Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

B.I.C : Le Point de Non-Retour de Luxya



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Luxya - Voir le profil
» Créé le 12/07/2013 à 19:39
» Dernière mise à jour le 19/07/2013 à 21:27

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Ch. 13 Nous sommes tous des criminels
Un goût amer trônait dans la bouche de Nathan. Arraché de la voiture du B.I.C par la manche de son t-shirt noir, les menottes inconfortablement liées dans son dos, les poignets serrés sous l'emprise du fer glacé, la tête effleurant la toiture du véhicule, il planta ses yeux dans le soleil en réalisant qu'il risquait de ne pas le voir avant un moment. Alors que la lumière l'avait temporairement aveuglé, l'empêchant d'avancer malgré les remarques de Kyle qui le tenait, il revit le regard empli de dégoût de son meilleur ami. Cet air indécis, complètement perdu, qui s'était ensuite changé en haine profonde. L'avocat avait hurlé des insultes inconnues à son langage habituel, si beau manipulateur des mots qu'il est, alors que le brun était cassé en deux à rugir pour exprimer la douleur qui l'envahissait. Tout s'était enchaîné trop vite, et à ce moment précis, là, en marchant mollement vers le B.I.C., la seule chose dont il mourrait d'envie, c'était de se laisser aller à sangloter comme un bébé.

Mais non. Il fallait être fort. Prouver son innocence. Clamer qu'ils avaient tort. Et c'était difficile de vouloir le crier alors qu'il était entouré de ses coéquipiers qui venaient de l'arrêter. Entre Camille qui avait descendu sa casquette jusque devant ses yeux pour cacher ces deux billes rougies par les larmes, Logan qui n'osait même pas regarder plus haut que le sol, Kyle qui levait fièrement la tête en pensant à son salaire, prêt à réceptionner la mine ahurie de Dick Nantelieu. En pénétrant dans les bureaux, les agents semblaient déjà être au courtant de la situation. On le fixait. On le dévisageait. Ce fut de courte durée car Kyle l'entraîna dans un escalier qui menait à un étage plus bas. Il actionna une portière coulissante.

- Bienvenue en prison, Nath', dit-il.

Ce dernier retenait une envie de lui cracher dessus. Pourquoi Kyle avait osé agir comme ça ? Quelque chose de bouillant remuait en lui, et il ne fallait pas plus qu'une remarque sarcastique pour lui faire expulser toute la véhémence qu'il canalisait en lui. Accusé de meurtres, perdre son meilleur ami, perdre la confiance de ses collègues, se retrouver en espace clos, quoi de pire ? Quoi de pire pour lui ?

Les prisons étaient plutôt particulières au B.I.C. Les criminels logeaient donc sous les pieds des agents, dans un monde secondaire aménagé. Les bureaux étaient suffisamment grands pour laisser rentrer des centaines de prisonniers, en général les plus influents et dangereux pour la société. Le système de sécurisation affilié était logiquement très performant, ne laissant entrevoir aucune porte de sortie pour les condamnés. Les cellules se joignaient, parfois uniques ou doubles, parfois triples. Les genres étaient séparés pour empêcher tout problème. Des terrains extérieurs avaient été construits à leur nivelage pour éviter d'avoir à emprunter un escalier ou un ascenseur. Des terrains qui restaient plutôt agréables pour des gens coupables de crimes. Là, ils pouvaient entraîner leurs Pokémon, et les voir.

Ce fut justement la première chose qui arriva à Nathan. Kyle l'amena jusqu'au guichet d'entrée, saluant brièvement une femme forte et tatouée sur l'ensemble du corps. Elle était enfermée dans une cage en verre, assise face à un ordinateur, et un trou sphérique au sein de la vitre lui permettait de communiquer avec les agents extérieurs. Ses cheveux roux remontés en queue de cheval négligée n'inspirèrent pas grand chose au blond à l'apparence si soignée. Il la considéra, la bouche retroussée, avant de présenter son badge.

- Agent Lanter, suspect à incarcérer.
- Trois nuits en attente d'une comparution ? demanda-t-elle avec une grosse voix masculine.

Il sursauta.

- ... Oui, c'est ça. Les preuves à son encontre ne peuvent que l'amener jusque là.

Elle tapota son clavier avec ses doigts abîmés autour des ongles, eux-mêmes rongés à l'extrême. Nathan s'éclaircit la gorge, déglutit. Il avait déjà eu l'occasion de la croiser en amenant quelques suspects à garder au chaud, et n'avait jamais été spécialement tendre avec elle.

- Alors mon mignon, comme ça c'est toi qui te retrouves derrière les barreaux ? continua-t-elle en le gratifiant d'un sourire jaunâtre. La Cellule B8L-K double est disponible. Tu vas te faire un copain avec qui tu pourras dormir en réfléchissant sur ton sort.
- Oh joie... dit Nathan d'un air faussement ravi.

Elle valida l'action, se leva péniblement de sa chaise et commença à sortir de sa cabine en verre en soufflant bruyamment. Nathan recula un peu, presque effrayé qu'elle lui saute dessus et en fasse son déjeuner. Elle s'approcha, dégrafa de la ceinture de Nathan son révolver, sa plaque et ses quatre PokéBall plutôt méchamment.

- Hey !
- Les PokéBall sont stockées dans une salle à cet effet. À moins que vous n'ayez quelqu'un pour s'en occuper. Vous pouvez les voir une fois tous les deux jours. Donc pour vous, ça sera demain.

Kyle le tint un peu plus en sentant la vague de haine monter chez son ancien équipier. Ce dernier gigota dans tous les sens et essaya de la suivre.

- Écoute-moi la grognasse, dans ces PokéBall se trouvent des agents formés de qualité et qui sont comme mes enfants. Manie leurs PokéBall encore comme ça, fais-leur quoi que ce soit de mal, et je peux te jurer que quand je reprends du service, je me charge de tes grosses fesses.

Elle se retourna, s'avança vers lui et lui fit sentir son haleine avec un sourire étiré. Il cligna les paupières une dizaine de fois, avant de constater qu'elle avait du manger un régiment de Barpau à l'ail. Elle désigna un agent à Kyle, qui tenait un plan électronique en main, pour conduire Nathan en cellule. Il lui tendit donc l'homme comme si c'était un vulgaire assassin qu'il ne connaissait pas, avant de s'en retourner à l'étage.

- Pense à ce que t'as fait Lanter, tu as détruit ma vie ! cria le suspect en reculant de force, tremblant.

Kyle baissa la tête. Il se mordilla l'intérieur de la bouche, étrange, regarda en coin et soupira.

- Je sais.


= =


- OÙ EST MON AGENT ? JE VEUX MON AGENT, BON SANG DE CUVETTE !
- Inspecteur Nantelieu, calmez-vous !
- CASSE-TOI DE LÀ FEMME, JE VEUX VOIR MON AGENT MAINTENANT !

Début de soirée. Les cris rauques de Dick se perdaient dans le hall de la prison du B.I.C. La grosse femme faisait tout son possible pour calmer le grand benêt qui ne cessait de s'énerver. Ayant du s'absenter d'urgence dans l'après-midi, il n'avait pas eu l'occasion de courir le voir. C'était sa seule priorité désormais. Les autres agents ne lui importaient que très peu à l'instant présent.

- Les prisonniers vont devoir manger, et les heures de visite sont achevées depuis une demi-heure !
- Ça m'est égal ! Il n'aura pas faim de toute façon, si je ne le vois pas MAINTENANT, je peux vous assurer que le grand patron entendra parler de vous !

Elle regarda dans tous les sens. Puis, blasée, elle accepta de lui fournir la carte d'accès, non sans oublier de pousser un gros soupir, ainsi que le numéro de sa cellule. Dick les attrapa au vol, se mit à longer les longs couloirs blancs et lumineux de l'établissement. Les prisonniers enfermés dans des cellules en verre se mirent à frapper avec leurs poings pour faire retentir la matière, et criaient toutes sortes d'injures au policier qui avançait, penaud. Dick n'avait que peu d'estime de lui, et se faisait vite écraser par la masse l'entourant. Il continuait néanmoins à chercher avec détermination la cellule B8L-K, en espérant pouvoir régler cette situation au plus vite. Après avoir passé 10 minutes à chercher sans trouver, se confondant dans les couloirs tout aussi identiques les uns que les autres, il s'arrêta aux abords d'une cellule, et demanda à un vieil homme qu'il croisait pour la troisième fois :

- Bonjour, vous saurez pas où sont rangées les cellules B8 ?

Le vieil homme avec ses paupières tombantes, sa peau ridée, lui expliqua avec une étrange gentillesse, que les cellules étaient sous forme de quartiers en carré. Il pointa de son doigt tout fin la direction, en s'exclamant que c'était étonnant de la part d'un inspecteur de ne pas s'y connaître. Ce dernier le remercia bien cinq fois avant de s'élancer vers son agent.


