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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 18/06/2013 à 14:42
» Dernière mise à jour le 18/06/2013 à 14:42

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Chapitre 24 : Les yeux dans les yeux
Assise au bord de l'eau, je contemplais les vagues qui venaient s'échouer sur la plage. Persévérantes malgré leur lenteur, et toujours glaciales en dépit de la chaleur - parole de mon gros orteil -, elles charriaient tellement d'algues que, par moments, on aurait presque dit du goudron liquide, une soupe épaisse et noire brassée inlassablement. Leur rythme avait quelque chose d'hypnotique et je me surpris plus d'une fois à balancer la tête sur un tempo identique.

Un, deux. Un, deux. Simple mais entraînant. Un coup elles étaient là, un coup elles s'étaient retirés, ne laissant que le vide derrière elle.

Un, deux.

Ou alors : un, zéro. Comme les informations transmises par un ordinateur, les bits qui formaient la base du programme dans lequel je me trouvais actuellement. À supposer que je me trouve dans un programme, bien sûr. J'avais décidé d'arrêter de me torturer l'esprit sur ce point, et de simplement aller jusqu'au bout du chemin qui me fournirait la réponse à cette question. Pour l'instant, cela signifiait le Conseil des Quatre.

Mon regard s'égara un instant sur les remous des flots, et un petit sourire se dessina sur mes lèvres alors que je distinguais deux gros Tentacruels accompagnés d'un Tentacool - une petite famille, peut-être ? - qui se faisaient bercer par le roulis. Moi aussi, j'aurais voulu pouvoir me laisser porter par les courants et dériver sans me soucier de ma destination. Mais cette option n'était pas envisageable : désormais en possession des huit badges - comprendre les huit sésames qui m'ouvraient les portes de la Ligue Pokémon -, je n'avais pas le loisir de perdre mon temps. Il me fallait me rendre au plateau Indigo afin de gravir les échelons jusqu'au titre suprême de champion. C'était là mon seul objectif pour le moment.

Peut-être qu'ensuite, plus tard, quand j'en aurais fini avec ça, je pourrais réfléchir à cette histoire de Pokémon le plus puissant au monde. Celui que je devais vaincre pour retourner chez moi. Peut-être qu'alors j'aurais accès à davantage d'informations, que je trouverai une piste qui irait au-delà d'un vieux carnet auquel je ne comprenais rien. J'ignorais même si cette histoire de "plus puissant au monde" était un titre réel ou une simple constatation de la part de Morgane. Lorsque j'avais évoqué le sujet avec le prof Chen et prononcé les noms de Mew et Mewtwo, il avait froncé les sourcils et affirmé que le premier n'était qu'une légende, un Pokémon dont l'existence n'avait jamais été scientifiquement prouvée, tandis qu'il n'avait jamais entendu parler du second. Si même un expert comme le prof ne disposait d'aucune information sur le sujet, comment étais-je censée m'en sortir ? Je n'avais plus qu'à espérer que quelqu'un du Conseil des Quatre sache de quoi il retourne... autrement, je risquais de rester coincée ici pour toujours.

Et puis, même si je réussissais à trouver ce mystérieux Pokémon, comment allais-je pouvoir le vaincre ? Mon chemin avait déjà croisé à deux reprises celui de Pokémon dotés d'un immense pouvoir, et j'avais perdu les deux fois - quoique l'on puisse considérer la rencontre avec Sulfura comme un match nul, mais j'avais eu Zack à mes côtés. Alors, seule, face à un Pokémon plus puissant que les oiseaux légendaires ? Je n'avais aucune chance.

Je soupirai, touillant machinalement le reste de courgettes farcies que m'avait préparé ma Pokémère en guise de pique-nique. Non, décidément, j'avais perdu l'appétit. Je refermai la boîte en plastique et la rangeai dans mon sac. Un dernier regard vers l'océan, vers le calme auquel je ne pouvais aspirer, puis je me détournai pour revenir à l'ordre du jour. Nous étions le lendemain de la mort de Grignotte et je m'étais attelée à la tâche de lui trouver un remplaçant. Comme Maraude ne s'était pas encore totalement remise de ses blessures, notamment son arrière-train qui la faisait encore souffrir, j'avais jugé plus sage de la laisser à la maison avec mes autres Pokémon de rechange. C'était donc Vésuve et Fulgure que je mettais à l'épreuve depuis ce matin. Jusqu'ici, aucun des deux n'était parvenu à se démarquer. Les deux Pokémon disposaient chacun d'avantages comme d'inconvénients ; le choix s'annonçait difficile.

- Colossinge !

Ou très simple selon Teigne. Il était clair qu'elle ne supportait pas la présence du Rapasdepic : elle n'avait pas cessé de l'apostropher tout au long de la matinée, cherchant à déclencher une bagarre. Heureusement Fulgure gardait son calme et se contentait de s'envoler dès que la Colossinge élevait trop la voix à son encontre. J'imagine qu'elle lui balançait des insultes à la figure.

- Singe ! beugla-t-elle à nouveau en bondissant vers Fulgure.

L'oiseau interrompit sa discussion avec Salade pour se tourner vers une Teigne qui n'avait jamais aussi bien porté son nom.

- Rapasdepic ? Pic, l'entendis-je répondre tandis qu'il ouvrait puis repliait ses ailes.

- Singe !

- Florizarre, zarre, intervint Salade d'une voix posée, toujours prêt à jouer les médiateurs.

- Colossinge ! réitéra Teigne hargneusement.

D'un geste vif, elle se saisit d'une pierre et la propulsa sur le Rapasdepic. Claquement sec dans l'air. Une des lianes de Salade avait jailli pour intercepter le projectile.

- Teigne ! m'exclamai-je, cédant à l'exaspération. Ça commence à bien faire maintenant avec tes tentatives de provocations !À la prochaine, tu retournes dans ta Pokéball !

La Colossinge me jeta un regard indéchiffrable, puis s'éloigna d'un pas lourd, les poings serrés. Génial. Après Maraude, voilà que j'avais réussi à me mettre Teigne à dos. Mais quand même, qu'est-ce qui était si compliqué à comprendre dans "Laisse Fulgure tranquille" ? Je lui avais déjà expliqué plusieurs fois que j'allais peut-être avoir besoin de l'oiseau, et qu'il ne lui avait rien fait ni n'avait l'air d'avoir envie de lui faire quoi que ce soit d'ailleurs, alors si elle pouvait contenir ses pulsions bagarreuses... Mais non, elle persistait malgré tout.

Aux côtés de Salade, Fulgure n'avait pas bougé. Une bourrasque de vent marin lui ébouriffa soudain les plumes, le faisant ressembler pendant un instant à un gros poulet dans une soufflerie. Ses yeux perçants balayèrent la plage avant de s'arrêter sur moi une seconde, et de repartir aussitôt. Était-ce de l'hésitation que je lisais dans son attitude ? J'arrivais plus ou moins à décrypter le langage corporel de Vésuve, mais Fulgure demeurait pour le moment un mystère complet.

- Ça va, c'est pas ta faute... lui assurai-je.

- Rapasdepic, croassa-t-il sans que je puisse déterminer ce qu'il voulait dire.

En tout cas, il semblait patient et pas facile à mettre en colère, ce qui était une bonne chose. Il allait tout de même falloir que je trouve une solution au problème de Teigne si je prenais l'oiseau dans l'équipe. Peut-être en garder l'un dans sa Pokéball pendant que l'autre serait de sortie ? Radical, mais au moins je pouvais être certaine que ça marcherait...

Je fus brusquement tirée des mes pensées par la sensation déferlante que l'on me versait du métal en fusion sur les jambes et le bas du dos. La vague de chaleur fit crier chacun de mes nerfs et je me jetai en avant instinctivement. Mes genoux heurtèrent le sable ; j'exhalai alors que la brûlure s'atténuait. Elle n'avait duré qu'une brève fraction de seconde, et la douleur s'estompait déjà.

- Vésuve... soufflai-je. Je t'ai déjà expliqué qu'il fallait que tu gardes tes distances...

- Mag, fit le Magmar en me contournant, prenant garde de rester à un bon mètre de moi.

- Oui je sais que tu n'as pas l'habitude, mais essaie d'y penser, s'il te plaît. Parce que sinon je vais me retrouver toute rouge écrevisse avant la fin de la journée...

- Magmar, affirma-t-il, l'air déterminé.

Ce n'était jamais que la troisième fois qu'il me faisait le coup. Je commençais à me demander s'il n'avait pas des problèmes de mémoire. À moins qu'il ne le fasse exprès et se paye ma tête dans mon dos ? Non... À chaque fois que je lui rappelais de ne pas trop s'approcher, il paraissait vraiment désolé de m'avoir fait du mal. Il fallait que j'arrête avec la paranoïa, mes Pokémon n'étaient pas mes ennemis.

- Allez, on reprend l'entraînement ! lançai-je à la cantonade.

Le Magmar et le Rapasdepic vinrent se poster devant moi, prêts à m'obéir. Ils savaient qu'ils se trouvaient en compétition l'un contre l'autre, ce qui galvanisait Vésuve en particulier, qui cherchait tout le temps à me prouver que c'était lui le meilleur. Fulgure lui se mettait beaucoup moins en avant. Ce n'était pas de la timidité de sa part - du moins, je ne le croyais pas -, et il m'avait confirmé qu'il voulait faire partie de l'équipe lorsque je lui avais posé la question. Ça devait venir tout simplement de son caractère.

Mes autres Pokémon demeurèrent à l'écart, certains se montrant même peu intéressés par ce qui s'annonçait comme une autre séance de combat contre les Saquedeneu qui pullulaient dans le coin. Plouf préférait jouer dans les vagues, Pleind'Soupe faisait la planche depuis une heure déjà, et Teigne s'était éloignée et ne constituait plus qu'une petite silhouette blanche à l'autre bout de la plage. En fait, seul Salade prêtait vraiment attention à ce qui se passait. J'échangeai un regard avec mon géant vert et lui souris avant de passer quitter le sable pour m'avancer dans les hautes herbes.

Il est temps de passer aux choses sérieuses.


- Fulgure, envole-toi, repère les menaces potentielles. Vésuve, rappelle-toi, tu n'agis pas sans mes ordres.

