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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 04/12/2011 à 15:14
» Dernière mise à jour le 04/12/2011 à 15:14

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Chapitre 3 : Épines et roches
- Sabe...

Le Pokémon s'effondra face contre terre sans terminer sa phrase. Un seul coup de liane de Salade avait suffi à le mettre K.O.

- Sablounette ! s'exclama le jeune garçon en accourant vers son Pokémon.

Il leva un regard empli de reproches sur moi. J'avais ordonné à Salade d'y aller mollo, car je venais d'apprendre que les attaques de type plante étaient particulièrement efficaces contre les Pokémon de type sol et roche (une information qui m'avait été fournie très gracieusement par un homme à l'entrée de l'arène qui semblait exister uniquement pour renseigner les nouveaux dresseurs).

- Belette, couina misérablement le Pokémon.

Je grimaçai. Faire souffrir des petites bestioles adorables ne me plaisait pas plus que ça, mais c'était le jeu, et le gamin n'aurait pas hésité à faire subir la même chose à Salade s'il en avait eu l'occasion.

- Bien joué, me félicita le champion d'arène, qui avait observé notre combat.

Il s'appelait Pierre, ce que je trouvais personnellement hilarant, vu qu'il utilisait des Pokémon de type roche, et avait l'air d'avoir juste quelques années de plus que moi, la vingtaine peut-être. Ses cheveux bruns lui tombaient jusque dans les yeux, qu'il avait bruns également, et sa peau tannée suggérait qu'il ne passait pas toutes ses journées à attendre les aspirants dresseurs au fin fond de son arène.

- Mais évidemment, avec un tel Pokémon, l'issue du combat était prévisible, continua-t-il. Cependant, ne va pas croire que les miens plieront aussi facilement. L'avantage du type ne te garantira pas la victoire face à un dresseur expérimenté.

- Nous verrons ça.

- Le challenge consiste à mettre K.O mes deux Pokémon. Tu peux choisir de déclarer forfait à n'importe quel moment du match, auquel cas tu devras me payer cinq cent Pokédollars, et attendre trois jours avant de me défier à nouveau.

Je hochai la tête. Voilà des règles qui me convenaient parfaitement. Un instant, j'avais craint de devoir affronter six Pokémon les uns après les autres, sans possibilité de se retirer.

- Et si je gagne ? demandai-je.

- Le Badge Roche sera à toi, ainsi que cinq cent Pokédollars, et je rajoute parfois une CT si je suis de bonne humeur.

- Une quoi ?

Il me sourit, ses yeux pétillant d'amusement.

- Tu débutes vraiment, hein ? Une technique que l'on peut apprendre à un Pokémon. Je te donnerai plus de détails si tu t'en montres digne.

Il se saisit d'une de ses Pokéballs à sa ceinture.

- Prête ?

- Prête, répondis-je.

- Alors c'est parti, dit-il en lançant sa Pokéball. En avant, Boulette !

Je haussai un sourcil.

- Boulette ?

- C'est un Racaillou femelle, dit-il avec un haussement d'épaules. Et puis, tu peux parler, avec ton Salade...

Je me raclai la gorge.

- Oui, bon, allons-y...

Pierre ne se fit pas prier, et ordonna à son Pokémon d'utiliser Boul'Armure, ce qui ne lui fut absolument d'aucune utilité lorsque les lianes de Salade s'enroulèrent autour de lui, avant de le projeter violemment contre le mur. BLAM ! Plus de Racaillou. Le champion soupira en rappelant son Pokémon.

- Ne crie pas victoire trop vite. Boulette n'était qu'un échauffement, le vrai challenge, c'est Montagne.

Montagne ? Quel genre de Pokémon pouvait bien mériter un nom pareil ? J'obtins ma réponse lorsque des rochers dont je pensais jusque là qu'ils faisaient partie du décor se mirent à bouger. Dans un affreux bruit de rocaille raclant le sol, un immense serpent de pierre se dressa aux côtés du champion d'Argenta. Fixant ses yeux remplis d'intelligence sur moi, il ouvrit une gueule noire qui m'évoqua la benne d'un camion-poubelle.

- Ooooniiix ! gronda-t-il.

Je reculai sans le vouloir. Quel monstre ! Il devait mesurer dans les dix mètres au bas mot. Il aurait pu tous nous écraser comme des mouches si l'envie lui en prenait. Pourquoi un Pokémon d'une telle puissance obéissait-il à un humain ?

- Ne t'inquiète pas, je le contrôle, me dit Pierre à qui mon mouvement de recul n'avait pas échappé.

Calme-toi, Léa. C'est comme faire face à un bulldog qui te montre les dents. Tant que le maître ne pète pas les plombs, il n'y a aucune raison qu'il te saute dessus.

Cette pensée ne me rassura cependant qu'à moitié. Salade s'avançait pour affronter l'Onix, deux de ses lianes dansant au-dessus de lui, prêtes à frapper, quand l'une des Pokéballs à ma ceinture s'ouvrit d'elle-même. Teigne en surgit, ce qui ne m'étonna guère.

- Férosinge ! grogna-t-elle à l'encontre de Salade.

- Bulbi ? fut la réponse étonnée du bulbe vert.

Teigne se tourna vers moi et commença un long discours dans lequel elle vantait probablement ses capacités guerrières. Elle levait ses gros poings vers le ciel pour appuyer ses propos, et je m'attendais presque à voir de la fumée sortir de ses oreilles.

- On dirait bien que ton Férosinge veut se battre, observa Pierre.

- C'est un pléonasme, ça...

Salade et Teigne se lancèrent dans une conversation animée, auquel l'Onix se joignit bientôt. Je les regardai discuter à grands coups de "Férosinge !", "Bulbizarre...", et "Onix.", me demandant comment ils s'y prenaient pour être mutuellement intelligibles. Sans compter qu'ils nous comprenaient également plus ou moins bien.

- Ça existe, les traducteurs Pokémon-humain ? m'enquis-je, exprimant mes pensées à voix haute.

- Non, malheureusement, répondit Pierre en secouant la tête. C'était un des projets de la Sylphe SARL il y a quelques années, mais ça n'a jamais abouti. On doit se contenter de deviner ce qu'ils racontent la plupart du temps. Certains Pokémon psychiques acceptent parfois de traduire pour leur dresseur, mais c'est loin d'être automatique.

J'absorbai les informations, les stockant dans un petit coin de mon cerveau - dans une boîte intitulée 'Pokémon' qui commençait à bien se remplir.

- Pour en revenir à Teigne... dis-je en jetant un regard à mon Pokémon. Je ne pense pas qu'elle soit de taille face à ton Onix.

Sans l'avantage du type, je n'osais pas l'utiliser contre le serpent de pierre. Ce n'était pas la crainte de perdre qui me retenait, puisque si elle se retrouvait au tapis, je pourrais toujours avoir recours à Salade, mais je n'avais pas envie qu'elle se blesse inutilement. Même si Pierre était un dresseur réglo, on n'était jamais à l'abri d'un accident, et son Pokémon n'avait pas l'air de faire dans la subtilité.

