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Tout ça pour mourir de Asako



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Informations

» Auteur : Asako - Voir le profil
» Créé le 28/04/2010 à 00:20
» Dernière mise à jour le 28/04/2010 à 13:19

» Mots-clés :   Romance   Science fiction   Suspense

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1-4 : Invitation
-David, tu es enfin de retour… murmura sa mère en le contemplant d'un air neutre, puis ses yeux glissèrent vers Matt. Le Dr. Keyes ne se sent pas bien ?

-Non, répondit le garçon, continuant de soutenir le scientifique hagard. Je crois qu'il voudrait s'allonger.

-Bien sûr, bien sûr…

Elle lui désigna le canapé sans faire mine de l'aider et David faillit remercier ses capacités physiques remarquablement développées lorsqu'il aida Matt à s'y affaler. Le scientifique voulut dire quelque chose, mais ses mots s'étouffèrent dans sa gorge et il ferma les yeux. Quelques minutes plus tard, il dormait profondément, son visage de craie devenu étonnamment calme et serein.

-Quel adorable jeune homme, dit sa mère dans son dos. Tu viens manger ?

Elle ne fit aucune allusion à sa fuite précipité et ne parut pas touchée par les relents d'alcool qui émanaient de l'être étendu sur son canapé. Une tache de sauce ornait sa robe et David devina qu'elle et son père ne l'avaient pas attendu pour entamer le repas. Il baissa les yeux et lui emboîta le pas jusque dans la cuisine, où l'attendaient sagement des mets alléchants auxquels il ne toucha presque pas ; il posa la nourriture sur le rebord de la fenêtre lorsque sa mère eut le dos tourné, espérant que les Pokémons sauvages se réjouiraient du festin qu'il leur offrait.
Il ne vit pas son père. Apparemment, l'homme ne se sentait pas au meilleur de sa forme et il avait préféré aller se coucher, laissant à son fils un simple paquet cadeau que David ouvrit sans espoir. Il fut surpris d'y trouver un livre sur l'analyse des Pokémons de type feu, écrit par… Stieg Jackson, l'un des scientifiques de Saigo.

-Ça te plaît ? s'enquit sa mère, les yeux brillants.

David lui adressa un sourire forcé, serrant l'ouvrage contre lui, décontenancé par cette attention de la part d'un homme incapable de lui témoigner de l'affection et qui avait dû passer sa soirée à imiter Matt.

-Tiens, de la part de tes frères, ajouta-t-elle en lui tendant fièrement une enveloppe qui contenait un peu d'argent. Et de ma part…

Elle lui avait offert une Poké Ball vide, ainsi que de la nourriture pour Pokémons et le nécessaire pour s'occuper de ses propres créatures. David la remercia poliment, se demandant ce qu'il allait en faire, étant donné que les Pokémons ne voulaient pas de lui, rebutés par sa nature chimiquement modifiée, puis il monta se coucher. Il ne ressentait rien de plus qu'une profonde lassitude, et lorsqu'il ferma les yeux, il pria pour ne jamais, jamais se réveiller. Il voulait juste dormir et oublier le fiasco qu'était sa maigre existence.


Le lendemain, il fut réveillé par une main qui le secoua légèrement, et sa première vision fut un visage blafard, aux cheveux en désordre et aux yeux gonflés et soulignés de profonds sillons violacés, qui semblaient peiner à rester ouverts derrière leurs lunettes. Matt Keyes.
Le scientifique posa un doigt sur ses lèvres, lui intimant le silence, puis il lui fit des gestes frénétiques pour lui dire de se préparer en silence et de le suivre. L'esprit dégagé par une vive curiosité, David obéit sans rechigner et ne prit pas la peine de faire sa toilette. De toute façon, à côté de Matt, il avait l'air en pleine forme et tiré à quatre épingles.
Ils se rendirent au salon, et là, seulement, le scientifique lui adressa la parole.

-Je ne veux pas réveiller tes parents, il est encore très tôt, souffla-t-il. Mais nous allons devoir y aller… Je sais, nous devions partir dans l'après-midi, mais cette nuit j'ai eu… je crois que j'ai trouvé le moyen de remédier aux effets secondaires de ton traitement –tu sais, l'animosité que te portent les Pokémons et les vertiges… Il faut absolument retourner à Saigo. J'ai laissé une lettre à tes parents, mais si veux prendre le risque de les réveiller pour leur dire au revoir…

-Pas la peine, se contenta de répondre David.

