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Les Héritiers du Nexirys - Tome I : Black Future de Ayumi-san



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Informations

» Auteur : Ayumi-san - Voir le profil
» Créé le 23/10/2013 à 17:38
» Dernière mise à jour le 25/10/2013 à 14:25

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Région inventée

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Chapitre IX : Une ombre en chasse
___Nathan, tu n'es qu'un idiot. Te faire prendre avec une telle facilité... je suis déçu.

_Dans la pénombre omniprésente, le jeune homme releva la tête et ses yeux pareils à deux lames d'or percèrent brusquement les ténèbres aussi sûrement que la lumière d'une bougie. La première chose qu'il put remarquer était l'obscurité qui l'entourait. Insondable. Bien trop épaisse pour être normale.
_Il voulut évaluer rapidement sa situation, mais les idées avaient du mal à rester claires dans sa mémoire, comme si la moindre parcelle de lucidité attendait qu'il l'effleure pour disparaître subitement. Il avait seulement conscience d'être assis au sol, les jambes à demi-fléchies devant lui et les bras tombant mollement de chaque côté.

___Eh bien, tu en mets du temps, cette fois. Ils ne t'ont pas loupé.

_Cette voix... Un frisson parcourut son dos et le jeune homme laissa son regard errer sur les ténèbres, ces serpents d'ombre s'enroulant entre-eux à l'infini pour ne former qu'un vide nébuleux. La seule chose qu'il lui était possible de voir réellement était le carrelage à damier qui s'étalait sous son corps, d'un mauve sombre tranché de carreaux rouge sang. Une faible lueur d'origine inconnue en faisait luire doucement les teintes sinistres.
_Le prisonnier plissa les yeux alors qu'un doute germait dans son esprit.

_« Oh non... »

___Oh si. Ça te revient maintenant ? Ne me dis pas qu'une double dose de sédatif aurait suffit à te faire oublier tout, ça me vexerait.

_Dans sa poitrine, son cœur s'affola d'un coup. Sans prendre la peine de répondre, Nathan commença à s'agiter, à remuer, comme prit dans les mailles serrées d'un filet.
_Luttant contre son malaise, il força la pression exercée sur ses épaules et parvint à se mettre debout alors que quelque part dans l'ombre, des bruits lourds et cadencés de pas s'élevaient en résonnant dans l'obscurité.

___Vas-y, continue à te débattre, j'aime te voir stresser...

_Après quelques secondes, le propriétaire de la voix apparut enfin. Nathan, dont les doigts s'agitaient en vain autour de ses poignets afin de se libérer dévisagea son sosie. Car en effet, si on omettait la couleur des cheveux de l'autre, d'un blanc éclatant, et celle de ses yeux qu'une teinte rouge sang avait noyé d'un éclat cruel, tous deux étaient identiques ; même corpulence fine, même taille raisonnable, même visage livide.
_L'individu, les traits soulignés par l'éclat funeste du carrelage, poursuivit sa marche angoissante vers le prisonnier, un sourire mauvais dessiné au coin des lèvres.

___... ça me donne envie...

_Nathan tenta de reculer, sans succès. Autour de lui, les parcelles de son cauchemar commençaient à onduler d'une étrange façon. Son cœur battait rapidement dans sa poitrine, bien trop vite pour un seul cœur. Plus le sang pulsait à ses tempes, et plus son environnement se dégradait en se flouant à certains endroits. Des taches rouges dansaient devant ses yeux.
_La peur était en train de le réveiller.
_Sa réplique, qui s'était arrêtée à sa hauteur, posa sa main sur sa gorge et s'avança. Son souffle chaud dérangea les quelques mèches nuit qui tombaient sur le visage du jeune homme. Ce dernier ferma les yeux ; s'il le voyait paniquer, il était perdu.

___... de jouer avec toi.

_Au moment ou l'individu s'approchait encore davantage, un soubresaut plus fort que les autres ébranla le prisonnier qui eut alors l'impression de recevoir un coup de masse sur la tête. Autour de lui, son rêve vira d'un coup au gris nuageux et sembla se morceler avant de disparaître complètement.
_La seule chose qu'il eut le temps de voir avant de chuter fut son bourreau dont l'expression amusée s'évaporait en une fumée blanche aveuglante.


_« Saloperie... »

_Allongé dans l'ombre glaciale de la geôle, Nathan ne bougeait pas. N'osait pas bouger. Pas encore. Pas maintenant.
_Ses sens étaient brouillés, son souffle saccadé comme s'il venait de piquer un sprint. Sous son ventre, la pierre humide parvenait à percer l'épaisseur pourtant non-négligeable de ses vêtements et commençait à l'engourdir peu à peu. Malgré le silence presque total qui figeait l'endroit, il entendait l'écho affolé de son cœur qui battait la chamade dans sa poitrine auquel s'ajoutait un étrange bruit, une sorte de voix chuchotante.

