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Coeurs unis (One-Shot Concours Hiver 2010 / 2011) de OmbreChantante



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Informations

» Auteur : OmbreChantante - Voir le profil
» Créé le 23/01/2011 à 15:31
» Dernière mise à jour le 24/02/2011 à 23:07

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Coeurs unis
- Bon, il ne me suffit juste de franchir ce col et je serais de nouveau de retour chez moi. Environ trois journées de marche... Dommage. J'aurais tant aimé continuer à voyager dans ces cols...

Ses mains doublement gantées refermèrent tant bien que mal la carte du parc régional où elle randonnait pour la première fois. Et ce ne serait d'ailleurs certainement pas la dernière. Car, jamais auparavant, elle n'eut connu telle sérénité. Loin de la civilisation, à mille lieux du stress de son cabinet de Pok-stéopathe, sans les clients plus exigeants que lors de leur précédente visite. Closant ses yeux, elle revit ces derniers beaux jours s'enchaîner, ses souvenirs se graver à même la glace translucide de son esprit ce paradis blanc. Oui, c'est bien de cela qu'il s'agissait. À quel autre endroit pourraient s'allier le silence apaisant de la nature à la vivacité des éléments la composant ? Contrairement à ce que l'opinion populaire tente à faire croire, la montagne fait réellement partie du cercle fort hermétique des paysages les plus somptueux. Oui, des plus somptueux.

Alors que l'album de ses souvenirs continuait à défiler en elle, un bruit terrible retentit. Ou plutôt deux qui s'enchaînèrent. Le premier ressemblait fort à une bombe en pleine explosion. Celui-ci la dégagea de ses albums-photos mémoriels, lui faisant perdre son regard vers les cieux. Le second, et non des moindres, fut semblable à un déchirement, un appel au secours. C'est à cet instant qu'elle le vit pour la première fois. Surement la scène la plus saisissante de beauté et plus encore d'atrocité que sa vue n'eut jamais capturé de toute sa vie. Sa vision lui apportait l'image d'un oiseau, d'un Pokémon qu'elle reconnut immédiatement au ciel de son plumage scintillant au soleil, ainsi que de sa longue queue flottant au gré du vent. Un Artikodin. Cependant, celui-ci semblait fortement en difficulté. Cerné d'un Dracaufeu à l'œil mauvais ainsi que d'un hélicoptère couleur nuit serti de la lettre maudite, - un "R" qui ne voulait en aucun cas signifier "Rubis" - il commençait à stagner dangereusement dans le vent le supportant. Un dernier mouvement d'aile, le déséquilibrant définitivement, enveloppa la vallée de brume. Bien que l'hélicoptère disparut de son champ de vision, une masse bleue se détacha d'entre les récents nuages. Par elle ne sait quel miracle, l'oiseau réussit à se diriger habilement entre les monts rocheux avant de s'écraser lourdement, l'aile brûlée la première, non loin de sa position actuelle. Instinctivement, elle sut désormais ce qui lui restait à faire. Elle se mit en route en direction des rocheuses, où son prochain patient, aussi sauvage qu'il soit, l'attendait.

Bien que la neige, fort profonde en cet endroit, ne l'aidait guère dans ses déplacements, elle finit malgré tout à se faufiler dans la direction de la petite caverne repérée quelques instants auparavant. Tout du moins, elle espérait que ses recherches ne se solderaient pas par un échec. Ses pas résonnèrent de plus en plus à mesure qu'elle approchait. Pas une seule autre note d'ambiance. Le désespoir commença à se faufiler en elle lorsque son ouïe capta finalement un cri qui se voulait intimidant. Une mise en garde lui intimant de rester un maximum à l'écart, ce qui l'immobilisa durant une poignée de seconde, le cœur palpitant de peur. Peut être aurait-elle rebroussé chemin si le gémissement lui avait paru moins plaintif. Poursuivant sa route qui la séparait de l'oiseau des glaces, elle déclina sa présence de manière si sereine et posée que la tension dans l'abri sembla se radoucir. Demeurant sur ses gardes, elle continua de se mouvoir doucement en sa direction.
« Ne t'inquiète pas, je ne te veux pas de mal... »

