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Vagabond Nocturne [One Shot] de Shaam



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Informations

» Auteur : Shaam - Voir le profil
» Créé le 16/11/2008 à 20:44
» Dernière mise à jour le 13/07/2009 à 16:57

» Mots-clés :   One-shot

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Vagabond Nocturne
Un rêve...
Encore un rêve flou qui se fait effacer par ma frêle mémoire. Je viens de me réveiller il y a peu de temps, mais j'ai encore les yeux fermés, flemme oblige. Chose faite : j'ouvre un œil, puis l'autre. Je baille puis m'étire le corps, avant d'aller voir ma face dans les restes de ce qu'était un miroir jadis. Banal rituel quotidien.
J'ai passé la journée à somnoler au dernier étage d'un immeuble abandonné. Un lieu sombre et oublié par tous, mais suffisamment tranquille pour m'y loger sans être dérangée.
Je me dirige vers une fenêtre sans vitres pour voir ce qu'il y a dehors. Comme toujours, il y a en bas les lumières urbaines à peine allumées. Et en haut, le ciel qui prend une teinte rose au loin ; autrement dit, le soleil en train de se coucher. Le moment propice pour m'activer, et aller dehors. Je saute de cette fenêtre, me laissant tomber dans le vide, et appréciant le vent froid qui me gifle le visage pour mieux me réveiller. Suicide ? non... A peine quelques mètres du sol, je stoppe ma chute libre en usant de mes pouvoirs obscurs pour léviter. N'ayant pas de pattes pour marcher, la lévitation est mon unique moyen de déplacement. Ainsi commence pour la énième fois le parcours nocturne de Fadette la Feuforêve.

Fadette, tel est mon nom. C'est ainsi que me surnommait mon défunt dresseur, mort il y a un bon bout de temps. J'ignore comment ça s'est passé au juste ; tout ce qu'on m'a appris, après avoir quitté pour la dernière fois cette sphère qu'on appelle Pokéball, c'est qu'il est mort. Ses autres Pokémon ont été relâchés dans la nature, mais moi j'ai préféré rester dans cette ville pour une durée indéfinie.

A peine après avoir parcouru quelques rues sans intérêt, la nuit est déjà entièrement tombée. Qui dit nuit dit froid et obscurité. Mais ça ne me dérange guère, au contraire : ce sont bien là mes éléments naturels. J'y ai toujours trouvé mon confort ; c'est le soleil et la lumière qui me dérangent plutôt.
Arrivée dans une grande avenue, j'observe le tableau vivant qui se déroule devant mes yeux. Des tas et des tas de véhicules à roues de toutes sortes et tailles qui circulent dans un vacarme inouï. Les diverses constructions éclairent la nuit de leurs lumières éblouissantes. Plein de gens qui vont et qui viennent, certains pressés et d'autres non. Certains ont l'air joviaux, d'autres maussades. Il y en a qui rient et d'autres qui pleurent, comme ce petit gamin dont la mère refuse de le laisser nourrir un Skitty affamé. En parlant de Pokémon qui cherchent à se nourrir, je passe près d'un Cornèbre en train de vider un pot de yaourt à l'aide de son bec crochu. Et là-bas un Médhyena en train de faire les poubelles, espérant trouver quelque bout de viande à grignoter. En gros des Pokémon qui essaient - tant bien que mal - de survivre dans ce milieu urbain, créé par les hommes et pour les hommes. C'est là où je passe chaque nuit à rôder sans destination précise.