___Saloperie... Saloperie, putain de saloperie de merde... murmura-t-il en se redressant lentement.

_Il passa une main tremblante sur son visage livide.
_Douleur. Douleur lancinante, douleur sourde. Douleur pulsant derrière son crâne, mais trop écrasée par les restes d'angoisse pour être vraiment intolérable.
_Nathan serra les dents. Au creux de son estomac, la sensation de malaise s'était dissipée, remplacée par une nausée vicieuse.
_À demi-conscient, il laissa ses doigts glisser sur sa cuisse. Une petite boule chaude et dure y palpitait, souvenir de la piqûre qu'il avait reçu. La séquelle en elle-même n'était pas douloureuse, mais il avait du mal à émerger complètement.
_Quelques minutes s'écoulèrent, puis le jeune homme releva lentement la tête, la gorge sèche. Ses yeux balayèrent les ténèbres en prenant une teinte jaune intense. Immédiatement, son environnement lui apparut en détail, comme en plein jour, confirmant ce qu'il pensait : il était bel et bien enfermé. Sa cellule, d'environ quatre mètres sur trois, était vide du moindre mobilier. Au dessus, perçant le plafond comme un Eden inapprochable, une unique fenêtre fermée de trois barreaux latéraux laissait vaguement entrer une lumière blanche lointaine. Les murs et les sols, composés de pavés humides, étaient polis par les années de frottements des fins courants d'air qui s'infiltraient à travers la roche.
_Nathan avala difficilement sa salive et plissa les yeux. Son cœur avait fini par se calmer mais le murmure qu'il percevait depuis le début ne s'était pas atténué et commençait à l'interpeller.
_Après en avoir identifié l'origine, il se détourna lentement de moitié et son regard s'attarda sur un coin de la geôle. Il se releva complètement et s'y dirigea d'un pas chancelant alors que ses yeux reprenaient leur teinte dorée habituelle.
_Sa main glissa sur la roche froide, dessina le contour de l'angle avant de se figer. Là. Sous ses doigts fins, un filet d'eau avait percé le mur entre deux pierres et coulait doucement, s'insinuant dans les joints effrités jusqu'à former une petite flaque sur le sol.
_Le garçon n'hésita pas : s'agenouillant souplement, il forma une petite vasque avec ses mains et l'apposa contre le mur.
_Au bout d'un moment, l'eau finit par s'y accumuler suffisamment et il porta le tout à sa bouche. Un frisson parcourut son dos quand le liquide se faufila dans sa gorge, caressant au passage sa langue asséchée. Elle n'avait pas bon goût, cette eau, mais peut-être parce qu'il avait trop soif – ou trop mal – pour penser à ça, il réitéra son geste trois fois ; trois fois durant lesquelles les minutes défilèrent, nombreuses, justifiées par le faible débit. Finalement, le garçon finit par craquer et s'avança brusquement. Ses lèvres rencontrèrent la source, et un filet glacé glissa de son menton jusque dans son cou.
_Le fait de se désaltérer le réveilla complètement. En se redressant, il passa le revers de sa manche sur sa bouche et se détourna.
_Face à lui, entre les pavés de la cellule, une épaisse porte en fer perçait le mur du fond. De gros boulons rouillés faisaient tenir entre elles plusieurs plaques métalliques, sûrement ajoutées pour en augmenter la résistance – en apparence seulement, supposa-t-il –.
_Le jeune homme s'avança vers ladite entrée alors que sa main glissait sur le côté de sa cuisse. Une demi-seconde plus tard, il se stoppait net.
_Silence d'un battement de cœur raté.
_Ses doigts remontèrent le long de son manteau noir, en tâtèrent les manches, les longs pans de tissu sombre, les multiples poches intérieures... rien. Ses armes, quelques qu'elles soient, avaient toutes disparu. Le coutelas coincé dans sa botte manquait à l'appel, celui censé pendre à sa cuisse gauche par un lien de cuir aussi. Et sa mitaine...
_D'un geste vif, Nathan tâta un repli d'étoffe de sa chape, à l'endroit où elle aurait du se trouver. N'y rencontra que la double épaisseur de son manteau.
_Puis l'image de son assaillante lui revint brusquement en tête. Son visage se contracta en une moue de colère et il serra les dents.

_« Au moins, une chose est sûre : elle devait me suivre ou m'observer depuis un moment pour savoir que je cachais ça ici. » pensa-t-il en se forçant à respirer calmement.

_Il leva les yeux. Lumières jaunes.
_Derrière la porte, un couloir aux murs lisses, fissurés à la base par endroit, un sol granuleux, d'un gris sale et humide. La lumière pâle et insuffisante d'un quelconque néon blanc. Au delà, la vue du garçon se troublait ; impossible donc de voir plus loin. Avec la fatigue qui pesait sur ses épaules, sa capacité visuelle devait commencer à faiblir.
_Le décor s'effaça pour revenir à celui, sombre et froid, de la geôle.
_Sans perdre plus de temps, le jeune homme dénoua le foulard pourpre enroulé autour de sa taille et entreprit d'emmailloté l'extrémité métallique de ses bottes avec. Ceci étant fait, il releva la tête vers les barreaux de la fenêtre et, d'un bond souple, s'y accrocha, ses pieds joints pendant dans le vide. Là, il commença à se balancer, lentement d'abord, puis de plus en plus loin. Enfin, lorsqu'il estima avoir suffisamment d'élan, il lâcha subitement son appui. Ses jambes percutèrent la porte en fer qui céda immédiatement avec un bruit retentissant à peine étouffé par le tissu écarlate.
_La violence du choc provoqua une onde brutale qui remonta jusque dans le cou de Nathan. Ce dernier, qui s'était réceptionné habilement, serra les dents. Avec des gestes fluides et appliqués, il libéra ses pieds et replaça le long morceau d'étouffe sombre autour de sa taille, par dessus son tee-shirt noir et le haut de son pantalon.
_Il réajusta le col de son manteau nuit, ignorant la légère douleur qui pulsait dans sa cheville gauche, et eut un sourire crispé.
_Dans l'obscurité, ses yeux s'allumèrent comme deux bougies funestes et, d'une démarche souple et fluide, il se mit en route. Glissa dans le couloir sans un bruit.
_Vif. Habile. Silencieux.
_Comme une ombre en chasse.


