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Pokémons, Sucre et Rock'n'Roll de Cheshire-cat



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Informations

» Auteur : Cheshire-cat - Voir le profil
» Créé le 13/12/2010 à 01:22
» Dernière mise à jour le 13/12/2010 à 01:22

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Poussières et cendres...
Cinq mille six cent pokédollars et six mois. Il n'en faut pas plus pour ruiner une vie. Ça pouvait sembler une petite somme, quand on avait une situation stable, un travail. A peine le prix d'une voiture ! Quand on était comme Yasha, au chômage et avec une famille à entretenir... Les choses pouvaient vite devenir compliquées. Et elles l'étaient devenues. Plus que ça encore. Tout était devenu incontrôlable. Un monstrueux bordel qui lui tombait sur la gueule. Elle n'avait jamais voulu se retrouver coincée comme ça. Mais elle y était. Et il avait fallut qu'elle trouve une solution.

Elle en avait trouvé une. Sur le moment, ça avait semblé une mauvaise idée. Par la suite, elle avait pu voir que ça n'était pas le cas. C'était une TRES mauvaise idée. Mais ça avait été la seule qu'elle avait eu.

Oh, certes, elle avait du travail maintenant. Un salaire pour rembourser sa dette, petit à petit. De quoi payer les soins pour son père, le loyer pour sa mère. Elle était même douée dans ce qu'elle faisait, presque respectée. Elle aimait même ça, parfois. C'était bien plus que ce dont bien des gens pouvaient se venter. Mais elle n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'elle n'était, dans le fond, qu'une arme. Une putain d'arme dans le creux de la main du Cercle, docile. Ils étaient venus la chercher, quand elle était au plus bas. Ils lui avaient offert une issue, et elle s'était empressée de foncer tête baissée, comme la petite idiote naïve qu'elle était à l'époque. Sans comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une porte de sortie, mais de la grille d'une cage. A présent qu'elle avait presque remboursé sa première dette, Yasha réalisait son erreur. Elle en avait contractée une bien plus grave en se mettant au service du Cercle. Elle leur avait vendu son âme. Il n'y avait plus d'issues. Elle était piégée.

Assise sur son lit, elle baissa les yeux vers la crosse froide de son revolver qui luisait dans ses mains moites. C'était tentant. Elle se l'enfoncerait dans la gorge, comme elle l'avait fait un peu plus tôt avec l'autre vieux dégueulasse. Elle appuierait sur la détente, une fois suffirait. Et tout serait fini. Elle ne se sentirait plus aussi étranglée. Plus aussi prisonnière. Fini les menaces. Fini le dégoût, en croisant son regard dans un miroir. Fini la peur. Elle pourrait se reposer...

Abadon remua contre sa cuisse, le sommeil agité par l'angoisse. Il avait peur, lui aussi. Yasha glissa son arme sous son oreiller, avec un soupir. Elle ne pouvait pas le laisser. Dans ce putain de monde où les gens faisaient parader leurs pokémons les plus rares, comme s'il s'agissait de vulgaires bibelots, dans un monde comme ça, que deviendrait un simple rattata, une fois abandonné ? Et sa famille ? Elle ne doutait pas une seconde que le Cercle se vengerait sur eux si elle venait à disparaître... Nouveau soupir. Il n'y avait plus d'issues. Même pas celle-là. Ils la tenaient en laisse.

Elle cala le pokémon endormi sur son épaule, et alla se servir un verre de limonade, dans la cuisine. Elle n'habitait plus avec ses parents. Impossible de prendre le risque qu'ils découvrent la vérité. Sa mère se faisait déjà bien assez de soucis pour la santé de son père. Et elle lui aurait demandé d'arrêter. Yasha ne voulait même pas imaginer la peine dans leurs regards quand elle leur dirait que c'était impossible. Ils avaient déjà été tellement déçus quand elle avait arrêté ses études pour devenir musicienne. Et tellement déçus quand elle avait mal réglé ses effets pyrotechniques, et que la scène avait brûlé. Apprendre qu'elle était devenue une criminelle ? Ils ne le supporteraient pas. Alors Yasha mentait. Elle les appelait, parfois. Il lui semblait parfois qu'ils se doutaient de quelque chose... Alors elle faisait comme elle faisait toujours. Elle mettait son masque en place, expirait lentement par le nez, et quand elle relevait la tête, elle jouait son rôle. A la perfection.

Vingt ans. Et elle se sentait déjà tellement vieille. Même le sucre de son soda ne pouvait atténuer le goût amer qui lui restait dans la bouche. Comme une envie de vomir tout ce qui s'était passé.