Percevant le doute s'installer chez son locuteur, elle jugea bon de stopper sa course. Ce qui s'avéra être une décision sage lorsqu'une petite tornade vint à sa rencontre, l'obligeant à sceller ses mains dans la roche. Il ne voulait pas de sa présence en ce lieu. Ce qu'elle jugea d'ailleurs normal venant de la part d'une légende vivante ayant été aperçue, durant toute sa vie, par des humains pouvant se compter sur les doigts de la main. Ignorant le sang battant à tout rompre au niveau de ses tempes, elle puisa en son for intérieur le courage de crier :
« Arrête ! Je veux t'aider ! Je suis là pour te soigner ! »

Effet immédiat, il cessa de battre de l'aile valide qu'il pouvait encore mouvoir. Il comprenait donc son langage, celui de l'espèce des bipèdes qu'elle représentait. Elle s'accroupit prudemment aux côtés du majestueux prince des neiges, lui demandant de montrer son aile. Ne percevant aucune réaction, ni douceur ni hostilité, elle tendit lentement sa main vers l'oiseau... avant de se heurter à mur invisible. La méfiance habitait encore l'Artikodin, on pouvait le lire au fond de ses yeux. Une guerre intérieure se déroulait dans son esprit, on pouvait le sentir à la respiration saccadée et irrégulière qui émanait de son torse. Quant à la jeune fille, sa main restait scotchée au Mur Lumière, ses yeux rivés sur les plumes hérissées de l'oiseau. Celui-ci finit par redresser sa tête et leurs regards se croisèrent. Surprise, sérénité, joie, compréhension, harmonie, confiance... Sans réellement pouvoir mettre un mot sur ce qui survenait, elle savait désormais que quelque chose de solide venait de prendre forme en un quart de seconde à peine. Laissant ses pupilles rivées dans l'ébahissement du blessé, elle glissa vers l'aile brûlée, patientant l'approbation d'Artikodin. Lorsque ceci fut fait, elle manipula avec délicatesse son membre, détectant les muscles raides, prenant précaution de ne pas abîmer plus que nécessaire l'azur qu'il revêtait. Cela ne lui prit que peu de temps avant de repérer la zone accidentée et les soins à prescrire. Une fois le labeur terminé, elle reposa avec soin le bien d'Icare de manière à soulager la douleur au maximum.
« Eoko va utiliser son Glas de soin pour apaiser ta brûlure ? Tu veux bien le laisser faire ? »

A sa surprise, il lui répondit d'un hochement de tête lent et décomposé. Ce qu'elle décrypta comme une marque de respect, un premier pas. Empoignant une Pokéball de sa ceinture qu'elle pointa dans le vide, elle appela :
« Lulaby ! »

Dans un éclair de lumière blanche, son compagnon de toujours apparut.
« Eoko ! » carillonna-t-il joyeusement.

Celui-ci adressa un sourire à sa dresseuse, sourire auquel elle répondit avec sincérité. Une telle complicité devenait rare en ces temps. Pour cause principalement de la multiplication des combattants purs et de la baisse des éleveurs et des coordinateurs, disciplines où la confiance entre humain et Pokémon est généralement de mise entre les deux parties.
« Lulaby, Glas de Soin, s'il te plaît ! »

Alors que le carillonnement commençait à résonner doucement dans l'écho du silence, elle vit le visage du plaignant qui commençait à se radoucir. Quant à ses propres sensations, elle les connaissait par cœur. Les muscles de ses membres commenceraient d'abord à se relâcher pour enchaîner avec ceux se trouvant dans son buste. Ensuite, son rythme cardiaque ralentirait pour enfin terminer sur un état de somnolence dont Lulaby la tirerait. Au fil des années, cela s'était instauré comme un petit rituel entre les deux complices. Et ainsi, le rêve commença à s'infiltrer en elle. Un rêve se révélant pour le moins étrange, se révélant fortement marquant. Une sensation au niveau de son toucher la fit soudainement sursauter. Pourtant, seul un simple frôlement provoqua la vive réaction de la jeune fille. Elle observa de tout côté, paniquée, n'apercevant que le regard désolé de son Eoko. Soulagée et honteuse de son comportement vis-à-vis de son compagnon, elle posa sa main sur sa poitrine, manière de communiquer son excuse silencieusement. Le sourire radieux caractéristique de son ami réapparut alors immédiatement, s'enroulant autour du bras de celle-ci. Le message qui lui soufflait lui demandait de retourner dans sa Pokéball.
« Merci pour ton aide, Lulaby.»