_Nathan frissonna et resserra les pans sombres de son manteau autour de sa silhouette mince. Malgré le rythme raisonnable avec lequel il progressait, des soubresauts non-contenus lui traversaient régulièrement le dos comme autant de piques glacées en lui arrachant de temps à autre une grimace irritée. Autour de lui, le long couloir filait toujours vers l'avant, ne tenant pas dix mètres avant d'être avalé par les ténèbres. Ténèbres que perçaient parfois deux yeux jaunes, l'espace d'un instant, juste assez pour se repérer. La lumière grésillante des quelques néons disposés à intervalles irréguliers projetaient sur les murs un halo livide qui donnait du relief aux imperfections granuleuses de la pierre.
_Le jeune homme leva furtivement les yeux. Baissa la tête en soupirant.
_Il commençait à se lasser. Si on lui avait dit, quelques heures plus tôt, qu'il se retrouverait à cheminer à moitié aveugle dans un dédale de couloirs se ressemblant tous les uns aux autres, il aurait réfléchi à deux fois avant d'accepter sa mission. Être plongé dans l'obscurité ne le gênait pas en soit, au contraire, mais l'idée même qu'il puisse se trouver actuellement hors service l'agaçait, il avait le sentiment d'être inutile. Et savoir qu'il n'en avait pas encore fini suffisait à lui faire serrer les dents.
_Comme pour chasser ses pensées noires, Nathan concentra son attention sur le sol effleuré par les bouts métallisés de ses bottes. À certains endroits s'étendaient des flaques d'eau croupie, résultat des nombreuses fissures étroites qui parsemaient le pied des parois humides. Avec les infiltrations et l'apparence peu engageante de l'endroit, le jeune homme commençait à se demander si, d'une façon ou d'une autre, il ne s'était pas retrouvé sous la ville. Car même s'il ignorait combien de temps il avait dormi, le fait qu'il ait pu être déplacé sur une longue distance lui semblait peu probable.

_« Mais pas impossible... », se fit-il remarquer mentalement.

_Cette dernière réflexion le ramena brusquement à la réalité. En repensant à la responsable de son enfermement, une onde de colère lui traversa le corps. Il s'était fait avoir comme un débutant, et ce n'était pas faute d'avoir été prudent. Mais, encore une fois, se morfondre dans son impuissance n'y changerait rien, alors autant rester attentif.
_Néanmoins, malgré ses efforts, son attention déviait obstinément pour venir se fixer sur la jeune femme et son sourire moqueur. Il finit par abandonner et se laissa glisser dans la réflexion.
_Plusieurs minutes s'écoulèrent, rythmées par un profond silence. Seuls le bruit des pas du jeune homme s'élevait dans l'ombre. Des bruits auxquels s'ajouta très bientôt un murmure clair haché de grincements. Nathan releva la tête.
_Devant lui, au bout du corridor, les premières marches d'un escalier de béton apparurent. Il les gravit sans un mot, le visage fermé.
_Ce n'est qu'une fois arrivé en haut qu'il comprit. Les couloirs, deux fois plus élargis qu'au niveau inférieur, filaient désormais dans différentes directions. De larges canaux relativement profonds étaient creusés au milieu des galeries et il y croupissait une eau sale qui donnait à l'air ambiant une odeur d'ordures en décomposition. De nouveaux néons blancs fixés aux murs émettaient une lumière pâle qui repoussait vaguement les ténèbres alentours. Sur tous les murs ou presque courait un réseau de gros tuyaux cuivrés d'où perçait le clapotis étouffé d'une eau en mouvement. Le plafond, couvert de toiles poussiéreuses, laissait s'échapper des gouttes qui s'écrasaient sur le sol de pierre en formant des petites flaques souillées.
_Toujours silencieux, Nathan s'avança dans la galerie, remarquant au passage qu'il ne s'était pas trompé.
_Il était bel est bien sous la ville d'Ey'Nyrok.

_« Voilà qui en dit long sur mon hôte... » songea-t-il avec un sourire dédaigneux.

_Son attention se refocalisa sur les différents couloirs : deux d'entre eux filaient à gauche et à droite avant de se rediviser encore, créant toujours plus de chemins. Les possibilités de retrouver la jeune femme dans un tel labyrinthe ne s'élevaient pas très haut.
_Le garçon serra les poings et ferma les yeux, cherchant à capter un maximum de senteurs qui pourraient le mettre sur la bonne piste. Mais si sa vue lui était toujours d'une grande efficacité, cela n'était pas vraiment le cas de son odorat. D'autant plus que pister une odeur qu'il ne connaissait pas n'arrangeait en rien la situation.
_Il se tourna. Face à lui, de l'autre côté du canal, un tunnel obscur plus grand que les autres s'ouvrait vers les ténèbres que perçaient, au loin, les lueurs fragiles des néons. Les yeux du jeune homme se perdirent un instant dans le courant qui glissait paresseusement à ses pieds, cinquante centimètres plus bas.