Il fut surpris par sa propre indifférence. Retourner au centre expérimental le répugnait, bien sûr, et laisser derrière lui Ted et Rebecca lui déchirait le cœur, mais il avait compris, en l'espace de quelques heures, que sa place n'était plus à Bourg en Vol. Qu'est-ce qui pouvait bien le rattacher à cette ville ? Ses parents ? Son père n'avait même pas pris la peine de le voir, et sa mère vivait dans un monde à part.... quant à ses frères, ils n'avaient daigné lui témoigner le moindre signe de vie. Ses amis ? Personne ne voulait de lui, personne sauf une fillette aussi asociale que lui et un garçon qui était gentil avec tout le monde.
Il ne pouvait exiger vivre une vie normale d'enfant de douze ans, parce qu'il n'était pas normal, et pas seulement à cause de ses gènes de Zigzaton : depuis tout petit, il repoussait férocement tout contact avec le monde et affichait un masque de froideur et d'indifférence. Peut-être que retourner au centre expérimental était le mieux…

En proie à ses sombres pensées, il ne fit pas attention au chemin du retour. Il avait plu dans la nuit, et la neige s'était métamorphosée en une boue poisseuse et salissante, perdant tout son charme et sa beauté éphémère. Le ciel gris sanglotait au-dessus de leurs têtes, et le vent griffait violemment leurs visages à découvert.
A ses côtés, Matt cuvait tout l'alcool ingurgité la veille, silencieux, enveloppé dans des limbes de tristesse et de résolution.
Le centre expérimental était désert. Johanna et Sébastien fêtaient Noël avec leur famille respective, et Stieg devait travailler chez lui, loin de là. Matt autorisa David à assister à son travail, tant que le garçon restait sage et ne l'importunait pas.

-Exceptionnellement, répéta-t-il de nombreuses fois. Je n'ai normalement pas le droit, mais puisque nous sommes tous les deux… et puis je te dois une fière chandelle. Sans toi, je me demande ce qui aurait pu m'arriver hier… même Capumain m'avait abandonné, mais bon, je l'ai retrouvé ce matin en train de manger à la fenêtre de ta cuisine…

Ils s'installèrent dans le bureau envahi de paperasses où David s'était furtivement introduit, quelques temps après son admission forcée, et Matt se mit aussitôt à écrire fiévreusement sur une feuille, à comparer des séquences composées de lettres de l'alphabet, à se pencher sur des formules écrites en une langue très étrange, et à se gratter la tête d'un air ahuri.
David l'observa, captivé, cherchant à comprendre ce qu'il faisait. Certes, tout cela était bien ampoulé et les formules que recopiait Matt étaient pompeuses, mais cela avait également un sens qui le concernait directement, aussi fût-il très attentif. Puis il se lassa, contrarié et scandalisé par la difficulté de tous ces libellés, et il décida de feuilleter le livre que lui avait offert son père.

A peine eut-il consulté quelques pages, les dévorant sans modération, heureux de parfaire sa culture, que les mots qu'avait bafouillé Matt la veille lui revinrent en mémoire.

« …un autre Moriarty ? Nan je crois pas… sauf si tu parles de… ouais je vois, avec le Dracaufeu et tout ça… »

Le Dracaufeu… une évidence frappa David de plein fouet. Le garçon observa ses mains, à la fois fines et rugueuses, bien plus agiles que celles de Matt, réalisant soudainement l'étendue des expériences scientifiques qui se pratiquaient au centre expérimental Saigo.

-David, ça va ? s'inquiéta la voix de Matt. Tu es pâle. Tu veux peut-être boire quelque chose ?

Lui avait hérité des pouvoirs, au final insignifiants, d'un Zigzaton, mais quelqu'un d'autre, entre ces mêmes murs lugubres, avait eu droit aux gènes dévastateurs d'un Dracaufeu…

-Tout va bien, articula-t-il sèchement, levant les yeux vers Matt. Heu… pouvez-vous me parler des… Dracaufeu ?

Il maudit immédiatement son imprudence et reprit d'un ton qui se voulait assuré :

-Ces Pokémons m'ont toujours fasciné, et il en est question dans ce livre que m'a offert mon père, mais au final je sais bien peu de chose sur eux, et puisque vous êtes si… intelligent… je pensais que vous pourriez m'en toucher deux ou trois mots.

