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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 25/12/2011 à 17:59
» Dernière mise à jour le 25/12/2011 à 18:01

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Chapitre 6 : La croisière s'amuse
- Je suis désolée mademoiselle, mais l'accès à ce paquebot est réservée aux personnes porteuses d'une...

Je brandis mon ticket tel un trophée.

- Oh, excusez-moi, fit l'homme en virant aussitôt de bord, je n'avais pas réalisé que vous déteniez une invitation. Je vous en prie, allez-y.

Je montai triomphalement à bord de l'Océane, suivie de près par Salade. Mes autres Pokémon se reposaient dans leurs Pokéballs. Je ne prévoyais pas d'avoir besoin d'eux : après tout, c'était une fête, pas un tournoi, et puis me balader avec mes six petits monstres me donnaient trop l'impression de posséder ma propre armée privée. J'étais donc en civil, pour ainsi dire.

L'air fleurait bon les vacances. Je me promenais dans les coursives, croisant des gens en maillots de bain qui avaient le sourire aux lèvres. Ils avaient souvent des Pokémon aquatiques à leurs côtés, dont certains que je n'avais encore jamais vu. Je refrénais l'envie de sortir mon Pokédex pour enregistrer toutes ces nouvelles données.

Vacances, Léa, vacances. Détends-toi et profite.

- Hé ! Hé, toi, là-bas, avec l'Herbizarre !

Je me retournai. Une petite tête blonde dépassait de l'encadrement de la porte que je venais de passer.

- Eustace ! cria une voix de femme depuis la cabine. Tu sais très bien ce que j'ai dit à propos des duels !

Eustace ? Mon Dieu, mais qui appellerait son enfant Eustace ?

- Mais Maman, juste un ! répondit le gamin. Steuplaît, steuuuplaît. Juste pour voir ce que ça fait !

- Non, c'est non, Eustace, renchérit une voix plus grave. Ce Goupix nous a coûté suffisamment cher comme ça, il n'est pas question que tu l'abîmes.

Bon, ça ne te regarde pas, Léa. Alors continue ton chemin comme si de rien n'était. Voilà, c'est bien, un pas devant l'autre... Non, arrête, ne te retourne paaas.

Impossible de m'en empêcher. Mes pieds semblaient doués de leur propre volonté, tout comme ma bouche lorsqu'elle s'ouvrit pour déclarer :

- Excusez-moi, mais si je puis me permettre, les Pokémon aiment se battre, et les accidents sont très rares entre dresseurs de bonne foi. En général, deux ou trois pschitts d'une potion suffisent à refermer leurs plaies.

- Herbi, herbizarre, renchérit Salade.

Je fus la cible de deux regards outrés, catégorie "mais qu'est-ce qu'elle raconte, cette béotienne ?". Puis la femme déclara d'un ton pincé :

- Vous comprendrez peut-être lorsque vous aurez des enfants, mademoiselle. En attendant, je vous prierai de ne pas entraîner les miens dans vos frasques.

Tiens, j'avais des frasques à présent ? On en apprenait tous les jours. J'adressai un sourire d'excuse à Eustace.

- Désolée. Peut-être une autre fois, champion en herbe.

La grimace crispée que je reçus en retour suggérait qu'il n'y croyait pas une seule seconde.

- Merci quand même, l'entendis-je dire alors que je m'éloignais.

- Herbizarre ? s'enquit Salade quelques mètres plus loin.

- Non, moi non plus je ne sais pas ce qui leur a pris de l'appeler Eustace.

Je m'aperçus bien vite qu'ici vacances ne rimait pas avec farniente. Le paquebot bouillonnait d'activités, et tout comme Eustace, les dresseurs recherchaient la bagarre. Se battre dans l'espace réduit des cabines était loin d'être l'idéal, mais cela donna l'occasion à Salade d'essayer de nouvelles tactiques. Plusieurs membres du personnel de bord m'accostèrent même, le temps d'un duel amical. La majorité des adversaires de Salade étaient des Pokémon eau, ce dont il se réjouissait particulièrement. Un ou deux coups de ses lianes suffisaient à les mettre au tapis.

- Tu crois que je devrais te bander les yeux ? demandai-je à Salade alors qu'il sortait vainqueur d'un énième combat.

- Herbizzare, protesta-t-il. Zarre, zarre.

- Me bander les yeux, à moi ? T'es dur, là...

L'Océane était vraiment immense. Non content d'abriter des centaines de cabines, il détenait également un bon nombre de salles de sport, au moins deux salles à manger grandes comme un terrain de foot, et une salle de concert - du moins d'après ce que j'en avais vu jusque là. Mes pieds menaçaient de faire grève si je ne leur accordais pas quelques minutes de repos. Je m'assis à même le sol et essayai de retracer notre chemin dans ma tête. Plus facile à dire qu'à faire.

- Zarre, commenta Salade.

- Mais non, on n'est pas perdus, fis-je avec optimisme.

Nous repartîmes une fois mes pieds apaisés, nous laissant guider par le hasard. Finalement, nous échouâmes dans les cuisines. Là aussi, c'était l'ébullition. Les cuisiniers couraient dans tous les sens, occupés à préparer le repas de ce soir. Les plats déjà terminés qui s'étalaient sur les tables me mirent l'eau à la bouche. Pâtés en croûte, cailles rôties, gésiers couverts de miel sur leur lit de salade, amuse-gueules de toutes sortes, montagnes de pommes de terre grillées au four, et crèmes glacées de toutes les couleurs imaginables me tentaient. Mon ventre protesta bruyamment en découvrant, cerise sur le gâteau, la gigantesque pièce montée à laquelle un cuistot était en train de mettre la dernière touche. Nougatine et chantilly, plus quelques dégoulinades de coulis de fraise - à moins que ce ne soit de la framboise - stratégiquement placées. Miam.