Allongé sur un matelas raide, recouvert d'un seul drap devenu gris au fil des lavages à répétition, la main encastrée dans le mur de briques, serrant fort l'une d'elle pour avoir cette sensation de contrôle sur au moins une chose, Nathan enfonçait un peu plus sa tête sur le coussin plat. Avec ses pieds, il touchait le plafond en lui donnant des coups avec le bout de ses chaussures. Pas de fenêtres, un lit superposé sur lequel il dormait en haut enfoncé au fond de la pièce, des toilettes pour deux coincés entre deux petits pans de murs, pas loin de l'unique bureau qui jouxtait le mur séparant cette cellule de celle de droite. C'était petit, c'était étroit, ça devait se partager à deux, et c'était tout bonnement injuste que de laisser moisir un agent ici sans rien lui dire. On ne lui avait pas dit non plus pourquoi il était dans une cellule double et qu'il était encore seul. Enfermé là, comme un Caninos trouvé au bord de la route direction la SPP (pour ne pas dire SPA.) Il n'arrivait plus à tourner la tête, restait dans cette position en fixant le plafond depuis plus de deux heures déjà.

Serah était morte. Et il n'avait pas pu faire son deuil. Et Timéo lui, était obligé de faire deux deuils à la fois, entre une amitié perdue et une sœur disparue.

Il essayait de retracer son parcours. Mais c'était impossible. Trop de flous, trop d'incohérences. Trop de n'importe quoi. Les larmes étaient bloquées et ne parvenaient pas à couler pour lui permettre de se sentir un peu mieux vis-à-vis de Serah.

Puis Dick arriva en déboulant. Il tapa contre la porte-vitrine, hurla le nom de son agent. Nathan se redressa comme une pique, tourna mécaniquement la tête. Il n'avait même pas envie de descendre. Mais bon, il descendit quand même. Nantelieu ouvrit la porte avec le badge électronique, puis attrapa le suspect sans rien dire par le bras. Il le traîna sur plusieurs mètres, avant de le faire entrer dans une pièce ayant pour nom « Interrogatoire ». Il allait encore passer de l'autre côté du miroir. Le boss lui tira la chaise, sur laquelle il s'assit sans dire un mot. Puis lui fit de même, cette fois-ci tranquillement, sans doute rassuré de voir Nathan vivant et comme avant.

- Vous saviez que je suis censé manger dans quelques minutes ? demanda le brun, à la manière d'un robot.
- Je me suis dit que tu n'aurais pas faim.
- Vous avez raison.

Dick tira de sa poche plusieurs documents enroulés comme des parchemins. Il les éparpilla sur la table, piocha en se repérant à l'aide des titres quelques-uns, et les feuilleta.

- On m'a communiqué ta dernière évaluation de la SEMP, l'Étude Médicale de ton équipe.

Nathan hocha lentement la tête, les yeux vides. On aurait dit qu'il n'écoutait même pas, alors qu'il était en fait très attentif.

- La psychiatre a écrit pour toi, je cite : « Mentalement fort. Mais peut-être dangereux ».
- ... Je savais qu'elle était louche cette bonne femme, déclara-t-il, venimeux.
- Inutile de te dire que ça ne t'aidera pas pour le procès dans trois jours.
- Ne me le dites pas alors.

Dick soupira, déconcerté par la masse de papiers pour l'affaire du Trianguleur.

- J'ai strictement défendu quelque agent que ce soit de balancer ça aux médias, sinon ils dégageaient du B.I.C. pour divulgation d'informations confidentielles. Il faut que nous vérifiions ensemble tes alibis pour les trois meurtres.

Il marqua un temps d'arrêt, observant Nathan qui semblait un peu paniquer. Sa peau brillait, et il s'essuyait constamment sa jeune barbe noire. Ses yeux ambre qui étaient mi-clos s'agrandissaient un peu plus. Il redoutait une sorte de crise de panique.

- Alors, où étais-tu ? Tu t'en souviens ?
- Je dormais. Et le premier soir, j'étais chez ma mère, vous m'y avez appelé, dit-il en se frottant la tête.
- Je m'en souviens. Comme je le leur ai dit...
- Leur ? répéta Nathan.
- L'autre équipe chargée de ton cas, la notre est écartée de l'affaire désormais.

Il soupira lui aussi, gêné. Gêné parce qu'il ne comprenait plus bien. Il était bien chez sa mère la première fois. Mais il était tellement étrange en ce moment. À cause de lui, son équipe ne pouvait même plus enquêter sur une affaire qui pouvait leur permettre d'accéder à des grades supérieurs. Bien des choses étaient de sa faute. Et si tout cela aussi était de sa faute, à lui ?

- Donc comme je le leur ai dit que tu avais un alibi, ils ont répondu qu'ils avaient suffisamment de preuves pour penser que tu étais un copycat ayant reproduit le schéma du premier meurtre.

Il bondit hors de sa chaise. Resta là planté sans rien dire, le regard perçant et fou. Dick le considéra avec sa mine de chien des rues. Négligé, dans son imperméable kaki, la barbe mal rasée. Il avait ce sentiment d'impuissance, cette sensation de voir l'un des siens fuir de sous sa main. Nathan devait être innocent. Parce que c'était son agent. Ce dernier se retourna et tapota à répétition son pied contre le mur, la tête baissée, tentant de reprendre ses esprits. Un copycat ? Quel intérêt ? Pourquoi le tueur n'aurait pas agi à côté ? Parce qu'il était peut-être responsable sur tout la ligne. Il restait retourné, presque honteux.

- Dites. C'est vrai cette histoire d'ADN de mon Heledelle ?
- Oui, confirma tristement Dick. J'ai demandé à Greta de m'avouer la vérité, qu'elle avait tenu à cacher. Il s'agit bel et bien des déchets d'une griffe d'Heledelle qui logeaient dans la lacération dessinant le triangle sur la deuxième victime. Elle a commis un délit pour te protéger, c'est pourquoi je n'en parlerai pas aux supérieurs ; on fait tous des erreurs.

Dick repensa à l'enregistrement qu'il avait effacé. Nathan soupira, rassuré pour son médecin légiste tant apprécié.

- Pour Serah...

Le brun déglutit, repensa à la petite tête blonde qui ne cessait de le suivre quand il était gamin. Il appuya sa tête contre le mur, et y écrasa sa main avant de la faire descendre le long de celui-ci. Elle n'était plus là, et il n'arrivait pas à le réaliser.

- ... deux traces d'ADN ont été retrouvées. Les données archivées du B.I.C ont trouvé correspondance à 99,8% à ton profil ADN, et une autre à 82% correspondant aussi.
- 82 ? répéta-t-il, intrigué.

Nantelieu confirma. Nathan se tint silencieux, puis se dirigea soudainement vers la porte et appuya sur une sonnette invoquant la présence d'un garde pour le ramener en cellule.

- Qu'est-ce que tu fais Corwyn ?

Il se décida finalement à se retourner vers son boss. Son regard était plaintif, empli de tristesse ; il plissa la bouche.

- Nous n'avons plus rien à nous dire. Considérez le fait que je ne serai bientôt plus l'un des vôtres.


= =


Cette cellule aussi grise que son propre appartement lui donnait une certaine sensation de familiarité. Malheureusement, la présence de quatre de ses amis les plus précieux manquait à l'appel. Il aurait bien vu Arcanin s'affaler le long de flanc et de ses jambes, pour lui tenir chaud. Les prisonniers étaient tous en train de manger, et pour un premier soir, il en était déjà privé. Dans tous les cas, ça lui était égal. Il aurait aimé pouvoir observer la lune, pouvoir observer les étoiles, mais seulement l'image du ciel et du puissant soleil qui lui avait brûlé les yeux restait imprégnée en lui. Phyllali n'allait pas pouvoir se développer sans soleil, tout comme Kirlia n'allait pas pouvoir évoluer sans entraînement. Il était puni, et ses Pokémon l'étaient avec lui. Peut-être même Heledelle n'allais jamais revoir la lueur du jour avant d'avoir été innocentée. Il regarda ses poignets, libérés des menottes glacées que le garde lui avait serrées précédemment pour le ramener ici, et vit ses mains trembler.
Du café. Il avait envie de café. Plus que d'habitude. C'était sans doute à cause du stress. Ou peut-être parce qu'il avait compris ce qui pesait sur ses épaules.

Ces évanouissements. Ces vomissements. Ces nuits de sommeil interminables. Si tout cela cachait quelque chose d'autre ? Quelqu'un d'autre ?