Ils manifestèrent tous deux leur accord, puis le Rapasdepic prit son envol gracieusement, s'affranchissant de la terre ferme sur laquelle il était réduit à une démarche ridicule. Ceux de son espèce exprimaient tout leur potentiel dans les airs, et Fulgure ne faisait pas exception. Domptant les vents de ses ailes immenses, il se mit à évoluer gracieusement au-dessus de nos têtes, planant sans aucun effort apparent. J'estimais qu'il devait facilement avoisiner les six mètres d'envergure. Alors que je m'interrogeais sur le poids maximum qu'il serait en mesure de soulever, il effectua un virage qui l'amena plus près de nous et tendit son cou semblable à celui d'un vautour tout en scannant le sol de ses yeux perçants. Je le savais capable de piqués foudroyants pour l'avoir vu en action à peine une heure plus tôt, lorsqu'il avait transpercé un Saquedeneu de son bec après une descente qui n'avait pas excédé la seconde. Rapide et dangereux, Fulgure portait bien son nom.

Il poussa soudain un cri rauque, nous signalant qu'il avait vu quelque chose digne d'intérêt. Trois, quatre pas plus tard et je fus en mesure de distinguer la chose en question - ou plutôt les choses, car il s'agissait de deux Saquedeneu dont les corps d'un beau bleu tranchaient très nettement avec le vert de l'herbe. À notre approche, les petites bestioles teigneuses parurent se gonfler, déployant certaines de leurs lianes autour d'elles tout en émettant des "Neu, neu" plutôt agressifs. Je ne savais pas si nous étions tombés sur la saisons des amours ou juste à un mauvais moment, mais tous les Pokémon de cette espèce que nous avions croisés jusque là se montraient particulièrement bagarreurs, leur comportement à des lieux de celui de Poupidou qui m'avait fait un câlin ce matin lorsque j'avais failli lui marcher dessus.

- Bien, Fulgure, tu commences ! m'écriai-je. Je veux un piqué silencieux suivi d'un Bec Vrille, et maîtrise la puissance de ton coup pour uniquement faire fuir ton adversaire !

Là résidait toute la difficulté : si le Rapasdepic suivait mes ordres à la lettre, il avait apparemment du mal à doser sa force. Un tel défaut pouvait s'avérer dangereux dans une vraie situation de combat, tout autant pour lui que pour le Pokémon opposé.

Ma voix s'était à peine éteinte que déjà un trait brun tombait du ciel. Fulgurant. Un clignement de paupières et le Rapasdepic avait porté son attaque. Rapide et efficace, son bec aussi tranchant qu'un rasoir était venu cisailler les lianes de l'un des deux Saquedeneu ; le concerné tituba, émettant un couinement qui m'évoqua le bruit du papier froissé. Son compagnon contre-attaqua aussitôt et deux appendices bleus vinrent s'enrouler autour des pattes de Fulgure, le tirant vers le sol. Incapable de trouver suffisamment d'appui pour résister à la traction, le Rapasdepic s'échoua maladroitement dans l'herbe.

- Fulgure, dégage-toi sans lui faire de mal ! lui ordonnai-je.

Puis j'ajoutai à l'intention de Vésuve :

- Tiens-toi prêt, ça va être à toi.

Le Magmar s'avança d'un pas, la flamme de sa queue gagnant en intensité, tandis que Fulgure se contorsionnait pour échapper à l'étreinte du Saquedeneu. Ce dernier lâcha finalement prise après avoir été repoussé en arrière par deux vigoureux coups d'ailes de Fulgure, qui reprit son envol dans un tourbillon de terre et de brins d'herbes. Je m'avançai encore un peu, puis m'immobilisai à quelques mètres des deux Saquedeneu. Celui touché par le Bec Vrille demeurait prostré, les yeux mi-clos, et semblait avoir perdu toute velléité de se battre, ce qui n'était pas du tout le cas du deuxième : il nous avait repéré, et en l'absence d'une cible plus proche, sa fureur se reporta sur nous. Propulsé par ses lianes, il se précipita dans notre direction.

- Lance un Brouillard ! indiquai-je à Vésuve. Concentre-le sur une zone assez large comme ça ce sera plus...

Le Magmar s'élança sans attendre la fin de ma phrase, brandissant un poing qui s'ourlait de flammes d'un orange vif. En trois enjambés, il rejoignit le Saquedeneu qui se ruait sur lui sans aucune peur, et lui asséna ce qui était indubitablement un Poing de feu. Les lianes que le Pokémon plante avait déployées se rétractèrent soudain alors qu'il se recroquevillait tout entier sous l'impact. Des étincelles volèrent. Une odeur de brûlé monta dans l'air, suivie de la protestation très vocale du Saquedeneu. Prenant conscience qu'il avait fait une erreur en voulant s'attaquer à nous, il voulut fuir, mais fut incapable de parcourir plus de quelques mètres avant de s'affaler par terre.

Vésuve revint vers moi la tête haute, fier comme un paon.

- J'avais dit "Brouillard", on est bien d'accord ? lui rappelai-je.

- Magmar ! acquiesça-t-il.

- Alors pourquoi tu n'as pas obéi ?

- Mag, magmar. Maaaag. Mar.

Je soupirai. D'après ce que je comprenais, sa réponse équivalait à "Oui, mais ce que j'ai fait est mieux, alors j'ai raison." C'était la même rengaine depuis son tout premier combat, celui où il avait choisi de faire un Lance-flamme sur un Roucool au lieu d'une Puredpois, et ce genre de choses se répétait encore et encore malgré mes explications et mes suppliques répétées. J'avais beau lui demander de me faire confiance, lui affirmer que je savais ce que je faisais - un fait entériné par mes autres Pokémon qui devaient lui tenir le même discours -, Vésuve n'en faisait qu'à sa tête. Je ne savais plus vraiment de quelle façon m'y prendre avec lui.

Un couinement feutré atteignit mes oreilles. Le second Saquedeneu s'était porté au secours du premier, et l'avait agrippé avec deux lianes pour ensuite le traîner lentement, s'éloignant de nous. Une empreinte fumante sur le corps du Pokémon plante à terre marquait l'endroit où le poing du Magmar l'avait touché ; certains bouts de lianes sectionnées rougeoyaient encore, les braises attisées par les bourrasques du vent capricieux.

- Hé, attendez vous deux ! m'écriai-je.

Soit le Saquedeneu qui tirait son compère ne me comprit pas, soit il décida que je voulais qu'il reste pour mieux les bastonner, mais en tout cas il continua à avancer, remorquant vaillamment l'autre derrière lui.

- Fulgure, bloque leur la route. Toi Vésuve tu restes là - et si tu me désobéis cette fois tu retournes dans ta Pokéball, je suis sérieuse, ajoutai-je d'une voix que je voulus ferme.

L'immense oiseau qu'était le Rapasdepic descendit des hauteurs pour venir couper toute retraite aux duo des Saquedeneu. Celui qui tenait encore debout leva son regard sur moi alors que l'autre remuait faiblement, peut-être dans une tentative de se redresser qui s'avéra vaine. Lentement, je m'avançai vers eux, les mains bien en évidence pour montrer que je ne leur voulais aucun mal - quoi que vu que c'était un truc d'humain, ça ne voulait probablement pas signifier grand chose pour des Pokémon. Les yeux en forme de soucoupe du plus petit étaient toujours braqués sur moi, ses lianes toujours fermement enroulées autour du corps de l'autre qui paraissait bien plus mal en point.

- Je vais le soigner, indiquai-je à la bestiole bleue tout en sortant une bouteille de super potion. Tu vas voir, dès que je l'aurais un peu aspergé il va se sentir mieux...

Tout à coup, le Saquedeneu qui s'était immobilisé réagit. Le mouvement fut bien trop rapide pour que je puisse l'éviter et une liane vint crocheter mon poignet, exerçant une pression contre ma peau. Immédiatement, Fulgure baissa la tête, son bec allant frôler le sommet du corps du Saquedeneu. J'entendis Vésuve s'exclamer un "Mag !" et je suppose que même Salade dût réagir, bien que je n'en eu pas la confirmation visuelle parce que je n'avais pas quitté des yeux la bestiole bleue.

- Doucement, chuchotai-je, tout va bien. Fulgure, recule.

Le Rapasdepic obtempéra sans sourciller, et je bénis mentalement son caractère docile. Vu la situation tendue de chez slip, le moindre dérapage aurait pu conduire à des conséquences dramatiques. Je m'éclaircis la gorge et repris d'une voix calme :

- Il n'y a plus aucun danger, d'accord ? Je n'ai jamais voulu vous tuer et je ne comptais pas non plus blesser à ce point ton ami.

- Saquedeneu ? s'enquit le Pokémon plante avec un frémissement.

La liane serrée autour de mon poignet trembla un peu mais ne se relâcha pas pour autant.

- Tu vois ce truc dans ma main ? continuai-je en imprimant une légère secousse à la potion. Ça contient un liquide guérisseur qui va remettre ton copain sur pattes en un instant.

Le Saquedeneu plissa ses grands yeux. La pression de sa liane se fit plus forte, tandis qu'une autre se dressait au-dessus de lui, menaçante. Merde. Je m'efforçai de sourire.

- Maintenant ce que je vais faire, c'est que je vais approcher ma main pour déboucher la bouteille, d'accord ?

Je joignis le geste à la parole. Lentement, lentement. Au moment où j'allais enfin toucher le plastique, la seconde liane jaillit, plus rapide qu'un fouet, et alla s'enrouler autour de mon cou. Choc. La douleur vive m'électrisa toute entière. Je poussai un cri étranglé et cherchai à reculer instinctivement, mais la prise du Saquedeneu se resserra brusquement, me coupant la respiration. Je sentis mon pouls qui s'emballait vers des sommets tandis que j'amenais ma main libre à mon cou pour tenter de défaire l'étau qui me comprimait la trachée. Mes ongles grattèrent inutilement contre la liane. Elle me rentrait dans la peau... Trop serrée...

J'émis une autre protestation. Faible. Seul un filet d'air sortit de ma bouche.

Le voile noir de l'inconscience descendit sur moi. Tout partit de travers. Le ciel en-dessous et la terre au-dessus, entremêlés. Le goût de l'humus dans ma bouche alors que le vent me caressait le dos. Froid.

Un sifflement sec retentit, quelque part, loin et proche à la fois.

Du vent sur mon visage. Une bourrasque, puis deux. De la pluie ? Non. Des gouttelettes salées roulant le long de mes joues pour finir sur mes lèvres.