Je me détournai de cette torture visuelle.

- Excusez-moi, vous pouvez m'indiquer le chemin pour monter sur le pont ? demandai-je à la personne la plus proche.

Il me donna une série d'indications très claires, et quelques minutes plus tard, après m'être trompé seulement une ou deux fois (nouveau record !), j'émergeai dans la lumière du jour. Sur le pont, le mot d'ordre était bronzette. Les gens se prélassaient sur leurs chaises longues, un verre à la main. Il faut dire que le soleil tapait plutôt fort aujourd'hui, comme pour se faire pardonner son absence des derniers jours.

Je me dirigeai vers une grande table sur laquelle reposaient plusieurs pichets et sélectionnai celui marqué "Eau fraîche". J'étais en train de me servir un verre quand une liane me tapota le poignet. Je baissai les yeux vers Salade.

- Tu en veux ?

- Zarre.

Je m'accroupis et versai un peu d'eau sur sa fleur. Les pétales frémirent sous l'averse. Le liquide dévala les flancs de Salade, mouillant les planches en bois du pont en bout de course. Sa peau en avait absorbé la moitié. Je lui tendis le verre pour qu'il puisse s'arroser à loisir et m'en resservis un autre.

Sirotant mon eau à petites gorgées, je me perdis dans la contemplation de la mer. Bercée par le bruit des vagues qui venaient s'échouer contre la coque, je laissai mes pensées dériver.

- C'est un garçon ?

La petite voix cristalline me sortit de ma rêverie. En face de moi, une fillette aux longs cheveux blonds attendait ma réponse, le doigt pointé sur Salade. Je hochai la tête.

- Bulbi est une fille, elle, déclara-t-elle. Ne sois pas timide, Bulbi, dis bonjour !

Elle se décala et révéla la Bulbizarre qui se cachait derrière ses jambes.

- Bulbizarre, émit-elle, nous jetant un regard inquiet.

- Nanard dit que c'est les plus rares ! ajouta la fillette en gratouillant la tête de son Pokémon.

- Zarre, fit Salade en s'avançant.

Il tendit une de ses lianes vers sa congénère. Timidement, elle fit de même.

- On dirait qu'ils s'aiment bien ! s'exclama joyeusement la fillette.

- Je vois que tu as fait la connaissance de ma petite sœur, dit une voix dans mon dos.

Je me retournai. Premier choc : c'était Léonard. Deuxième choc : il était torse nu.

Okay, Léa, reste calme. Ne regarde pas ses muscles. Tout sauf ses muscles.

Bien évidemment, je regardai ses muscles.

- Oh, salut, répondis-je en espérant qu'il n'avait pas remarqué mes traîtres yeux s'égarer sur ses pectoraux. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis venu passer une journée avec ma famille avant qu'elle ne reparte vers des horizons lointains. Mais c'est plutôt ta présence ici qui m'intrigue. Depuis quand fais-tu partie du gratin ?

- C'est grâce à toi, en fait, lui expliquai-je. Ton conseil d'aller rendre visite à Léo a porté ses fruits, d'une certaine manière. Il n'avait pas envie de venir alors il m'a filé son ticket.

Léonard m'adressa un sourire éclatant.

Alerte, alerte. Overdose de testostérone.

- Il n'aurait pas pu en faire un meilleur usage, si tu veux mon avis.

- Tu la connais, Nanard ? nous interrompit la fillette.

Léonard fit les présentations. Il était venu rejoindre sa petite soeur, Eilie, et sa mère le temps de leur escale à Carmin-sur-Mer.

- Et ton père ? voulus-je savoir.

- Oh non, Papa a bien trop à faire pour quitter son bureau, répliqua-t-il, une pointe d'acidité dans la voix.

- Papa, il travaille beaucoup, ajouta Eilie d'un air sérieux.

Léonard changea de sujet en m'interrogeant sur ma journée d'hier, et je n'insistai pas. Chacun ses problème familiaux. Le père de Léonard était distant, d'accord. Mes parents à moi se trouvaient à un monde d'écart, et j'avais été happée dans le jeu qui m'avait volé mes derniers moments avec mon frère. S'il y avait eu un classement pour "ma vie est pourrie", j'aurais remporté la médaille d'or haut la main.

Je racontai donc à Léonard mes péripéties tandis que sa soeur s'amusait avec Salade et Bulbi. Les deux Pokémon plante avaient tressé leurs lianes ensemble et improvisé un jeu de tir à la corde.

- Léo est excentrique, je t'avais prévenue ! s'esclaffa-t-il alors que j'en étais arrivée à la surprise que j'avais éprouvée en le découvrant sous les traits d'un Mélofée.

Je passais sous silence l'incident avec Présage. En parler avec quelqu'un aurait rendu les souvenirs plus vifs, et ce n'était pas un épisode sur lequel j'avais envie de m'attarder. Sans compter que ça ne regardait que moi. Si Léonard remarqua que je lui cachais des chose, il n'en dit rien. Il me félicita pour l'acquisition de mon second badge, fit la moue quand je lui parlais de la capture de Princesse (apparemment il préférait les chiens), et fronça carrément les sourcils à l'évocation du détour que j'avais été contrainte d'effectuer.