Alors que je viens d'entrer dans un centre commercial, deux jolies jeunes filles passent à côté de moi, sans me voir. L'une d'elles est une blonde, fière de sa chevelure. Une cible parfaite pour mes sarcasmes. Je m'approche doucement par derrière, pendant que les deux amies papotent en rigolant. J'ouvre la bouche, mords puis tire ses beaux cheveux dorés. La réaction instantanée de la malheureuse n'est autre que :
- KYAAAAAAAAH !!!
Quelques gens au loin se retournent vers la source du cri, intrigués.
- Hein ? Bon sang mais qu'est-ce qui t'arrive, Marjolaine ?! s'interroge sa copine, surprise.
Cette Marjolaine se retourne brusquement derrière elle, les yeux emplis de terreur. Aucun passant à proximité d'elles, elle en reste ébahie.
- J, je... quelque chose... m'a tiré les cheveux...
- Mais tu deviens folle ma pauvre !
- Non non, il y avait bien quelque chose, je sais pas...
Les deux filles cherchent des yeux quoique ce soit qui pourrait justifier ce qui vient de se passer. Rien.
- Tu as fumé quoi cet aprèm' ?
- ... T'es obligée de te moquer de moi ?
- Nan mais tu deviens bizarre, ces derniers temps...
- Oh, ça va, ça va... oublie...
Ces deux-là reprennent leur chemin ; Marjolaine se retourne toutefois derrière elle par moments, encore secouée par ce qui vient de lui arriver. Des farces espiègles comme celle-là, j'en fais souvent. Plus tard, dehors, je traque un homme qui vient de s'engouffrer dans une ruelle déserte et sombre. L'endroit idéal pour un autre de mes tours taquins. Je me faufile discrètement jusqu'à arriver derrière sa tête. Tiens, il lève une main. Oh, c'est juste pour se gratter la tête. Je prends mon inspiration un instant, puis lâche un puissant cri strident, tel que le gars sursaute en criant de frayeur.
- Qu... que... ! Qu, qui est là ?! Hein ?!
Devenue invisible, il n'y voit que du feu. Ses yeux écarquillés affichent une peur bleue. Il sue, il claque des dents, il bégaye. Enfin, il prend la fuite en courant à pleine jambes. J'en ricane un peu, puis perds mon sourire en soupirant. Il faut dire que ces petites farces vicieuses commencent à me lasser, bien que les diverses réactions des gens soient intéressantes à observer. Je fais ce genre de trucs quotidiennement, comme ça pour m'amuser, mais l'intérêt s'estompe avec le temps. Soupir de nouveau. Je termine de franchir cette rue, qui donne sur une autre grande avenue, tout aussi peuplée et dynamique que celle de tout à l'heure. Je m'arrête un peu pour observer les va-et-vient des gens.

Perdue dans mes pensées contemplatives, je n'entends pas arriver quelqu'un derrière moi, et dont je ne me rends compte de sa présence que lorsqu'il dit :
- Tiens, tiens...
Je me retourne. Lévitant sous la lumière d'un réverbère, il est normal que ce jeune homme m'ait aperçue malgré l'obscurité du soir. C'est un gros à lunettes ; il les ajuste avec son index tout en affichant un sourire malsain.
- Tiens, un Feuforêve ! C'est rare ce genre de pomon là, faut que j'le capture !
Excité et impulsif, il s'empare de l'une des sphères rouges et blanches qui ornent sa ceinture. Ces mêmes sphères qui servent à enfermer les Pokémon. La même que celle dont j'étais autrefois l'hôte, me dis-je dans un bref instant de nostalgie.
- Malosse, à toi !
De la sphère lancée en l'air jaillit un éclair blanc, libérant le dénommé Malosse.
Il lui ordonne de m'attaquer. Le chien au crâne de mort obéit ; il court avant de bondir sur moi, crocs et griffes dehors. Futile tentative : au lieu de me toucher il passe à travers mon corps gazeux, celui-ci étant totalement immunisé contre ce genre d'attaques niaises.
- Hein ? Comment ça s'fait ? T'aurais du l'atteindre !
Je soupire quant à l'ignorance de ce type.
- Bon, on va essayer autre chose ! Malosse, utilise ton Lance-Flamme ! ordonne-t-il, avec un peu plus de bon sens.
Le Pokémon s'exécute ; il crache un puissant jet de flammes, dont je sens la chaleur mais que je parviens à esquiver sans problèmes. Une idée me vient à l'esprit. Je fais marche arrière, puis m'en vais en leur tournant le dos. Le dresseur me pointe du doigt :
- Vite, Malosse ! Le laisse pas s'échapper, poursuis-le !
Aussitôt dit, son fidèle molosse se lance à mes trousses avec rage et passion. Moi, je fuis. Non pas que je me sente en danger, mais je cherche à jouer avec lui, ou plutôt se jouer de lui. Je l'entraîne à travers les tas de rues que je connais si bien. Je le mène par le bout du museau, de même que son dresseur qui nous suit en criant sur son chien de m'attraper. Une course-poursuite perdue d'avance qui se déroule à travers les rues mal famées et peu éclairées du quartier dans lequel je viens de les attirer. Le Malosse court à perdre haleine et aboie comme si sa vie en dépendait. Je fais attention à ce qu'il ne me perde pas de vue, pour voir s'il pourra me rattraper dans ce petit labyrinthe urbain.
Un peu plus tard, lassée de ce petit « Jeu », je décide d'y mettre un terme. Arrivée dans ce qu'on appelle, physiquement parlant, une « impasse », je passe à travers un mur qui ne m'oppose aucune résistance. Disparue. Purement et simplement, quelle sera la surprise - et frustration - de mes deux poursuivants. Voilà le premier : je vois arriver - à travers une fenêtre - le clébard des ténèbres qui s'arrête en haletant. Comprenant qu'il a perdu ma trace, il baisse la tête, déçu d'avoir failli à sa tâche. Il est bientôt rattrapé par le second, celui-là à bout de souffle. Il constate :
- Flûte, l'a disparu ! Pas d'bol !
Il marmonne quelques jurons, frappe une poubelle d'un coup de pied, soupire et rappelle son Pokémon avant de s'en aller, bredouille. J'en suis pouffée de rire.
Peu après, je me retourne pour observer l'endroit qui m'a servie d'échappatoire. La lumière est éteinte ; on dirait une baraque abandonnée. Malgré l'obscurité de cette pièce, j'arrive à distinguer quelques caisses, des meubles divers usés et poussiéreux, puis enfin, attaché à une toile, un Mimigal endormi que je ferais mieux de ne pas déranger. N'ayant plus rien à faire ici, je sors par un autre mur, avant de reprendre mes vagabondages, en espérant croiser d'autres gens intéressants à observer. Chose faite, quelque temps après...