- Férosinge ! protesta Teigne en accourant vers moi.

- Les Pokémon de type combat possèdent également un avantage sur les types sol, bien qu'il soit moindre que celui des types plantes... fit Pierre en réfléchissant. Enfin, tant que tu n'essaies pas de m'affronter avec un type électrique, tu as toutes tes chances, tu sais. Je pense que tu devrais laisser ta Férosinge tenter le coup. Si elle perd, elle sera plus prudente la prochaine fois, et si elle parvient à terrasser Montagne... hé bien, dans les deux cas, tu es gagnante. Mais bien sûr, au final, la décision te revient.

Teigne me regardait de ses grands yeux impatients, attendant avec anxiété mon verdict final. Je soupirai.

- Bon... d'accord.

Elle me sauta au cou, manquant de m'étrangler. Salade me sauva de l'asphyxie en enroulant ses lianes autour de la Férosinge ivre de joie, la soulevant dans les airs pour la déposer en face de l'Onix. Puis il la gratifia d'un "Bulbizarre" réprobateur et vint me rejoindre tranquillement. Je fis signe à Pierre de débuter le combat avant que Teigne ne creuse un trou dans le plancher à force de trépigner.

- Montagne, ordonna-t-il calmement, Tomberoche.

Le serpent de pierre poussa un rugissement et frappa le sol de sa queue, ce qui ébranla toute l'arène et déclencha une pluie de rochers. Je grimaçai en regardant Teigne les éviter tant bien que mal, bondissant de-ci de-là.

- Reste en mouvement ! lui criai-je. Ça va bien finir par s'arrêter !

Les secondes suivantes me donnèrent raison. Teigne évita un dernier rocher de justesse, y laissant quelques touffes de poils au passage, et s'avança vers l'Onix, oreilles tournées vers l'arrière afin de ne pas manquer une miette de mes instructions.

- Balayage, énonçai-je.

La dernière syllabe avait à peine quitté ma bouche qu'elle était déjà dans les airs. Son pied lancé à pleine vitesse percuta le plus gros des rochers qui constituaient le corps du serpent avec un bruit mat, le fissurant sur toute sa largeur. L'Onix rugit. Pierre réagit au quart de tour.

- Montagne, Étreinte !

La queue du serpent bougea plus vite qu'un fouet et vint s'enrouler autour de Teigne, la soulevant dans les airs. Elle gigota dans tout les sens, gonfla ses muscles, sans que cela ne change quoi que ce soit. Elle était bel et bien prisonnière. L'Onix resserra son étreinte.

- Continue à le frapper, Teigne !

Elle n'eut pas besoin de se le faire dire deux fois, et se mit à balancer ses énormes poings à droite à gauche en poussant des cris enragés, les abattant sur la pierre qui l'enserrait. L'Onix se tortillait, furieux, incapable de se soustraire à la pluie de coups. Les assauts combinés des deux Pokémon faisaient trembler l'arène. Je les regardai lutter avec anxiété. Teigne allait-elle en sortir vainqueur ? Ou même en sortir tout court ?

Finalement, au bout d'une longue minute qui me sembla durer une heure, Teigne fit mouche une dernière fois et l'Onix s'écroula dans la poussière. La Férosinge avait l'air épuisé, aussi m'empressai-je de la rappeler dans sa Pokéball. Pierre fit de même avec son Pokémon. Son Onix était tombé raide comme un masse ; j'espérais que Teigne n'avait pas frappé trop fort.

- Ne t'inquiète pas, il est juste évanoui, me rassura le champion d'Argenta, ayant perçu mon malaise. Le sommet de la Pokéball vire au gris lorsque le Pokémon à l'intérieur est décédé. Et comme tu peux le voir, dit-il en tapotant du bout de l'ongle sur le rouge, ce n'est pas le cas.

J'acquiesçai, soulagée.

- Hé bien, on peut dire que les dresseurs talentueux défilent en ce moment. D'abord ce Zack, puis toi...

Je grommelai. Ainsi Zack avait pris de l'avance.

- Tiens, dit-il en me tendant un petit objet, ton badge. Et la CT, comme promis. (Une sorte de disque orangé rejoignit le badge.) Elle contient Tomberoche.

- Merci, dis-je en acceptant les deux.

Le badge était on ne peut plus simple, un carré gris aux aspérités rugueuses muni d'une attache si par ailleurs je désirais l'épingler quelque part. Mais l'autre truc...

- Euh... comment ça marche, exactement ? demandai-je en retournant la CT dans tout les sens.

- Très simple : tu fais rentrer le Pokémon dans sa Pokéball, et tu places la CT dessus. Tu ne peux t'en servir qu'une seule fois, alors choisis bien le Pokémon à qui la donner. Tomberoche conviendrait bien à un Pokémon de type roche, ou sol. Peut-être un Racaillou si tu arrives à en attraper un au Mont Sélénite.

- Il faut passer par là pour se rendre à Azuria, c'est ça ?

J'avais surpris une conversation entre deux dresseurs au centre Pokémon, mais ne leur avait pas demandé de détails. Pierre hocha la tête.

- Le tunnel du mont Sélénite est le seul accès, oui. Il faut bien une journée pour le traverser, si tu pars maintenant, tu devrais pouvoir arriver à Azuria avant la nuit... Oh, j'allais oublier, tes Pokédollars.

Il m'offrit une poignée de billets. À vue d'œil, je venais de doubler ma fortune.

- Tant que ça ?

- Je suis un champion d'arène, pas un simple dresseur croisé sur la route.

- Mmh.

Nous échangeâmes encore quelques banalités, puis je pris congé et sortis de l'arène, Salade à mes côtés. Après un passage au centre Pokémon pour remettre Teigne d'aplomb et m'acheter de quoi manger pour ce midi, je me dirigeai vers la route menant au mont Sélénite. J'étais presque sortie de la ville quand une sonnerie en provenance de mon sac à dos me fit sursauter. Mon portable ! Je l'avais allumé ce matin pour l'examiner en vitesse, et avait dû oublier de l'éteindre - bien m'en avait pris. Mais qui pouvait donc m'appeler ? Je fouillai dans mon sac jusqu'à l'en extirper. Sur l'écran s'affichait le nom du professeur Chen.

- Professeur ? fis-je en portant le téléphone à mon oreille. Vous avez encore oublié quelque chose ?

- Léa ! s'exclama la voix du prof à l'autre bout du fil. Dis-moi que tu es encore à Argenta.

- J'allais en sortir à l'instant.

- Reste où tu es, s'il te plaît. Mon assistant devrait bientôt te rejoindre. Il est parti à six heures ce matin, il devrait être là d'une minute à l'autre s'il n'a pas flâné.

Je jetai un coup d'œil aux alentours. Une tâche blanche au loin attira mon attention. Se pourrait-il que ce soit... ? J'obtins la réponse quelques secondes plus tard alors que les contours de la tâche se précisaient, devenant un homme en blouse blanche qui courait comme s'il avait eu une horde d'Onix aux fesses.

- Oui, je crois que je le vois, informai-je le professeur Chen. Mais qu'est-ce qu'il...