- Étrange que le garde t'ait refusée l'entrée dans Safrania. Je n'ai eu aucun problème pour passer ce matin.

- Peut-être que ma tête ne lui revenait pas, tout simplement, fis-je en haussant les épaules.

- Léa, il faudrait être fou pour ne pas te trouver charmante.

Instantanément, je pris la couleur d'une tomate trop mûre.

- Tu n'aurais pas abusé du punch ? répondis-je pour me donner une contenance.

- Tu préfèrerais que ce soit le cas ?

- Oui. Non. Je veux dire...

Léa, spécialiste de l'emmêlage de pinceaux, avait encore frappé. J'avais dépassé le stade de la tomate trop mûre et j'atteignais à présent des niveaux de "coup de soleil puissance dix". Heureusement, il ne me pressa pas davantage.

- Tu veux prendre les paris ? demanda-t-il en désignant de la tête sa petite soeur et nos Pokémon.

Plusieurs autres enfants avaient rejoint Eilie dans sa lutte contre l'alliance des Zarres, et le tout menaçait de devenir l'attraction principale sur le pont. Malgré la ribambelle de gamins qui tiraient de toutes leurs forces, Salade et Bulbi ne bougeaient pas d'un pouce.

- Ils n'y arriveront jamais, dis-je, exprimant mes pensées à haute voix.

- Je n'en serais pas si sûr, répliqua Léonard. Aucun sommet n'est inaccessible avec les deux ailes que sont la solidarité et l'entraide.

Il avait imité la voix chevrotante d'une vieille femme pour la dernière phrase.

- Encore un bon conseil de ta mamie ?

- Ouais. Mais je l'aime bien, celui-là.

- Bon, d'accord, décidai-je. Qu'est-ce qu'on parie ? De l'argent ?

- Ce serait légèrement illégal vu que tu n'es pas majeure. Non, je pensais à un truc plus simple. Le perdant a un gage.

- C'est pas très spécifique, mais OK.

Les enfants peinaient toujours. Salade et Bulbi étaient passés à l'offensive, et leur avaient fait perdre trois bons mètres durant notre conversation. Encore un et les Pokémon plante atteindraient le bastingage, ce qui, je suppose, mettrait fin au duel. Je souris en voyant un gamin à tête blonde se joindre à la lutte. Il semblerait qu'Eustace ait finalement trouvé un duel Pokémon auquel il pouvait participer. Il tira avec les autres, mais malgré tout leurs efforts, ils perdaient toujours du terrain.

Je réfléchissais déjà à ce que j'allais faire subir comme gage à Léonard quand Eustace lâcha la corde pour libérer son Goupix.

- Allez, Belle, tire sur la liane avec nous ! s'exclama-t-il en ébouriffant le poil parfaitement coiffé de sa tête.

Le Pokémon feu saisit l'extrémité des deux lianes tressées entre ses mâchoires et se campa sur ses pattes, sa magnifique queue flamboyante dressée derrière elle. Aiguillonnés par l'apparition de ce nouvel allié, les enfants retrouvèrent espoir. Eustace encourageait son Pokémon tout en tirant, le sourire aux lèvres. Lentement, Belle se mit à reculer, gagnant centimètre après centimètre. Salade et Bulbi peinaient visiblement ; leurs pattes commençaient à glisser sur les planches du pont. La tendance s'était renversée.

- Tu disais ? me nargua Léonard.

Les enfants crièrent de joie lorsqu'ils atteignirent le milieu du pont - leur position de départ. Face à tant d'enthousiasme, l'alliance Zarre ne pouvait pas faire long feu. Il ne fallut qu'une minute de plus pour que les deux Pokémon plante rendent les armes, trop épuisés pour continuer. Dès la victoire déclarée, Eustace se retrouva le centre d'un cercle de dix enfants - de dix nouveaux amis, devrais-je dire.

Je récupérai un Salade à la liane poisseuse et couverte de bave de Goupix.

- Tu t'es bien battu, mon grand, le réconfortai-je.

- Et Bulbi aussi, ajouta Eilie en se baissant pour prendre la petite Bulbizarre dans ses bras. Hein, Bulbi ?

- Zarre, approuva-t-elle fièrement.

Eilie sourit et partit rejoindre le club des adorateurs d'Eustace, emportant la Bulbizarre avec elle. Salade me jeta un coup d'oeil, et, constatant que je n'avais pas besoin de lui (aucune menace à l'horizon pour mes cheveux), les suivit en trottinant.

- Alors, un gage... fit Léonard d'un ton pensif.

Je grognai.

- Rappelle-moi de ne jamais sous-estimer les gens avec des prénoms atroces.

- C'est noté. Mais n'essaie pas de te défiler.

- Non, non. Vas-y, dis. Qu'est-ce que je dois faire ?

- M'accompagner à la fête ce soir.

"Bhen, j'avais déjà prévu d'aller à la fête ce soir, alors avec ou sans toi...", c'était ce que j'essayais de dire. En réalité, ce qui sortit de ma bouche fut :

- Buh ?

- Mmh. Pas vraiment la réponse que j'espérais.

- Mais... fis-je, dépourvue de repères. En tant qu'amie ?

Il acquiesça.