Le rythme des vagues me rattrapa, incongru, inexpliqué.

Tu sais ce qui va se passer ?


Un, deux.

Tu vas perdre, et il va gagner.


Un, deux.

Tes Pokémon sont déjà morts.


Les battements de mon cœur suivaient le même tempo, mais distordu, deux fois, trois fois plus vite.

Sauf si tu l'écoutes, parce qu'il s'y connaît.


Je chassai la voix d'un grognement mental. Le silence revint. Je me rendis compte que j'étais couchée sur le côté, la tête dans l'herbe. Puis progressivement, je devins consciente de mes inspirations frénétiques et de ma gorge qui me brûlait. Plus aucune liane ne l'enserrait et je pouvais respirer librement, bien que le fantôme de la douleur soit encore présent. Je me redressai, la tête me tournant.

Salade se tenait tout près de moi, placé de façon à ce que l'ombre de son arbre-fleur me protège du soleil. Je lus le soulagement dans ses yeux sombres avant qu'il ne rapproche doucement son museau de mon visage. Je pris appui sur lui afin de ne pas retomber à la renverse. Le "merci" que je voulus articuler ne sortit pas : ma bouche était trop sèche. J'inspirai profondément, savourant l'air qui pouvait à nouveau entrer dans mes poumons, puis je jetai un coup d'œil circulaire afin d'avoir un aperçu de la situation.

Fulgure se trouvait juste derrière moi, immobile mais vigilant. Un liquide vert clair que je savais être la couleur du sang des Saquedeneu teintait son bec. Est-ce que ça datait de son Bec Vrille qui avait débuté le combat ou bien était-ce plus récent ? Je ne parvenais plus à me souvenir s'il y avait autant de vert quelques minutes plus tôt... Vésuve lui s'était également rapproché, en gardant cependant suffisamment de distance pour ne pas me cramer la peau. Quant aux deux Saquedeneu, ils n'étaient nulle part en vue.

- Sont où ? réussis-je à croasser, une pique de douleur m'assaillant la gorge bien que ma demi-phrase ait été à peine audible.

Salade me renvoya un regard impassible.

- Vésuve ? Fulgure ? les sollicitai-je face au mutisme du Florizarre.

Le Rapasdepic ne fut pas plus loquace, tandis que le Magmar lançait un "Mag, Magmar" en indiquant un point davantage vers l'intérieur des terres. Je scrutai l'endroit en question mais ne vis rien. Bon. Je grimaçai, me frottant le cou. L'impression qu'un filin d'acier m'enserrait la gorge ne me quittait pas. Je devais avoir une belle marque, à tout les coups.

- Allez, ça suffit l'entraînement, on rentre, soufflai-je.

- Maaaag, protesta Vésuve.

Je soupirai à cette réaction. Aïe. Même ça c'était douloureux.

- Quoi, tu veux encore te battre ? Tu vois bien qu'il n'y a plus de...

Une quinte de toux m'interrompit.

- ... plus d'adversaires, terminai-je lorsque j'eus repris mon souffle.

Sans se démonter, le Magmar désigna Fulgure d'une main. Effectivement, c'était d'une logique implacable. Faire s'affronter les deux Pokémon en lice pour la sixième place dans l'équipe... Comme ça il n'y aurait aucun doute sur qui était le plus fort. Je hochai la tête.

- Si Fulgure est d'accord, alors je le suis également, déclarai-je.

Le Rapasdepic émit un croassement rauque et prit son envol d'un seul coup d'aile. Je le suivis des yeux, incertaine de ce que ça signifiait. Une liane vint me tapoter l'épaule.

- Florizarre, zarre, m'indiqua Salade. Zarre ?

- Vas-y, lui répondis-je.

Deux de ses lianes vinrent m'entourer pour me soulever délicatement. Il me déposa sur son dos et je m'installai confortablement contre son arbre-fleur, levant les yeux au ciel afin de repérer Fulgure. Tandis que Salade s'éloignait pour faire de la place aux combattants, Vésuve cracha un jet de flammes en direction de son adversaire, ce qui déclencha l'ouverture des hostilités. Le Rapasdepic esquiva l'attaque en effectuant un virage sur l'aile, suivi d'un plongeon abrupt qui l'amena à la hauteur du Magmar en une fraction de seconde. Seuls les foudroyants réflexes de ce dernier lui permirent de rouler hors de portée du Bec Vrille. Il se redressa ensuite et tenta d'expédier un coup de poing enflammé à Fulgure, mais l'oiseau était déjà remonté et l'attaque se perdit dans le vide.

Cette première estocade devait avoir permis à l'un comme à l'autre de jauger la force de son adversaire. En tout cas, elle dût inciter Fulgure à la prudence, car durant la minute qui suivit il se contenta de planer au-dessus de Vésuve, évitant de temps à autres les lances de feu que le Magmar crachait parfois. Il devait être en train de réfléchir à sa stratégie... à moins qu'il ne cherche à épuiser Vésuve. Un Pokémon feu pouvait-il se retrouver à bout de flammes ? Lorsque Fulgure replia ses ailes pour plonger à nouveau vers le sol, je compris que je n'obtiendrais pas la réponse aujourd'hui. Cette fois-ci, Vésuve choisit la méthode 'Teigne' : encaisser l'attaque, puis riposter. Il attendit que le bec du Rapasdepic lui laboure le flanc droit, emportant un large lambeau de peau et laissant derrière lui une plaie sanglante, puis écrasa son poing sur le ventre de Fulgure, un coup porté par en-dessous à l'air particulièrement puissant. L'oiseau n'apprécia pas du tout. Il poussa un cri rauque et battit des ailes si vigoureusement qu'il créa une mini-tornade à bout portant, chose dont je ne le savais même pas capable. Les vents violents soulevèrent Vésuve de terre, jouèrent avec lui un moment comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'une plume, puis le projetèrent au loin avant de s'évanouir.

- Hé bien, Fulgure se défend mieux que ce que je pensais... observai-je.

- Zarre, commenta Salade alors que Vésuve se relevait d'un bond.

Soudain, les flammes du Magmar parurent gagner en vigueur. Elles se mirent à briller plus haut, plus fort, pendant que les brins d'herbe des environs se racornissaient sous l'effet de la chaleur. Quelques braises s'envolèrent sous l'action d'une bourrasque de vent marin. Et ce n'était pas tout : je vis Vésuve ouvrir ses poings puis les refermer lentement tandis que des coulées de feu en fusion se déplaçaient sur sa peau rouge et or, s'entrelaçant et se croisant dans une danse complexe qui n'avait pas de fin. On aurait dit un réseau de tatouages étincelants et dotés d'une vie propre. Le Magmar se secoua, chacune des lignes de feu sur son corps flamboyant tel les premiers rayons du soleil lors d'un matin d'été ; un petit nuage de fumée s'échappa de sa bouche, puis il entreprit de décrire un cercle en gardant les yeux fixés sur le Rapasdepic quelques mètres plus haut. Sa façon de se mouvoir avait changé par rapport à avant ; il dégageait à présent une énergie magnétique de fauve en chasse - curieusement, cela me rappela Princesse.

Il cracha tout à coup un Lance-flamme en direction du Rapasdepic, que je compris comme une sorte de défi. L'oiseau y répondit, rompant son vol circulaire pour piquer, bec en avant. La collision entre les deux me fit sursauter, alors même que je m'y attendais, et ma tête cogna contre l'arbre-fleur de Salade quand le Rapasdepic atteignit le Magmar. Il y eut un flash doré qui m'éblouit un bref instant au moment précis du choc, j'entendis un bruit de plumes froissées, et ce qui était peut-être le crépitement sec de flammes. Puis le silence. Lorsque ma vision s'éclaircit et que les deux combattants redevinrent visibles, Fulgure se trouvait à terre, tandis que Vésuve le toisait de haut.

- Oui, oui, c'est toi le vainqueur, confirmai-je lorsque les prunelles dorées du Magmar vinrent chercher les miennes en quête du verdict.

Je me laissai glisser à terre pour me rendre au chevet de Fulgure, tout de même inquiète bien que ça n'ait été qu'un duel des plus amical. Couché sur le côté, l'oiseau était encore conscient. L'une de ses ailes présentait une grosse trace de brûlure, la seule blessure apparente qu'il avait récoltée du combat. Il frémit lorsque je posai une main sur son plumage, puis émit un 'Pic' que je ne fus pas en mesure de déchiffrer.

- T'inquiète, t'as fait de ton mieux et c'est très bien, le rassurai-je sans savoir si c'était ça qu'il attendait.

Une Super Potion le remit d'aplomb très facilement, et la petite voix au fond de ma tête qui n'arrêtait pas de clamer que j'allais encore perdre des Pokémon recula un peu.

- Bien, maintenant on rentre, décrétai-je en faisant signe au reste de mes Pokémon de nous rejoindre.

Plouf fut là quelques instants plus tard, suivi par Pleind'Soupe qui demanda à rentrer dans sa Pokéball pour pouvoir continuer à dormir. Je m'exécutai, rappelant l'immense Ronflex dans sa petite maison.

- Teigne ! m'écriai-je ensuite, espérant qu'elle allait m'entendre malgré le grondement constant des vagues qui assaillaient la plage. On rentre !

Pas de réponse. Je scrutai la longue bande de sable blanc, des deux côtés, mais n'aperçus rien qui ressemble à une Colossinge. Et elle n'avait pas l'air d'être dans l'eau non plus. Je grognai, vaguement énervée par son comportement. Ce n'était vraiment pas le moment de bouder.

- Fulgure, tu peux aller faire un petit tour pour voir si tu trouves Teigne ? demandai-je à l'oiseau.

Il décolla promptement, et ce n'est que lorsqu'il fut trop loin pour pouvoir m'entendre que je me rendis compte que j'avais oublié de préciser que s'il la localisait, il fallait qu'il revienne me voir directement, sans tenter d'aller lui parler tout seul. Qui sait comment Teigne réagirait, confrontée seule à un Pokémon qu'elle haïssait ? Je croisai les doigts pour que Fulgure fasse preuve de suffisamment de prudence.

Comme s'il avait lu dans mes pensées, Salade déclara :

- Flori, florizarre, zarre.

Son ton se voulait apaisant, et je devinai qu'il tentait de me rassurer.

- Je ne pense pas que Teigne ferait vraiment trop de mal à Fulgure... C'est juste que... je ne veux pas que mes Pokémon se battent entre eux, tu comprends mon Salade ? On est censé être une équipe, soupirai-je.