Au milieu de la foule de gens, mon regard tombe sur un Léviator brodé sur le dos d'un manteau. Son propriétaire est un chauve, plutôt balourd, assez intéressant - d'apparence - pour que je l'épie. Il se détache de la cohue ambiante, et se dirige vers une ruelle sombre, que je reconnais. Elle mène vers un petit quartier reculé de la ville, sale et mal fréquenté. Il y a des hommes à la mine grincheuse, et quelques filles en tenues légères qui se baladent, joviales et qui semblent chercher à attirer l'attention de mâles en manque. Bref des gens tout aussi louches les uns que les autres. Et une odeur bizarre, suspecte d'être celle de ces breuvages qui font perdre la raison des fois, et que beaucoup d'humains ingurgitent sans modération. En chemin, l'homme en question salue quelques connaissances à lui d'un geste de la main, blasé. Sans même voir son visage, je comprends qu'il s'agit d'un type probablement dangereux. Une aura malsaine qui l'entoure est presque palpable.
Tristesse, rancune, jalousie, haine, et cent autres vices. Tant de sentiments négatifs dont une bonne partie commence à se matérialiser devant mes yeux, en une sorte de fine fumée, à peine visible. Mes orbes écarlates y réagissent en se mettant à luire. J'absorbe cette fumée, forme matérialisée des pulsions négatives émises par les humains. Les perles de mon collier prennent une teinte nettement plus foncée, passant du rouge vif au violet sombre. Soudain, ce fameux individu se retourne derrière lui, comme s'il a senti quelque chose. Surprise : ses traits durs et hideux me font hisser les cheveux. Effrayée, je m'enfuis aussitôt, sans savoir où ce type compte aller au juste. Drôle de rencontre...
Je quitte ce quartier malsain et me dirige vers un autre. En chemin, je croise un Polichombr lévitant, probablement lui aussi en train d'errer sans but précis. Plus tard, je passe près d'un petit spectacle en train de se dérouler : un match Pokémon, sur une place improvisée et entourée de quelques personnes qui encouragent chacun des deux dresseurs. L'un a un Makuhita, l'autre un Rattatac. Ce dernier encaisse une série de coups de poings. A un moment, il parvient à surprendre son adversaire par derrière ; il profite de cette occasion pour planter ses crocs géants dans l'épaule de sa victime, qui s'écroule après, inerte. Déjà fatigué par ses propres efforts, il a suffi au combattant joufflu d'une bonne morsure pour se faire terrasser. Le dresseur gagnant explose de joie, tandis que le perdant rappelle son Pokémon blessé et s'en va sans demander son reste. Les quelques spectateurs s'en vont aussitôt comme si de rien n'était. Moi aussi, je fais de même.