- C'est juste que tous les ans, je m'ennuie à mourir. Maman est toujours plongée dans des discussions soporifiques sur la mode avec ses amies, et Eilie... Eilie a six ans. Si t'es là, j'aurais au moins une personne avec qui parler.

- Je comptais rester de toute façon, soulignai-je.

- Oh. Ça veut dire que je peux réutiliser mon gage alors ?

- Dans tes rêves.

Un cri d'enfant attira soudain notre attention vers la proue. Sauf que cette fois ce n'était pas un cri de joie, mais bien un cri de terreur.

- Il est tombé ! Il est tombé à l'eau ! s'exclama une femme en robe rouge.

La détresse dans sa voix me serra le coeur. Elle se pencha par-dessus le bastingage, les mains crispées sur la rambarde. Nous nous précipitâmes pour la rejoindre. On distinguait des remous dans l'eau, cinq bons mètres plus bas. Quelques bulles éclatèrent à la surface. Puis plus rien. L'enfant s'était-il assommé en tombant, ou bien ne savait-il tout simplement pas nager ?

- Johnatan ! s'écria la femme. Johnatan !

Léonard se hissa sur le bastingage avec la claire intention de se jeter à l'eau. Un Plouf le devança, quelqu'un avait été plus rapide. De l'homme, je ne vis quasiment rien, juste un bout de pied rose et les vagues générées par son plongeon, qui vinrent s'échouer contre la coque. Les secondes s'égrenèrent, angoissantes.

Puis l'homme réapparut soudain, soutenant d'un bras un petit garçon qui braillait comme un beau diable.

- Alakazam, remonte-nous.

Il n'avait pas crié mais sa voix porta facilement jusqu'à nous. Du coin de l'oeil, j'aperçus l'Alakazam se concentrer sur la cuillère qu'il tenait dans la main. Un bourdonnement me remplit les oreilles tandis qu'une énergie violette entourait l'homme et l'enfant. En un rien de temps, ils se retrouvèrent au sec sur le pont, grâce aux pouvoirs du Pokémon psychique.

- Johnatan ! fit la femme en se ruant sur son enfant.

- Tout va bien, il n'a rien, indiqua son sauveteur. Juste un peu secoué.

- C'était courageux de votre part, dit Léonard. De vous jeter à l'eau comme ça, je veux dire.

L'homme passa une main dans ses cheveux blonds dégoulinants d'eau de mer, puis sourit.

- Oh, ce n'était pas grand chose. J'aime à penser que tout le monde aurait agit de la même façon à ma place. Sans compter que c'est Alakazam qui a fait tout le travail, ajouta-t-il en coulant un regard affectueux vers son Pokémon.

Ne soyez pas modeste, maître. Le mérite vous revient puisque c'est vous qui m'avez dressé, répondit l'Alakazam, sa voix aux accents étranges résonnant dans ma tête.

Je ne sursautai même pas. C'était peut-être triste, mais j'étais désormais habituée à entendre des voix.

- Herbizarre, commenta Salade qui était venu voir la cause de toute cette agitation.

Je ne te permets pas d'accuser mon maître de "goutter sur le pont", petit Pokémon plante.

- Herbizarre.

Mmh. Tu as raison sur ce point-là. Les humains sont fragiles. Maître, vous devriez aller vous changer avant d'attraper froid.

- C'est ce que je comptais faire, répondit-il. À ce soir peut-être, pour la fête. (Il nous sourit, puis s'adressa à son Pokémon :) Alakazam, Teleport.

Ils disparurent dans un flash de lumière violette. Léonard surprit mon regard admiratif.

- J'en déduis que tu n'as pas réussi à capturer d'Abra.

- Non. Aucun Pokémon psychique à mon actif...

- Bah, ne t'en fais pas. Ça viendra.

Et sur ces paroles, qui, je l'espérais, s'avéreraient prophétiques, que nous retournâmes à nos boissons.

***

La fête. Des gens qui dansent. D'autres qui boivent. D'autres encore qui se prélassent dans le jacuzzi. Vous voyez le tableau. Je choppai un petit-four et parcourus la foule du regard. Inutile de préciser que je me sentais de trop. Tout ces gens avaient sans doute payé une fortune pour jouir du luxe de l'Océane. Moi, on m'avait donné mon ticket.

Un bruit bizarre derrière moi me fit me retourner, et je frôlai la crise cardiaque. Jusque là, tous les Pokémon que j'avais rencontrés se rangeaient dans deux catégories : les effrayants et les mignons. Mais celui-là, c'était une autre paire de manche. On aurait dit un clown croisé avec une statue. Sa grande bouche rouge étirée en un sourire permanent et ses mouvements saccadés semblaient tout droit sortis de mes pires cauchemars. Lui, il appartenait à la catégorie « Mon Dieu mais qu'est-ce que c'est que cette chose ? »

- M. Mime ? gargouilla-t-il tout en me tendant son plateau sur lequel s'alignaient des verres de champagne.

- Euh, non merci, répondis-je en me retenant de prendre mes jambes à mon cou.

Sa bouche s'étira en ce qui était peut-être une moue désapprobatrice (qui pouvait en être sûre vu la tête qu'il avait ?), puis il continua sa tournée. Je poussai un soupir. Décidément, ce monde ne cesserait jamais de m'étonner.

- Ça va ? s'enquit Léonard. Tu m'as l'air bien songeuse.

- C'est juste que je ne suis pas habituée à...

Me retrouver nez à nez avec des Pokémon, pour de vrai ?