- Zarre.

- Oui, c'est vrai que Teigne a toujours préféré se la jouer solo...

- Zarre ?

- Non, c'est pas forcément moins bien. Enfin, ça lui convient, à elle.

- Zarre.

- De toute façon c'est Vésuve qui va remplacer Grignotte, alors ça devrait aller, conclus-je.

- Zarre, acquiesça Salade.

Suite à cette conversation des plus variées, un point noir apparut à l'horizon, signalant le retour de Fulgure. Il atterrit dans le sable sans aucune grâce, manquant presque de s'écraser, et se lança aussitôt dans un monologue pressant :

- Rapasdepic, pic, rapas ! Rapas, pic !

J'avais beau ne pas comprendre ce qu'il racontait la plupart du temps, cette fois-ci, le message passait clairement : affolement et demande de se dépêcher. Mince, qu'est-ce que Teigne avait encore fait ?

- Montre-nous le chemin ! ordonnai-je à Fulgure.

J'aurais presque pu le chevaucher pour gagner du temps, mais je ne m'y étais essayé qu'une seule fois et je préférai ne pas risquer d'incident, surtout que je ne savais pas exactement quel danger nous attendait. Le Rapasdepic reprit son envol, filant comme le vent en direction du Bourg Palette. Je montai sur Plouf, rappelai Salade et Vésuve, puis m'accrochai à mon monstre des mers alors qu'il mettait la gomme. Le trajet qui d'ordinaire prenait dix minutes fut raccourci de moitié, Plouf avalant la distance qui nous séparait de Teigne comme si sa vie ou celle de la Colossinge en dépendait. Le rivage du Bourg Palette se profila bientôt, et une appréhension glacée envahit mes veines à la vue du spectacle qui se jouait sur la petite plage.

Un spectacle qui comportait trois acteurs.

Teigne, à genoux dans le sable.

Un Roucarnage, tournoyant au-dessus d'elle, les serres maculées de sang.

Et son dresseur qui observait tranquillement la scène.

- Zack !

Mon cri résonna, moitié colère moitié surprise, faisant écho au roulement des vagues. Mon rival leva la tête et ses yeux croisèrent les miens alors que Plouf accostait. Durant un instant, il y eut un silence d'une intensité à couper le souffle, et plus rien d'autre n'exista au monde que Zack et moi. Le temps paraissait suspendu, stoppé net par la rencontre de nos regards. Ce que je lus dans les pupilles sombres de mon rival me laissa interdite. D'ordinaire, il ne laissait rien transparaître - ou si peu. Mais là, ses yeux étaient ouverts et francs, traversés par des éclairs d'émotions fugaces que j'identifiai une à une.

Étonnement, satisfaction, détermination... Reproche.

J'ignore ce qu'il déchiffra chez moi en retour. À vrai dire, je n'étais même pas certaine de savoir exactement ce que je ressentais. L'adrénaline brouillait tout et seule la peur ressortait, vive et cristalline. Peur pour qui ? Peur de quoi ? Je n'aurais su le dire.

Je rompis finalement le contact, sautant à terre pour aller rejoindre Teigne.

- Ton idiote de Colossinge m'a attaqué.

Un ton agressif. Accusateur.

- Et tu ne pouvais pas trouver un autre Pokémon que ton Roucarnage pour te défendre ? rétorquai-je tout aussi hargneusement. Tu aurais pu la tuer !

De nombreuses plaies sanglantes marquaient la fourrure de Teigne, preuve que le combat avait été rude. Elle tremblait, mais je soupçonnais que c'était davantage dû à la rage qu'à son état physique.

- C'est elle qui aurait pu me tuer, répliqua mon rival d'une voix sèche. Tu ne l'as pas vu se jeter sur moi comme un démon en furie... Elle a complètement perdu les pédales. Si tu ne la maîtrises plus tu sais ce qu'il te reste à faire, Léa. Garder un Pokémon rebelle comme ça, c'est beaucoup trop dangereux, elle finirait par tuer quelqu'un.

Mais c'était Teigne ! Teigne la courageuse (ou la folle, selon les points de vue). Teigne la boule de poil. Teigne qui m'avait sauvé la vie plus d'une fois. Le deuxième Pokémon que j'avais capturé et qui avait toujours été à mes côtés. Je n'envisageai pas l'équipe sans elle. Impensable. Non, elle n'avait pas pété un plomb, je refusais de le croire. Ce n'était qu'un accident, un seul petit cafouillage qui n'était en rien indicatif d'un problème au niveau de la santé mentale de la Colossinge. Zack avait dû faire ou dire quelque chose qui l'avait mise en colère, et comme elle était déjà énervée, ça avait été la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Oui, voilà, ça devait être ça.

Telles étaient mes pensées alors que j'administrai une double ration de super potion à Teigne, qui se releva en s'ébrouant dès que le liquide guérisseur eut fait son effet.

- Singe ! beugla-t-elle en fusillant Zack du regard.

- Teigne, qu'est-ce qui s'est passé ? l'interrogeai-je.

- Singe, colossinge ! insista-t-elle.

Elle brandit un poing en direction de Zack. Ce dernier eut un petit rire.

- Elle en redemande ? Ça tombe bien, parce je te défie, Léa. Pas de potions ou d'objets. Juste toi et moi, et nos équipes respectives dans un duel sans pitié.

Ces deux derniers mots me firent frissonner. Depuis quand Zack était-il si froid ?

Ne te voile pas la face, Léa. Il l'a toujours été...


Pas au point de n'avoir aucun scrupule à tuer mes Pokémon,
objecta la partie de moi spécialisée dans les raisonnements têtus. (Je sentais d'ailleurs qu'elle était à deux doigts d'ajouter "Il y a encore du bien en lui !" avec la petite musique de circonstance.)

Hé bien c'est chose faite à présent,
constata la partie pessimiste, catégorie "On va tous mourir argh". La vision de Présage se rapproche de plus en plus.

Sauf que la dite vision concernait notre affrontement pour le titre de champion, et que qui plus est, je n'avais pas l'intention d'accepter le défi qu'il venait de me lancer.

- Je reviens d'une séance d'entraînement, mes Pokémon sont trop fatigués pour se battre, prétextai-je, le mensonge me brûlant la langue même au vu des circonstances.

- Les miens aussi, répondit Zack.

- Ici c'est pas un endroit pour un duel, on risquerait de détruire les maisons, continuai-je.

- Suffit de délimiter la zone de combat à la plage, et les Pokémon qui en sortent perdent par forfait, opposa-t-il.

- On devrait conserver nos forces pour la route jusqu'au plateau Indigo, non ? essayai-je en désespoir de cause.

- Justement, tu vas me constituer un bon entraînement, rétorqua-t-il.

Nous nous affrontâmes à nouveau du regard. Les yeux dans les yeux.

- Zack... lâchai-je finalement. J'ai pas envie de me battre contre moi. Pas ici. Pas maintenant.

Il tendit la main, un sourire goguenard aux lèvres.

- Alors paye.

La chaleur écrasante du soleil m'accablait les épaules. Je me sentais soudain immensément fatiguée. Sans un mot, je fis glisser mon sac à dos le long de mon épaule pour aller chercher les Pokédollars. Un dresseur qui refusait le duel était censé remettre la moitié de son argent : c'était le prix à payer pour éviter tout combat. Si dans les faits on pouvait donc décliner un défi, très peu de dresseurs le faisaient en réalité - il revenait nettement moins cher de perdre. J'estimais ma fortune actuelle à environ cinquante mille Pokédollars, il fallait donc que je me sépare de vingt cinq mille pour avoir la paix. J'entrepris de commencer à compter les billets.

- Tu sais, c'est dommage, remarqua Zack. Si tu m'avais vaincu je crois que je t'aurais avoué le truc.

- Quel truc ?

- Le truc avec Julien.

Mes doigts s'immobilisèrent. Je relevai lentement la tête.

- Donc tu avoues que tu ne m'as pas tout dit en ce qui concerne le Rocket ? clarifiai-je, consciente de toucher du doigt un sujet crucial.

- C'est ça.

- Et tu miserais ce secret sur l'issue du combat ?

Tu vois, tu avais raison d'être parano, il te cache bien quelque chose et c'est à propos de ton frère !
s'égosillait en même temps une petite voix dans ma tête.

Il hocha la tête.

- Bats-moi et tu sauras tout.

- Et en échange, je suppose que tu veux que je te révèle mon secret si tu me bats ?

- Non, démentit-il. Cet accord ne concerne que moi.

Inattendu. Et bien trop tentant pour refuser. Je reposai la liasse de billets dont je m'étais saisie.

- OK, Zack. Allons-y pour un duel entre toi et moi.

Le sourire glacial qui vint éclairer son visage me mit mal à l'aise. J'espérai que je n'avais pas fait le mauvais choix. Jusqu'ici, j'avais toujours réussi à le vaincre, alors pourquoi cette fois serait-elle différente ? Zack semblait suprêmement confiant de sa victoire, mais ça aussi c'était habituel.

Il leva le regard vers son Roucarnage qui n'avait pas cessé de planer au-dessus de nous.

- On commence quand tu veux, m'indiqua-t-il.

- Singe ! s'exclama Teigne en sautant devant moi, ses intentions très claires.

- Non, lui répondis-je. Sois raisonnable, Teigne. Tu affronteras un Pokémon contre lequel tu n'as aucune faiblesse, donc ni le Roucarnage ni l'Alakazam.

La Colossinge croisa les bras et me regarda d'un air mauvais.

- C'est pour ton bien, insistai-je.

Elle me renvoya un grognement inintelligible en retour. Ah, les joies de la communication avec mes Pokémon...

- Léviator ? s'enquit Plouf en se penchant pour mettre sa grosse tête à ma hauteur.

- Non plus. Pour ce premier affrontement, ce sera oiseau contre oiseau, annonçai-je en faisant un signe à Fulgure.

Propulsé par un battement d'ailes vigoureux, le Rapasdepic se porta à la rencontre du Roucarnage, lequel émit un cri strident auquel Fulgure répondit immédiatement. Je croisai une dernière fois le regard de Zack, profond et sombre, avant de donner l'ordre qui initia le duel :

- Bec Vrille ! Puissance max, ne te retiens pas !

L'enjeu était trop grand pour ne pas se donner à fond.