Bien que ces dernières se formèrent discrètement dans sa bouche, son Pokémon tinta de joie avec légèreté avant de prendre un repos mérité dans la balle de lumière. Son happement laissa place à la vision de l'Artikodin, dormant à serres fermées. En le voyant si serein, elle repensa au rêve fait quelques minutes plus tôt, lorsqu'elle même s'était glissée dans les bras de Morphée. Ses yeux se vidèrent, laissant place à une réflexion profonde. Si nette et si floue en même temps, elle ne se rappelait de rien. Au moment où elle pensait effleurer une piste, celle-ci s'effaçait au vent enneigé ou se laissait transporter par une avalanche de mirages visuels. Insaisissable, comme un légendaire. Alors que ces pensées l'embuaient de toute part, le bruissement de la queue du bel endormi la fit se retourner. Ses lèvres s'étirèrent et son regard pétilla quand elle vit les yeux de l'oiseau cligner plusieurs fois de suite. Il se réveillait, lentement mais sûrement. L'effet Eoko comme elle avait coutume de le dire.
« Ah ! Tu vas mieux ? »

Et sans demander son reste, elle franchit avec souplesse la frontière séparant les deux parties, faisant glisser ses doigts sur les plumes antarctiques et observant le moindre de ses frémissements. Elle souleva, bougea, tourna l'aile en tous sens, veillant à ne pas dépasser la zone rouge. Durant la manipulation, elle s'émerveilla des lignes émanant de ce Pokémon. Jamais, auparavant, une telle musculature ne vint à son encontre lors des séances dans son cabinet. Pourtant, le travail et l'entrainement fournit à un civilisé la laissait régulièrement pantoise face aux novices et nouveaux venus provenant directement d'un environnement différent de la ville. Mais la sculpture se tenant face à elle s'avérait totalement contre-nature, se voulait... Elle finit par opter pour le mot "Légendaire". Car, oui, celui qu'elle aidait à se rétablir figurait bien dans les livres de contes et légendes.
« Ton aile est un peu tordue. Tu as dû te faire ça à l'atterrissage. »

Son interlocuteur sursauta à la remarque, lui faisant penser durant un court laps de temps que ses mains venaient de lâcher prise du bien le plus précieux de l'oiseau allongé à ses côtés. Leurs visages pivotèrent à cet instant, leurs regards plongeant l'un dans l'autre. Désormais, elle le savait. Elle savait que l'oiseau écouterait chacune de ses paroles. Elle hocha légèrement sa tête, approuvant la résolution de l'Artikodin et se remit à l'ouvrage. Posant sa main libre à la naissance de l'aile, elle étira celle-ci vers le haut, ce qui eut pour effet de soutirer un hurlement au propriétaire. Mais, nullement impressionnée, elle plongea ses pupilles dans les siennes, le plus sereinement du monde.
« Calme toi. J'essaye de remettre ton aile en place. Ça va te faire un peu mal, mais ensuite, tu pourras voler à nouveau. »

Ce qui le dissuada de mouvoir la moindre de ses cordes vocales. Et ainsi, dix minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne déclare officiellement la fin du traitement.
« Et voilà ! »

Le regard qu'il lui lança à cet instant mélangeait étonnement et surprise, tendit les traits de la Pok-stéopathe se crispèrent. Les questions fusèrent en elle sans aucun répit, la première d'entre elle lui demandant si son entreprise était arrivée à terme. Elle eut sa réponse, soufflant avec soulagement quand son aile imita l'un des mouvements de la veille sans aide, le plus naturellement du monde. Elle se pencha alors vers lui.
« Alors ? Tu vas mieux ? »