Faire la fête sur un paquebot méga luxueux ?

Me faire aspirer dans un jeu vidéo ?

- ...tout ça, terminai-je finalement. Je viens d'un petit village, je n'ai jamais fréquenté le gratin.

Pitoyable comme excuse, mais je me voyais mal lui dire la vérité. Oui, Léonard, en fait tu n'es qu'un tas de pixels et je crois bien que j'ai un petit faible pour toi. Haha. Non.

- Il va falloir t'y faire. En tant que dresseuse qui vise la Ligue, c'est la gloire qui t'attend. Tu le savais bien quand tu as débuté, non ? La plupart des dresseurs attendent avec impatience le jour où on les reconnaîtra dans la rue.

- Non, moi je voyais plutôt ça comme une sorte de challenge personnel.

- Et le verdict jusqu'à présent ?

- Mitigé, c'est le moins qu'on puisse dire.

- Comment ça ? Tu...

Le reste de sa question se perdit dans le vacarme. Une commotion avait éclaté au bas des escaliers qui menait au pont ; des gens criaient et se bousculaient. La foule reflua en bloc alors qu'un homme émergeait au soleil, suivi par un énorme Pokémon qui avait des airs de kangourou - sauf qu'il était bardé de plaques osseuses et qu'il avait l'air beaucoup moins gentil. Si l'expression dure et froide du visage de l'homme ne m'avait pas suffi pour comprendre qu'il n'était pas là pour s'amuser, le R rouge sur le devant de son uniforme aurait fait l'affaire.

- Tout le monde reste calme et il ne lui arrivera aucun mal ! déclara-t-il d'une voix forte.

Au début, je ne compris pas qui était ce 'il', puis j'aperçus une forme prisonnière des bras du Pokémon kangourou. Je reconnus le petit garçon qui avait échappé à la noyade plus tôt dans la journée. Le contraste en taille était si saisissant qu'on aurait dit une poupée entre les mains d'un géant. Les yeux agrandis par la peur, les doigts crispés sur l'énorme avant-bras qui lui comprimait les poumons, il se retenait visiblement pour ne pas pleurer.

Révoltée, je fis un pas en avant. Léonard me retint. Je n'étais pas la seule à avoir réagi : plusieurs personnes s'étaient saisis de leurs Pokéballs. Le Rocket les toisa.

- Le premier qui joue au héros sera responsable de sa mort, les menaça-t-il en désignant l'enfant d'un signe de tête.

Le Rocket se retrouva la cible de pas mal de regards meurtriers - dont le mien -, mais personne n'alla plus loin. Les Pokémon des dresseurs qui se trouvaient sur le pont restèrent immobiles, peut-être comprenaient-ils ce qui était en jeu. À travers la foule, je vis Salade m'adresser un regard inquiet. Il se tenait au pied d'Eilie, qui avait saisi Bulbi dans ses bras et fusillait le Rocket du regard.

- Très bien, continua le gangster. À présent mon acolyte va passer parmi vous, je vous saurais gré de bien vouloir lui remettre vos Pokéballs... Toutes vos Pokéballs.

Un Pokémon humanoïde au physique de bodybuilder et à la peau grise s'avança, tendant un sac. Il s'arrêta devant une dame aux long cheveux roux rehaussés de barrettes étincelantes - la première victime, semblait-il.

- Machopeur, ordonna-t-il.

Les lèvres pincées, elle détacha une superbe Pokéball or et feu de sa ceinture. Alors qu'elle s'apprêtait à la laisser tomber dans le sac, il y eut un flash de lumière violette et l'enfant disparut des bras du Pokémon kangourou. Ce dernier poussa un grognement et tourna la tête dans tous les sens, surpris. Tout autant que son dresseur, d'ailleurs.

- Qu'est-ce que... ? balbutia le Rocket.

- Alakazam, Psyko.

L'air parut se brouiller sous l'effet de vagues invisibles. Je clignai des yeux, momentanément aveuglée. Lorsque ma vision revint, le Machopeur s'était écroulé. Moment de flottement. Dans le silence ambiant, un homme sortit des rangs et fit face au Rocket. Je le reconnus, c'était celui qui s'était jeté à l'eau un peu plus tôt. Son Alakazam le suivait, une des ses cuillères tendues vers le Rocket telle une arme.

La foule reflua, laissant le plus clair du pont aux deux adversaires. J'étais partagée entre l'envie de prendre mes jambes à mon cou et celle d'être témoin du combat qui s'annonçait. Déroutant, c'était le moins qu'on puisse dire.

- Malcolm Turner, Interpol, annonça l'homme d'une voix calme en montrant son badge. Kyle Barner, dit la Terreur, vous êtes en état d'arrestation, ajouta-t-il à l'intention du Rocket. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra....

- Me fais pas rire ! le coupa le gangster. J'irai nulle part et toi non plus. En fait, tu ne quitteras pas ce bateau vivant ! Kangourex, Plaquage !

L'immense Pokémon s'élança en grondant. Sa masse de deux mètres de haut s'ébranla, chacun de ses pas faisant vibrer les planches du pont. Alors qu'il se trouvait à mi-course, sa cible disparut dans un éclair violet. Le Kangourex s'arrêta net, souffla d'agacement, et reporta son attention sur l'Alakazam. Ce dernier leva une de ses cuillères, et tout à coup, les pieds du Kangourex ne touchaient plus le sol. Il paniqua, jouant des pieds et des poings, mais rien n'y fit : il se retrouva suspendu à deux mètres du pont, la tête en bas. L'Alakazam lissa sa moustache, et l'aura violette qui entourait le Kangourex s'éteignit. Il s'écrasa au sol dans un fracas assourdissant, K.O. pour de bon.