- Danse-Plume ! ordonna Zack quant à lui.

Le ciel se changea en champ de bataille alors que Fulgure s'élançait vers son adversaire, son bec fendant l'air pour venir cisailler l'aile gauche du Roucarnage, qui répliqua d'un coup de serre instinctif. Sa riposte ne fit qu'effleurer le Raspasdepic, car l'oiseau avait continué sur sa lancée, aussi insaisissable que la brise. Tandis qu'il effectuait un demi-tour plutôt sec afin de revenir à l'attaque, il se trouva soudain assailli par une nuée de plumes brillantes. Le nuage surgi de nulle part l'entoura complètement durant une seconde ou deux, et j'entrevis Fulgure qui se débattait à travers ce qui ressemblait plus ou moins à des dizaines d'éclats de soleil. Je me forçai à garder le regard fixé sur lui. Alors que mes yeux commençaient à larmoyer, les plumes perdirent leur luminosité et tombèrent en pluie jusqu'au sol ; l'une d'entre elles atterrit sur mes cheveux et je la récupérai au creux de ma main. Un morceau de douceur duveteuse qui avait eu je ne sais quel effet sur Fulgure.

Je n'eus pas le loisir de m'interroger davantage à ce sujet car le Roucarnage avait enchaîné sans attendre sur l'ordre de Zack, et le claquement de ses ailes immenses annonçait un Cru-Aile.

- Imite-le ! criai-je à Fulgure.

Avec un peu de chance, les deux coups de vent s'annuleraient et le Rapasdepic s'en sortirait indemne. Du moins l'espérais-je. Les deux Pokémon oiseaux se faisaient face au moment où ils battirent chacun des ailes, la plus grande envergure du Roucarnage lui donnant un avantage certain à ce petit jeu-là. De ce fait, son vol gagnait aussi en stabilité, ce qui lui permit d'être à peine déstabilisé par le courant d'air de Fulgure, alors que ce dernier fut frappé de plein fouet par le Cru-Aile adverse. Pliant son long cou, le Rapasdepic donna quelques coups d'ailes désordonnés pour tenter de retrouver son équilibre.

- Monte plus haut, Fulgure ! m'exclamai-je en voyant que le Roucarnage s'apprêtait à réitérer son attaque.

Le Rapasdepic gagna les hauteurs de puissants coups d'ailes successifs, surplombant son adversaire et évitant le second Cru-Aile de justesse. Il ne disposait que d'une poignée de secondes pour exécuter sa prochaine action - une poignée de secondes avant que le Roucarnage ne le rejoigne ou n'attaque à nouveau. Je savais exactement ce qu'il fallait qu'il fasse mais il était malheureusement trop loin pour m'entendre, et je n'avais plus qu'à croiser pour les doigts pour qu'il se souvienne de notre entraînement de ce matin.

La première seconde s'écoula dans l'attente, Fulgure restant immobile en vol stationnaire tandis que le Roucarnage orientait son corps dans sa direction.

La deuxième passa de la même façon, et je crus que le Rapasdepic avait oublié, qu'il attendait un signe de ma part, une indication sur comment continuer le combat...

À la troisième, je sus que j'avais eu tort.

Une flèche de plumes brunes et ocre à la vélocité démentielle venait de tomber du ciel. Je la vis passer devant le Roucarnage, fendant littéralement l'espace selon une trajectoire diagonale. Le moment de la collision fut trop bref pour que je l'aperçoive clairement, mais il dut avoir lieu, car le Pokémon de Zack poussa un cri étranglé et fut projeté en arrière, basculant dans une chute non contrôlée. Il faillit s'écraser, ne se rétablissant qu'au dernier instant, et son ventre crème frôla le sable alors qu'il battait à nouveau des ailes.

Fulgure, lui, s'était posé à quelques mètres de moi. Quelques-unes de ses plumes paraissaient froissées et il respirait rapidement, mais à part ça il semblait encore en bonne forme. Je hochai la tête à son intention.

- Encore un peu ? lui demandai-je. Sauf si tu...

- Roucarnage, Cru-Aile ! me coupa Zack.

L'ombre du Pokémon oiseau m'engloutit, me plongeant dans une fraîcheur acide. Claquement d'ailes. Brutal. Assourdissant. La lame d'air me projeta à genoux et souleva une colossale vague de sable avant de venir frapper Fulgure, qui fut plaqué au sol par la violence de l'onde de choc. Dans la même seconde, j'enregistrai l'attaque et ouvris la bouche pour lui dire de riposter alors même qu'il remuait, extirpant l'une de ses ailes de sa prison sableuse.

Et puis :

- Vive-attaque.

Durant un instant, je revis Ficelle, arrachée à cette vie par le même ordre.

- Non !

C'était finalement un cri de révolte qui avait jailli de ma bouche. Une bourrasque dans mon dos, un frôlement soyeux, la vision éphémère de plumes blanches. Rapide, le Roucarnage l'était, sans aucun doute. Mais pas autant que le rayon rouge qui sauva Fulgure. Les redoutables serres du Pokémon oiseau ne raclèrent que le sable, traversant la forme énergétique du Raspasdepic avant qu'il ne soit absorbé par sa Pokéball.

Tremblante, la main crispée sur la boule rouge et blanche, je me tournai vers Zack.

- Là, tu vas trop loin, grondai-je à son encontre.

Son regard moqueur me jaugea des pieds à la tête.

- Sans pitié, asséna-t-il. C'est la seule façon de gagner, et il serait temps que tu t'en rendes compte.

On en revenait toujours à ça.

- Je t'ai déjà répondu concernant ce point, répliquai-je. Tous les duels que j'ai remportés jusqu'à maintenant prouvent que c'est faux.

- Tous les Pokémon que tu as perdus jusqu'à maintenant prouvent que c'est vrai.

Mon corps tout entier se raidit. Quel coup bas. J'étais à deux doigts de lui jeter la Pokéball de Fulgure en pleine tronche. Au lieu de ça, je me contins et fis un signe de tête à Plouf.

- À toi de jouer. Morsure ou Surf, tu avises selon la situation, ajoutai-je.

- Cru-Aile, déclara mon rival avec un sourire.

Son Roucarnage s'approcha stratégiquement du Léviator, mais Plouf ne lui laissa pas le temps de porter son attaque : dès que l'oiseau fut à portée, il se détendit comme un ressort, se projetant en avant gueule la première. Il passa outre le coup d'aile désespéré lancé par le Roucarnage pour tenter de le repousser, et sa mâchoire aux nombreuses dents se referma sur l'une des ailes. Un cri de douleur inhumain quitta le bec de l'oiseau. Il se mit à battre son aile libre, essayant de se dégager tout en abreuvant d'une pluie de coups de becs le visage de Plouf - sans succès, car le Léviator se contenta de faire le gros dos, endurant le traitement sans paraître en être incommodé.

J'aurais dû lui dire de le relâcher. L'aile qui se trouvait actuellement entre les mâchoires de Plouf était probablement cassée, et le Roucarnage ne serait pas en mesure de se renvoler, mis hors d'état de nuire par le Léviator.

J'aurais dû lui dire que ça suffisait, qu'il avait gagné. Après tout, il n'y avait qu'une chance infime pour que l'oiseau puisse encore se battre.

Mais une chance tout de même,
fit remarquer une petite voix au fond de moi.

J'aurais dû.

Je ne le fis pas.

Voyant que les ordres ne venaient pas, et sans doute agacé par les tentatives répétés de se libérer du Roucarnage, Plouf prit les choses en main. Il resserra ses mâchoires, puis secoua brusquement la tête de droite à gauche, ballottant l'oiseau coincé dans sa gueule tel un vulgaire jouet, avant de le relâcher brusquement, l'expédiant haut et loin. Il retomba dans le sable, presque aux pieds de Zack. Zack qui le rappela d'ailleurs sans manifester la moindre émotion. Juste un regard amusé qui m'était destiné.

- Ptet que t'as compris en fait, me lança-t-il.

- La ferme, grognai-je, mes yeux vrillant les siens. Envoie ton prochain Pokémon.

- Tes désirs sont des ordres, fit-il d'un ton moqueur.

Patate la Rhinocorne se matérialisa. Elle cligna des yeux, éternua, et se secoua, visiblement mal à l'aise. Un malaise qui grandit lorsqu'elle remarqua la présence de Plouf. Tournant la tête vers son dresseur, elle émit un "Rhino ?" interrogatif.

- Exact, tu vas te battre, lui confirma Zack, sans avoir l'air inquiet malgré la faiblesse du Pokémon qu'il avait choisi face au type eau.

Peut-être pensait-il que j'allais accéder au souhait de Teigne cette fois. La Colossinge s'était remise à sautiller, impatiente de se lancer dans la bataille. Je l'arrêtai d'un geste.

- Celle-la est encore pour Plouf.

- Singe ! protesta-t-elle. Singe, singe !

Autrement dit : "Tu m'avais promis !"

- Pas de discussion, exigeai-je, les nerfs trop à vif pour prendre le temps d'expliciter mon raisonnement.

Plouf disposait de l'avantage de type et je n'allais pas cracher sur une victoire facile, c'était aussi simple que ça. Et tant pis si je froissais l'ego de la Colossinge au passage.

Elle s'en remettra,
songeai-je alors qu'elle se mettait à frapper rageusement le sable de ses poings.

- Allez, Plouf, soufflai-je.

Le Léviator s'avança pour faire face à Patate, laquelle avait l'air proprement terrifiée. Je me souvins tardivement qu'elle avait la phobie de l'eau.

- Un seul coup pourrait la tuer, remarqua Zack d'une voix calme. Tu avais eu des scrupules avec mon Dracaufeu, mais Patate n'a pas droit aux mêmes égards ?

L'ordre était sur le bout de ma langue. Je le considérai un instant.

Et le prononçai :

- Hydrocanon.

L'habituel torrent d'eau à la puissance dévastatrice surgit de la gueule du Léviator et alla s'écrasa sur Patate, l'enfonçant sur place dans un premier temps, avant de la repousser contre son gré, le corps massif de la Rhinocorne creusant une large tranchée, d'abord dans le sable, puis dans l'herbe, le jet d'eau la refoulant toujours plus loin. Et pendant tout ce temps, elle hurla, un beuglement déchirant qui faisait concurrence au grondement de l'eau en furie. Un son qui me brisait le cœur, mais il le fallait. Lorsque le déluge s'arrêta, elle gisait sur le ventre, à moitié enterrée dans le sol qui s'était changé en boue, les pattes repliées sous elle et les yeux toujours grands ouverts. Des yeux où je lus la folie, la douleur, et l'incompréhension.