La porte de la cellule s'ouvrit. Le bruit du métal cognant et crissant tira Nathan de sa réflexion. Il ne bougea pas cependant. Il entendit également l'ouverture de menottes, puis un soupir bizarrement gracieux.

- « Ce rêveur que l'horreur de son logis réveille, voilà bien ton emblème, âme aux songes obscurs ; que le Réel étouffe entre ses quatre murs ! »

Nathan haussa les sourcils, surpris d'entendre une voix si enchanteresse. Une voix masculine et limpide. Il se redressa un peu.

- C'est Baudelaire, tu connais je pense. Sur le Tasse en prison. Comme nous, l'obscurité de son âme transparaissait, lui à travers ses vers. Nous... parce qu'on est en prison ! rit-il légèrement.

Nathan se releva de son lit superposé et dévisagea l'homme du regard. Homme qui écarquilla les yeux en l'apercevant. Des grands yeux violets, possédant comme des reliures argentées, et un sourire en coin ornaient son visage doux. Ses cheveux d'un châtain clair inhabituel retombaient sur son visage, l'encadraient par des mèches plus longues que le reste de sa coiffure se cantonnant à sa nuque. Il avait comme une aura bienveillante, un air des plus chaleureux. Une personne censée n'avoir rien à faire dans une prison. Un charme incroyable émanait de lui, et il semblait savoir en jouer. Il sourit à Nathan, et désigna son propre nez en tapotant dessus.

- Mon instinct ne me trompe jamais, je savais que j'allais avoir affaire à un plus jeune que moi. Les vieux tournent en rond devant la porte, espérant ne pas finir leur triste vie bercée entre du béton. Toi, tu as la sagesse de comprendre que tu vas peut-être finir ta vie ici.

Alors que Nathan se préparait à descendre pour mieux le voir, l'autre se hissa sur l'échelle et tendit sa main.

- Enchanté, moi c'est Micki. Je dois t'appeler... ?
- Nathan.

Micki déglutit.

- Nathan comment ?
- Corwyn.

Il redescendit de l'échelle, toujours avec ce sourire surpris et presque heureux.

- Et que fais-tu en prison, Nathan Corwyn ? questionna Micki toujours avec cette voix si calme et pénétrante, insistant sur le nom.
- C'est d'ordinaire moi qui pose les questions, dit-il, amer.

Un sentiment de perte d'emprise saisit Nathan. Ce poète à la mine si légère était vraiment intrigant, presque hypnotisant. Il lui était impossible d'agir normalement. Il voulait l'écouter, converser avec lui. Il était grand et fin, se tenait droit, parlait dignement, et il était là, dans une pièce de neuf mètres carré. Son attitude lumineuse faisait presque oublier la froideur de ces lieux.

- Tu es donc un agent, si j'ai bien compris ? Wow, intéressant.
- Pourquoi cela ?
- Comme ça, répondit Micki, pensif.
- Je suis suspecté d'être le Trianguleur, se confit-il presque à contrecoeur.
- Ah, connais pas.

Nathan regarda de droite à gauche, indécis. Comment ça il connaissait pas ? On ne parlait que de ça. De quel monde sortait-il ? Il remarqua la combinaison de prisonnier, un uniforme noir et rouge. L'obscurité, le sang, le crime. Lui, il ne le portait pas encore. Et pour Micki, son visage si angélique faisait passer cette combinaison totalement inaperçue. Certainement que la grosse femme ayant accueilli Nathan dans les bras de l'un des lieux les plus hostiles, se ferait un plaisir de lui glisser la veste noire le long de ses bras le lendemain.

- Un tueur en série ayant assassiné trois femmes. Il inscrit des signes aussi. J'enquêtais dessus... et c'est moi qui me retrouve derrière les barreaux. Quelle douce ironie.

Micki se remit à sourire. Il retoucha sa mèche sur son front, replaça les mèches impeccablement disposées sur les côtés, puis s'assit sur son propre lit en rabattant un genou contre son torse. Il pencha la tête vers Nathan, lui debout et penaud, perdu dans ses pensées. La lumière et les ténèbres se frôlaient dans le même espace clôturé.

- Allons, allons, si tu ne te sens pas coupable, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il suffit d'un peu d'humilité et d'audace pour s'en sortir. Dis-toi que tes Pokémon aussi, ont besoin de leur liberté.

Son ton calme abattit encore plus Nathan, qui baissa finalement la tête, vaincu. Micki fut surpris, haussa doucement les sourcils, presque inquiet pour lui. Nathan s'attendait certainement à ce que son compagnon d'infortune réplique quelque chose pour ne pas laisser le silence envahir la pièce. Il n'en fit rien, et laissa justement un malaise s'installer, laissant à Nathan le soin de le briser. Ce dernier releva les yeux vers Micki, et fixa ses yeux violets. Ses propres yeux ambre ne faisaient nullement le poids face à la brillance et l'étincelle qui logeaient dans ceux du prisonnier. Comment un homme enfermé pouvait-il se sentir serein comme il semblait l'être ? Nathan finit par soupirer.

- Je ne me sens pas coupable. Mais je ne me sens pas innocent non plus. Je n'ai pas cessé d'agir bizarrement ces derniers temps, je n'arrive même plus à me comprendre. J'ai l'impression d'être scindé en deux... J'ai la sensation de perdre pied dans les moindres actions que j'entreprends. Je deviens un raté.

Nouveau sourire en coin de Micki.

- Tu ne deviens un raté que si tu te laisses aller. Tu parles comme un garçon qui a tout perdu, alors que je pense que tu as, au contraire, un tas de choses à prouver. C'est pas le moment de ne plus croire en toi.

Le discours était en soi pas mauvais, remarqua l'agent, un tant soi peu rassuré d'avoir une présence si impliquée pour ses problèmes. Il tenta de lui sourire, et scruta un peu plus son visage. Il était si...

- Ceci dit, tout ce que tu me décris là ressemble aux symptômes de la schizophrénie, finit Micki tout content.

Dégoûté, Nathan grommela avant de remonter dans son lit, laissant un Micki surpris d'une telle réaction. Il avait raison mine de rien. Perte de mémoire et trous noirs, troubles de sommeil, changement de comportements. Il engouffra sa tête dans ses mains, s'allongea. Heledelle aurait très bien pu déchirer la chair sur l'épaule des victimes, ça correspondait tout à fait à la taille de ses griffes. En revanche, aucun de ses Pokémon n'aurait pu trancher la gorge. Par chance, Kirlia n'a pas évolué : s'il était devenu un Gallame, l'étau se serait refermé encore un peu plus autour de la gorge du prisonnier.

- Tu as des Pokémon ? demanda celui du dessous en tapotant allégrement le matelas au-dessus de lui.
- J'en ai quatre. Chacun remplissant les conditions spécifiques pour des Pokémon Agents.

Micki qui avait rassemblé ses mains derrière sa tête, fixant face à lui en espérant revoir rapidement les étoiles, acquiesçant en hochant la tête, silencieux.

- Et toi ? se résigna à demander Nathan.
- Non. Je n'ai pas besoin de Pokémon pour me défendre, déclara-t-il, soudainement plus sérieux.

Ce fut les dernières paroles prononcées de la soirée. Partagé entre l'étonnement d'une telle assurance de la part de Micki concernant les Pokémon, et la nouvelle hypothèse d'une folie maladive le concernant lui, Nathan finit par s'endormir, torturé par ses songes, gigotant les mains au moindre bruit.


= =


Il se sentait tellement humilié de devoir marcher avec des chaînes aux pieds, habillé de cette combinaison noire et rouge qu'un homme lui avait finalement apporté avant de le laisser sortir, lui et Micki, pour aller manger au réfectoire, au petit matin. Il y avait cette sonnerie affreuse et perçante qui l'avait réveillé alors qu'il avait enfin réussi à s'endormir décemment. Il avait entendu Micki bailler comme un Hippopotas, lui s'était étiré en grommelant. Et là, en traversant à pas lents les couloirs glacés de la prison, il maudissait tout ce qui tombait sous ses yeux. Le gardien les dirigea vers une grande porte qui s'ouvrit sur le réfectoire, où déjà la majorité des prisonniers étaient déjà installés à table.

S'il y a bien une chose qu'il redoutait, c'était cet endroit. Il avait envoyé une bonne partie sous les verrous, et il savait très bien qu'il suffisait que l'un d'eux le reconnaissent pour qu'il passe un sale quart d'heure. Une vingtaine de Bétochef étaient disposés autour de la prison, prêts à tout instant à intervenir. Nathan dut s'asseoir loin de Micki, à grand regret, à une table de six, où une bande d'hommes tatoués de la tête aux pieds lui souriaient. Le plus effrayant était celui dont le visage était tatoué et coloré à la manière d'un Sharpedo, les dents acérées, une croix jaune trônant sur son front, une crête bleu faisant office de nageoire dorsale. Bonne nouvelle, il n'en connaissait aucun sur les six.