- Parfait ! me coupa-t-il. Bonne chance, Léa, et à la prochaine !

Click.

Il m'avait raccroché au nez.

Je vois d'où Zack tient ses manières...

L'assistant du prof Chen, dont j'avais oublié le nom, arriva enfin à ma hauteur en soufflant comme un phoque. Il était tout rouge, limite violet, et sa blouse trempée de sueur lui collait au corps.

- Euh... tout va bien ?

Il émit un râle rauque et me tendit ce qu'il avait porté dans ses bras durant tout ce temps, la raison pour laquelle il avait couru non-stop pendant plus de quatre heures : une paire de chaussures. Puis il murmura quelque chose qui ressemblait à "Mission accomplie", et s'effondra. J'examinai la paire de chaussures en question. Mise à part leur couleur rouge fluo, elles n'avaient rien de remarquable. Un petit mot était accroché aux lacets ; je déchiffrai l'écriture avec difficulté : Des supers chaussures pour mon petit bouchon d'amour. Maman t'embrasse très fort.

Youpi. Je les comparai mentalement avec la paire que j'avais aux pieds en ce moment, si banales que je n'avais strictement rien à dire dessus, puis décidai que je ne perdais rien à essayer. J'effectuai l'échange rapidement, me relevai, et constatai que oui, effectivement, on pouvait qualifier ces chaussures de supers. Incroyablement légères, elles enveloppaient le pied dans une sorte de petit nuage de confort, parvenant je ne sais comment à l'épouser parfaitement sans pour autant l'emprisonner. Elles devaient également disposer de l'air conditionné, mes pieds étant maintenus à la température idéale. C'était comme si toutes les pubs pour chaussures qui aient jamais existés s'étaient soudain incarnées dans cette paire-là. J'en aurais presque appelé ma mère pour la remercier - presque.

Entre-temps, l'assistant du prof Chen avait suffisamment récupéré pour se tenir assis. Il tira de sa poche une potion qui ressemblait trait pour trait à celles vendues dans les boutiques Pokémon, et la vida entièrement dans sa bouche. Devant mon regard intrigué, il m'expliqua d'une voix fatiguée :

- Ces potions sont normalement conçues pour les Pokémon, mais elles font l'affaire pour les humains lorsqu'un effort intense est sollicité.

Il se releva en s'appuyant sur ses genoux, et prit une grande inspiration.

- Bien sûr, trop en consommer est toxique, mais je n'en suis seulement qu'à ma dix-huitième... et le professeur s'attend à ce que je sois de retour à son labo avant quatorze heures.

Il marmonna un mot qui ressemblait à s'y méprendre avec 'Tyran', et repartit en sens inverse en trottinant. Le pauvre. Je secouai la tête : j'avais mes propres problèmes à régler. À savoir, parvenir à Azuria avant le coucher du soleil - passer la nuit dans le tunnel du mont Sélénite n'arrangerait pas mes affaires. J'avais à peine posé le pied sur la route 3 qu'un dresseur me défiait, puis un autre trois pas plus loin, et encore un autre. À croire que le badge épinglé sur mon sac les attirait comme la lumière d'une flamme attire les moucherons. Et c'étaient quoi, ces réflexions débiles qui sortaient de leur bouche ? "J'adore les shorts", vraiment ?

Du bon côté, cela faisait de l'entraînement facile pour mes Pokémon. Enfin, facile. J'eus tôt fait de réviser mon jugement quand l'Abo d'une jeune dresseuse s'enroula vicieusement autour de Salade, l'écrasant lentement entre ses anneaux. Malgré tout ses efforts, il n'arrivait pas à se libérer, et je connus un instant de terreur lorsque le serpent violet enfonça ses crochets dans son petit museau. Son cri de douleur fit écho au mien.

- Salade, reviens !

Le rayon blanc jaillit de la Pokéball pour aller toucher le Pokémon, le dématérialisant en cette même énergie blanche et le ramenant à sa source, jusqu'à ce qu'il soit en sécurité dans sa maison. Malgré moi, je tremblais, fixant du regard le sommet rouge de la Pokéball. Rouge.

Tout va bien, Léa, relax.

- Tu as d'autres Pokémon, ou tu déclares forfait ? voulut savoir la dresseuse.

J'envoyai Teigne s'occuper de l'Abo, et après avoir utilisé une potion sur Salade, repris la route, plus riche de quelques Pokédollars. Les Pokémon des dresseurs étaient tous les mêmes, si bien que je finis par ranger mon Pokédex, désespérant d'en découvrir un nouveau. Tout ces insectes commençaient à me taper sur le système, avec leur venin. Il ne me restait plus que deux antidotes, sur la dizaine avec laquelle j'étais partie au départ.

Deux dresseurs plus tard, à ma plus grande surprise, Ficelle évolua en Papilusion. Bien sûr, le Pokédex m'avait averti que cela allait se produire, mais c'était une chose de se l'entendre dire, et tout autre chose de le voir se produire sous vos yeux. Sans compter que c'était loin d'être un petit Pokémon. Ses yeux à facettes avaient la taille de grosses boules de cristal, et ses immenses ailes iridescentes auraient pu facilement rivaliser avec celles d'un aigle.

- Lusion, chantonna-t-elle tout en voletant autour de moi, des paillettes brillantes s'échappant de ses ailes à chacun de ses mouvements.

Teigne bougonna un "Férosinge", comme déçue qu'elle ne pourrait plus la porter. En réponse, Ficelle lui fit pleuvoir dessus une multitude de spores étincelantes, ce qui eut pour seul effet de la faire éternuer.

- Féro, gronda-t-elle en agitant ses poings vers sa camarade.

- Lu, commenta Ficelle, avec ce qui ressemblait à un rire.

Ce fut à ce moment-là que Teigne et moi aperçûmes le Roucool. Seulement, nous n'en tirâmes pas les mêmes conclusions. Possibilité d'attraper un nouveau Pokémon, déclara mon cerveau. Une nouvelle victime, affirma celui de Teigne. Elle fonça à toute allure, bondit comme un diable sur le pauvre volatile, lui flanquant la frousse de sa vie, et il fila sans demander son reste.

- Hé non, non ! Reviens ici ! J'ai même pas encore essayé de t'attraper !

En désespoir de cause, je lançai une Pokéball dans sa direction, de toutes mes forces. Elle lui passa largement au-dessus de la tête et termina sa course quelque part dans les branches d'un arbre. Je fulminai intérieurement.

- Tu as quelque chose contre les oiseaux, Teigne ?

- Singe, répliqua-t-elle innocemment.

Laissant ce fiasco derrière moi, résignée à ne jamais obtenir de Pokémon oiseau, je continuai mon chemin. Nous arrivâmes bientôt au pied du tunnel du Mont Sélénite, et je découvris que quelqu'un avait eut la bonne idée d'y construire un centre Pokémon. Une petite sieste pour mes Pokémon dans leurs Pokéballs respectives, une pause déjeuner pour moi, et nous serions fin prêts à attaquer le reste de la journée.

J'étais en train de terminer mon sandwich quand un homme vêtu d'un long manteau noir s'assit à côté de moi.