_« Soit je passe directement au risque de me mouiller par cette température – et de sentir fort –, soit je contourne et cherche un moyen de traverser, mais en ayant conscience que je peux ne pas retrouver cet endroit. Dans les deux cas, si je me suis trompé... »

_Nathan détestait hésiter. Aussi, sans prendre la peine de réfléchir plus, il se mit en marche, empruntant au hasard le couloir de gauche.

_« Qu'importe le temps que ça va prendre, je te retrouverai » songea-t-il alors qu'il s'enfonçait dans la semi-obscurité, l'expression dure.

_Derrière lui, la plupart des néons grésillèrent brusquement avant de s'éteindre, plongeant l'endroit dans un noir quasi-total.
_Un excellent point de repère.

_« Mais quand ce sera fait, crois moi, je ne vais pas te louper. »


_Quelque part au milieu de la galerie sombre, l'écho d'une marche rapide résonnait au milieu d'un concert de grincements tous aussi peu rassurants les uns que les autres.
_La jeune femme accéléra son allure, étouffant au mieux sa respiration, les bras entrecroisés contre sa poitrine pour conserver un minimum de chaleur corporelle.
_Son soupir las s'éleva ; on avait beau dire et répéter que le printemps était enfin là, l'hiver ne semblait pas décidé à céder sa place aussi facilement. Et si pendant les journées, les températures étaient plutôt agréables, les nuits, en revanche, demeuraient aussi froides qu'en pleine saison de neige.
_Nouveau soupir. Un frisson parcourut le dos de l'inconnue qui ne put s'empêcher de jeter un regard furtif vers l'arrière. Elle ne vit que les ténèbres qui semblaient la poursuivre, troués ça et là de points lumineux, lumières livides des lampes qui résistaient encore à l'oppression de la pénombre et de l'humidité.
_Tout en accélérant davantage le rythme, la jeune femme serra les dents. Elle sentait comme un malaise qui flottait en l'air, sans-doute dû aux relents des égouts coulant au creux de leur vallon, à moins d'un mètres d'elle. Mais bien qu'elle tentât tout pour éloigner ses sombres pensées, son cœur ne pouvait s'empêcher de battre anormalement vite, comme si un quelconque sixième sens s'était activé en elle après son arrivée ici. Pourtant, il n'y avait absolument aucune raison que quelqu'un la suive.
_... Sauf peut-être des fantômes perdus ou des âmes errantes hantant le souterrain qui n'attendaient qu'un signe de faiblesse de sa part pour fondre sur elle.
_La fille s'asséna une claque mentale, chassant d'un coup ses idées sinistres ; il ne manquait plus qu'elle ne se fasse peur tout seule.
_Cependant, une question retenait son attention, et en cheminant seule dans l'obscurité, elle ne pouvait s'empêcher d'y songer : était-ce possible pour un fantôme de marcher ? Non... de courir, même... ?
_Elle serra les poings alors que son cœur fébrile manquait un battement. La pénombre seule a cette capacité à faire naître brusquement en vous des pensées noires qui ont tendance à vous embrouiller l'esprit si on n'y prend pas garde. Pourtant, quoi qu'on en dise, l'humaine en aurait mis sa main au feu : c'était bien des pas qu'elle percevait derrière elle, des pas qui, à mesure qu'elle accélérait, se rapprochaient.
_En retenant un petit cri de peur, sans prendre le temps de réfléchir plus, elle se mit à courir alors que ses yeux, balayés par l'air glacé, se remplissaient de larmes. Des larmes qui brouillèrent sa vue et eurent pour effet que l'angoisser encore plus. Le bruit de sa course résonnait dans la grande galerie, mêlé à la répercussion de son souffle affolé et au silence qui s'était fait dans son dos. Croyant avoir semé son poursuivant, la fille tourna furtivement la tête... voulu tourner la tête.
_Elle fut soudainement arrêtée en plein élan et, alors que son cri restait coincé dans sa gorge, son corps vint violemment percuter le mur et elle fut repoussée dans le couloir qui venait de s'ouvrir à sa droite.
_Incapable de réagir, la jeune femme se retrouva bientôt allongée sur le dos, écrasée entre le sol dur et glacé et une masse noire. Une main blafarde se referma autour de sa gorge offerte. La victime écarquilla les yeux, terrorisée, alors que le poing de son assaillant fusait vers son visage.
_Alors, elle ne tint plus : dans un élan d'épouvante, oubliant complètement sa situation et ce qui l'entourait, elle ferma les yeux.
_Et se mit à hurler.