Leurs pupilles se croisèrent le temps d'une simple seconde. Une seconde où elle put y lire joie et colère, reconnaissance et déshonneur, provoquant un frisson le long de son échine. D'instinct, elle s'écarta au dernier moment du chemin séparant Artikodin des grandes contrées sauvages sur lesquelles il régnait en maître. Et elle le vit disparaître. Malgré son abandon soudain, elle ne put retenir son contentement. Heureuse d'avoir croisé le chemin de cet être qu'elle n'oublierait pas de sitôt, heureuse d'avoir été au bon endroit au bon moment, heureuse d'avoir eu l'honneur de le toucher et le manipuler. Ce souvenir-là deviendrait surement le plus beau de sa collection. Cependant, un vide se creusa en elle, quelque chose qu'elle ne pourrait autrement combler que par le biais d'une présence. Sa présence. Soufflant de désespoir à cette sensation éternelle, elle se redressa de toute sa hauteur, mettant fin à une captivité chaleureuse qui la fit tressaillir. Ni une ni deux, elle renfila en vitesse son épais blouson rembourré qui lui avait servi de couverture ainsi que les deux paires de gants, l'écharpe, le bandeau et la paire de protège-oreilles, avant de se relancer vers l'aventure neigeuse qui l'attendait par delà les murs de pierres.

Meublée dans le silence, elle progressait assez lentement, s'étonnant elle-même de sa vitesse. Loin de ses habitudes et sans qu'elle s'en aperçoive, ses pieds flânaient autour de l'entrée de son petit jardin secret. Elle repensait à la veille. Elle pensait à lui. Celui dont la vie ne s'était tenue qu'à une aile. Elle revoyait son plumage pouvant se confondre avec le ciel. Elle entendait sa queue fouetter l'air, gelant la moindre trace humide sur son passage. Elle écoutait la mélodie émanant de ses cordes vocales de cristal. Elle plongeait son regard dans le sien, paniqué et protecteur à la fois. Ce dernier lui fit mettre ses jambes côte à côte, la stoppant net dans son mouvement. Il se tenait devant elle, fier et majestueux dans son élément. Elle écarquilla les yeux de surprise avant de se faire submerger par l'émotion. Il venait de revenir, pour elle, une simple vie qui ne représentait qu'une humaine parmi tant d'autres. Elle finit par comprendre pourquoi. Cela n'avait duré qu'une seconde mais elle sentit un lien - ce lien - se créer. Leurs esprits pouvaient désormais communiquer, se fondre l'un dans l'autre de manière à n'en former qu'un.
« Monte sur mon dos ! Vite ! »

Elle décela dans son intonation une urgence : celle de la mort qui approchait à grands pas. Sans demander son reste, elle enjamba d'une seule traite les trois pas qui les séparaient et sauta à califourchon derrière la naissance des ailes du légendaire. À cet instant, elle vit la provenance du danger. Encore haut dans le ciel, un hélicoptère noir serti d'une forme rouge - malgré la distance et l'épaisse fumée, elle devina qu'il s'agissait d'un "R" - tombait à vive allure dans leur direction. Cette vision eu pour effet de refermer ses mains dans les plumes d'Artikodin. Une peur vivace qui se dissipa au moment où la voix de son alter ego résonna en elle.
« Prête ?
-Prête ! »

Et il décolla du sol. Et elle s'éprit à rêver liberté. Pas celle qui se présente à l'âge de raison ou celle acquise au cours des voyages. Plutôt cette liberté se matérialisant par des chaînes brisées par une explosion. Elle n'en aperçue que les vives lueurs se reflétant dans le miroir des manteaux éternels. Elle expira longuement avant de se rendre compte que son imagination n'y était en rien dans ce qu'elle vivait. Il venait de lui sauver la vie ! Remontant le lien précédemment créé, elle lui souffla un mot unique qui, elle l'espérait, le toucherait.
« Merci !
-Merci à toi. »

Ses joues s'empourprèrent, ne sachant pour quelle raison. Pourquoi lui rendait-il la pareille pour son remerciement ? Le saurait-elle un jour, lui donnerait-il la réponse un jour, elle l'ignorait. Grisée par la vitesse de croisière tout autant qu'elle voulait se protéger du vent froid, elle se pencha sur l'encolure de l'oiseau. Heureuse, tout simplement heureuse, elle observa par delà les montagnes d'un regard se voulant lointain. Ils galopaient tous deux vers les monts abruptes pour le moment. Mais après, qui sait quelle aventure tendait les bras au duo.
« Où m'emmènes-tu ?
-Où tu voudras. »

Et sa monture s'envola vers l'horizon, des flocons blancs tombant dans son sillage.