La Rhinocorne fut rappelée par Zack sans plus de cérémonie. Je notai furtivement que le sommet de la ball était rouge lorsqu'il la replaça à sa ceinture.

- Un non pour Dracaufeu, un oui pour Patate.

Il pencha la tête, m'examinant comme si j'étais un puzzle particulièrement compliqué qu'il devait résoudre.

- Explique-moi la différence ?

Une question loin d'être anodine malgré le ton léger sur lequel elle avait été posée. Elle me rappelait mon prof de maths et sa propension à nous soumettre des interrogations en apparence simples, mais qui renfermaient toujours un piège. Je choisis donc mes mots avec soin, le regardant droit dans les yeux :

- La nécessité. J'ai besoin de savoir pour Julien. Tu n'avais pas besoin de Sulfura.

- Ah. (Il leva un doigt.) Et qui est-ce qui décide de ça, hein ? Qui est-ce qui juge de ce qui lui est nécessaire ?

- Je...

- La. Personne. Concernée.

Chacun de ses mots avait autant de poids qu'une plaque de plomb.

- Et en l'occurrence, continua-t-il, il s'agit de toi pour Julien, et de moi pour Sulfura. Tu vois où je veux en venir ? Parce que si tu commences à prendre des décisions pour moi, je peux faire pareil, et décider que tu n'as pas besoin de savoir pour Julien, après tout, non ?

- Tu n'a pas le droit de revenir sur ta parole ! objectai-je, mon ventre se nouant à l'idée que j'avais fait tout ça pour rien.

Et pourquoi est-ce que j'avais la désagréable impression de me sentir acculée ?

Un éclair de satisfaction brilla dans le regard de Zack.

- Tu vois ce que ça fait quand quelqu'un sur qui tu comptais te tourne le dos ? Tu le sens, ce goût de déception et d'amertume dans ta bouche ?

Il fit un pas vers moi, ses poings se serrant. Plouf émit un grondement sourd. Je l'apaisai d'une main sur ses écailles, certaine même en cet instant que je n'avais rien à craindre de Zack.

- Je te faisais confiance, Léa, continua mon rival sans paraître prêter la moindre attention au Pokémon géant à mes côtés. Je me disais que peut-être, on pouvait rester amis malgré le challenge de la Ligue. Tu le crois, ça ? C'est à se demander comment j'ai pu être aussi stupide...

Silence.

- Zack, tu...

"Tu as raison", voilà ce que j'allais dire. Il m'arrêta avant que les mots ne sortent de ma bouche.

- J'ai pas envie d'écouter tes excuses. Envoie ton prochain Pokémon, parce que c'est la seule chose qui m'intéresse encore chez toi. Te vaincre.

Je serrai les dents. OK, ça je pouvais le faire aussi. Lorsque le Noadkoko de Zack apparut, j'indiquai à Teigne que c'était enfin son tour. D'un seul bond, la Colossinge prit place face au Pokémon plante, probablement plus pressée de se battre que n'importe qui d'autre ici.

- Para-Spore, déclara Zack.

Pas besoin de la diriger, Teigne savait quoi faire. Elle se précipita sur son adversaire alors qu'il projetait dans l'air de grosses spores blanches, droit sur la Colossinge. Cette dernière rencontra le nuage à mi-chemin, puis le dépassa, la poudre paralysante lui collant inévitablement à la fourrure. Elle parvint toutefois à aligner son poing avec l'une des têtes du Noadkoko et à décocher un uppercut qui fit trembler le Pokémon adverse tout entier. Puis elle se réceptionna dans le sable, roulant dans la foulée pour éviter l'un des pieds massifs qui menaçait de s'abattre sur elle. Se secouant pour se débarrasser des grains de sable la recouvrant, elle toisa ensuite le Noadkoko.

Qui rayonnait.

Bien que ce soit différent d'un Destruction - la lumière se concentrait uniquement sur l'un de ses trois visages au lieu d'émaner de son corps tout entier -, l'action envoya tout de même un frisson le long de mes membres. J'avais trop perdu à cause de cette attaque terrible pour ne rien ressentir. Hésitante, Teigne se tourna vers moi. Son poing fermé tremblait, probablement un effet des para-spores.

- Attaque et évite si tu peux, lui indiquai-je. Mais priorité à l'attaque.

Elle se mit en mouvement, prenant appui sur le sable meuble avant de sauter sur le Noadkoko. Son Ultimapoing toucha le visage qui brillait, un coup à la précision parfaite. Les têtes du Pokémon plante partirent en arrière sous l'impact, et il vacilla, s'écroulant sur le dos. Teigne se tourna vers moi pour m'adresser un regard triomphant, pensant qu'elle avait gagné.

Grave erreur.

Peut-être ne s'imaginait-elle pas que certains Pokémon pouvaient se montrer tout aussi persévérants qu'elle. Ou bien peut-être avait-elle trop confiance en ses propres capacités. Quoi qu'il en soit, elle se prit l'attaque du Noadkoko dans le dos. Un jet de lumière concentrée, épais et puissant, qui déchira l'air et vint la frapper brutalement, l'envoyant face contre terre après un vol plané de quelques mètres. Je me mordis les lèvres lorsque l'odeur écœurante de fourrure brûlée m'atteignit. Teigne demeura sans bouger durant une poignée de secondes insoutenables, jusque ce qu'à qu'elle commence à ramener ses bras devant elle, avec une lenteur si abyssale que je la crus toujours immobile au début. Sa première tentative pour se relever échoua, elle retomba le nez dans le sable, grognant d'irritation. Les paraspores faisaient leur boulot et la clouait au sol, malgré tous ses efforts pour surpasser sa faiblesse physique.

Je m'emparai de sa Pokéball lorsque le visage central du Noadkoko fut à nouveau nimbé de lumière. Le Pokémon plante était parvenu à se relever et réitérait donc son attaque, bien que je n'ai pas entendu d'ordre de la part de Zack - mais il avait peut-être développé une façon plus subtile de les transmettre. La Colossinge, elle, essayait encore de se redresser, n'abandonnant pas. J'hésitai. La rappeler, ne pas la rappeler ?

...nécessaire...


Non, elle pouvait le faire. Je jouais gros, car j'étais quasi certaine qu'un autre coup comme celui qu'elle avait reçu la tuerait, mais il le fallait.

- Ultimapoing, lui chuchotai-je.

Ultimapoing, Ultimapoing, Ultimapoing. Allez Teigne, un effort.


J'avais compté vingt secondes de charge pour le rayon la première fois. On en était déjà à douze.

Teigne frappa du poing dans le sable, visiblement exaspérée par ses échecs répétés.

Treize.


Elle avait récupéré le contrôle de ses bras, mais ses jambes demeuraient paralysées, inutiles. Des poids morts.

Quatorze, quinze.


Encore une fois, elle poussa sur bras, cherchant à se mettre à genoux.

Seize.

Et réussit.

Dix-sept.


Du sable s'écoulait de ses poings fermés, filant comme le temps qui allait nous manquer.

Dix-huit.


- Allez, Teigne ! lui hurlai-je, ma propre main crispée sur sa Pokéball.

Maintenant, maintenant, maintenant !
l'exhortai-je mentalement.

Les jambes de la Colossinge tremblèrent. Un mouvement infime dont je ne me rendis compte que parce que je les fixais avec autant d'attention. Une fraction de seconde et elle n'était plus là, ne laissant derrière elle qu'une trace désordonnée dans le sable. Son Ultimapoing atteignit le Noadkoko à l'endroit exact où elle l'avait frappé un peu plus tôt, et la réaction du Pokémon plante fut identique elle aussi : il bascula sur le dos, et cette fois-ci la lumière menaçante s'éteignit, signe que le combat était clairement terminé.

J'exhalai un soupir.

- Super, Teigne.

Elle émit un grognement genre "et maintenant je vais dormir pendant une semaine" et s'effondra, à l'instar de son adversaire. Je la fis rentrer dans sa ball tandis que Zack procédait à la même opération pour son Pokémon. Il lui substitua ensuite Alakazam.

Le Pokémon psy planta ses yeux d'or dans les miens et je sentis un contact mental contre mon esprit.

Aurais-je l'honneur de me mesurer à l'adversaire à griffes ?


Sa question passa toutes mes défenses et m'embrocha le cœur. Je pinçai les lèvres, m'endurcissant le cœur pour surtout ne pas pleurer devant Zack. Une petite poussière m'irrita tout de même l'œil droit, je la chassai sans ménagement.

Un silence mental à l'étrange qualité se déroula dans ma tête. Il s'agissait absolument d'un silence, dans tous les sens acceptables du terme, et pourtant il disait quelque chose. Une émotion pour laquelle je n'avais pas de nom, parce que je ne l'avais jamais éprouvée auparavant.

Je partage ta tristesse,
déclara Alakazam. Il est regrettable qu'un esprit aussi aiguisé que celui de l'adversaire à griffes s'en soit allé. Il me manquera, sois-en certaine.

- Alakazam, on n'est pas là pour tailler la discute, grogna Zack.

Grillés.

J'adressai un sourire mielleux à mon rival.

- Alors, on ne maîtrise pas son Pokémon ?

C'était une remarque stupide et sans fondement, mais je me sentis tout de même mieux après l'avoir prononcée.

N'écoute pas le jeune maître. Il tient à toi. Bien plus qu'il ne veut se l'admettre.


- Drôle de façon de le montrer, grommelai-je.

- Qu'est-ce que tu racontes encore ? demanda Zack froidement.

- Rien, lui renvoyai-je tout aussi froidement sinon plus. Tu n'es pas intéressé par mes paroles de toute façon, hein ? Juste par mes Pokémon.

Il plissa les yeux, sans répondre. Je détournai le regard et enchaînai en envoyant Vésuve au combat, espérant qu'il n'allait pas à nouveau ignorer mes ordres. De toute façon, c'était lui ou Pleind'Soupe, car je n'allais certainement pas opposer Salade au Pokémon psy et je réservais Plouf pour le Dracaufeu - quant au Ronflex, je préférai le garder en guise d'atout.

- Vésuve, je veux un Poing de Feu !