_Sursaut.
_Nathan arrêta son poing à un centimètre du visage de la fille dont le cri finit par s'éteindre. Étonnée de ne pas ressentir le coup, cette dernière resta pétrifiée cinq bonnes secondes puis, très lentement, ouvrit les yeux. Le cœur du garçon sursauta.
_Bien qu'il n'avait pas vraiment eut le temps d'identifier son agresseuse lorsqu'il s'était fait attaqué, les moindres détails qu'il avait réussi à entrevoir restaient cependant gravés dans sa mémoire. Et il avait beau se résonner et réfléchir à toute vitesse, il se rendit bien vite à l'évidence : il s'était trompé.
_Ce n'était pas elle. Ce n'était pas la femme qui l'avait drogué.
_Sous lui, voyant son assaillant hésiter, la jeune fille tenta de remuer. Se pétrifia lorsque l'attention de Nathan se refocalisa immédiatement sur elle. Ses prunelles vert-marron, encore luisantes de larmes, rencontrèrent celles du garçon qui la dévisagea un long moment, encore hébété par l'erreur qu'il venait de commettre. Personne ne proférait un mot, seul le bruit régulier des gouttes d'eau s'écrasant au sol rompait le silence.
_D'une main, Nathan avait enserré les deux poignets de sa victime et gardait l'autre serrée autour de sa gorge par mesure de prudence. Il avait appris bien tôt qu'il fallait toujours se méfier des gens, en particulier dans ce genre de situation. Bientôt, son incompréhension fit place à une certaine méfiance et ses yeux prirent une teinte soupçonneuse.

___Qui es-tu ? questionna-t-il sans bouger.

_Toujours plaquée contre la pierre glacée, la fille frémit lorsque le son froid et grave de la voix parvint à percer la barrière cotonneuse de sa conscience encore sous le choc. Elle émergea peu à peu des limbes où, dans son moment d'angoisse, elle avait été un instant engloutie comme une simple mouche dans du miel. Elle parvint à reprendre ses esprit alors que la question de Nathan, prononcée avec plus de méfiance encore, s'élevait de nouveau au dessus d'elle.

___Qui es-tu ? répéta ce dernier en resserrant malgré lui ses doigts sur sa prise.
___C... Cassandre, répondit finalement l'intéressée d'une voix tremblante qui se voulait contenue. Je... je suis dresseuse de Pokémon, je–
_Qu'est-ce que tu fais-là ? coupa aussitôt le jeune homme.

_La victime déglutit difficilement. Dans l'ombre, les yeux jaunes de son agresseur la fixaient avec une telle intensité qu'elle se sentait incapable de réfléchir correctement. Seule une pensée demeurait limpide dans son esprit : il ne fallait surtout pas qu'elle mente. Ce regard-là ne trompait pas, et elle se doutait que le garçon n'était pas dupe.

___Je devais quitter Ey'Nyrok ce soir. Je suis passée par les égouts pour raccourcir le chemin et éviter toutes les ruelles mal-famées de la ville...

_Supplication des prunelles kaki. Riposte immédiate de deux lames dorées. La fille serra les dents.

___Je... ne mens pas ! articula-t-elle alors qu'une pointe de colère commençait à repousser sa peur. Je n'ai aucune raison de mentir !
___Est-ce que tu as remarqué quelque chose d'inhabituel ? Vu des choses bizarres ?
___N... Non... répondit l'interrogée, visiblement étonnée. J'ai dit que je m'étais dépêchée d'atteindre les égouts.

_Nathan restait silencieux, le regard dans le vague. Sa victime, qui avait remarqué son trouble, plissa les yeux.

___Qu'est-ce qu'il y a ?
___Rien, fit le jeune homme en se redressant. Tu as bien fait de passer par ici.

_« Il se moque de moi ou quoi ? », ne put s'empêcher de penser Cassandre en frottant ses poignets endoloris.

_De son côté, Nathan s'était relevé et, tout en réajustant les manches de son manteau noir, il regardait du coin de l'œil la femme qui remuait ses mains pour réactiver la circulation du sang au bout de ses doigts. Des cheveux cuivrés, rassemblés en deux longues tresses épaisses d'où repiquaient quelques mèches rebelles, des yeux vert-marron ouverts sur un visage rond, une peau relativement bronzée et des hanches rondes accentuées par une petite taille. Un lourd manteau crème couvrait ses épaules avec, en prime, une large capuche cerclée de fourrure brune. Son jean sombre était quelque peu délavé et ses bottes d'hiver, maintenues serrées autour de ses mollets par des lacets de cuir, remontaient jusqu'en bas de ses genoux.
_Nathan ne remarqua pas que Cassandre s'était relevée, et cette dernière lui lança un regard curieux.

___Un problème ?
___Non, se rembrunit l'intéressé en reprenant aussitôt son masque froid et imperturbable.

_La jeune femme le dévisagea sans comprendre.
_Au bout d'un moment cependant, elle se reprit et questionna d'une voix mal assurée :

___Et vous...? Qu'est-ce que vous faite là ?
___Peu importe, répondit le garçon en faisant demi-tour.

_Le visage de Cassandre s'assombrit d'indignation.

___Et ça ne vous gène pas de filer comme un voleur après m'avoir sauté dessus ?

_Moment de flottement. Quelque part dans l'ombre, une goutte d'eau s'écrasa au sol et sur le mur de gauche, le néon grésilla, envoyant des flash de lumière blanche sur les tuyaux des canalisations avant de s'éteindre de nouveau.
_Nathan se retourna.

