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Chroniques du Pokédex de Drad



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Informations

» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 07/04/2012 à 16:56
» Dernière mise à jour le 05/06/2012 à 22:06

» Mots-clés :   Drame   Humour   One-shot   Slice of life

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#462 Magnézone
Des scientifiques ont essayé de faire évoluer un Magnézone en laboratoire, mais ce fut un échec.

- Pokédex d'Unys





Je courais à perdre haleine à travers le grand couloir carrelé, suant et tremblant, mes pas résonnant lugubrement dans les locaux, par endroits encore éclairés d'une lumière blanche froide et pâle. Les murs étaient partiellement effondrés, des étincelles jaillissaient des câbles électriques dénudés qui s'étaient arrachés des parois de plâtre. Un capharnaüm monstre jonchait le sol ; un mélange d'ébauches de savants calculs ou de demandes de financements, d'encre, d'éclats de verre, des débris ou des cadavres de gobelets de café écrasés et souillés de sang craquait et crissait sous mes semelles. Je détalais pour ma survie, réajustant constamment mes lunettes fébrilement pour ne pas me prendre un coin de mur à une bifurcation, ma vue déjà assez obstruée par mes cheveux trempés de peur. Le souffle coupé, un point de côté me tenaillant la hanche, je dérapai sur le sol glissant et trop encombré, manquai de trébucher et de m'ouvrir le crâne sur une armoire échouée contre un bureau défoncé, me rattrapai de justesse en m'agrippant au pan de mur, les mains furieusement engourdies. Le regard fou, je plantai ce dernier sur mon ultime espoir : le téléphone fixe, accroché au mur, pendant par son fil entortillé. Je me jetai, flippé, désespéré, anéanti, rendu presque fou, sur le combiné, qui devait sonner dans le vide depuis longtemps. Je m'attrapai fiévreusement mon avant-bras droit quasiment paralysé, et amenai le bout de mon index sur le petit écran tactile du dispositif à reconnaissance digitale branché à la base de mon dernier recours vocal. Un rai de lumière balaya ma phalange distale, et, épiant anxieusement les alentours, où seul le silence des crépitements électriques des installations hors-service et le son incessant du combiné tombé régnait, j'attendais impatiemment que l'analyse soit achevée. Un bruit électronique et un clignotant vert apparurent soudain, et je portai aussitôt le téléphone à mon oreille gauche avec la main encore en état. Je m'assis, recroquevillé craintivement contre la froide paroi, sur les carreaux glacés, le regard balayant incessamment les alentours, et je priais à voix basse, affolé, pour que quelqu'un me réponde. Faites qu'il n'arrive pas maintenant, je vous en supplie, faites qu'il n'arrive pas mainten...

- Centre des télécommunications inter-laborantines, bonjour.

Je déblatérai, tel un fou furieux :

- P... Passez-moi le Professeur Sorbier, c'est urgent !

La voix féminine, un semblant exaspérée, soupira :

- Calmez-vous, monsieur... Calmez-v...

- QUE JE ME CALME ?! JE VAIS MOURIR, BORDEL ! PASSEZ-MOI LE PROFESSEUR ! beuglai-je, enragé et transi de stress, avant de baisser d'un ton immédiatement, clignant furieusement des paupières, cherchant inlassablement des yeux l'ombre qui était sans aucun doute dans les parages.

L'incapable à l'autre bout du fil se tut un instant, et bégaya, inquiète :

- Heu... Le... Le Professeur, dites-vous ? Mais... Il n'est disponible pour le moment... Il est en réunion chez...

Je remontai violemment mes lunettes poisseuses d'angoisse sur mon nez, et bafouillai, l'interrompant :

- Écoutez, mademoiselle... Je... Je n'ai pas le temps de vous expliquer tout en détails ; je dois absolument parler à une autorité qui puisse venir dépêcher des renforts et qui...

La demoiselle m'interrompit, affolée et la voix tremblante :

- Calmez-vous, calmez-vous ! Expliquez-moi !

- JE NE PEUX PAS !

Je pris une profonde et subitement bouffée d'oxygène, m'étouffant d'angoisse, puis questionnai :

- Vous avez des enfants ?

Elle bégaya, déstabilisé et flippée :

- Heu... Ou... Oui...

- Eh bien, moi aussi, et j'aimerais les revoir, rétorquai-je en toute hâte, épouvanté, trempé, sursautant à chaque grincement retentissant. ALORS DÉPÊCHEZ-VOUS, NOM DE... DE...

Je hurlai alors de rage, de peur et de stress, presque achevé par l'incompréhension de la débile qui se trouvait à l'autre bout du fil. La nana cria que toutes les lignes étaient coupées momentanément, qu'un "frchtchtcht" brouillait chaque communication autre qu'elle voulait passer. Dans l'enceinte du bureau où je gisais, le silence on ne pouvait plus pesant et lugubre de la présence - j'en étais certain - proche du meurtrier d'acier se faisait incroyablement pesant et éprouvant. Je restai ainsi muet, la face contre le mur, mes supports de nez de lunettes m'écrasant les narines, en proie totale aux regrets. Mon innocente auditrice, éprouvée, balbutia une question :

- Vous... Vous voulez parler ?

Elle n'eut que mes gémissements lugubres en réponse.

- Je... Je m'appelle Nathalie, susurra-t-elle.

J'écoutais à peine sa gentille présentation voulue comme rassurante, mais elle n'y changeait rien. J'étais hanté, horrifié, contrôlé par cette ambiance macabre et cruellement horrifiante de décès imminent, perturbé comme jamais par le spectre de la présence du Pokémon ; machinalement, j'eus beau serrer, tortiller et me pincer la main gauche avec la droite, elle était comme morte. Ce truc était vraiment, vraiment, vraiment dang...