Son téléphone vibra. Elle répondit à voix basse, pour ne pas réveiller Abadon. Au bout du fil, Lysandre. Avec cette même pointe de mépris qu'il avait toujours dans la voix. Parfois, Yasha se disait que s'ils se détestaient autant, c'était peut-être parce qu'inconsciemment, ils se rendaient compte qu'ils se ressemblaient. Qu'ils étaient enchaînés par le même genre d'histoire, dans le fond.

" Hey Sugar, j'espère que tu n'es pas encore en train de te goinfrer de merdes sucrées. Si tu deviens obèse, je refuserais de bosser avec toi à nouveau. T'es déjà pas bien belle, mais la laideur à ses limites."

Et parfois, Yasha se disait que c'était parce que c'était juste un connard.

Elle laissa échapper un grognement, se massant les tempes pour s'empêcher d'exploser et de hurler. Ça lui aurait bien trop fait plaisir. Il n'attendait que ça.

" Je suppose que tu ne m'appelles pas uniquement pour me faire profiter de ton avis d'expert en diététique ?
- Non, en effet. On a un nouveau job.
- Quel genre de job ?
- Un enlèvement. Ça va nous changer."

Ses sourcils se froncèrent. Pour un changement, ça en était un. Ça n'était pas leur travail, d'habitude. Eux, ils faisaient dans l'intimidation. Le chantage. La mise à mort, même, une fois. Mais pas dans les enlèvements. C'était étrange... Et elle n'aimait pas ça. D'un autre côté, il n'y avait pas grand chose qu'elle aimait dans sa "profession", de base. Son partenaire sembla s'inquiéter de son long silence.

" T'es toujours là ?
- Oui, oui. Il va falloir encore plus de préparation que d'habitude...
- Ça c'est mon boulot, t'inquiète.
- C'est qui le client ?
- Sais pas. Ils m'ont pas dit."

Ça c'était mauvais signe, tout comme son ton lourd de sens. Leur ligne était probablement surveillées, donc ils ne pouvaient pas en discuter entre eux. Mais elle avait suffisamment travaillé avec ce petit con pour sentir quand les choses étaient sérieuses. Et là, elles l'étaient. On les avait mis sur un gros coup. Ça n'était plus un dealer de drogue à faire disparaître, un pédophile à effrayer, ou une joueuse compulsive à qui rappeler ses engagements... Ce genre de coups, c'était le genre qui marquait pour vous le point de non-retour. Un putain de gros coup. Et elle pouvait sentir que Lysandre n'était pas plus content qu'elle de devoir le faire... mais qu'ils n'avaient pas le choix.

" On commence quand ?
- La semaine prochaine. Ils nous fournirons plus d'infos le moment venu.
- OK. J'ai besoin d'une clope.
- Et moi d'un verre. Je te rappelle quand j'en sais plus.
- Merci.
- De rien, la grosse."

Yasha resta un moment le regard dans le vide, l'oreille toujours collée au combiné, écoutant la tonalité résonner, lancinante. Si elle s'était entendue avec Lysandre, elle l'aurait rappelé et lui aurait proposé de venir se bourrer la gueule chez elle. Peut-être même de coucher ensemble, tiens. Baiser un coup, pour oublier tout ce merdier, n'être plus que deux corps l'un contre l'autre. Mais l'idée de devoir discuter ensemble au réveil le lendemain lui collait d'avance la migraine. Elle ne préférait même pas penser à ce qui se passerait s'il choisissait de lui coller un râteau. Il se ferait une joie de retourner le couteau dans la plaie et de lui rappeler son humiliation pendant des semaines. Donc s'ils devaient se prendre une cuite, ils le feraient seuls, et chacun de leur côté.

Elle reposa son rattata sur le matelas, et ouvrit une fenêtre pour cracher sa fumée vers l'extérieur. Le vent frais du crépuscule passa dans ses cheveux mauves. En bas de l'immeuble, un couple de gosses passa en courant, leurs pokémons sur les talons. Enthousiastes. Un nouveau badge d'arène épinglé à l'envers de leurs blousons. Ah. Elle les jalousait. Bordel, pourquoi est-ce qu'elle n'avait jamais eu droit à ça ? A cette insouciance ? Être Maître Pokémon... Quelle connerie. Un rêve d'enfant. Mais en cet instant, elle aurait presque eu envie d'enfiler son pantalon, de réveiller Abadon, et d'aller défier le premier couillon venu dans la rue, juste pour se prouver qu'elle aussi, elle pourrait si elle voulait.

Avec un rire grinçant, elle balança son mégot dans la direction des deux mômes.

Vie de merde.