Les yeux de Matt lui évoquaient des soucoupes, mais il n'en détacha pas le regard.

-Ahem, tu sais, je n'y connais pas grand-chose non plus… C'est le Dr. Jackson le spécialiste.

-Oh, mais vous devez avoir plus de connaissance que moi.

-Tu sais, les Dracaufeu sont un mystère. Ils sont très difficiles à dresser, et ils n'obéissent qu'aux caractères plus forts qu'eux. Il faut beaucoup de courage et de volonté pour parvenir à en dresser un correctement, et c'est un travail fastidieux, mais payant : si un Dracaufeu accepte de t'obéir, alors tu peux être sûr que tu es un dresseur puissant et plein de talent. De plus ces Pokémons sont très dangereux, et ils sont la cause de nombreux incendies. Pour eux, brûler ce qui les entoure est aussi simple que respirer !

-Je pourrais en battre un, avec mes pouvoirs de Zigzaton ?

-Je ne veux surtout pas mettre en doute tes capacités, David, mais sincèrement je pense que pour y arriver il te faudrait énormément d'entraînement et une tactique sans faille. En revanche, tu pourrais probablement en dresser un très convenablement. Tu m'as l'air d'être quelqu'un de décidé et qui ne baisse pas facilement les bras.

-J'aimerais tenter le défi. Savez-vous où se trouvent des Dracaufeu sauvages ? Il n'y en a nulle part aux environs, je suppose…

-Le Dr. Jackson en possède…

Matt s'interrompit brutalement et le peu de couleur qui ornait ses joues s'estompa. Il contempla longuement David, incertain. Le garçon s'efforça de garder un masque d'innocence, usant de toute la candeur dont il était capable. Voyant que Matt s'était transformé en statue, il reprit tranquillement sa lecture, bien que son cœur cognait maintenant comme un damné contre sa cage thoracique, rebondissant allègrement dans sa poitrine. Ainsi, sa théorie était juste. Moriarty, ou un autre cobaye, bénéficiait de l'ADN d'un Dracaufeu. C'était à la fois effrayant et assez humiliant, lui qui devait se contenter du Zigzaton.
Matt, gêné, reprit son travail sans piper mot.


Johanna, Sébastien et Stieg revinrent dans la soirée, les joues rendues rose vif par le froid et l'air particulièrement satisfaits. Stieg tenait dans la main une lettre, qu'il serrait furieusement contre lui comme s'il s'était s'agit d'un trésor inestimable, et ses deux collègues ne cessaient d'y couler un regard avide. Matt et David se trouvaient alors dans la bibliothèque de Saigo, un enchevêtrement de pages recouvertes d'une fine pellicule de poussière dorée où régnait une agréable odeur de vieux papier. Ils rangeaient quelques livres pour s'occuper, et David était fasciné par toutes les ouvrages qui l'entouraient, où étincelaient des titres plus ou moins aguicheurs qui semblaient l'inciter silencieusement à les consulter. Chaque œuvre contenait plus de savoir que ses douze pauvres années d'existence, et il éprouvait un respect muet pour ces livres qu'il se contentait de ranger à leur place, effleurant timidement toutes ces couvertures de cuir du bout des doigts, faisant au passage voleter des nuées de poussière qui saturaient l'air.

-Cette bibliothèque est surtout là pour que nous puissions y ranger tous les livres qui nous ont marqués, mes collègues et moi, lui avait expliqué Matt. Ainsi, lorsque n'avons rien à faire, nous pouvons les consulter à notre guise. Il serait temps que tu y ailles, toi aussi ; après tout tu as parfaitement le droit d'emprunter quelques ouvrages de temps en temps.

Ils furent surpris par l'apparition des trois scientifiques qui avaient juste eu le temps d'enfiler leur blouse à la hâte, et surtout par leurs visages qui semblaient hurler leur impatience de leur révéler une nouvelle importante.

-Dr. Keyes, David, nous avons quelque chose à vous annoncer, annonça Stieg, s'efforçant de rester impavide. Nous venons de recevoir une lettre pour le congrès annuel scientifique de Poivressel, qui aura lieu très prochainement, au mois de février. Ils nous prient de venir, mes collèges, moi-même et toi, David, lors de la soirée qui sera organisée, pour leur tenir au courant de nos avancées et leur montrer un peu où nous en sommes.