- Et vous ? C... Comment... Vous vous appelez ?

- QU'EST-CE QUE CA PEUT VOUS FOUTRE ?! C'EST PAS CA QUI VA ME...

- JE NE SAIS PAS, MOI ! J'ESSAYE JUSTE DE VOUS AIDER !

- VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE ! RIEN ! Seul le Professeur pourrait...

Elle rétorqua :

- Mais le Professeur est indisponible, comme n'importe qui ! D'ailleurs, je ne comprends pas pourq...

- C'est lui, frémis-je, me retournant brusquement, comme s'il eût été juste derrière moi.

La nana ne comprit pas. Apeurée, elle frémit également :

- Qui... Qui ça, "lui" ?

Je me laissai choir sur le sol, le regard dans le vide, face au lieu de travail en bordel complet. Je murmurai :

- C'est... Nous... Nous... travaillions sur un projet... Sur un spécimen de Magnézone...

- Ah... Ah oui ?

J'expliquai fébrilement :

- Oui... Selon nos études, Magnézone est une espèce de Pokémon encore capable d'évoluer, les particules le composant réagissant fortement à un champ magnétique croissant... Et... Et nous...

Une armoire métallique dans le couloir fut soudainement propulsée contre le mur dans un boucan d'enfer qui me fit brusquement tressaillir, et fit crier la femme du centre des télécoms. Le meuble resta plaqué contre la paroi éprouvée, ne touchant le sol, s'écrasant et s'enfonçant sur elle-même dans un horrible grincement, puissamment attirée par une force électromagnétique intense. Seule l'armoire était concernée par le phénomène funèbre ; nous étions vraiment allés trop loin dans la précision de ses actes.

- S'il... S'il vous plaît, repris-je, tremblant et suant de plus belle, il faut absolument envoyer de l'aide, arrêter toutes recherches... C'est... C'est un échec... Un horrible échec...

Elle resta silencieuse un instant, avant de bafouiller, en proie à la détresse :

- Je peux... toujours aller chercher la police par moi-même ? Vous... Vous êtes où ?

- La police ? Elle ne peut rien ! m'écriai-je, prenant l'autre pour une imbécile de premier ordre.

Scrutant toujours aussi anxieusement et horrifié les locaux en ruines et le meuble qui se concassait dans un crissement perçant, je suppliai, déglutissant toutes les deux secondes :

- S'il vous plaît... Passez-moi une personne compétente en la matière... Le Professeur... Je dois lui parler...

Mon interlocutrice essaya tant bien que mal de se justifier, désarmée et éplorée :

- Écoutez, je... je fais de mon mieux pour vous aider, monsieur, mais, à cette heure-là, je suis seule à m'occuper du relais des communications, dés que les lignes seront de nouveau opérationnelles, je serais débordée d'appels, et puis le Professeur est en réunion dans une autre région, et...

Je gueulai tel un forcené :

- MAIS QU'EST-CE QUE VOUS VOULEZ QUE ÇA ME FOUTE ?! PASSEZ-LE MOI, UTILISEZ UN TÉLÉPHONE QUI MARCHE, TANT QUE JE LUI PARLE ! J'M'EN BAS LES COUILLES DE SA PUTAIN DE RÉUNION !

- MAIS PUISQUE JE VOUS DIS QUE JE NE PEUX PAS ! cria mon interlocutrice, en larmes. Je... Je vais chercher la police, d'accord ? Vous êtes où ?

Je soufflai, nerveux et terrifié, agitant frénétiquement ma main droite qui restait complètement insensible :

- Je ne peux pas vous le dire... C'est... C'est un laboratoire personnel du Professeur... Nous sommes basés hors de Sinnoh... Nous som...

Le pan de mur retenant l'armoire toute aussi recroquevillée et éprouvée que mon esprit depuis quelques minutes céda soudain terriblement, et le bloc d'acier concassé balaya tout sur son vol destructeur en ligne droite, entraîné violemment par la force magnétique invisible, faisant valser et exterminant le moindre obstacle, jusqu'à finir sa course par un énorme choc, dans un grand écho métallique lointain, suivi d'un flash lumineux. Un effroyable petit bruit de grésillement s'en suivit. L'image des corps blancs foudroyés et calcinés, éclatant d'hémoglobine après avoir été jetés sauvagement sur les armoires de verrerie et les derniers hurlements de mes collègues revinrent poignarder mon espoir fébrile, me revenant brusquement en mémoire. Au bord de la crise cardiaque, épouvanté comme jamais, pleurant mon désespoir, hurlant mon refus de quitter ce monde, n'aidant pas plus psychologiquement la voix larmoyante et impuissante qui ne pouvait qu'assister oralement à ma proche agonie. Je ravalai mon angoisse trop violente, et cafouillai, la vue totalement embrouillée et l'esprit totalement décomposé :

- Arrêtez toutes les recherches concernant le Magnézone... Dites au Professeur... D'arrêter... Nous... Nous avons réussi... L'évolution... MAIS PAR PITIÉ, SAUVEZ-MOI, JE VOUS EN PRIE !

J'explosai de nouveau en pleurs, suppliant tous ceux qui pouvaient m'entendre de me secourir, faisant hurler d'impuissance la demoiselle, m'égosillant à travers ma vision inondée de larmes de peur, de faiblesse et de démence que la forme floue étincelante qui lévitait lentement vers moi, qui passait à travers l'aura des lueurs blanchâtres du laboratoire de recherches, ne devait pas me toucher, qu'elle serait bien arrêtée, un jour, un autre, que mes enfants cracheraient sur sa dépouille de fonte de merde, et qu'elle irait pourrir en enfer.