- Hey, psst ! La miss ! Tu m'as l'air d'une excellente dresseuse Pokémon. Qu'est-ce que tu dirais de rajouter un Pokémon à ta collection ? Profites-en, en ce moment, je les vends à moitié prix !

Je plissai les yeux. Ce type était la définition même de louche.

- Ça va pas à l'encontre des règles de la Ligue ? objectai-je, essayant de trouver la faille dans sa combine.

- Quoi ? Mais bien sûr que non. Penses-tu, si c'était le cas, je serais plus dans le business depuis longtemps. C'est tout ce qu'il y a de plus légal, j'te le garantis.

Je pris le temps de réfléchir à son offre. J'avais bien besoin d'un Pokémon supplémentaire, mais tout dépendait de son type, et surtout, de son prix.

- Je suis potentiellement intéressée, répondis-je. C'est quoi, comme Pokémon ? Je ne veux pas d'un insecte, je vous préviens.

- Non, non, tu n'as pas à t'en faire. Il s'agit d'un Pokémon aquatique, le top du top, et je te le laisse pour seulement cinq cent Pokédollars, au lieu des mille habituels !

C'était justement le prix maximal que je m'étais fixée. Je mâchouillai pendant encore quelques instants ma lèvre inférieure, puis me lançai.

- D'accord.

Il ouvrit un pan de son manteau noir, révélant rangées sur rangées de Pokéballs, en saisit une, me la remit, et s'empara des billets que je lui tendais en échange.

- Merci.

- Non, c'est moi qui te remercie. Tu verras, tu ne seras pas déçue !

Il disparut aussi soudainement qu'il était apparu, et je me retrouvai avec un Pokémon en plus et des Pokédollars en moins. Je libérai les autres, puis le fit sortir à son tour, histoire qu'il rencontre l'équipe. Un poisson aux écailles d'un rouge terne se matérialisa sur le sol.

- Magicarpe ! beugla-t-il.

Un terrible doute me saisit. Je m'emparai de mon Pokédex.

- Magicarpe, déclama-t-il, le Pokémon poisson. La puissance de cette créature a beaucoup régressé au fil des siècles. Ce spécimen est un mâle. Attaques connues : Trempette.

- Magicarpe, Trempette, ordonnai-je, craignant le pire.

Il bougea vaguement, tortillant son corps sur le sol. Flop. Flop. Flop. Je me demandai s'il n'était pas en train de suffoquer. Comment un poisson pouvait-il se battre sur la terre ferme, de toute façon ? C'était pas clair, cette histoire. Teigne s'approcha, et le tapota d'un doigt, l'air curieux.

- Caaarpe ! protesta mon nouveau Pokémon.

Avec un soupir, je le rappelai dans sa Pokéball.

Donc, on trouve aussi des escrocs dans le monde des Pokémon. J'aurais dû m'en douter.
Peut-être qu'il se débrouillerait mieux dans l'eau. Je me promis de le sortir dès que je tomberais sur un fleuve - ou même un flaque d'eau - , et décidai de le surnommer Plouf. C'était un super surnom, Plouf, pour un Pokémon aquatique. Mais si, mais si.

- Bon, annonçai-je aux trois autres, en route pour Azuria.

Ils manifestèrent leur accord - Salade en bougeant ses lianes, Teigne en sautillant, et Ficelle en émettant un cri aigu -, et nous quittâmes le centre Pokémon pour nous enfoncer dans les entrailles de la terre.

Mélodramatique, moi ? Mais non. Ce n'était pas ma faute si je m'étais imaginée un long tunnel plongé dans l'obscurité, rempli de terribles Pokémon sommeillant dans chaque recoin, prêt à se réveiller au moindre bruit pour vous tailler en pièces. En réalité, des colonies de cristaux suspendus au plafond éclairaient l'intérieur de la grotte, si bien qu'on y voyait comme en plein jour, et en lieu et place de mes terribles Pokémon, je trouvai des dresseurs terriblement bavards.

- Salut ! me lança joyeusement un gamin en shorts, que j'associais désormais irrémédiablement avec la notion de Pokémon insectes. Toi aussi, tu vas à Azuria ?

- Ouais, confirmai-je. On m'a dit que c'était la seule route possible pour s'y rendre, ajoutai-je, histoire de vérifier qu'on ne pouvait pas prendre le train, ou quelque chose de ce genre - oui, j'étais optimiste.

- Ben oui, dit-il, tout le monde sait ça.

Certes.

- T'as des Pokémon ? demanda-t-il. Un combat, ça te dit ?

Il loucha vers Teigne qui se tenait à quelques pas de là, la tête en l'air, surveillant Ficelle qui s'amusait avec les cristaux qui pendaient du plafond, puis sur Salade qui me suivait telle mon ombre.

- Si tu veux.

- Cool ! Bulldozer, en avant !

Un Chenipan émergea de la Pokéball. Je fis signe à Salade qu'il pouvait y aller. Comme je l'avais prédit, le garçon ne disposait que de Pokémon insectes non évolués, et je remportai facilement le combat. Il hocha la tête sans paraître surpris.

- Face à un Bulbizarre, je me faisais pas d'illusion... Fais gaffe, me conseilla-t-il avant de se diriger vers la sortie pour aller faire soigner ses Pokémon. Y a des gens bizarres dans cette grotte.

Il y avait surtout beaucoup de monde, dans cette grotte. Je croisai des dresseurs de tous les âges, que ce soit des gamines de dix ans ou bien des adultes en blouses blanches se présentant sous le nom de 'scientifiques'. La première moitié poursuivait le même objectif que moi, la deuxième était apparemment ici pour étudier les 'fossiles'.

L'endroit grouillait également de Nosferaptis. Je capturai le premier que je vis, et la nommai Souris. Je sais, ça craint, mais le design de ces Pokémon n'était qu'une variation sur une vraie chauve-souris, et ma jauge d'inspiration flirtait avec le zéro. Elle, elle était la bienvenue, mais j'aurais préféré que ses congénères restent là où ils étaient plutôt que de venir voler jusque dans mes cheveux. La première fois que ça arriva, je poussai un cri, ayant senti un truc froid contre ma nuque. La deuxième fois, je secouai la tête dans tous les sens, et le Nosferapti éjecté atterrit sur Teigne, qui n'apprécia pas la surprise. La troisième fois, je déclarai que j'en avais assez et nommai Salade Gardien Officiel de ma Chevelure, le chargeant de s'assurer que rien ne viendrait s'y accrocher. Il prit son rôle très au sérieux, utilisant ses lianes pour intercepter tous les dangers potentiels.

Je compris l'avertissement du gamin aux insectes à propos de "gens bizarres" quand un homme en uniforme noir m'accosta, sortant de l'ombre.

- T'as rien à faire là, fillette.

Avant que je ne puisse répondre, il ordonna :

- Rattatta, Vive-attaque.

En pointant son doigt sur moi.