___Non.

_La femme fixa son interlocuteur un instant, hébétée, puis baissa les yeux. Ses mains trituraient nerveusement les manches duveteuses de son manteau.

_« Putain, elle va réussir à me faire pitié. »

_Le jeune homme hésita, ferma les yeux et, poussant un soupir d'exaspération, revint sur ses pas. Il passa devant Cassandre sans même s'arrêter.

___Qu'est-ce que...?
___Tu veux sortir, non ? Il y a des ouvertures à l'air libre toute les deux intersections, donc la prochaine sera la bonne.

_La brune cligna des yeux. Une seconde s'écoula, puis deux, et ce fut le déclic. En retenant un sourire de soulagement, elle rattrapa la distance qui la séparait de Nathan au pas de course. Une fois à sa hauteur, elle surpris le regard furtif que ce dernier lui lança et l'interrogea des yeux.

___Ne traîne pas, répondit le garçon pour toute justification. Je suis pressé.


_Nathan marchait en tête, d'un pas devant Cassandre qui fixait le dos de son guide silencieux, peu sûre d'elle. Ses yeux traînèrent un instant, rêveurs, sur les murs gris et froids avant de revenir se focaliser obstinément sur le long manteau noir devant elle qui ondulait au rythme de leur marche, repoussé par moment par des courants d'air filant dans la galerie.
_Quelque chose chez cet homme la gênait. Peut-être sa démarche, bien trop souple pour ne pas avoir été travaillée, ou même sa façon de parler. Sa tenue en elle-même n'était pas pour inspirer la confiance : pantalon de toile sombre – par cette température, le fou –, en tee-shirt sous son manteau, d'après ce qu'elle avait pu remarquer, des bottes qui ressemblaient beaucoup aux siennes, bien qu'elles soient noires et non marron, métallisées par endroit et dépourvues de fourrure.

___Je crois qu'on y est.

_Cassandre sursauta, soudainement arrachée à ses pensées. Devant elle, Nathan s'était arrêté et gardait les yeux en l'air, l'attention fixée sur des barreaux légèrement rouillés qui remontaient le long du mur avant de disparaître par un trou raisonnable ouvert dans le plafond.
_La fille sentit son cœur se stopper une demi-seconde.
_Un léger sourire se dessina sur son visage et elle s'avança tranquillement vers l'échelle alors que Nathan s'accroupissait et entremêlait ses doigts comme pour faire une marche supplémentaire.
_Comprenant le message, Cassandre y posa son pied, prit un peu d'élan et vint attraper les premiers barreaux humides. Elle commença à se hisser et, voyant que Nathan ne la suivait pas, baissa la tête vers ce dernier.

___Vo... Tu ne viens pas ?
___Non, répondit le jeune homme qui sembla se détendre une infime seconde en notant l'emploi du tutoiement. (Son expression s'assombrit imperceptiblement.) J'ai encore des choses à faire ici.

_Son interlocutrice opina lentement du chef et reprit son ascension. Une fois en haut, elle repoussa la porte ronde en fer d'une main, veillant bien à s'accrocher. Elle se glissa par l'ouverture et sa tête reparut une dernière fois.

___Merci.
___Je suppose qu'on est quitte, répondit simplement le jeune homme.

_L'ombre d'un sourire s'était dessiné sur son visage, sourire qui se transmit à Cassandre avant qu'elle ne disparaisse en refermant le passage derrière elle.
_Sourire qui se fana.
_Qui se transforma en rictus lorsque le jeune homme se tourna vers le tunnel s'ouvrant à droite de celui par lequel il était venu.

_« Ça n'aura pas eut que du mauvais », pensa-t-il en plissant les yeux.

_Il se mit immédiatement en route, cheminant en silence et seul dans la pénombre environnante. Ses paupières lourdes et les frissons qui parcouraient ses avant-bras ne trompaient pas : le froid et la fatigue commençaient sérieusement à s'emparer de lui.
_Au bout d'un certain temps, il arriva dans un nouveau carrefour. Un seul regard autour de lui l'informa qu'il avait vu juste : de l'autre côté du vallon, trois des quatre néons fixés au mur étaient éteints, preuve irréfutable qu'il avait finalement réussi à passer de l'autre côté.
_Lorsqu'il se détourna, se remettant en marche, une lueur inquiétante brillait au fond de son regard..
_Bientôt, le décor changea quelque peu. De chaque côté, une série de portes en fer perçaient désormais le mur à intervalles réguliers. Le jeune homme, satisfait une fois de plus d'avoir suivi son instinct, n'hésita pas : ses yeux prirent cette teinte jaune intense si particulière, et il analysa rapidement les alentours.
_Finalement, il avança en biais, veillant à rester silencieux comme une ombre, et apposa sa main sur la poignée glacée de l'une des portes face à lui. Il serra les dents, n'hésita qu'une demi-seconde.
_Et la poussa lentement.


_La première chose qu'il put remarquer fut l'obscurité omniprésente de l'endroit. Loin que cela soit un problème, il parcourut la pièce des yeux : de taille raisonnable, des murs aussi froids et laids que ceux des couloirs. Au plafond, un trou fermé de barreaux laissait filtrer une infime lumière pâle, bien plus agréable que celle des néons. Sur les côtés, des cartons plus ou moins utilisables traînaient, débordant de livres et autres babioles. Une odeur humide de renfermé flottait en l'air.
_Puis l'attention du jeune homme fut attirée par un mouvement au centre de la pièce. Il serra les poings alors que son visage se fermait.
_La fille, appuyée sur un vieux bureau, s'enfonça dans son siège, posa son bras sur l'accoudoir et y appuya sa tête.
_Un sourire moqueur se dessinait sur son visage.