David se figea, aussi abasourdi que s'il venait de recevoir un ultralaser de plein fouet, mais il ne se laissa pas impressionner et il se contenta de répondre, avant même que Matt n'ait pu balbutier le moindre mot :

-Pourquoi suis-je invité ?

-David, tu es le centre de nos recherches, la preuve de ce que nous faisons ! Sans toi, nous aurons l'air parfaitement ridicules. Il va te falloir un costume, et nous-mêmes allons devoir être élégants ! Nous, les scientifiques, pouvons inviter notre famille, si cela nous tente… ajouta Sébastien pour Matt, mais le scientifique bredouilla :

-Je viendrais probablement seul…

-Tant pis, enchaîna Sébastien. Moi, je vais proposer à ma fille de nous accompagner, elle adore ce genre de soirée de « papys grabataires qui se croient distingués parce qu'ils portent une blouse et savent aligner trois lettres grecques dans une formule ».

-Quelle adorable enfant, elle a déjà tout compris du travail de son père, lança Johanna.

-Et toi, Jo, tu vas demander à ton gamin de venir ? Il s'entendrait à merveille avec la mienne.

-Il s'intéresse plus aux jeux vidéos qu'à mon travail, soupira-t-elle. Par contre, mon mari sera ravi de faire votre connaissance, Dr. Valery. Je lui parle très souvent de vous. Son Kangourex sait donner de redoutables coups de poings, ajouta-t-elle, l'air menaçant.

Sébastien ne répondit rien, mais ses lèvres esquissaient un sourire mutin.
David continua de glisser des ouvrages dans l'ordre alphabétique, se demandant vaguement si ce congrès allait être divertissant, mais il s'attendait davantage à une soirée assommante où chacun essayerait de parler avec le langage le plus soutenu possible sur des travaux qui, selon eux, révolutionneraient le futur. Il s'imaginait déjà au centre de tous leurs regards emplis d'une curiosité vicieuse, comme un petit Pokémon parfaitement dressé qui participerait à un concours. Ils allaient vouloir admirer ses capacités et ce qu'il avait dans le ventre… Le peu de moral qui lui restait s'estompa, balayé par ses doutes et la colère qui le démangeait depuis longtemps. Il avait hâte que tout soit fini et qu'il puisse enfin voler de ses propres ailes. Que ces expériences s'achèvent et qu'il puisse comprendre ce qui l'attendait après.

Très vite, le congrès annuel scientifique fut l'un des seuls sujets de conversation à Saigo, avec les résultats de l'expérience sur David de plus en plus positifs : désormais, les Pokémons, bien que méfiants envers lui, supportaient sa présence et le Capumain de Matt avait même décidé d'élire domicile sur ses épaules, ce qui déplaisait fortement au garçon qui n'aimait pas le contact rêche et chaud du singe violet contre son cou, mais Matt était ravi.
Le Nouvel An fut le plus morne que jamais David n'ait vécu. Il l'avait passé coincé avec une Johanna d'une humeur massacrante au réfectoire, à écouter la femme fulminer contre à peu près tout ce qui lui passait par la tête. Il se contentait d'acquiescer sans l'écouter, mais elle ne s'en était pas aperçue. « Et Valéry ! Cet homme croit qu'il lui suffit d'avoir trois cheveux sur le front et un sourire niais pour être séduisant ! Et puis il parle sans arrêt, c'est insupportable » répétait-elle en avalant des rasades de champagne au goulot. « Toi, tu bois pas ! lui avait-elle aboyé. T'es trop jeune pour être initié à l'alcoolisme. Ça me fait penser à Keyes. Des fois il pue l'alcool, c'est insupportable ! M'enfin je suppose que pour s'occuper d'un mioche comme toi il faut bien trouver sa motivation quelque part. »
Le mois de janvier passa rapidement, pour laisser place au mois de février fiévreusement attendu par les scientifiques…

-POURQUOI ça tombe toujours sur moi ? geignit Johanna, contemplant David d'un air désespéré.

Le garçon se contenta de hausser les épaules. Ils étaient dans sa chambre, face à son placard où la scientifique ne cessait de jeter des coups d'œil hargneux.

-T'habiller pour ce congrès… je ne sais pas faire ça, moi ! Je ne suis pas styliste, merde !