Le rongeur violet surgit des ténèbres tel un démon et heurta ma poitrine avec une force insoupçonnée. Le choc me coupa le souffle ; j'eus l'impression de recevoir un coup de massue en plein poitrail. L'impact me projeta en arrière, et j'atterris brusquement sur les fesses, m'écorchant les mains sur les cailloux.

Ouch.

Sonnée, j'entendis Salade siffler de colère, le son de ses lianes claquant dans l'air.

- Sabelette, Nosferapti, occupez-vous des autres.

Je clignai des yeux, me concentrant sur ma respiration. Bon dieu, ça faisait mal. Comment les Pokémon pouvaient-ils supporter un coup pareil sans s'effondrer ? J'allais avoir un énorme bleu... Je ramenai mes mains devant moi et remarquai avec un certain détachement qu'elles saignaient.

- Nosferapti, lance un Ultrason sur ce Férosinge, c'est lui qui m'a l'air le plus dangereux. Rattatta, déplace-toi plus vite, tu es trop lent. Sabelette, attention, le Papilusion va tenter un Poudre Dodo.

La voix de l'homme résonnait étrangement à mes oreilles, empreint d'un calme teinté d'ennui, contrastant avec les battements effrénés de mon coeur. Je levai les yeux. Sous la lueur blafarde des cristaux, une scène irréelle se jouait. Les deux Pokémon de l'homme affrontaient Teigne et Ficelle, tandis que Salade combattait le Rattatta. Échangeant grognements, coups de tête et coups de dents, ils ne se faisaient aucun cadeau. Des taches sombres qui ne pouvaient être que du sang marbraient déjà le sol de la grotte.

Et mes Pokémon étaient en train de perdre. Tacticien consommé, l'homme exploitait chacune de leurs faiblesses, chaque hésitation, chaque regard lancé dans ma direction. Ses ordres précis s'avéraient supérieurs à la rageuse spontanéité de mes Pokémon. Il anticipait leurs réactions avant même qu'ils n'aient conscience de ce qu'ils allaient faire, ce qui fournissait un avantage énorme à ses propres Pokémon. Tous combattants qu'ils étaient, le domaine de la stratégie échappait aux Pokémon : penser sur le long terme, c'était un truc d'humain. Salade, Teigne et Ficelle ne pouvait pas rivaliser avec ça. La réalité revint me frapper en plein visage. Ils avaient besoin de moi, ou ils allaient mourir. L'amère constatation raviva ma détermination.

- Salade, arrête de faire partir tes lianes dans tous les sens. Lance Vampigraine, et concentre-toi de manière à charger le Rattatta. Teigne, utilise tes griffes et attaque-le sur son flanc, ça le désorientera. Ficelle, c'est bien, continue à essayer de l'endormir, et alterne avec Choc Mental si ça ne marche pas.

L'homme me lança un regard surpris. Puis il me sourit.

- Laisse tomber, fillette. T'as pas ce qu'il faut pour être une dresseuse.

Il n'y avait aucune cruauté dans l'expression de son visage, comme s'il se contentait d'énoncer une vérité qui ne l'affectait pas plus que ça. Je me relevai, le regardant droit dans les yeux.

- Je n'ai jamais voulu être une dresseuse. J'en suis devenue une par accident. Mais maintenant que c'est fait, je suis responsable de ces Pokémon, et je ne vous laisserai pas leur faire du mal.

Il haussa un sourcil.

- Dans ce cas-là, j'ai une offre à te faire. Confie-moi tes Pokémon. Je m'assurerai qu'ils reçoivent l'entraînement qu'ils méritent, et toi, tu pourras retourner à la vie que tu avais avant.

Mon visage dut refléter mes doutes, car il continua d'une voix assurée :

- Je ferai d'eux des champions, façonnerai leur potentiel d'une façon que tu ne parviendras jamais à égaler. Ils seront entre de bonnes mains.

Était-ce là ma porte de sortie ? Pouvais-je simplement renoncer, et décider de rentrer chez moi ? Aussi simplement que ça ? Si j'acceptais, allais-je me réveiller dans mon lit, la cartouche du jeu sur les genoux ? Ou bien me retrouverais-je perdue dans un monde inconnu, dans une situation encore pire que celle dans laquelle je me trouvais ? Mon regard dériva vers mes trois Pokémon qui se battaient toujours, tandis que ma main se posait sur les deux Pokéballs restantes à ma ceinture.

Ai-je le droit de vous abandonner ?

- Alors, qu'est-ce que tu décides ?

Je serrai les mâchoires.

- Non.

- Dommage, fit-il en haussant les épaules. Ça m'aurait évité de devoir les tuer.

Il se remit derechef à énoncer des commandes à l'intention de ses Pokémon. Je l'imitai, encourageant les miens tout en leur prodiguant des conseils. La bataille, qui avait perdu de son intensité, reprit, plus violente que jamais. Les forces en présence étaient égales, l'issue du combat ne semblant vouloir basculer ni d'un côté ni de l'autre. Puis lentement, mes Pokémon prirent l'avantage. Salade fonçait sur le Rattatta et l'acculait encore et encore contre le mur tandis que ses graines enfouies sous la peau du rongeur sapaient son énergie vitale. Teigne abattait ses poings sur le Sabelette, paraissant à peine sentir les coups de griffes de l'ennemi lorsqu'il ripostait. Et Ficelle, engagée dans un ballet aérien avec le Nosferapti, émettait tellement de spores soporifiques que l'air en devenait tout cotonneux.

Je distribuai une dernière série d'ordres. Quelques secondes plus tard, le Rattatta poussa un dernier couinement et s'effondra, vaincu. Le Sabelette ne tarda pas à le rejoindre. Ne restait plus que le Nosferapti qui poussait des cris stridents à l'encontre de Ficelle, tandis que les yeux de la Papilusion émettait des rayons d'une couleur indéfinissable.

- Papilusion, gémit-elle soudain, avant de se cogner d'elle-même contre le mur.

Les ultrasons du Pokémon chauve-souris avaient fini par faire leur œuvre. Il y eut grondement sourd à ma droite. Je vis Teigne prendre appui sur un rocher et bondir vers le Pokémon qui osait s'en prendre à Ficelle. Son poing percuta la tête du Nosferapti avec un bruit mat, le mettant K.O. sur le coup. Puis elle se précipita pour rassurer la Papilusion, s'efforçant de la prendre dans ses bras, tâche difficile s'il en était au vu de leurs tailles respectives.

L'homme rappela ses Pokémon dans leurs Pokéballs sans changer d'expression. Toujours ce masque d'apparente indifférence. D'ennui.

- Bien joué. Je te proposerai bien de nous rejoindre si je ne connaissais pas déjà ta réponse.

- Qui êtes-vous ? articulai-je, ma rage remontant à la surface.

- Tu n'as jamais entendu parler de nous ? s'étonna-t-il. Nous sommes la Team Rocket. (Il désigna le R rouge sur le devant de son uniforme.) Les gangsters, les voleurs de Pokémon, les briseurs de règle ? Ça te ne dit rien ?

J'avais vu quelques épisodes du dessin animé Pokémon. La Team Rocket y était représentée par Jessie et James, plus Miaouss, le seul Pokémon doué de parole. Des clowns sans importance. Des éternels ratés. Voilà ce que signifiait la Team Rocket pour moi. On était loin du criminel implacable auquel j'avais affaire.