Comme ordre, c'était clair et direct, j'irai même jusqu'à dire autoritaire. Ce fut pourtant un magnifique Lance-flamme qui fusa en direction d'Alakazam. La peau du Pokémon psy s'était mise à briller d'un éclat doré, et la gerbe de feu l'éclaboussa de braises, lui brûlant le bout des moustaches et laissant une marque sombre sur son poitrail. Cependant Alakazam ne parut pas incommodé outre mesure. Il fit un pas en avant, levant ses cuillères dans le même mouvement, et un tintement au timbre léger, presque cristallin, résonna à mes oreilles. S'il s'agissait d'une attaque, elle était totalement invisible, et eut apparemment pour seul effet de faire pencher la tête à Vésuve tandis que la flamme de sa queue s'embrasait davantage.

- J'ai dit Poing de Feu ! exigeai-je à nouveau.

Cette fois-ci il obtempéra, se ruant sur son adversaire pour le frapper à l'abdomen, un coup qui imprima l'empreinte de ses phalanges sur les poils noircis d'Alakazam. Pourquoi m'avait-il obéi maintenant et pas plus tôt ? C'était un peu la roulette russe avec lui... Toujours impassible, Alakazam lissa sa moustache, ses yeux d'or brillant d'un éclat dur, tandis que Vésuve vacillait, un signe sûr qu'il venait se de prendre une attaque mentale.

- Encore une fois ! m'exclamai-je.

Vésuve était resté au contact et il n'eut qu'à ramener son bras en arrière pour que son poing...

... ne traverse qu'une silhouette de lumière rouge. Zack avait rappelé son Pokémon avant que le coup ne puisse porter.

- Léviatoooor ! rugit son remplaçant.

- Qu'est-ce que tu fais ? m'étonnai-je alors que Vésuve jaugeait son nouvel adversaire.

- Je joue sur tes faiblesses, fut la réponse de mon rival.

Le Magmar cracha un nuage de fumée et se campa sur ses pieds, son poing s'ourlant de flammes encore plus vives. Je le rappelai avant qu'il ne fasse une grosse bêtise et notai mentalement de lui expliquer pourquoi ce n'était pas une bonne idée d'aller attaquer un Pokémon eau quand on misait sur le feu pour toute offensive.

Contre le Léviator, j'avais prévu Salade, et je m'empressai donc de le libérer. À peine matérialisé, il secoua son arbre-fleur et leva le museau vers le soleil et ses rayons impitoyables. On devait se trouver aux alentours de l'heure la plus chaude de la journée, un vrai régal pour le Florizarre.

- Danse-pluie.

Sauf qu'évidemment Zack avait décidé de gâcher la fête. Le grognement de Salade fit écho au mien alors que le ciel s'ouvrait pour déverser une pluie torrentielle qui cribla nos têtes et nos épaules de grosses gouttes épaisses et froides, si bien que nous nous retrouvâmes trempés en quelques secondes. Le Léviator au contraire sembla apprécier le déluge qu'il avait créé, tournant son visage vers l'averse et laissant l'eau dégouliner sur ses écailles.

- Endors-le, demandai-je au Florizarre, choisissant de débuter le duel par un coup qui nous ferait gagner du temps.

Salade lança aussitôt une salve de poudre soporifique vers le Pokémon ennemi, mais elle n'atteignit pas sa cible, dispersée par les gouttes qui tombaient trop drues. Le Léviator se tortilla en réponse, un espèce de cyclone prit naissance face à lui, un tourbillon de sable et d'eau qui mesurait bien deux mètres et fonça illico sur Salade - et sur moi aussi, parce que je me trouvais relativement proche du Florizarre. Dérapant dans ma précipitation, je m'écartai de la redoutable attaque et fus repoussée presque dans la mer par les vents violents, alors même que je ne me trouvais qu'en périphérie de la mini tornade. Salade, lui, subit la pleine puissance de l'ouragan, son arbre-fleur ployant dangereusement sous les bourrasques impétueuses, ses pattes campées dans le sable pour résister du mieux qu'il pouvait. Cela dura quelques secondes angoissantes, puis le calme revint.

Mon Florizarre s'ébroua, se débarrassant des grains de sable collés à sa peau.

- Rapproche-toi et refais un Poudre Dodo, lui ordonnai-je.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Cette fois-ci, les spores atteignirent leur but, et le Léviator cligna des paupières à plusieurs reprises avant de s'effondrer lourdement dans le sable. Salade lui envoya ensuite une volée de feuilles sur mon ordre, qui sifflèrent en dessinant des tourbillons dans l'air et allèrent semer des écorchures sur les écailles du Pokémon aquatique. Lequel ouvrit les yeux. Salade émit un cri surpris, et il ne fut pas le seul : c'était la première fois que sa poudre soporifique durait aussi peu longtemps. Que se passait-il ? Zack avait-il trouvé un moyen d'immuniser ses Pokémon ? Je le vis échanger un regard avec son Léviator.

La seconde d'après, un geyser d'eau sortit de la gueule du Pokémon géant pour venir s'écraser sur Salade. De fines gouttelettes m'aspergèrent moi aussi, ricochant sur le Florizarre qui avait bandé ses muscles pour résister à l'assaut. Ses grosses pattes s'enfoncèrent dans le sable sous la pression, mais il parvint à ne pas bouger de là où il se trouvait. Toute puissante que soit l'attaque, il disposait d'une certaine résistance naturelle qui lui permit de l'encaisser sans trop de dégâts.

- Tranch'herbe.

Les habituelles feuilles acérées vrillèrent l'espace, cinglant le Léviator en plein visage. Il rugit de douleur mêlée de rage, voulut riposter, mais s'affaissa finalement sur lui-même, à bout de forces. Je passai une main sur mon front alors que Zack rappelait son Pokémon KO. La pluie nous martelait toujours les épaules avec une brutalité qui m'abrutissait, alourdissant chacun de mes membres. Je m'obligeai à rester alerte : Zack n'avait plus que deux Pokémon tandis que quatre des miens étaient encore valides. La victoire se profilait à l'horizon, pas question de se relâcher.

Un éclair de lumière rouge signala le retour d'Alakazam sur le terrain. Je lui opposai Pleind'soupe, qui parut enchanté face à l'averse dont la densité rivalisait sans mal avec celle d'une cataracte, et ouvrit grand sa bouche pour happer les gouttes qui tombaient du ciel.

- Tu boiras plus tard, Pleind'soupe. Fais gaffe à l'attaque psy qui...

Mon avertissement arriva trop tard, l'air se brouillait déjà des ondes mentales d'Alakazam. Une grimace déforma les traits du Ronflex, il se leva brusquement, sa silhouette géante dominant la petite plage. Je lui ordonnai de foncer sur son adversaire, contrant l'attaque mentale par une autre beaucoup plus physique. Après quelques pas balourds qui laissèrent des traces profondes dans le sable mouillé, il se jeta sur Alakazam, le saisit à bras-le-corps, puis le plaqua à terre, l'écrasant à moitié sous sa masse.

Aïe. Voilà qui devait faire mal.

Je vis soudain le corps du Ronflex se raidir tout entier, et devinai qu'Alakazam avait à nouveau frappé avec ses petits tours psychiques. Pleind'soupe émit ensuite un beuglement de colère, puis se rétablit juste une seconde sur ses pieds avant de basculer à nouveau sur le Pokémon psy, l'enfonçant encore davantage dans le sable. Je me déplaçai de quelques mètres pour avoir meilleure vue. Les deux Pokémon gisaient collés l'un contre l'autre ; seule la tête d'Alakazam dépassait de sous le Ronflex. Les yeux fermés du Pokémon psy semblaient indiquer qu'il avait perdu connaissance. Quant à Pleind'soupe, son regard était plongé dans le vague et de petits chocs agitaient son corps à intervalles réguliers. Je m'empressai de le rappeler, inquiète que sa santé ne se détériore s'il demeurait plus longtemps comme ça. Zack fit de même pour Alakazam.

La pluie s'arrêta enfin. Des flaques de lumières éclaboussèrent la plage ici et là alors que les rayons du soleil filtraient à travers les nuages, teintant le sable de reflets mordorés. Une odeur fraîche embaumait l'air, semblable à celle qui suit toujours les orages d'été, se mêlant aux effluves salées de la mer. Je pris une profonde inspiration.

Plus qu'un. Plus qu'un Pokémon et ensuite je serai fixé sur la relation entre Zack et Vivian.


Il s'agissait cependant du Pokémon que je redoutais peut-être le plus. Véritable force de la nature, le Dracaufeu de Zack n'allait pas être facile à battre - et ce malgré l'avantage dont je disposais avec Plouf. Resté en retrait durant les précédents duels, ce dernier nous rejoignit lorsque le Pokémon ailé surgit de sa Pokéball.

- Tu veux que je te rappelle ? proposai-je à Salade.

Les attaques du Dracaufeu n'étaient pas censées le viser, mais un accident était vite arrivé. Le Florizarre secoua la tête et s'écarta prudemment, se positionnant bien loin de la zone de combat. Plouf et son adversaire s'étudièrent mutuellement un instant avant que les ordres ne retentissent.

- Cru-Aile !

- Hydrocanon !

Nous en étions venus à crier tous les deux. Peut-être était-ce à cause de la tension qui n'arrêtait pas de monter, ou bien parce que ce petit jeu de regard depuis le début nous énervait tout autant l'un que l'autre. Nos deux Pokémon rugirent ensemble, explosant largement nos voix question décibel. S'y ajouta ensuite le grondement de l'eau en furie qui bouillonna hors de la gueule de Plouf, puis un claquement sec lorsque le Dracaufeu prit son envol, se soustrayant de justesse à l'attaque aquatique. Malgré l'effort fourni par Plouf pour réorienter le geyser d'eau, il ne parvint qu'à effleurer les pattes du Pokémon feu. En revanche, lorsque ce dernier plongea sur le Léviator pour le frapper de toute la force de ses ailes, le coup porta dans son intégralité et réussit à ébranler le solide Plouf. Il répliqua immédiatement d'un second Hydrocanon, que le Dracafeu esquiva en louvoyant, effectuant une figure en huit avant de revenir à l'attaque et de cracher un jet de feu en passant à la hauteur de Plouf qui brûla entièrement le flanc droit du Léviator et lui noircit ses écailles.