Pendant ce temps-là, l'agent d'Interpol en était venu aux mains avec le Rocket. Ce fut étrangement satisfaisant de voir le criminel se prendre un coup de poing en pleine tronche. Beaucoup moins de le voir riposter avec un croche-pied qui fit chuter le policier. Plusieurs personnes se précipitèrent pour l'aider. Quelqu'un libéra un Arcanin, lui criant un ordre que je n'entendis pas. Puis le premier coup de feu retentit. Et ce fut la débandade.

Tout alla très vite. Sans savoir comment, je me retrouvai plaquée au sol, ventre à terre, tandis que d'autres coups de feu tonnaient. Des cris s'élevèrent. Douleur et terreur. Mon coeur battait à cent à l'heure. Je me contorsionnai pour essayer d'observer ce qu'il se passait, mais l'énorme masse du Kangourex évanoui me bloquait la vue. Au bout de quelques instants, le silence revint. Je voulus me relever, m'aperçus qu'un poids me bloquait, et c'est là que je percutai enfin.

Léonard. Il m'avait poussé à terre lorsque le Rocket avait ouvert le feu, et m'avait protégé de son corps. Je me dégageai prudemment et le retournai sur le dos. Ses paupières papillonnèrent, il poussa une exclamation de douleur. Je sentis mon cœur faire un bond dans ma poitrine en constatant les dégâts : son épaule gauche avait sérieusement morflé, il y avait du sang partout.

- Léa, souffla-t-il en me fixant du regard. Ça va ?

J'explosai :

- C'est à moi que tu demandes ça ? Non mais tu t'es regardé ?! Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Monsieur se croit invulnérable ? Je t'interdis de faire ça, tu m'entends ?! Et puis d'abord, pourquoi t'as fait ça ? On se connaît depuis quoi, trois jours ? T'as perdu les pédales ! On n'est pas dans un film où le héros se sacrifie pour protéger l'héroïne, c'est la vraie vie, là ! Et justement, de vie, on n'en a qu'une, alors si tu gâches la tienne en jouant à l'imbécile, la prochaine fois, je te tuerai moi-même !

Je m'arrêtai, essoufflée. La fin de ma tirade n'avait pas beaucoup de sens, mais à ma décharge, je n'étais pas encore remise de mes émotions.

- Un héros, hein ? Ça me plaît...

Et c'était tout ce que cet idiot trouvait à dire. Il se redressa en grimaçant, une main sur sa plaie.

- Oh mon Arceus, Léonard, tu es blessé ! s'écria sa mère en accourant.

Un cri si perçant qu'il rivalisait avec les ultrasons d'un Nosferapti nous vrilla les oreilles.

- Nanard !

Eilie se précipita sur Léonard en sanglotant. Bulbie et Salade la suivait de près, l'air inquiet.

- Nanard, tu vas pas mourir, hein ?

- C'est juste une égratignure... protesta-t-il, les dents serrées.

- Il faut tout de suite appeler les secours, décréta la mère de Léonard en sortant son portable.

- Inutile, chère madame, je viens de le faire !

L'agent d'Interpol s'approcha à grand pas. Il saignait du nez et un hématome était en train de se former sur sa joue droite, mais à part ça, il semblait en pleine forme.

- Ils seront sur place d'une minute à l'autre. Nous avons eu de la chance : votre fils est le seul blessé.

- De la chance ? s'indigna-t-elle. De la chance ?! Alors que mon pauvre petit Léonard souffre le martyre ! Comment osez-vous ?

- Maman, ça va, je te dis...

- Et le Rocket ? voulus-je savoir.

- Désatomisé.

La brièveté de la réponse me désarçonna.

- Pardon ? Comment ça ?

- Disons que... nous sommes probablement en train de le respirer en ce moment même.

Il me fallut un moment avant que cette phrase ne prenne un sens. Lorsque ça fit 'tilt', je me sentis malade.

- Il avait braqué son arme sur ma tête et allait appuyer sur la gâchette. C'était lui ou moi... expliqua-t-il. Alakazam a réagi instinctivement.

Et j'en prends l'entière responsabilité, répondit le Pokémon psy d'une voix détachée.

Je n'étais plus tellement certaine de vouloir d'un Pokémon psy. Désintégrer les gens, ça faisait légèrement... psychopathe. D'un autre côté, il était resté d'un calme olympien durant toute la durée de l'épreuve. J'aurais aimé pouvoir en dire autant ; j'en tremblais encore.

Le SAMU version Pokémon débarqua quelques minutes plus tard. Contrairement à mes attentes, il ne s'agissait pas d'une invasion d'infirmières Joëlle et de Leveinard, mais de gens tout à fait normaux. Il y avait bien un Leveinard, mais il se contenta de rester en retrait, dodelinant de la tête. Malgré les protestations de Léonard, ils le firent s'allonger sur une civière, puis le chargèrent dans l'ambulance. Sa mère et Eilie y montèrent aussi, mais lorsque je voulus les suivre, l'infirmier m'arrêta d'une question :

- Vous êtes de la famille ?

- Moi ? Non, je suis juste... une amie.