- Qu'est-ce que vous faites au Mont Sélénite ? Vous cherchez à voler les Pokémon des jeunes dresseurs ?

- J'ai bien peur que cette information ne soit classifiée, jeune demoiselle, dit-il d'une voix moqueuse.

- Je pourrais ordonner à ma Férosinge de vous frapper jusqu'à ce que j'obtienne une réponse, fis-je remarquer froidement d'une voix qui n'était pas la mienne.

- Quoi, de la torture ? Non, ce n'est pas ton genre. Ordonner à un Pokémon d'attaquer un autre Pokémon, c'est une chose... mais lui ordonner d'attaquer un humain ? Un humain sans défense, qui plus est ? C'est au-dessus de tes forces.

Je devais bien reconnaître qu'il avait raison. J'avais beau savoir qu'il n'était qu'un salopard fini, je ne pouvais pas demander à Teigne en toute conscience de lui mettre une raclée. Je me rabattis sur l'autre solution.

- Vous allez m'accompagner jusqu'à la sortie de la grotte, et quand on arrivera à Azuria, je vous livrerai à la police.

- La police ? répéta-t-il avec un sourire. Ah, tant de naïveté fait plaisir à voir. La police ne peut rien contre nous. Même si tu parvenais à me faire enfermer, je serais sorti en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "pot-de-vin". Ou "menace sur la famille des intéressés". Celui-là est plus long, mais je le préfère au premier.

Il marqua une pause.

- Non, fillette, je vais te dire ce qu'il va se passer. Tu vas continuer ta route, et lorsque tu parviendras à Azuria, tu pourras raconter aux autorités compétentes que tu as affronté la Team Rocket et que tu t'en es sortie. Ils te féliciteront, tu te sentiras toute contente d'avoir accomplie une bonne action, et ça s'arrêtera là. Et encore, il faudrait déjà que tu parviennes à sortir de cette grotte. Je ne suis pas le seul Rocket dans les parages...

Un frisson courut le long de mon dos à ces paroles.

- Bien, on dirait que tu commences à comprendre... Peut-être que tu réussiras à t'en sortir. Si c'est le cas, je suis sûr que nous nous reverrons.

Il recula dans l'ombre, se dérobant à ma vue.

- Hé ! m'écriai-je. Attendez...

Peine perdue. Il avait disparu. Je shootai dans un caillou en jurant.

- Férosinge ? m'interpella Teigne.

Elle tenait Ficelle dans ses bras, les yeux de la Papilusion reflétant les cristaux comme autant de milliers de petites lumières. Sa tête penchait sur le côté et ses ailes froissées pendaient jusqu'à terre. Mon cœur se serra. La plus fragile des trois avait payé cher sa participation au combat. Je m'agenouillai auprès de Teigne, sortis une potion de mon sac à dos, et vaporisai son contenu sur Ficelle. Le liquide fit son effet, les blessures se refermant à vue d'œil. Ses ailes retrouvèrent aussitôt leur aspect iridescent, elle les déploya et s'envola à nouveau, remise sur pied. Je rangeai la potion vide dans mon sac et soupirai.

- Je suis désolée, dis-je, m'adressant à mes Pokémon. Tout est de ma faute. Ce monde ne correspond pas du tout à ce à quoi je m'attendais...

- Zarre, répondit Salade, touchant mon épaule de l'une de ses lianes. Bulbi, bulbizarre.

Je souris.

- Merci, le bulbe vert.

- Zarre, protesta-t-il.

- Merci, Salade ?

- Zarre.

- Merci, ô majestueux et puissant Bulbizarre ?

- Zarre ! approuva-t-il.

Je lui donnai une petite tape affectueuse, puis me relevai.

- Allez, venez. Azuria ne doit plus être très loin.

En réalité, je n'avais pas la moindre idée du chemin qu'il me restait à parcourir. Cela devait faire trois ou quatre heures que j'étais entrée dans la grotte, et j'avais comme l'impression de tourner en rond. Apparemment, je n'étais pas la seule avec ce problème : à une intersection, je croisai un petit garçon avec la casquette à l'envers sur la tête qui me demanda si je savais où se trouvait la sortie.

- Laquelle ? répondis-je. La sortie vers Azuria, ou celle de la route 4 ?

- Ben... n'importe laquelle. Je veux juste sortir d'ici.

- Je viens d'Argenta, alors si tu continues par là, logiquement tu devrais finir par te retrouver dehors.

- Merci, madame, dit-il avant de se mettre à courir dans la direction que je lui avais indiquée.

Madame ?

Je n'étais pas si vieille que ça. Trop jeune pour être considérée comme une adulte, en tout cas. Tout ça n'était qu'une question de perspective. Le Rocket m'avait appelée 'fillette', alors qu'il n'avait qu'une poignée d'années de plus que moi. Repenser à l'odieux personnage en question me fit grincer des dents. Mon humeur ne s'améliora guère lorsque je tombai nez à nez avec un autre membre de cette organisation, en bas d'un escalier.

- Halte là, la mioche ! La Team Rocket est occupée à faire des affaires, alors tu dégages !

Il était seul pour autant que je pouvais en juger, ce qui n'empêcha pas Salade de se placer en face de moi, lianes prêtes à frapper.

- Qu'est-ce que la Team Rocket fabrique au Mont Sélénite ? demandai-je sans vraiment attendre de réponse.

- Hein ? Qu'est-ce que ça peut te faire ? Maintenant tu retournes d'où tu viens, ou mon Abo réduira en pièces tes mignons petits Pokémon !

Il agita une Pokéball à bout de bras, sans toutefois relâcher le Pokémon. Ainsi ils n'étaient pas tous comme l'autre. Je m'en sentie légèrement soulagée.

- Je me rends à Azuria, que ça vous plaise ou non.

- Très bien, tu l'auras voulu !

L'Abo apparut au sol et sortit sa langue entre ses crochets, émettant un sifflement menaçant.

- Teigne, vas-y doucement, m'entendis-je dire alors que la Férosinge s'était avancée d'elle-même. Ces Pokémon ne sont pas responsables, ce sont les maîtres qui sont à blâmer. Ils ne font qu'obéir aux ordres.

J'avais à peine terminé ma phrase que le doute me saisit. S'il existait des Pokémon qui ne vivaient que pour aider les autres, comme les Leveinards que j'avais aperçus au Centre Pokémon, il devait bien en exister également des mauvais, des Pokémon qui prenaient plaisir à infliger de la souffrance. Ou peut-être que certains Pokémon se fichaient de la moralité de leur dresseur, du moment que celui-ci les aimait, songeai-je en observant l'Abo. Comment savoir ?

Teigne se débarrassa du Pokémon serpent facilement, puis enchaîna sur le suivant, un Nosferapti. Elle avait apparemment une dent contre cette espèce, n'ayant pas pardonné à l'un d'entre eux d'avoir fait du mal à Ficelle. Il allait falloir qu'elle apprenne à pardonner, puisque j'avais bien l'intention d'intégrer Souris à l'équipe.