- Salut chéri, t'es nouveau ? demanda un gars chauve à sa gauche.
- Quel visage d'ange déchu... sourit un autre tout en piquant un bout de pain sur son plateau.
- J'aimerais juste pouvoir déjeuner tranquille, merci bien.

Le Sharpedo humain mordit sa lèvre avec son incisive pointue et tapota la jambe de Nathan avec son pied.

- Tu sais ce qui arrive à tous les nouveaux ? demanda-t-il d'une voix rauque et assoiffée.
- Vous les prenez dans un coin et vous les faites tourner, je connais, je connais. C'est gentil de me prévenir, mais je suis tellement coincé que ça ne marcherait même pas, sourit Nathan d'un air presque sceptique.

Ce scepticisme était forcement du au fait que pour la première fois, il avait peur de son audace. Il avait peur de son propre cynisme, et n'osait même pas imaginer ce que l'autre allait lui répondre. Il regarda simultanément ses mains, les revit trembler. Il n'avait malheureusement pas de café, et but donc rapidement le grand verre de jus d'orange qui trônait devant lui. Il déglutit ensuite, et pria pour que le silence qui suivait ses paroles dure et dure et dure encore.

- Pourquoi tu viens ici alors, tu as un bien joli minet pour moisir en taule, enchaîna Sharpedo plus amicalement.
- Je suis seulement là en attente du procès des trois jours.
- Dis-nous tout, qu'est-ce que tu as fait ? demandèrent en chœur les autres.

Il réfléchit, et n'en pouvait plus de se sentir trembler de partout.

- Je crois que je me suis perdu en cours de route, déclara-t-il finalement, sinistre.


= =


- Je tiens à ce que tu saches que ton comportement m'a profondément déçu. Tu as agi comme un enfant. Impulsivement. Je n'arrive pas à croire que tu puisses porter de telles accusations sur un membre de ta propre équipe qui s'est constamment dévoué pour son travail depuis son arrivée.
- Sauf ces dernières semaines, cracha Kyle, véhément.

Dick soupira, assis sur sa chaise de bureau d'inspecteur. Convoquer Kyle n'était déjà pas chose facile, mais de voir qu'il la jouait dure d'oreille encore moins. Aussi mal arrangé que sa propre apparence, le bureau de Nantelieu était dans les verts bouteille et les marrons. Un bureau vieillot, qu'il n'avait en réalité jamais eu le courage de retoucher depuis qu'il avait été gradé. Des cadres de famille, qui n'était même pas la sienne, étaient disposés un peu partout. Des lampes datant du siècle dernier trônaient sur son bureau, aux deux extrémités. Dick acquiesça, hochant la tête doucement, tout en enlevant un peu de poussière sur un cadre photo vide devant lui.

- Je suis d'accord avec toi, il agit bizarrement. Mais ce n'est pas une ra...
- Il y a des preuves irréfutables ! cria Kyle, sur les nerfs.
- Bon sang ! cria plus fort Dick pour couvrir la voix du blond.

Arbok qui dormait tranquillement, loin de tout ça, aux pieds de son dresseur, se leva, surpris par les cris. Kyle s'enfonça plus fort dans son siège, vexé.

- Tu te rends compte de ton attitude puérile ! grogna le supérieur. Tu réalises que tu agis en tant qu'homme jaloux et non en tant qu'agent ? Tu peux te mettre ta prime sous les fesses mon grand, si ta seule préoccupation est de jouer à faire du mal à Nathan ! Tu n'as aidé qu'à le faire couler au lieu d'essayer de l'aider ! Tu as créé un scandale devant le Tribunal, et a ruiné ses chances de réconforter sa famille en la personne de son meilleur ami !
- Il est peut-être coupable.

Dick secoua ses grosses mains autour de sa tête en inspirant, pour se calmer.

- Oui, effectivement. Peut-être. Peut-être beaucoup même. Mais Nathan est un bon garçon. Le bénéfice du doute existe, l'impartialité aussi. Si nous sommes agents, c'est parce que nous savons laisser de côté la subjectivité. Donc tu vas me faire le plaisir d'enquêter comme si cet homme était innocent, et envisager les possibles vérités de cette affaire qui commence à me prendre sévèrement la tête !

Kyle opina, ahuri. Il ne pouvait rien rétorquer face au nouveau visage de l'inspecteur qu'il redécouvrait. Il comprit soudainement pourquoi Dick avait ce poste, malgré ses airs de chien battu. Il baissa la tête, se leva sous l'ordre de l'homme en imperméable kaki, et quitta la pièce. Logan et Camille étaient là, préoccupés par le devenir de leur équipe et de leur camarade emprisonné. Ils n'avaient pourtant pas envie de critiquer Kyle. Il était comme ça. Ils sentaient bien qu'il y avait quelque chose chez lui qui l'amenait à éprouver de tels sentiments envers Nathan.

- Alors, il a dit quoi ? demanda Logan avant de recommencer à se ronger les ongles.
- Qu'il fallait innocenter Nathan.
- Il doit être en train de devenir fou... murmura Camille, inquiète.


= =


- Donc tu vois, tu ancres tes pieds là, et tu essayes d'en faire au moins cinq.

Nathan se débrouilla pour faire comme Micki lui disait. Ce dernier tapota les jambes de l'agent, avant de s'asseoir sur son propre lit. Une fois ses pieds bien coincés dans le sommier du lit supérieur, Nathan se laissa tomber, sa tête touchant presque le matelas du dessous.

- Relève-toi maintenant.

Le brun se releva en grommelant, ramena sa tête à ses genoux. Il recommença quatre autres fois, avant de s'écrouler, totalement exténué de ces abdos.

- Je me sens comme un Pachirisu pendu comme ça. Quand est-ce que je verrai mes Pokémon ? demanda Nathan, commençant à rougir d'être à l'envers.
- Avant manger. Pas maintenant, dit Micki, occupé à lire un recueil de poèmes.

Nathan se remit à ses exercices en enchaînant plusieurs relevés, puis descendit, presque essoufflé. Il prit une serviette accrochée contre le mur et s'essuya le front.

- J'arrive pas à croire que ce soit si simple pour eux quand je les vois faire à la télé... soupira-t-il tout en tapotant la serviette dans son cou.

Il observa Micki, en train de lire tranquillement, un maigre air joyeux constant sur les lèvres. Il regarda ensuite rapidement les murs de briques les entourant, l'un étant abîmé, un peu creusé certainement par un ancien prisonnier tentant de s'échapper.

- Pourquoi tu es en prison ? demanda Nathan, avec un ton se voulant innocent.

Micki eut un sourire amusé, ferma les yeux en même temps qu'il posa son bouquin ouvert sur son lit. Puis il regarda un peu en haut, vers son camarade de cellule.

- Sans doute parce que j'ai cherché à être libre.

Nathan haussa les sourcils, un peu intrigué. Mais il n'en demanda pas plus. Il n'avait pas envie de se préoccuper du sort d'un autre, le sien suffisait amplement. Micki récupéra son recueil, tourna une page, concentré. Le grand brun n'eut même pas le temps de monter sur sa couchette qu'il entendit l'insertion d'un badge électromagnétique qui ouvrit la porte de sa cellule. Il se retourna prestement, et le gardien lui annonça qu'il avait de la visite. Nathan n'avait envie de voir personne. Il allait refuser de sortir quand Micki intervint.

- Tu aurais tort de ne pas voir de tes propres yeux le soutien que les autres souhaitent t'apporter.

Il oscilla sur un pied, hésitant. Puis il s'élança à la suite du gardien, après avoir adressé un bref hochement de tête à l'égard de Micki. Quelle chance pour lui de ne pas être tombé sur un gros bras enfermé pour Poképhilie. Micki avait un charisme angélique, et s'il y a bien l'un d'entre eux qui devait avoir peur de l'autre, c'était celui aux yeux violets. Le gardien serra les poignets de Nathan et les lia par menottes, puis le tint pour longer les couloirs de la prison du B.I.C. Il arriva dans une salle différente que l'ancienne où il avait rencontré Dick. Il était dans le parloir, où les prisonniers rencontraient leurs familles, leurs amis, les civiles. Même si Camille et Logan, qui étaient déjà assis à une table scindée par une grande vitrine n'étaient pas des civiles. Nathan fut presque content de les voir, et marcha un peu plus vite jusqu'à la chaise qui l'attendait. Il regarda rapidement autour de lui, et voyait les autres prisonniers le sourire aux lèvres, certains pleurant de revoir leurs êtres chers. Une longue rangée de double-tables séparées chacune pour préserver l'intimité d'un groupe, scindait la pièce en deux. D'un côté, les prisonniers gardés par les agents de sécurité, et de l'autre côté de ces tables, les visiteurs. La vitre les séparant était trouée de multiples petits cercles, ce qui permettait de converser facilement et sans téléphone.
Camille et Logan avaient l'air fatigués et tristes. Camille n'avait pu réprimer un soupir de soulagement en voyant Nathan en chair et en os. Sa barbe non-rasée et son habit de prisonnier lui allaient parfaitement bien. Logan l'avait aussi remarqué. Assis tous les deux, collés, ils attendirent qu'il prenne place. Nonchalant, froid et distant, il s'assit en face d'eux tout en regardant un peu les environs, à la manière d'un touriste.