___Eh ben, t'en a mis du temps, fit-elle d'une voix doucereuse.
___Toi... siffla Nathan en faisant un pas vers elle, sentant ses muscles s'échauffer sous son accès brutal de colère
___Oh non, non. Je ne te conseille pas, mon joli, riposta la jeune femme sans se départir de son expression insupportable.

_Il y eut un bruit venant du fond de la pièce et le garçon comprit ce dont il s'agissait avant même d'en voir l'origine.
_Un homme qu'il n'avait pas remarqué au début émergea de la pénombre ; tout en muscles, une peau noire très foncée, habillé d'un simple sweet auparavant blanc et d'un large pantalon imprimé treillis.
_Et, bien-sûr, il tenait dans sa main, en évidence mais pas trop, un couteau – celui de Nathan, le seul qu'il avait réussi à conserver lors de sa rencontre avec les créatures –.
_Le colosse le gratifia d'un regard mauvais. L'ex-prisonnier serra les dents et refocalisa son attention sur la fille qui avait passé une main dans ses longs cheveux de jais.

___Pourquoi ?
___Pourquoi quoi ? répliqua cette dernière, l'air distrait.

_« Putain. »

___Pourquoi je suis ici ? articula Nathan en refrénant au maximum son irritation qui, couplée à la fatigue, prenait peu à peu de place sur sa raison.
___Je t'ai remarqué, toi et d'autres personnes, dans les rues d'Ey'Nyrok et je... non, on t'a capturé et transporté jusqu'ici.
___Mais pourquoi ici ?
___Parce que c'est plus tranquille qu'en haut, répondit son interlocutrice comme si elle s'adressait à un abruti. Bon, évidement, les niveaux inférieurs sont moins agréables pour y dormir, mais bien plus pratiques pour servir de cellule...

_Elle coula un regard vers le jeune homme.

___... quoique.
___Et vous avez vu des choses ?
___Des choses ? Comme ?

_Les épaules de Nathan se crispèrent alors que le visage de la fille s'éclairait.

___Ah...! Ces monstres, là ? Oui, je les ai vu.

_Le jeune homme ouvrit la bouche puis la referma, complètement scié.

___Ça à l'air de t'étonner, remarqua la femme avec une moue enfantine. Tu n'étais pas notre première proie, tu sais. C'est eux qu'on suivait, à la base. Depuis la ruelle... Abiel ?
___Ruelle Sud-Est, je crois, répondit le grand Noir.
___Ah ouais, c'est ça. Bref, des trucs immondes qui ressemblent à des Hybrides mais qui n'en sont pas ?
___... Oui.

_La jeune femme appuya un coude sur le bureau qui grinça d'indignation.

___Cette histoire me tracasse aussi. Je ne sais franchement pas ce que ça pourrait être à part des monstres ou des mutants.
___Qu'est-ce que tu sais sur eux ?
___Pas grand chose, à part qu'ils n'ont pas l'air commodes et qu'ils se multiplient relativement vite – en voir
deux fois en un mois, ça commence à faire beaucoup –. On dirait aussi qu'ils suivent une autre volonté que la leur.

_Nathan prit soin d'enregistrer soigneusement toutes ces informations dans sa mémoire et se reconcentra sur son principal objectif.

___Et pourquoi moi ?
___Ça fait beaucoup de questions... soupira la jeune femme qui avait enroulé une mèche bouclée autour de son index et jouait maintenant distraitement avec.
___Éléonore, intervint le colosse qui avait remarqué que les yeux du garçon s'étaient enflammés d'un jaune inquiétant. Vas-y doucement, il à l'air impulsif.

_La dénommée Éléonore regarda un instant son compagnon puis tourna la tête vers l'intéressé qui n'avait pas bougé.
_Elle apposa ses deux coudes sur la table, croisa les mains et y reposa son menton, son regard chocolat soudainement plus sérieux.

___Vois-tu, gamin – Nathan frissonna à cet emploi, car il semblait à peine plus âgé qu'elle –, cette nuit j'ai remarqué à plusieurs reprises que tu semblais doué, très doué même, pour tout ce qui est pister, escalader et j'en passe. Le genre de type qui sait se fondre dans l'ombre sans qu'on le remarque.
___Et donc.
___Et donc tu t'en doutes : les temps sont durs. C'est de ce genre de personnes dont j'ai besoin pour les missions.
___Quel genre de missions ? questionna le jeune homme en plissant les yeux, soudainement suspicieux.
___Oh, de petites transactions, rien de bien méchant.

_Pour accompagner ses dires, Éléonore se pencha en avant et disparut derrière le bureau alors que son interlocuteur, qui avait peur d'avoir comprit, se tendait imperceptiblement.
_Lorsque la fille reparut, elle déposa un objet sur la surface gondolée devant elle et le tritura du bout du doigt. La vue du petit sachet rempli d'un poudre blanche semblable à de la farine confirma ce que Nathan pensait. Une bouffée de colère l'envahit.