Bruit mat d'un poing frappant la chair. Le Nosferapti était à terre. Teigne fixa le Rocket en grognant.

- Hé là, pas la peine de devenir violent, balbutia-t-il. Tu m'as battu, alors tu peux passer, ça va de soi.

- Qu'est-ce que la Team Rocket fabrique au Mont Sélénite ? demandai-je pour la troisième fois.

Cette fois, j'obtins une réponse :

- On est juste là pour les fossiles...
- Les fossiles ?

- Ouais, les fossiles d'anciens Pokémon. Ça vaut un paquet de fric, ce genre de trucs.

Bien sûr. L'argent : la racine de toute organisation criminelle, qu'il s'agisse de la mafia ou de la bande de collégiens qui rackettaient les autres à la sortie.

- Si tu en trouves un, préviens-moi, et je te récompenserai, ajouta-t-il.

- Et la marmotte...

- Hein ?

Oui, évidemment. Pas de pubs pour le chocolat Milka dans le monde Pokémon. C'était une des choses qui allaient me manquer, d'ailleurs. Pas de petit carré de délicieux chocolat pour mon quatre-heures... Non, il ne fallait pas que je pense à ça, sinon j'allais déprimer. En plus, je commençais à avoir faim, et j'avais bêtement oublié d'acheter de quoi manger au centre Pokémon. Stupide, stupide Léa.

Je continuai ma randonnée dans les tunnels du Mont Sélénite. La lumière du jour me manquait. J'en avais marre de ces cristaux. Où était le soleil ? J'étais sur mes gardes au cas où je rencontrerais d'autres Rockets, mais la personne que je croisai environ une demi-heure plus tard s'avéra être un jeune homme habillé d'un jean et d'une chemise blanche, avec de grosses lunettes plantées sur le nez. Le tout lui donnait l'air d'un étudiant.

Enfin une personne normale.

- Plus un pas ! s'exclama-t-il en m'apercevant. Ils sont à moi ! Et pour le prouver... bataille Pokémon ! Tadmorv, en avant !

J'ai parlé trop tôt.

Le Pokémon qui surgit de la Pokéball me coupa mon envie de manger. Son corps constitué d'une masse gluante avait la couleur et l'odeur du vomi, et émettait des blop-blop écoeurants lorsqu'il se déplaçait. Deux yeux dans lesquels on lisait une intelligence certaine étaient placés à mi-chemin du sommet, et une sorte de bouche s'ouvrait en dessous. Si j'avais dû deviner, j'aurais dit que son habitat naturel était les tas d'ordures.

- Beurk... Bon, Salade, vas-y. Fais ça rapidement, si tu peux.

Le Tadmorv - un nom pareil, ça ne s'inventait pas - réussit à mettre deux baffes malodorantes à mon Pokémon avant de s'écrouler. J'inspectai Salade avec inquiétude. Allais-je devoir investir dans un désinfectant lors de ma prochaine halte dans un magasin Pokémon ?

- Smogo, à toi !

Une odeur de pet se répandit dans l'air quand un Pokémon qui ressemblait à un nuage toxique se matérialisa.

- Ha, mais c'est pas vrai, c'est quoi ces Pokémon ?

J'opposai la délicate Ficelle au Pokémon puant, qui eut tôt fait de le mettre hors de combat, puis Teigne se chargea du troisième, un Voltorbe. Mon Pokédex disposait de trois nouvelles entrées, dont deux que j'en venais presque à regretter. L'odeur persistait dans l'air, même après que l'étudiant eût rappelé ses Pokémon.

- Bon, on partage, alors, me lança-t-il en remontant ses lunettes sur son nez.

- On partage quoi ?

- Oh, je croyais que tu voulais un des fossiles...

Il désigna d'un signe de tête deux morceaux de pierre qui gisaient au sol, à quelques mètres devant nous.

- Maintenant que tu le proposes...

- Un chacun, comme ça, pas de jaloux !

J'en choisis un au hasard. Le morceau de pierre, étonnamment léger entre mes mains, me sembla être des plus banals ; difficile de croire qu'il avait tant de valeur. Cependant, en y regardant de plus près, je distinguai une série de petites indentations à sa surface. La trace d'un Pokémon préhistorique, peut-être ?

- Ils travaillent à recréer les Pokémon à partir de leurs fossiles sur Cramois'île, m'informa l'étudiant. Tu imagines, posséder un Pokémon aussi rare que ça ? On trouve très peu de fossiles encore exploitables de nos jours...

- Cramois'île ? relevai-je. Comment on s'y rend ?

- Ah, y a pas de ferry, il te faut un Pokémon aquatique pour traverser le chenal... ou bien un Pokémon qui puisse voler. Un Roucool complètement évolué ferait l'affaire. C'est pas ça qui manque, sur les routes, les Roucools, et ils sont faciles à choper et à entraîner.

- Ma Férosinge a un problème avec les oiseaux... Non, Teigne, il n'y a aucun Pokémon oiseau dans les parages, ajoutai-je en la voyant dresser les oreilles, je ne fais qu'en parler. En fait, elle a un problème avec quasiment tout le monde, rectifiai-je.

- Je vois ce que tu veux dire. Mon Tadmorv aussi a mauvais caractère. De toute façon, tu n'es pas obligée de faire régénérer ton fossile : tu peux juste le vendre.

- En parlant de ça... si j'étais toi je ferais attention, la Team Rocket s'intéresse de près à ces fossiles, et certains de ses membres sont dans la grotte, l'avertis-je.

Il poussa un juron qui n'aurait pas dépareillé dans la bouche du Capitaine Haddock. Puis :

- Maudits Rockets ! Ils sont partout, en ce moment. On ne peut pas faire trois pas sans leur tomber dessus... Enfin, je ne comptais pas m'éterniser ici, et une fois à Azuria on sera en sécurité.

- La sortie n'est pas loin ? demandai-je avec espoir.

- Non, t'es quasiment arrivée au bout. Plus que cinq minutes de marche. On y va ensemble si tu veux.

J'acceptai volontiers, pas mécontente d'avoir un peu de compagnie. Il s'appelait Léonard, et était bien étudiant - à l'université de Safrania. Il travaillait sur une thèse en géologie concernant les fossiles de Pokémon. La conversation s'orienta sur la Team Rocket, et il me raconta comment ses membres terrorisaient la population ces derniers temps. La police était débordée, incapable de faire face à la vague de crimes. La rumeur disait qu'il y avait des Rockets infiltrés dans toutes les branches de la société.

- Ce n'est qu'une question de temps avant que tout ça ne nous éclate à la figure, conclut-il.

Ce fut sur cette sombre note que nous sortîmes de la grotte. Le soleil se couchait à l'est, ses derniers rayons rasant l'horizon, ourlant de feu les toits des maisons d'Azuria que l'on apercevait d'ici là. Retour à la civilisation. Pas trop tôt. J'étais crevée et je devais sentir le rat mort après toute cette journée passée à marcher.