- Si c'était la première fois que je te voyais, j'aurais jamais cru que tu puisses être un Agent ! s'exclama Camille en se voulant souriante.
- Vous savez que les détenus prévenus n'ont le droit qu'à trois visites, merci de m'en avoir sucré une...
- Ne t'en fais pas Nath, on prend ça pour un merci, le rassura Logan, compatissant.
- Non. Mais je te remercie par contre de ne pas avoir voulu me passer les menottes.

Logan se remémora le moment où il fait tête à Kyle, chose rare, et acquiesça avec un maigre sourire de fierté. Nathan les considéra, observa leurs mines défraichies et ressentit presque encore plus de pitié pour eux que pour lui. Ils étaient l'exemple typique des dégâts collatéraux. Ils n'ont rien demandé, mais ils payent aussi. Il regarda ses mains, et réalisa que le tremblement n'était plus limité qu'aux mains mais s'attaquait aussi à ses jambes. Il aurait bien demandé du café, mais c'était évident que les visiteurs ne pouvaient apporter quoi que ce soit aux prisonniers dans ce genre de complexe.

- Vous perdez votre temps.
- Tu ne sais même pas pourquoi on est là, grommela Camille.
- Kyle est incontrôlable... avoua Logan.

Nathan resta figé. Il les regarda, la mine sérieuse, avant de commencer à sourire. Puis il rit. Un rire incontrôlé qui ne lui allait pas du tout. Il cligna un œil avant de répondre.

- Vous venez donc me voir, avec votre air dégoûté de la vie et faussement empli de compassion, pour en fait m'expliquer que le gars, alias normalement mon coéquipier, qui m'a foutu en prison, ne va pas bien ? Est-ce que vous réalisez que j'ai des choses un tant soit peu plus enrichissantes à faire, comme comprendre ce qui se passe dans ma tête ?

Camille et Logan ne se découragèrent pas, bien qu'un peu intimidés par cette voix plus aïgue que prenait Nathan en parlant.

- Dick hurlait tellement fort que tout le monde entendait ce qu'il disait. Il lui a ordonné de te faire sortir d'ici. Kyle s'énerve pour un rien, il crie sur tout le monde. Si tu l'avais vu partir en courant quand il a vu ton profil s'afficher sur l'ordinateur d'ADN...
- Il me suspectait déjà puisqu'il était au courant de l'ADN d'Heledelle sur le deuxième corps.
- L'ADN d'Heledelle... ? répéta Camille.

Nathan pencha la tête, surpris qu'ils n'aient pas été mis au courant.

- Ça veut dire que... Il y a plusieurs preuves contre toi ? demanda Logan, ahuri.
- Vous n'êtes plus sur cette affaire, et nous ne sommes plus partenaires. Vous avez le droit de me penser responsable si vous voulez. Puisque de toute façon, je n'en sais moi-même rien. Maintenant si vous voulez bien, je vais... retourner dans ma cellule.

Il essaya de se relever, et soupira douloureusement. Il sentait ces espèces de fourmillements dans les jambes. Soit il perdait pied au sens propre, ou alors le combat qu'il menait dans sa tête le torturait physiquement.

- Nathan !

Il se retourna tant bien que mal, distant, vers Camille et Logan.

- On venait surtout pour te dire qu'on ne pensait qu'à toi, et que tu étais notre ami, avant d'être notre équipier.
- Et on croit en toi, rajouta Logan.

La phrase se répétait dans sa tête, les sons se dissociaient. Il avait envie de leur sourire, mais il y avait comme un blocage. Il se contenta d'hocher la tête, tristement. « Tu aurais tort de ne pas voir de tes propres yeux le soutien que les autres souhaitent t'apporter. » Alors c'était vrai. Certains allaient le soutenir. Même si lui-même commençait à douter.

- Vous pouvez m'aider, s'il vous plait... dit-il en titubant difficilement jusqu'à un garde.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? questionna l'agent de sécurité.
- J'ai besoin de café.


= =


La lumière était encore éteinte. Il était allongé sur le lit, les yeux hagards, ouverts et figés. Ses doigts se crispaient constamment, et il essayait parfois d'arracher la couverture sur laquelle il était posé. Il observait toutes les photos de mannequins qui couvraient les murs, il regardait de temps en temps le bureau. Impeccablement propre, mais quelques cadres renfermaient des photos. Principalement deux petites bouilles d'anges, deux têtes blondes de jeunes enfants. Timéo avait perdu cette couleur au fil des années, mais Serah avait toujours possédé cette couleur blé.

Il pouvait sentir son odeur seulement en humant le coussin sur lequel sa tête était posée. Timéo devait pleurer depuis des heures, silencieusement, et il était resté exilé dans la chambre de sa sœur depuis qu'il avait vu son meilleur ami se faire arrêter. La scène repassait en boucle dans sa tête. Impossible de la retirer. Il voulait la reconstituer en détails, mais quelques mots se modifiaient, sauf : « C'est... ta sœur » prononcés par Nathan. Nathan... Il ne voulait à la fois plus jamais en entendre parler. Mais d'un autre côté, il avait vu la détresse qui l'avait envahi quand Kyle l'avait menacé. Il savait que Nathan n'était pas fou. Mais c'était plus fort que lui. Parce qu'il avait entendu les preuves que l'agent blond avait récitées. Parce qu'il venait de perdre sa sœur et qu'il avait besoin d'haïr quelqu'un.

- Tim...

Timéo se releva et vit son père dans l'encadrement de la porte. Ses yeux étaient boursoufflés et son visage blafard. Il avait du se faire remplacer à l'Arène de Clémenti-Ville, dans l'état où il était.

- Des agents du B.I.C m'ont contacté, je dois me rendre là-bas pour répondre à des questions avec maman.
- Merci mais non merci, répliqua-t-il en se rallongeant.

Norman se mordilla la lèvre et ravala un sanglot.

- Nathan est un bon garçon, Tim...
- Papa, stop.

Ce dernier acquiesça, et referma la porte. Il fallait aussi haïr quelqu'un pour ça. Pour avoir détruit sa famille. Il repartit dans ses pensées, conscient que ça ne l'aiderait pas à trouver la vérité, ni même la tranquillité.


= =


- Eh bien, il en faut du charme pour avoir le droit de boire un café préparé par le personnel... sourit Micki assis sur la chaise du bureau, en voyant son camarade revenir en cellule.
- Savoir faire un regard de chien battu semble très efficace aussi.

Micki plissa les lèvres en le regardant dans les yeux. Il regarda ses traits, ses cheveux, son nez. Il semblait à la fois happé et ailleurs.

- T'en as pas marre de me scruter ? Je me sens abusé, déclara Nathan après avoir avalé une gorgée.
- Tu as les pupilles dilatées, dit-il d'une voix calme.
- Je suis plutôt épuisé, affirma le brun.

Il chercha un endroit autre que son lit où s'asseoir. Comme il n'y en avait pas, il s'appuya contre le mur, et tomba d'un coup.

- Je vois ça... constata Micki en haussant un sourcil.

Il reprit sa lecture de son recueil de poèmes, guettant la moindre réaction de Nathan pour le faire parler un peu. Nathan lui, se tournait les pouces en accélérant leur vitesse par moment. Il n'avait toujours pas d'avocat, et le procès tombait dans 2 jours. De toute façon, pour lui c'était réglé. La seule personne qu'il aurait le cran de réclamer n'était pas de son côté, et beaucoup trop de preuves s'acharnaient sur lui. Et surtout : il n'était même pas sûr d'avoir quelque chose à défendre.

- Tu te crois coupable... déclara l'homme aux yeux violets.

Nathan continua de s'occuper de ses pouces, mais ils se remirent à trembler.

- Tu vois ça ? dit-il en montrant ses mains. C'est ce qu'il m'arrive depuis des jours et des jours. J'ai perdu connaissance plusieurs fois, j'entends des bruits étranges dans mon appartement, je mets du temps à comprendre quand on me parle, j'ai peur quand je suis dans mon lit le soir, j'ai des absences et des pertes de mémoire. Je ne m'occupe même plus de mes Pokémon.
- Tu veux les voir ? Ça te ferait peut-être du bien, et en plus tu en as le droit aujourd'hui.