Normalement une telle attaque n'était pas censée faire trop mal pour un Pokémon comme Plouf, et pourtant le Léviator gronda de douleur et fit claquer sa mâchoire dans le vide, visiblement affecté. Une sueur froide coula le long de mon dos. Zack avait-il entraîné son Pokémon au point que l'avantage de type en soit effacé ? Était-ce seulement possible ?

Je m'appliquai à éviter le regard de mon rival, bien trop consciente que lui ne me lâchait pas des yeux.

- Tente un Surf, Plouf !

La dernière syllabe de ma phrase se perdit dans le crépitement des flammes. Elles vinrent à nouveau lécher la peau écailleuse de Plouf, qui fut tout aussi pris au dépourvu que moi. La vivacité du Dracaufeu surpassait largement la sienne. Il ne put cependant pas éviter la vague d'eau qui s'abattit sur lui alors qu'il passait à nouveau près de Plouf, porté par ses ailes : le feu qui bordait sa gueule mourut et sa flamme caudale vacilla quand il traversa le mur aquatique à pleine vitesse. Mais ce ne fut pas suffisant pour qu'il se pose. Non, au lieu de ça, il fit volte-face, claqua ses ailes, et répliqua d'une lame d'air extraordinairement violente qui jeta Plouf à terre.

Le Léviator resta prostré, visiblement en difficulté.

Merde.


- Plouf ? m'enquis-je, le sang battant à mes tempes comme jamais.

Seul un faible "Lévia" me répondit. Je n'arrivais pas à y croire. Plouf vaincu par un Dracaufeu ? Ce Pokémon était un véritable monstre... un monstre qui s'apprêtait d'ailleurs à asséner le coup de grâce, les flammes renaissant sur ses babines. Je rappelai le Léviator sans lui laisser l'occasion d'aller jusqu'au bout et contemplai la Pokéball, toujours incrédule, puis relevai la tête. Zack eut un sourire.

Avant de m'adresser un regard coupant comme un rasoir.

- C'est marrant, non ? me lança-t-il.

- Quoi ?

- Les Pokémon qui nous restent.

Spécifiquement, le Dracaufeu pour lui, et Vésuve et Salade de mon côté. Hilarant, effectivement. Une seule conclusion possible : il n'était pas question de choix, tout reposait sur le Magmar à présent. Il parut étonné lorsque je le libérai, puis me décocha un regard empli de reproches. Voilà que lui aussi me faisait un crise à la Teigne. Pas le temps de lui expliquer, le Dracaufeu avait déjà pris une inspiration qui allait ressortir enflammée.

- Purédpois, Vésuve !

Il fut trop lent à réagir et le jet de flammes craché par son adversaire l'engloutit entièrement, ce qui le fit tomber à genoux. Se relevant en criant un "Mag !" vengeur, il tituba, le regard fixé sur le Dracaufeu. Ce dernier lui montra ses crocs en un rictus amusé.

- Vésuve, Purédpois, répétai-je, ma voix charriant les accents du désespoir malgré moi.

Faites qu'il m'obéisse...
suppliai-je.

Ce ne fut pas le cas.

Le rayon rouge le toucha alors qu'il bondissait, parce que je savais que dès qu'il aurait porté son Poing feu, il ne serait pas en mesure d'éviter le Lance-flammes qui allait suivre - et il n'y survivrait pas. Pas question de le perdre alors qu'il venait d'intégrer l'équipe. Même pour remporter la victoire. J'avais cru être capable d'un tel sacrifice et je découvrais finalement qu'il n'en était rien.

Sauf que sans Vésuve, il n'y avait plus personne et je me retrouvai coincée... J'essuyai mes mains pleines de sueur sur mon short. Que faire ?

Mes yeux croisèrent ceux de Salade, le seul encore assez en forme pour se battre.

- Allez, Léa, avoue-toi vaincue, m'apostropha Zack. À moins que tu ne veuilles risquer la vie de ton Salade adoré ?

Il eut un sourire féroce qui dévoila ses dents. Je serrai les mâchoires, me sentant plus acculée que jamais.

- Je t'avais prévenu que ta manière de t'occuper de tes Pokémon mènerait à ça, continua-t-il. Après tout ils sont façonnés entièrement par leur dresseur, et si tu les vois comme des objets fragiles en cristal, c'est ce qu'ils deviennent... C'est aussi simple que ça.

Ses mots étaient précis et posés, et bien que prononcés sur un ton doux, on sentait la présence d'une implacabilité à toute épreuve en leur cœur. De l'acier enveloppé de velours.

Je fis trois pas flageolants dans sa direction. J'avais l'impression d'avoir avalé un morceau de fil barbelé, et il se tordait dans mon estomac tout le long de sa descente, déchirant tout sur son passage alors que des pics de douleur traversaient ma gorge à vif. Mes poings étaient serrés à tel point que je ne les sentais même plus.

- Quoi, t'es en train de dire qu'ils sont morts par ma faute ? croassai-je.

Les yeux de Zack se plantèrent dans les miens. Durs. Inflexibles.

- Absolument.

- Ficelle, c'était ma faute ?

Dieu que ma voix était rauque.

- Ouais. Ficelle et tous tes autres petits chéris, même. Tu voulais les rendre plus forts mais tu n'as fait que les affaiblir. Il aurait mieux valu pour eux qu'ils n'aient jamais croisé ta route, au moins ils seraient encore en...

J'avais bougé avant même d'en avoir consciente, me jetant sur lui. Il intercepta mon coup de poing, mais pas le croc-en-jambes qui le déséquilibra complètement. Je le suivis dans sa chute, atterris sur lui, et me mis immédiatement à le frapper à tout va, à faire pleuvoir des coups sur son torse et ses épaules. Une rage pure et impulsive bouillonnait en moi, brouillant toute pensée, et je n'aspirais qu'à lui faire mal, le faire pleurer, lui faire comprendre ce que je ressentais...

Brusquement, il me bloqua les bras et inversa la situation, me renversant dans le sable pour me coincer sous lui.

- Léa, calme-toi... souffla-t-il. Respire...

Un son qui n'avait rien d'humain s'échappa de ma gorge, mêlant protestation, rage, colère et supplique. Zack approcha son visage du mien.

- Calme-toi, répéta-t-il.

Un seul regard, une seule étincelle, et ce fut suffisant pour mettre le feu à tout ces non-dits qu'il y avait entre nous. Finis les faux-semblants, on se voyait sans nos masques. Il y avait eu assez de mensonges. Nos bouches se rencontrèrent à mi-chemin, se heurtant brutalement, enfin, et il n'y eut plus que des mordillements, des mains dans les cheveux, des halètements essoufflés, des soupirs et des grognements. Le poids de son corps sur le mien me semblait trop lourd mais en même temps c'était parfait et je n'aurais changé ça pour rien au monde. Je n'avais jamais été autant consciente de ma propre peau, de la sienne aussi, et sa proximité me rendait à la fois folle furieuse et ravie. Rien de pur ni de doux dans nos gestes, uniquement du désir et du besoin, et l'envie dévorante de l'autre qui brûlait plus fort que tout.

À un moment, il glissa une main sous mon T-shirt et repoussa mon soutien-gorge pour se saisir d'un de mes seins, la fraîcheur de sa main contre ma peau enfiévrée. Je me cambrai contre lui, mes pensées se dissolvant en une longue série de oui oui oui encore vas-y. Sa langue réinvestit ma bouche, chaude, humide, et je sentis de délicieuses ondes de plaisir se propager dans mon bas-ventre.

Il était difficile de réfléchir de façon cohérente alors qu'il me surplombait comme ça, me faisant des choses dont je n'aurais jamais osé rêvé - bon d'accord, des choses dont il m'était peut-être arrivé de rêver...

Je grognai alors que ses lèvres étaient occupées à tracer une ligne de feu le long de mon cou.

- Arrête...

Il redressa la tête et ses yeux cherchèrent les miens.

- Arrête ? répéta-t-il lentement, comme s'il ne parvenait pas à croire ce qu'il venait d'entendre.

- On peut pas continuer comme ça, murmurai-je, m'efforçant de faire abstraction de son corps pressé contre le mien.

- Tu préfères qu'on fasse ça dans un lit ?

Sa question fit naître une série d'images très précises dans mon esprit. Je les chassai vivement.

- Tu sais très bien ce que je veux dire.

Il fronça les sourcils.

- J'espérais que t'avais changé d'avis.

- Parce que tu embrasses comme un dieu ? Désolée, non.

Pendant un instant, il eut l'air déçu, puis se mit à rire.

- Au moins tu l'admets, dit-il en se relevant.

Je l'imitai. Nos yeux se rencontrèrent à nouveau. J'avais l'impression qu'on avait découpé mon corps en petits morceaux puis que quelqu'un qui n'y connaissait pas grand chose en anatomie humaine l'avait ré-assemblé. Est-ce que mon cœur était censé battre aussi fort ? Et pourquoi est-ce que ma peau fourmillait comme ça ? Comment ça se faisait que j'arrivais à tenir debout alors que je ne sentais même plus mes jambes ?

- Allez Dracaufeu, viens, fit Zack.

L'immense Pokémon le rejoignit. Je réalisai avec retard que lui et Salade avaient été les témoins privilégiés de ce qui venait de se passer. Que devaient-ils en penser ? À la réflexion, je préférais ne pas le savoir.

D'un mouvement assuré, Zack enfourcha son Pokémon.

- On se reverra à la Ligue, ajouta-t-il à mon intention avant que le Dracaufeu ne prenne son envol dans un tourbillon de sable.

Sa phrase résonna autant comme une promesse que comme une menace. Je suivis le Dracaufeu du regard jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un petit point dans le ciel, puis je tournai les talons. La première chose que j'allais faire en rentrant à la maison serait de prendre une bonne douche froide.

***

Bon dieu, ce chapitre, ce chapitre. J'en ai bavé, avec d'une part le duel qui m'a pris à peu près le double du nombre de pages prévues, et de l'autre côté mes persos qui ne savent plus ce qu'ils veulent. xD

Sinon sur un autre sujet, j'étais persuadée que le rival faisait évoluer son Nœunœuf pour le combat de Jadielle, mais non, il a encore un Nœunœuf à ce moment-là. Une erreur de ma part donc, et le Noadkoko de Zack ne devrait pas être évolué. Tant pis, j'assume. :p



Équipe actuelle :
SaladeTeignePloufPleind'SoupeFulgureVésuve

Cimetière :
FicelleTouffuSourisPoiluePoilu
PrincesseGrignotte