- Seule la famille proche peut accompagner un blessé à l'hôpital. Désolé.

Il ne me referma pas la porte au nez, mais c'était tout comme. Léonard leva la tête et nous échangeâmes un dernier regard avant que l'ambulance ne s'éloigne. Je me retrouvai seule sur les quais. Enfin, seulement métaphoriquement. Concrètement, j'étais entourée de tout plein de voitures de police et d'autres ambulances. Que faire maintenant ?

Je devais avoir posé la question à voix haute sans m'en rendre compte, car Salade me répondit :

- Herbizarre.

Ce que je traduisis très librement par « Allons déambuler dans les couloirs de l'Océane. » Les couloirs vides de l'Océane, ajouterai-je : tout le monde était sur le pont. Ça tombait bien, j'avais besoin de me vider la tête. Évidemment, la loi de l'emmerdement maximal ne manqua pas de frapper, et au détour d'une coursive, je tombai sur Zack. Qu'est-ce qu'il pouvait bien fabriquer là, lui ? Je ne l'avais pas vu à la fête, d'où ma surprise. Il parut tout aussi étonné.

- Léa ? Me dis pas que t'as réussi à obtenir une invitation. Comment t'as fait, t'as vendu tes Pokémon ?

- La ferme, Zack, répliquai-je du tac au tac. Je suis vraiment pas d'humeur.

- Ha non ? Ça tombe bien, rien de mieux qu'une bataille Pokémon pour se calmer les nerfs.

Je ne réfléchis même pas. Me saisissant d'une Pokéball à ma ceinture, je libérai Souris.

- D'accord, allons-y.

Zack eut un sourire arrogant avant de faire appel à son Roucoups.

- Morsure.

Souris fondit sur son adversaire, aidée de quelques battements d'ailes. L'étroit couloir ne permettait pas à nos Pokémon aux envergures d'ailes plutôt conséquentes de prendre leur envol. Un handicap auquel le Roucoups n'était pas préparé, contrairement à Souris. Il tenta de reculer, mais ne put éviter les mâchoires de fer de la Nosferalto qui s'enfoncèrent à la jonction entre l'aile et le corps.

- Encore, lui ordonnai-je.

- Roucoups, Jet de Sable, contra Zack.

Mais son Pokémon resta prostré, sans réagir. Le deuxième passage de Souris lui infligea une blessure identique à l'autre aile, lui arrachant un piaillement de protestation. La peur brilla dans son regard.

- J'ai dit 'Jet de Sable' ! Mais reprends-toi, bon sang ! s'emporta Zack.

Le Roucoups n'eut aucune réaction. Zack finit par le renvoyer dans sa Pokéball en jurant. Je fis de même avec Souris - les jurons en moins.

- Envoie le suivant que je lui flanque une bonne rouste, lançai-je.

- Zarre ? Herbizarre, zarre, commenta Salade.

Aucune idée de ce qu'il venait de dire.

- Pas maintenant, répliquai-je.

Zack envoya un Kadabra au combat. Il avait donc fait évoluer son petit Abra. Bah, peu importait. Ça n'allait pas changer grand chose. J'optai pour Grignotte. Les deux Pokémon se toisèrent un instant avant d'obéir à nos ordres :

- Kadabra, Télékinésie !

- Tranche.

J'ignorais à quoi servait Télékinésie, et je n'en vis pas les effets. C'était peut-être destiné à baisser la précision, car mon Sablaireau rata son coup. Ses griffes s'enfoncèrent dans le parquet à quelques centimètres de son adversaire, faisant crisser le bois. Il se retourna dans la foulée et revint à l'assaut, mais le Kadabra s'était placé hors de portée.

- Enchaîne avec Choc Mental.

Les yeux du Pokémon psy étincelèrent. Grignotte se raidit, comme sous le coup d'une douleur intense, puis vacilla. Il posa une patte avant au sol afin de se stabiliser. Une seule. La deuxième fouetta l'air, toutes griffes dehors. Elles labourèrent la fourrure du Kadabra, manquant l'œil de justesse et lui laissant en souvenir une cicatrice sanglante de part et d'autre.

Un temps de latence, puis ils s'écartèrent d'un commun accord, se tournant autour. Les écailles de Grignotte étaient hérissées d'une façon bizarre le long de son dos, on aurait dit un chat en colère. Le Kadabra, lui, serrait sa cuillère à s'en faire trembler la main. Soudain, ses yeux brillèrent à nouveau : il n'avait pas attendu les ordres de Zack pour agir. Des vagues d'énergie psychiques vinrent s'écraser contre Grignotte. Je le vis fermer les yeux et frapper au hasard en guise de riposte. Étonnamment, son coup fit mouche, touchant le Kadabra en plein dans l'abdomen. Des morceaux de fourrure ensanglantés volèrent dans les airs. Les doigts du Pokémon psy s'ouvrirent, et sa cuillère tinta contre le sol alors qu'il se pliait en deux. Grignotte le gratifia d'une bourrade qui le fit tomber à la renverse, puis posa une patte en travers de sa gorge, histoire de bien lui faire comprendre qui était le vainqueur. À mon avis, le Kadabra n'était pas près de l'oublier.

- C'est pas croyable, maugréa Zack en le rappelant dans sa Pokéball.

- Grignotte, reviens.