Nathan hocha la tête lentement mais plusieurs fois, pensif.

- Je connaissais ces trois filles. Je pouvais facilement les retrouver. J'étais toujours en retard sur les lieux du crime, parce que j'avais un sommeil lourd. Et si j'étais schizophrène, comme tu le disais ?

Micki se mit à rire de bon cœur, innocent et rassuré.

- Mais allons, je plaisantais quand j'ai dit ça, tu n'as pas une once de criminalité en toi.
- Pourtant les preuves disent que si.
- Et alors ? Depuis quand des preuves sont forcément irréfutables ? s'étonna Micki.
- Agent Corwyn.

Le garde de tout à l'heure se tenait derrière lui, de l'autre côté de la porte vitrée fermant la cellule. Nathan se releva rapidement, un peu chamboulé. L'homme ouvrit la porte, tendit les menottes blanches électroniques où l'agent posa ses mains.

- Interrogatoire.
- Je commence à être jaloux, moi, j'ai jamais vu un prisonnier autant visité en si peu de temps ! ricana Micki en se jetant sur son lit.
- C'était prévisible que le Trianguleur soit visité plusieurs fois... marmonna le garde.

Nathan baissa la tête. L'homme se mit en marche après avoir refermé la porte de la cellule sur Micki, suivi de près par l'agent incarcéré, voilé d'un air pitoyable sur son visage. Ils longèrent à deux le couloir sous le regard des prisonniers, silencieux. Nathan entraperçu Sharpedo qui faisait ses abdos au sol, comme s'il s'était habitué à vivre dans un espace si restreint. Il ne savait pas s'il pouvait résister dans un tel endroit. Il vivait pour enfermer les gens mauvais là-dedans, pas pour s'y voir y entrer un jour.

Le garde toqua à la porte et l'ouvrit immédiatement après. Il y poussa Nathan avec la paume de sa main dans son dos, et referma derrière lui. C'était la même salle où il avait revu Dick.

Et maintenant, c'était dans cette salle où il revoyait Kyle, impeccablement tiré dans une chemise rose et blanche, nerveusement assis, un pied posé sur son autre genou.

Nathan n'écarquilla pas les yeux, n'hurla pas. Sa fierté ne ressortait que lorsque Kyle était vantard, d'humeur sarcastique, ou se comportait en rival. Là, il était face un homme gêné, et particulièrement stressé. Il frappait à répétition son pied contre le sol, et se rongeait les ongles juste avant que Nathan n'entre. Ce dernier se sentait donc presque plus puissant que lui, alors qu'il était en réalité aussi pathétique que le blond. Il se contenta juste de sourire ironiquement.

- Oh, comme c'est touchant, celui qui vient de m'envoyer en prison est venu me voir... Tu as besoin de m'enfoncer encore plus dans ma misère ? EST-CE QUE TU AS LA MOINDRE IDÉE DE...
- ASSIS-TOI ET FERME-LA.

Il acquiesça en opinant, les lèvres pincées, un peu dubitatif. Mais il se décida d'écouter, s'avança lentement vers la chaise qui l'attendait, face à Kyle. Partagé entre plusieurs sentiments, il se posa sur le bout de plastique, et laissa tomber ses mains menottés sur ses jambes.

- Je suis venu m'esckkzzuié... maronna-t-il dans sa barbe.

Nathan pencha la tête, un peu revigoré.

- Tu quoi ?
- Je suis venu m'excuser !

Là, c'était trop drôle. C'était trop absurde pour prendre ça au sérieux. Alors Nathan se mit à rire, parce qu'il ne savait pas quoi faire d'autre. Ça eut l'air de vexer encore un peu plus Kyle, qui semblait déjà contraint de s'excuser pour une chose qu'il estimait juste. Nathan appréciait l'effort, mais s'excuser comme ça après avoir réussi à ruiner le peu de bonnes choses qu'il avait dans sa vite si vite, non ; juste non. Il sortit de sous la table carrée ses grosses menottes électroniques blanches, et les mis sur la table, comme pour lui montrer de quoi il était responsable. Kyle ne se démonta pas et poursuivit ce qui semblait lui demander d'innombrables efforts pour parler.

- J'ai agi impulsivement parce que j'étais persuadé d'avoir raison. J'ai pas été juste avec toi. J'ai pas analysé la situation avec mon regard d'agent. J'ai pas fait attention aux signes, je t'ai directement accusé de trahison. Et je dois admettre qu...
- Arrête, imposa Nathan, le regard blessé. Le problème...

Il repensa à ces dernières semaines, à ses Pokémon qu'il avait délaissé, qui maintenant devaient moisir dans leurs PokéBall.

- ... c'est que tu as raison. Ça ne peut être que moi l'assassin. Tout est contre moi. Je suis contre moi... J'ai l'impression qu'il y a plusieurs moi dans mon corps, c'est insupportable, disait-il en haussant la voix et en accompagnant ses paroles de gestes brusques. Ces filles, je les ai connues, et à chaque fois que le Trianguleur frappait, je croyais être dans les vapes. Mais le tueur sommeillant en moi s'amusait en attendant, c'est ça la vérité !

Il avait presque l'impression d'exagérer, mais ça sonnait étonnement bien. Il transpirait à ces paroles, fatigué et haletant. Kyle avait les yeux grand ouverts, surpris de découvrir de ses propres yeux cette sorte de folie physique qui émanait de l'agent Corwyn.

- Il y a quelques jours, avant que Nantelieu ne m'hurle dessus comme si j'étais un vulgaire Malosse, j'aurais été d'accord avec toi. Mais j'ai été obligé de réfléchir...

Il se pencha un peu vers Nathan pour se rapprocher de lui, pour parler plus doucement.

- Tu n'as pas la mentalité d'un tueur. Tu ne sais même pas tuer un Pokémon quand un malfrat est dans les parages pour le protéger. Tu te crois vraiment capable de déchiqueter le dos et la gorge d'un Pokémon pour lui graver un signe ?

Nathan fronça les sourcils, dubitatif. Sa vision rendait les choses floues autour de lui l'espace de quelques secondes, et des acouphènes courts d'une seconde s'espaçaient quand il essayait de se concentrer. Il avait peur de s'évanouir encore. Mais il était très attentif, car c'était la chose la plus surprenante de la journée, que de voir Kyle métamorphoser une décision qu'il avait tantôt arrêtée. Il avait du longuement penser au cas de Nathan pour revoir son point de vue, lui qui fonce tête baissée.

- Je vais te dire ce qu'est un vrai assassin, Corwyn.


= =


Dans le passé.


Algatia est surplombée sur île réputée enchanteresse grâce non seulement à l'eau claire l'entourant, mais aussi de par le beau mélange du sable et de la végétation. Le cadre est attractif et la petite population y habitant est soudée. Les personnes se connaissent, et les potins se répandent vite dans le coin.

Ce n'est donc pas étonnant que la tragique histoire recensant la mort de dix-sept êtres vivants en une journée ait rapidement fait le tour de l'île, menaçant ainsi rapidement le calme et la paix d'une ville touristique d'Hoenn.

Kyle avoisinait les quinze ans à cette période. Ses parents avaient obtenu une maison en bordure, près de l'eau, où ils pouvaient entendre le clapotis des vagues et admirer les Marill barboter dans la mer. Malgré la grande route principale qui passait derrière leur maison, ils n'entendaient pas tant le bruit des camions, étouffés par les grands arbres. Le père Lanter était un tireur d'élite retraité de l'Armée Anglaise ayant décidé de vivre à Poképolis, marié à une femme cuisinière originaire de Johto. Si Kyle était blond, c'était assurément à son père qu'il le devait. Il avait toujours admiré son fort accent Anglais quand il parlait, accent qui charmait n'importe qui lorsqu'il parlait. Il s'efforçait de l'imiter quand il parlait à son Abo et son Carabaffe, sans grand succès.

Sa mère cuisinait toujours des plats succulents, et c'était toujours à lui de faire les courses à la supérette du coin, histoire de l'aider à se sociabiliser. Kyle avait beau être un garçon amusant avec sa famille, il était extrêmement timide et renfermé sur lui-même. Lui faire prendre le scooter, faire les courses pouvaient contribuer à l'aider pour se faire des amis.

- Kyle ! l'appela Christelle, les mains enfournées dans ses gants de cuisine.

De dernier déboula dans la cuisine, ses deux PokéBall accrochées à sa ceinture, et sa GameBoy dans les mains.