___Et vous voulez que je vous serve de pont, que je fasse passer votre marchandise à d'autre ?
___Tu as tout compris ! sourit la jeune femme, le visage rayonnant. Il m'en faudrait dix comme toi.
___Je refuse.

_Assourdissant moment de silence.
_Le sourire d'Éléonore se fana et dans son regard naquit une lueur grave et mauvaise.

___Je te demande pardon ?
___Je refuse de faire passer cette putain de drogue en dehors des murs d'Ey'Nyrok. Ce sont des gens comme vous qui ont corrompu ce monde, et c'est à cause de ce genre de choses qu'il va si mal.
___Ce monde, comme tu dis, est déjà pourri jusqu'à la moelle, alors un de plus, un de moins.

_L'ambiance était électrique, il aurait presque été possible de voir des étincelles se former entre les deux interlocuteurs. Abiel demeurait toujours silencieux, le visage fermé. Éléonore inspira.

___Ta réponse ?
___Tu me dégoûtes, cracha froidement Nathan, les poings si serrés que ses articulations blanchissaient à vue d'œil. Les ordures comme toi méritent de crever cent fois.
___C'est la réflexion que font tous ceux qui pensent encore qu'il y a de l'espoir, qu'il y a quelqu'un, là-haut, qui peut encore nous sauver. Tu me fais pitié.

_Le jeune homme cilla à cette dernière insulte et un goût acide lui picota la langue.
_La fille, quand à elle, avait passé une main dans son décolleté et en ressortit un morceau de tissu noir.

___C'est ça que tu veux ? questionna-t-elle en voyant Nathan esquisser un pas vers elle. Si tu acceptes le marché, je te la rends ainsi que toutes tes armes. Sinon, je la réduis en charpie.
___Sale garce.
___... Très bien.

_Elle empoigna l'arme d'Abiel avec une vivacité ahurissante. Mais Nathan, qui avait vu le coup venir, se jeta sur elle et sa main droite se referma sur sa gorge.
_Alors, sans qu'il ne soit capable de la refréner, sa colère prit brusquement le dessus et l'engloutit comme une vague brûlante. Ses yeux s'enflammèrent et une véritable onde de choc incontrôlée partit de son bras et traversa le corps de sa victime. Cette dernière se cambra en écarquillant les yeux de stupeur alors que l'arc électrique carbonisait littéralement sa poitrine.
_Un cri muet sortit de sa bouche ouverte, ses paupières se révulsèrent. L'instant d'après, son corps raidit se relâchait pour venir heurter le sol froid.
_Il y eut un long silence.
_Nathan se releva lentement, haletant, et effleura sa bouche du dos de la main où il tenait serré le précieux tissu noir. Son autre main encore fumante tremblait légèrement.
_Abiel, qui avait assisté à la scène, se précipita vers Éléonore en poussant un cri médusé. Ses yeux exorbités s'humidifièrent lorsque, dans ses bras, la fille restait immobile. Ses épaules s'affaissèrent. Il serra les dents et, en levant la tête, ses prunelles sombres se heurtèrent violemment à deux lames dorées impitoyables. Et pour la pour la première fois, il eut peur. Peur de ce qu'il allait devenir. Peur de mourir. Parce qu'il savait qu'en cet instant tout se jouait selon le désir de ce garçon.
_Lorsque le garçon esquissa un geste vers lui, Abiel ferma les yeux. Il se sentit la présence d'une main glaciale s'approcher de lui.
_De longues secondes s'écoulèrent, il ne se passa rien.
_Abiel se risqua à ouvrir les yeux. Sursauta : à ses pieds, devant lui, le couteau qu'il avait laissé tombé avait disparu.
_Et dans la pièce, il n'y avait plus personne.


_Non-loin des frontières de la ville, une silhouette glissa sans bruit dans la fraîcheur de la nuit en direction du Nord-Est, vers de la forêt. Une fois la lisière atteinte, elle s'arrêta.
_Nathan huma profondément l'air glacé de la nuit. Étrangement, la Lune semblait plus belle qu'à son habitude.
_Sous cette clarté pâle, le corps du jeune homme se mit à luire. Il fut enveloppé d'une douce lumière blanche et bleutée. Des étincelles dorées coururent le long de ses membres. Fourrure sombre, prunelles d'or.
_L'instant d'après, il s'était évanoui dans la nuit.


___Tu les as retrouvé ?

_La jeune femme laissa le vent nuptial soulever doucement ses cheveux.

___Oui. Ils étaient morts. Tous les trois, finit-elle par répondre en regardant son interlocuteur dont le visage masqué par une large capuche rouge sombre ne laissait entrevoir que le bout d'un menton.

_Ce dernier ne dit rien et se détourna. La fille ouvrit la bouche pour parler puis se ravisa.
_L'inconnu, qui l'avait cependant remarqué, se détourna.

___Oui ?
___R–rien...
___Tu as quelque chose à dire, alors dis-le, gronda-t-il d'une voix rauque et menaçante.

_Son interlocutrice frémit, hésita.

___Je... je n'en suis pas sûre, mais...

_Elle se tut un instant alors que ses pouces venaient frotter doucement ses poignets.

___... mais je crois que je sais qui les a tué.


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