« Ça se voit » faillit rétorquer David en voyant la robe turquoise peu gracieuse dont elle s'était affublée, ainsi que son absence de bijoux et ses cheveux bruns qu'elle avait noué en un chignon strict, alors qu'elle aurait pu être bien plus jolie en s'arrangeant quelque peu.

-Pfff… une chemise blanche, ça ira ? demanda-t-elle en dépliant le vêtement trouvé au hasard.

-Elle est trop grande, signala David.

-Je te rappelle, gamin, que t'es pas là pour jouer les minets. On va à un congrès scientifique, pas à un défilé de mode. Les vieux scientifiques sont toujours très ringards. Et coiffe-moi un peu tes cheveux, on dirait que tu exhibes un nid sur ta tête !

David passa la main dans ses cheveux châtain clair. Ils étaient en bataille et retombaient en désordre sur son front, ses yeux, ses joues et sa nuque. Johanna poussa un soupir excédé, s'empara d'un peigne et entreprit de les rendre lisses et soyeux.

-Vous me faîtes mal, grogna le jeune garçon.

-Tais-toi un peu, tu me fatigues. Tu veux ressembler à un Pokémon sauvage ou quoi ?

-C'est ce que voudraient tous ces scientifiques qui seront là, non ? Pouvoir admirer un vrai garçon-Pokémon sauvage ?

Johanna blêmit. David s'efforça de rester inexpressif, bien que conscient d'avoir parlé trop vite.

-Qui t'a dit que tu devenais un… garçon-Pokémon sauvage ? siffla la scientifique.

-Personne, marmonna David. Pas besoin d'avoir un Q.I de scientifique pour le comprendre.

-C'est Valéry, c'est ça ? Il faudrait lui arracher la langue, et encore, il serait capable de déblatérer tout un tas de connerie même en étant muet. Sauf que tu ne le voies quasiment jamais… Ou alors… c'est Keyes ? Ce gars est un vrai paumé, tu ne devrais pas accorder de crédit à ses paroles.

-Le Dr. Keyes est un paumé ? répéta le garçon, surpris par la véhémence de la scientifique.
Johanna renifla avec mépris.

-Je sais, je ne devrais pas dire de telles choses sur mes collègues. Mais Matt Keyes… il suffit de le regarder droit dans les yeux pour comprendre. Il n'est pas fiable. Mais ne t'avises pas de répéter ce que je te dis, gamin, sinon ça va très mal se passer entre toi et moi. Bon… je suppose que je ne peux pas faire grand-chose de plus, ajouta-t-elle en reposant le peigne.

David jeta un coup d'œil dans son miroir. Le confinement l'avait rendu pâle, et ses yeux bleus lui semblaient ternes, éteints. Peut-être était-ce son imagination, mais il avait l'impression qu'acquérir les pouvoirs d'un Zigzaton le rendait certes plus puissant, mais, également, le rongeait de l'intérieur. Quelque chose en lui commencer à se fendiller, et ne tarderait pas à se briser…
Il ne put approfondir ses pensées que déjà, Johanna le tirait par le bras pour l'emmener hors de sa chambre.

-Allez, on va être en retard, les autres doivent déjà être dehors…


En vérité, seul Matt les attendait dehors, à côté des Lockhlass qui les mèneraient à destination. Stieg et Sébastien étaient déjà partis. Le voyage fut silencieux. David partageait son Lockhlass avec un Matt étrangement muet. L'obscurité lui donnait l'impression d'être englouti par la mer, et il fut presque soulagé en voyant, au loin, les lumières éclatantes de Poivressel qui illuminaient la nuit et en entendant les clameurs des rues. C'était un samedi soir et tous les jeunes gens étaient de sortie ; la plage était grouillante d'adolescents avides de faire la fête.
Le congrès avait lieu dans une bâtisse grise peu avenante, aux dimensions colossales. Une fois qu'ils furent près de l'entrée, Johanna sembla nerveuse. Matt, lui, paraissait seulement un peu fatigué.

-Bon, dernières recommandations, lança la jeune femme. David Hunter, ne pose pas de question et ne parle que si on t'invite à prendre la parole. Reste discret et ne quitte jamais l'un d'entre nous. C'est compris ?

-Oui.

-Eh bien… allons-y !

Et elle poussa la lourde porte qui menait au congrès annuel scientifique. Ensemble, David, Johanna et Matt s'y engouffrèrent.
Aucun des trois ne se doutaient qu'ils ne seraient plus jamais réunis ainsi avant très longtemps.