- Lâche ton jouet et va me chercher des feuilles de Feuillajou au magasin, ça requinquera peut-être ton père. C'est le plus important, pour le reste, il y a la liste sur le comptoir à l'entrée.

Il acquiesça d'un coup de tête, prit la liste et sortit de la maison. Tout en prenant son scooter, il pensa à son père, récemment touché par un virus tenace qui le bloquait au lit. Lui qui d'ordinaire pétillait de vigueur pour ses 56 ans, il était devenu plutôt ramollo. Kyle rangea la liste dans le compartiment placé sous la grosse selle, où une mallette et quelques sacs solides dormaient tout au fond. Avant d'arriver devant le magasin, il dut laisser la place comme très souvent à un convoi de camionnettes. Ces dernières renfermaient des Pokémon mentalement affectés par les activités criminelles de leurs dresseurs. Soit ils partaient se faire euthanasier, puisqu'Algatia était encore l'une des seules villes autorisant ceci, ou ils étaient transportés vers des prisons souterraines pour tester des traitements, ou tenter de les ramener à la raison. Kyle n'était que moyennement concerné par le sort des Pokémon, tant qu'il ne s'agissait pas des siens. Il traversa le carrefour et finalement se gara devant la boutique.

Il fit comme à son habitude, vagabonda entre les rayons, sélectionna les articles dans le même ordre que les avait indiqués sa mère en fonction de sa mémoire, même si ça lui faisait prendre plus de temps. Mais quand bien même, ça ne lui prit pas plus de vingt-cinq minutes. Les sacs remplis de produits, il en accrocha un au dos de son scooter, un autre sur la poignée gauche, et réussit tant bien que mal à enfourner le dernier dans la selle. Repartant un peu plus jovial que précédemment grâce au soleil, il s'élança à nouveau sur la route pour le retour.

Cependant, il y eut un événement particulier. Un point de non-retour. Ce moment où il vit la factrice arriver en courant et hurlant, comme effrayée face à la mort. Il n'était plus qu'à cinq minutes de chez lui, et roulait vite sur son scooter. Il entendit vaguement la femme crier de ne faire marche arrière alors qu'il accélérait.

Mais il ne voulait pas, parce qu'il sentait qu'il se passait quelque chose, quelque part où il devait se trouver. Perdu dans ses pensées, il sursauta en apercevant une camionnette du convoi renversée à quelques mètres de chez lui. Il freina brusquement, et s'écrasa contre la porte arrière du fourgon. Paniqué, chamboulé par le choc même si mineur, il se releva en titubant et ouvrit prestement la selle, sortit à la va-vite les produits frais pour attraper la mallette. Kyle l'ouvrit, et frémit en sortant le révolver que son père appelait « Le Redoutable ».

- HDH 20 coups, double canon superposés, oui c'est ça... récita-t-il en se rappelant ce que lui expliquait son père.

Son père en tant que tireur d'élite emmenait chaque semaine son fils tirer. Autant dire qu'il possédait un bel avantage en cas d'attaque. Il respira un grand coup et courut voir le chauffeur.

- ...

Kyle eut un mouvement de recul en voyant la marre de sang s'écouler du corps à moitié déchiqueté d'un homme ou heureusement, sa casquette bleue cachait l'état de son visage.

Les larmes commençaient à lui monter quand il comprit que si les Pokémon n'étaient plus là, et que les arbres étaient arrachés et à moitié déracinés, c'est parce qu'ils étaient allés vers sa maison.

Il tenta de faire redémarrer son scooter, mais ce dernier ne répondait plus. Il prit ses PokéBall et sortit Carabaffe et Abo. Ses deux Pokémon qui semblaient rapidement comprendre la situation s'élancèrent vers la maison des Lanter, suivis de près par leur dresseur qui ne réfléchissait désormais plus.

À l'entrée, dans le jardin, personne. Mais la porte était ouverte. Il hésita une seconde, une seconde interminable où même le bruit des vagues résonnait dans l'immensité de l'espace, puis entendit un cri. Celui de sa mère.

- MAMAN !

Il fonça dans la maison, et écarquilla les yeux. Christelle était entre les pattes d'un Nidoking. Le jeune blond retint son souffle, voyant sa mère le fixer terrorisée, lorsque Nidoking, avec un grand sourire, enfonça ses griffes dans ses côtes. Le craquement des os fracassa les tympans de Kyle qui hurla en même temps que sa mère. Il vit le sang colorer le tapis de l'entrée, il vit les yeux figés de sa mère, qui toujours vivante, se laissa tomber sur le sol.

- CARABAFFE, VIBRAQUA !

Le Pokémon n'hésita pas et lança l'attaque sur le champ, étourdissant Nidoking qui n'eut même pas le temps de réagir. Confus, Nidoking poussa un hurlement strident, qui rameuta tous les Pokémon éparpillés dans le salon. Kyle regardait sa mère, qui faiblement chuchota.

- Fuis...

Kyle pointa le révolver sur Nidoking et n'arrivait plus à souffler mot. Il tira sur le Pokémon Poison, qui s'écroula après avoir reçu une balle dans l'œil droit.

Kyle regarda son arme, sa mère, et les Pokémon qui arrivaient. Tous concentrés sur le Nidoking écroulé, il parvint à dire en sanglotant :

- Je vais tous vous tuer... jusqu'au dernier...

Et Kyle, armé de son HDH et de ses deux Pokémon, réussit grâce à sa rage incontrôlable à tuer dix autres Pokémon avec son seul pistolet en moins de deux minutes. Abo étrangla un Noarfang, Carabaffe tua avec beaucoup de mal un Limagma, mais n'arriva pas à se débarrasser du dernier Pokémon, bien trop rapide.

Kyle s'agenouilla près de sa mère, prit sa main blanche ensanglantée en hoquetant à répétition, et la supplia de répondre.

- Maman, maman... Tu es vivante, on va t'emmener à l'hôpital, tu vas guérir, hein, hein ? Réponds-moi... Tu es là ?

Elle cherchait de l'air, mais tout était broyé. Kyle noyait son pantalon dans le sang de sa mère, mais tout ce qui l'importait, c'était de l'entendre encore une fois. Mais plus aucun son n'émanait d'elle. Seuls ses yeux restaient grand ouverts, tétanisés. Il se demanda combien de temps elle pouvait encore tenir le coup, et alors qu'il allait la porter pour l'emmener dehors, le Yanmega dans sa rapidité effarante, trancha avec ses mandibules la nuque de Christelle qui s'écroula définitivement, le liquide écarlate giclant sur son fils.

Kyle n'eut pas le temps de se demander ce qu'il se passait que le Pokémon revint à l'assaut alors qu'il sortait son arme, pour la lui prendre et pour attraper Kyle par la même occasion, l'écrasant d'un coup contre le mur de la cuisine. La cuisine était le seul endroit où on croirait que rien ne s'était passé. Aucune trace d'une quelconque attaque n'avait eu lieu. Mais plus pour très longtemps.

- ALLEZ VOIR MON PÈRE !! cria Kyle de justesse avant que Yanmega ne le récupère entre ses pattes.

Le Pokémon s'accrocha de toutes ses forces autour de Kyle et le serra fort. Ce dernier gémissait et criait encore et encore comme si ç'allait lui donner de la force. Il s'agitait dans tous les sens, et renversait les verres qui se brisaient au sol, tirer sur les poignées des placards et les cassait. Il aperçut vaguement le porte-couteau sur le plan de travail et se déplaça vers lui alors qu'il essayait toujours de se détacher de Yanmega qui l'enveloppait complètement. Arrivé au plan de travail, il essaya de toutes ses forces d'attraper la plus grosse lame, et une fois chose faite, il l'enfonça dans le dos du Pokémon, qui couina en tombant.

Kyle était si en colère que non seulement il ne pleurait plus, mais il avait cette envie destructrice de se libérer de tout ce qu'il gardait enfoui en lui à cause de sa timidité.

Et il n'avait rien de mieux à faire que de retirer la lame, pour l'enfoncer à nouveau, encore et encore, en criant.

C'est à ce moment-là que des agents du B.I.C le récupérèrent, dans cette même position, retirant et plantant le couteau inlassablement, le regard vide et désespéré.


= =


- Ce gamin a réussi à tuer quatorze Pokémon avec un flingue et ses deux Pokémon à lui tout seul, il peut devenir une machine impressionnante...

L'agent qui avait constaté les dégâts était impressionné. Son chef, un Inspecteur d'Algatia avec un chapeau gris, l'était un peu moins.

- Ce jeune homme vient de tuer des êtres vivants. Qu'il y ait légitime défense ou non, il va au devant de sérieux problèmes. A-t-il une famille lointaine ?
- Hormis ses parents tous deux décédés, il a une grand-mère en Angleterre, qui est hospitalisée et souffre d'Alzheimer.