Une odeur agréable qui m'évoquait un mélange de vanille et de miel vint chatouiller mes narines. J'en découvris la source en baissant la tête : le bulbe sur le dos de Salade était en train de s'ouvrir, laissant apparaître une magnifique fleur rose encore fermée. Des feuilles s'épanouirent autour, tandis que Salade se nimbait de lumière et se mettait à grandir.

- Herbizarre, annonça-t-il à la cantonade lorsque la transformation s'acheva.

Ses pattes avaient forci, les tâches sombres qui recouvraient sa peau s'étaient élargies, et il également avait l'air plus assuré.

- Hé, bien joué, me félicita Léonard. Même si Bulbizarre est un des Pokémon les plus faciles à élever... ça se fête quand même. Champagne !

- Je doute qu'ils aient du champagne au Centre Pokémon.

- Ah, mince, c'est vrai, j'oubliais, tu comptes dormir au Centre. Tu connais personne à Azuria ?

- Non, répondis-je, me retenant de préciser que je ne connaissais personne tout court.

- Tu peux crécher chez moi si tu veux, proposa-t-il. Enfin, c'est pas vraiment chez moi, c'est chez ma grand-mère. Elle habite à Azuria, et honnêtement, je ne dirais pas non à une autre présence dans la maison. Entre elle et ses chats, j'ai parfois l'impression de devenir fou.

Je pesai le pour et le contre durant un instant. La perspective de passer une autre nuit au centre Pokémon avec leurs douches mal réglées et leurs couvertures qui grattent ne me réjouissait pas, mais je ne savais rien de Léonard. Certes, il avait l'air sympa, et il prenait soin de ses Pokémon, aussi bizarres qu'ils fussent. Et puis si jamais il se révélait être un violeur ou je ne sais quoi d'autre, il me suffirait de lâcher Teigne...

- J'accepte, sous réserve de voir où je vais dormir, dis-je finalement.

- Mamie a toujours une chambre d'amie de prête. Elle sert pas souvent, mais ce sera l'occasion...

Un cri étrange interrompit notre conversation, immédiatement suivi d'un deuxième, différent en timbre comme en puissance. Plus loin sur notre gauche, deux hommes vêtus d'un kimono blanc identique effectuaient des mouvements d'arts martiaux, attaquant l'air, l'un avec ses poings, l'autre avec ses pieds.

- Hola les jeunes ! nous interpella l'un des deux.

J'échangeai un regard avec Léonard.

- Probablement des illuminés, chuchota-t-il. Ils n'ont pas l'air dangereux, mais restons tout de même sur nos gardes.

Nous nous approchâmes.

- Ça vous dirait d'apprendre à vos Pokémon une technique redoutable ? nous demanda le deuxième tout en sautant pour donner un coup de pied dans le vide.

- C'est pas le genre de technique que mes Pokémon sont capables d'apprendre, déclina Léonard.

- Je crois que j'en ai qui... commençai-je.

- Férosinge ! me coupa Teigne. Singe, singe !

- Voilà.

- Ah, un Férosinge ! s'exclama l'un des deux hommes. Un Pokémon qui ne vit que pour le combat ! Excellent, excellent. Enseigne-lui donc la meilleure des techniques, le poing ultime, l'attaque qui mettra K.O. tous tes adversaires... Ultimapoing !

Il donna un puissant coup de poing pour ponctuer ses propos.

- Non ! protesta l'autre homme. La meilleure technique, c'est la mienne ! Avec ce coup de pied dévastateur, ton Pokémon deviendra invincible ! Ultimawashi !

Et de balancer un coup de pied dans les airs.

- Tu plaisantes, j'espère, railla le premier. Ma technique est largement supérieure.

- Non, c'est la mienne !

- Non, la mienne !

Léonard s'éclaircit la voix.

- Et si vous laissiez la demoiselle faire son choix ?

Ils se turent et se tournèrent vers moi, attentifs.

- Euh...

En fin de compte, j'effectuai mon choix grâce à la technique ancestrale de l'Am-stram-gram, et Teigne apprit Ultimapoing. Puis Léonard et moi repartîmes tandis que les deux hommes se chamaillaient de plus belle. Dans l'herbe aux abords de la ville, je capturai un Sabelette que je nommai Grignotte, et souris en constatant que j'avais désormais six Pokéballs pleines à ma ceinture. L'équipe s'agrandissait... et petit à petit, je me rapprochais de mon but.

Nous entrâmes dans Azuria alors que le soleil disparaissait à l'horizon. Je suivis Léonard jusqu'à une petite maison à deux étages située non loin du Centre Pokémon. Il frappa, et la porte s'ouvrit presque aussitôt sur une vieille femme au visage ridé et aux cheveux gris.

- Léonard ? C'est toi, mon garçon ? chevrota-t-elle en plissant les yeux.

- Oui, Mamie. Tu te souviens, j'avais dit que je passerais dormir le vingt-sept, avant de retourner à Safrania ?

- Bien sûr que je me souviens. Je n'ai pas encore perdu la boule, tu sais ! dit-elle d'une voix indignée.

- Et j'ai amené une amie, ajouta rapidement Léonard. La chambre d'amie est disponible ?

- Oh, mon Léonard a fait la connaissance d'une jeune fille ? C'est très bien, ça ! Ravie de vous voir, mademoiselle ! J'ai toujours dit qu'il passait trop de temps le nez plongé dans ses bouquins, et je lui répétai : 'C'est pas comme ça que tu vas rencontrer quelqu'un !'

- Euh, non, c'est pas ça du tout, Mamie, s'empressa de corriger Léonard. C'est juste une amie...

- Mais oui, mais oui... Allez, entrez, ne restez pas plantés là, les tourtereaux !

- Désolé, murmura-t-il à mon intention. J'aurais dû deviner qu'elle réagirait comme ça...

- Non, c'est rien...

La maison, coquette et accueillante, dégageait une impression de confort. Divers bibelots trônaient sur les étagères du séjour; un feu brûlait dans la cheminée, car les nuits étaient froides malgré la douceur des journées ; et le ronronnement d'environ dix mille chats servait de fond sonore. Non, je n'exagère même pas. Il y avait des Miaouss et des Persians dans tous les coins : sur le canapé, la table, étalés entre deux bibelots, coincés entre les barreaux de la rambarde d'escalier... Complètement amorphes, ils se laissaient caresser sans aucune protestation. Plusieurs Miaouss vinrent même me réclamer à manger durant le repas. Je leur filai des bouts de pain sous la table, tout en souriant à la grand-mère de Léonard tandis qu'elle me racontait pour la quatrième fois comment Léonard était resté coincé en haut d'un arbre quand il était petit en voulant secourir un Miaouss.

Je passai la soirée à jouer à Pokéqui ? avec Léonard, un jeu de connaissances générale sur les Pokémon où je dus obtenir le plus mauvais score de tous les temps, puis ce fut l'heure d'aller se coucher. Après une douche relaxante, je partis me glisser dans le petit lit douillet de la chambre d'ami, et m'endormis avec un Miaouss ronronnant sur mon ventre.

***

Équipe actuelle :
SaladeTeigneFicellePloufSourisGrignotte