Ball a été assez timide, mais les ventes ont augmenté doucement. En revanche, la Filet Ball et la Scuba Ball ont un gros succès, et on frôle souvent la rupture de stock. Et le PokéNav trouve doucement sa place dans l'attirail du Dresseur. On est même en train de négocier avec le Pr. Chen, par l'intermédiaire du Pr. Seko, pour voir s'il serait possible d'intégrer son invention, le Pokédex, dans un futur modèle. Mais ça, ça ne se fera pas avant quelques années.
- Tant mieux pour toi, alors.
- Oui. »

Le calme revint, mais plus léger cette fois-ci. Décidément, se disait le jeune homme, même à distance, la jeune fille rousse avait le don de détendre l'atmosphère.

« Au fait, papa, je... »

Mais avant qu'il ait pu poursuivre sa phrase, son père se leva de son fauteuil, contourna le bureau. Pour finir par le serrer dans ses bras.

Surpris, Pierre resta interdit un bref instant. Mais il accepta bien vite l'étreinte, réalisant que c'était tout ce qu'il avait voulu ces dernières années.

« Papa, je... Je suis vraiment désolé... Pour tout ce que j'ai pu te faire ou te dire, je...
- Je sais...
- J'aurais voulu te le dire plus tôt... J'ai essayé, mais à chaque fois je... Je...
- Je sais. Moi aussi. »

La main posée sur son épaule, son père s'écarta un peu pour le regarder avec des yeux bienveillants.

« Peu importe ce qui a pu se passer. Cette époque est révolue. Pouvoir te voir avec mes propres yeux, te parler sans passer par quelqu'un d'autre... C'est pour moi le meilleur cadeau qui soit, et je refuse qu'il soit gâché par des remords. Alors, s'il te plaît. Souris-moi. »

Les lèvres du Maître s'étirèrent timidement. Il était encore un peu tôt pour qu'il cesse de s'en vouloir, mais c'était déjà un bon début. Rochard senior le savait.

« Allez, va rejoindre ta petite amie. Je n'ai pas trop envie qu'elle te casse encore plus que tu ne l'as déjà été.
- Pour la deuxième fois, ce n'est pas ma...
- Mais oui, bien sûr. On ne me la fait pas à moi, jeune homme. »

Il leva ses yeux durs au ciel, mais son sourire se fit plus franc. Se levant, il se dirigea vers la porte...

« Pierre. »

Il se retourna.

« Je suis vraiment fier de toi. »


FIN

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*: Les Titans des Eléments est l'un des noms donnés à Kyogre, Groudon et Rayquaza quand quelqu'un souhaite les désigner tous les trois en même temps.