Le boss réfléchissait en observant le jeune Kyle en train de nourrir ses Pokémon sur son lit d'hôpital, soigné pour quelques petites fractures.

- Vous ne comprenez pas Dorkan, reprit l'Agent. Il a réussi à tirer sur chacun à un endroit précis. Ils ont tous été transpercés au niveau de l'œil droit ou du centre de la tête, c'est incroyable.
- Quinze ans, vous dites... opina l'Inspecteur un peu plus intéressé.
- Ses parents lui laissent un héritage d'une valeur inestimable montant à des millions de PokéDollars. On ne peut pas laisser un tireur hors-pair goinfré d'argent erré dans les rues...

L'Inspecteur se tourna vers son employé, le considéra de haut en bas, perplexe.

- Qu'est-ce que vous proposez ?
- Que nous mettons tout en œuvre pour le sortir vite de cette galère, et qu'on le recrute immédiatement en tant qu'Agent du B.I.C. Il serait d'une aide précieuse. Et nous n'aurions rien à prendre en charge, puisqu'il peut tout se payer seul.

L'interlocuteur hocha lentement la tête, un peu étonné d'un tel engouement, néanmoins comprit qu'il y avait en ce jeune homme un réel potentiel à exploiter.

- Attendez-moi là, signala l'Inspecteur en tournant la poignée de la porte de la chambre d'hôpital.

Lentement, il poussa la porte et laissa passer sa tête dans l'encadrement. Kyle lui fit signe d'entrer nonchalamment. Toujours occupé avec ses Pokémon, il n'avait d'yeux que pour eux. Le grand bonhomme nommé Dorkan retira son chapeau et le posa sur son torse, en signe de respect. Kyle se demandait ce qu'il voulait. Enfin il savait à peu près ce qu'il allait se passer. « Salut mon p'tit gars » qu'il dirait, puis il poserait sa main sur le lit pour avoir l'air compatissant, et enchaînerait immédiatement sur une demande de sa version des faits. Kyle savait très bien que la ville entière était secouée par ce qu'il s'était passé. Christelle était connue pour ses talents, et tout le monde connaissait son père sous le nom de « l'Anglais ». Et il ne s'en souvenait que de cette façon. Bizarrement, il n'arrivait pas à se refaire la scène du meurtre de sa maman, ni se souvenait de l'annonce de son père mort par les agents. Juste le moment où il ne cessait de poignarder Yanmega.

- Je suis désolée pour ce que tu as du faire. Tu as été très courageux.

Kyle ne regarda pas Dorkan. Il avait à peine quinze ans, sa vie été fichue pour lui. Il n'avait pas besoin d'entendre qui que ce soit. Il se demandait juste ce qu'il allait advenir de lui, meurtrier par légitime défense... et vengeance.


- Ton courage nous a d'ailleurs tous impressionnés.
- Je n'ai rien fait de bien, pas besoin de me pseudo-féliciter, objecta le blond en grattant Abo.

Dorkan remit son chapeau sur sa tête, se leva et se dirigea vers la porte. Il se stoppa net.

- Tu aimerais rejoindre le B.I.C ?

Il ne laissa pas Kyle répondre et enchaîna directement sur son argumentation.

- Ton potentiel pourrait être ainsi exploité. Je sais que tu n'as pas de famille, et c'est ce que moi je te propose si tu acceptes de travailler pour nous. Tes Pokémon pourront mieux se développer, et tu serais formé par mes soins et ceux de mon équipe. Ça pourrait être comme un moyen... d'expier les pêchés dont tu as l'air de te sentir coupable ?



= =


Les yeux de Kyle étaient rougis, et il tapait encore plus nerveusement son pied contre le sol à mesure qu'il parlait de lui. Nathan était stoïque face à sa propre douleur, et aussi face à celle de son co-équipier, qui avait fait l'effort surhumain de parler de lui pour le réconforter.

- Tous les jours, je me réveille la conscience détruite, tous les jours je continue à la détruire parce que je n'arrive plus à m'empêcher de tirer sur ceux qui font du mal aux autres. J'en ai besoin. J'aime ça sur le moment, et après je suis pris de remords.

Nathan opina silencieusement, se voulant très concentré. Il renifla pour boucher le maigre silence qui s'installait quand Kyle se retenait de craquer.

- Tu n'imagines pas comment le procès que j'ai vécu m'a dégoûté de la Justice. On a voulu me mettre sur le dos la mort de mes parents pour protéger l'entreprise qui se chargeait des camions. Ils ont dit que l'âme d'un meurtrier sommeillait en moi parce que j'avais pris du plaisir à tuer tous ces monstres. Tu sais comment j'ai été épargné ?

Le brun menotté secoua la tête, sans jamais prononcer un mot.

- On m'a fait passer pour un psychopathe. Mon avocat a dit que j'étais un garçon mentalement perturbé, et que je méritais l'asile psychiatrique et non pas la prison. Ce n'est qu'à l'issue de ce séjour de plusieurs mois dans un abri pour tarés que je suis entré au B.I.C, en tant que travailleur handicapé. Et ce, pour le reste de ma vie, car au nom de la loi, je fais partie des fous.

À ce moment-là, Kyle n'en pouvait plus. Il n'avait plus aucune fierté, et se sentait si soulagé d'en parler à quelqu'un qu'il ne cessait de soupirer fébrilement.

- Et tous les jours Nathan, quand je vois ton visage de garçon innocent, incapable de tuer un Pokémon alors qu'il est flic, ça me rend dingue... J'avais envie de me dire que tu ne valais pas mieux que moi. Alors je t'ai détesté pour ça. Parce que tu te comportes comme un homme dégoûté de la vie, alors que tu n'en as pas assez payé les frais. Parce que tu étais le nouveau en qui tout le monde plaçait ses espoirs, et que je suis passé à la trappe pour ça. J'ai compris trop tard que tu étais bel et bien la personne candide que j'ai toujours vue, et donc que tu n'étais pas capable de faire quoi que ce soit de mal, parce que ça se lit dans tes yeux.
- Et il a fallu que tu me foutes en prison, que tu me passes les menottes devant mon meilleur ami endeuillé, et que notre boss t'engueule pour ça... Wow, dans le genre long à la détente Lanter, on fait pas mieux que toi ! finit par répondre Nathan.

Ce dernier sourit, rassuré de voir que son équipier ne le prenait pas en pitié. Kyle se leva, épousseta son jean alors que c'était inutile.

- C'est moi qui t'ai mis en prison, oui. Et c'est moi qui ai reçu l'ordre de t'en sortir. Je suis pas tellement convaincu de ce que je fais, mais je dois le faire, alors autant y croire.

Étrangement, Nathan se sentit mal en entendant cela. Mais c'était sa seule chance de quitter cette prison, et de régler les choses avec Timéo. Et puis, Kyle avait semble-t-il fait tant d'effort pour ouvrir ses yeux et arrêter de faire preuve de subjectivité, qu'il hocha la tête avec un maigre sourire, pour indiquer sa fausse joie. Kyle se retira après avoir fait signe au gardien, laissant un Nathan perdu dans ses délires.



= =


Ça avait sonné. À la fin des trois jours, le procès allait avoir lieu. C'est la seule chose qui le hantait. Parce qu'il ne savait plus quoi penser. S'il devait se ranger du côté de la victime, ou du suspect. Et si les deux étaient dans le même camp ?

Il posa la tasse de thé qu'il tenait entre ses mains encore chaudes, et retira ce peignoir de vieux qu'il trimballait sur son dos depuis la veille. Après avoir enfourné ses grands pieds dans des chaussons bleu marine, il se dirigea finalement vers la porte d'entrée. Pas rasé, pas coiffé, pas lavé, il l'ouvrit et fut presque aveuglé par la lumière du jour.

- Timéo Lacklaye ?
- Qui le demande ? dit Timéo, avant de s'adapter à luminosité.

Kyle n'eut pas le temps de répondre.

- Hé mais, t'es le mec qui puait de la gueule l'autre soir à la fête de promo ? Le grand flic qui n'aime pas les avocats... J'avais pas fait attention à toi quand tu as arrêté Nathan. Je revois bien les traits de ton visage énervé avant-hier.

Kyle hocha la tête, pour encaisser le personnage totalement meurtri face à lui. Et puis cette fois, c'était bien l'avocat qui sentait mauvais.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Mes parents ont déjà répondu à toutes les questions nécessaires. Ma sœur et Nathan se connaissaient très bien.
- Je ne suis pas venu pour ça, trancha Kyle.

Timéo sourit, plissa les yeux. Ça le faisait souffrir de sourire.

- Alors quoi ?
- J'ai besoin de ton aide, pour réparer les dégâts de ma jalousie.