Zack soupesa sa prochaine Pokéball avant de la lancer. Une forme rondouillarde et poilue se dessina dans l'air. Son Rattatta avait évolué, mais il avait toujours l'air aussi vicieux. Je fis sortir Ficelle, elle s'était bien débrouillé contre lui la dernière fois. Le Pokémon souris agita ses moustaches en voyant la Papilusion flotter au-dessus du sol. Il se souvenait sûrement de la raclée qu'il s'était pris.

- Ficelle, Ultrason.

- Rattatac, tu sais quoi faire.

Ficelle orienta ses antennes sur le rat et émit une série de cris suraiguës. Le Rattatac pencha la tête de côté, comme s'il se trouvait face à une énigme particulièrement difficile à résoudre, puis, sans transition, il effectua un puissant bond à la verticale, droit sur Ficelle. Ses mâchoires claquèrent en se refermant sur une aile. Les deux Pokémon chutèrent dans un déluge de poudre lumineuse : Ficelle avait instinctivement réagi avec un Poudre Dodo. Le Rattatac semblait s'y attendre et recula immédiatement pour éviter d'être affecté, laissant Ficelle prostrée au sol, une aile pendante.

- Choc Mental, m'entendis-je lui ordonner.

Elle se redressa tant bien que mal, agitant son aile intacte. Le Rattatac accusa le coup, ses yeux se voilèrent sous l'effet de l'attaque. Il se gratta la tête furieusement, jusqu'au sang, l'air de ne pas trop savoir ce qu'il faisait.

- Arrête ça ! s'écria Zack en lui balançant un coup de pied.

Son Pokémon couina mais ce traitement, pour brutal qu'il fût, fonctionna. L'esprit à nouveau clair, le Rattatac montra les crocs et fonça sur Ficelle. Ses dents déchirèrent l'aile valide de la Papilusion, qui riposta immédiatement par un second Choc Mental. Le Rattatac tituba et roula sur le côté, sa queue fouettant l'une des antennes de Ficelle au passage. Je crus qu'il allait rester à terre, mais il se remit sur pattes laborieusement et revint auprès de Zack en boitant. Il laissait des empreintes de pattes ensanglantées derrière lui. Ficelle ne bougea pas, campée sur ses pieds, ses ailes pendant inutilement à ses côtés. Elle ne pouvait plus voler mais elle ne renonçait toujours pas. À croire que les manières de Teigne déteignaient - c'était le cas de le dire - sur tout le monde.

J'hésitai. Les deux combattants étaient mal en point, ce serait sûrement le dernier round. Une pichenette sur le museau du Rattatac suffirait à l'achever...

- Vive-Attaque ! fit Zack, me prenant de court.

Le boulet de fourrure marron qu'était devenu le Rattatac chargea Ficelle et la percuta à pleine vitesse. Son corps s'arc-bouta, projeté en arrière sous la violence de l'impact. Une traînée de poudre scintillante apparut dans son sillage, puis l'enveloppa alors qu'elle heurtait le mur et glissait jusqu'au sol, tel un linceul mortuaire.

Je m'arrêtai de respirer.

Non. Non, pas Ficelle...

Salade s'approcha de la Papilusion et la poussa doucement du museau. Rien. Ma main alla chercher d'elle-même à ma ceinture la Pokéball de Teigne. La Férosinge observa les alentours une fois matérialisée, puis ses yeux s'arrêtèrent sur Ficelle. Je la vis serrer les poings. Elle leva la tête et chercha mon regard. Mon expression lui apprit tout ce qu'elle avait besoin de savoir.

- Rattatac, Croc de...

Zack n'eut pas le loisir de finir sa phrase, son Pokémon venait de faire brutalement connaissance avec le mur, par l'intermédiaire du poing de Teigne. Il n'en restait plus qu'un.

- Reptincel, à toi. Flammèche !

Le Pokémon de feu cracha un jet de flammes par ses naseaux, puis ouvrit la bouche, fixant la Férosinge de ses yeux dorés. J'eus le temps de distinguer un éclat orangé au fond de sa gorge avant que Teigne ne lui décoche le coup de poing le plus brutal qu'il m'ait été donné de voir. Il décolla littéralement du sol, partit en vol plané sur plusieurs mètres, et termina sa course aux pieds de Zack. K.O. en une seule attaque.

En temps normal, j'aurais félicité Teigne. Là, je n'en avais pas le cœur. Je rejoignis Salade, m'agenouillai près de Ficelle et effleurai son petit corps meurtri.

La voix de Zack s'éleva dans mon dos.

- Léa...

- Casse-toi.

Il n'insista pas. Je l'entendis s'éloigner. Moi, je ne voyais que Ficelle. Elle gisait dans mes bras, inerte. Les ailes en lambeaux. Les yeux ternes. Sans vie.

Elle ne volerait plus jamais.

***

Note de l'auteur : Ficelle a survécu de justesse au deuxième Croc de Mort, qui était un critique, mais comme il restait environ trois PVs au Rattatac je lui ai bêtement ordonné d'attaquer, vu qu'elle était plus rapide, en oubliant que le Rattatac avait Vive-Attaque. R.I.P. Ficelle, première victime de ma partie Nuzlocke (mais hélas pas la dernière).
(Et non, je n'ai pas embelli l'histoire pour le plaisir, Teigne a vraiment fait un coup critique sur son Ultimapoing juste après la mort de Ficelle, ce qui a mis K.O. le Reptincel en un coup. ^^)


Équipe actuelle :
SaladeTeignePrincesseSourisGrignotte

Cimetière :
Ficelle