J'arrive dans un parc. Quelques gens qui se promènent, un type qui donne à manger à des Etourmi, un autre essayant d'appâter un Cheniti avec du miel. Et surtout, un couple indiscret en train de s'embrasser chaleureusement, l'un serrant l'autre dans ses bras comme s'ils partageaient la même âme. Étranges manières...
Je m'en vais ailleurs, passant un long moment à circuler de rue en rue, en soupirant de lassitude.

Lassitude toutefois rompue après une heure ou deux d'exploration nocturne. Sur un trottoir, j'aperçois une petite silhouette avec une grosse tête en train d'émettre des sons louches. Je vois : un petit Osselait en train de pleurnicher, voire pleurer. Enfin quelque chose d'à priori intéressant...
On dirait que ses pleurs incessants résonnent dans son casque-crâne en une sorte de mélodie... c'est à peine si j'arrive à l'entendre. Ou alors je me fais des idées, qui sait... je m'approche de cette pauvre petite chose, et lui demande :
- Qu'as-tu ?
C'est à peine s'il daigne me répondre, plongé dans son malheur :
- Ma mère...
Sa mère ? Qu'a-t-elle, et d'ailleurs en a-t-il, déjà ? Les Osselaits ne sont-ils pas censés être orphelins à la naissance ? Ou alors est-ce simplement des balivernes infondées ? Bizarre, et intéressant. Je détourne mes yeux de lui, scrutant de mes iris rouges les environs en espérant voir la mère égarée. Ah, tiens tiens...
Non loin de là, il y a une foule de gens rassemblés autour de quelque chose qui viendrait de se produire. Peut-être que ça a un lien avec cet Osselait... Arrivée au centre des regards, je découvre, étalé par terre, le corps inanimé d'une Ossatueur, qui doit sûrement être la mère de l'Osselait. Je m'approche encore plus, invisible pour éviter d'attirer l'attention des curieux. La pauvre mère paraît inconsciente, et cela si elle n'est pas déjà morte. Car la blessure qu'elle a pourrait bien lui être fatale. En effet, son masque-crâne est très fissuré, et il en coule du sang abondamment. On pourrait presque distinguer des pans de son visage caché, s'ils n'étaient pas couverts de rouge. En face de l'Ossatueur, une voiture. L'arme du crime ? Fort probable, les conducteurs peu vigilants sont monnaie courante de nos jours. C'est fou, en plus de faire du bruit et de la fumée, les voitures ça peut aussi tuer. Mais même avec ça, les humains ne pourraient jamais s'en passer.
Quant aux gens qui observent la scène, ils ne peuvent s'empêcher de commenter le drame :
- Oh mon Dieu, le pauvre...
- C'est la faute du conducteur, l'aurait pu faire attention...
- Ouais, facile à dire, ça...
- Il était pas ivre, au moins ?
- Qui sait...
- Moi je dis que c'est ce pauvre Pokémon qui aurait du faire attention.
- Tous deux auraient du faire attention.
- Mouais...
- Mon petit, ne regarde pas ça ! Allez, on rentre à la maison ! dit une mère en traînant son mioche curieux.
A côté de la voiture, je vois le fameux conducteur désolé en train de s'expliquer avec des types en bleu ; l'un d'entre eux est accompagné d'un Caninos.
- Bah, euh... cet Ossatueur était sûrement en train de courir, il est arrivé si rapidement, j'ai pas pu freiner à temps...
Soudain, de la foule intriguée surgit un jeune homme, qui semble vouloir réagir face à cette situation, à en croire son regard. Il approche de l'Ossatueur inconsciente et la soulève sur don dos. Un type lui propose :
- Eh, on pourrait appeler une ambulance !
- Pas la peine, répond le jeune homme, le centre Pokémon est à deux pas de là !
Ainsi dit-il en allant voir les hommes en bleu, comme pour demander leur permission. Ceux-là hochent la tête après hésitation. Sans plus tarder, ce brave jeune homme, l'Ossatueur sur son dos, accoure vers ce qu'il appelle « Centre Pokémon ». Curieuse, je décide de le suivre pour voir. J'avance, puis je fais demi-tour : j'ai oublié le petit Osselait. Je retourne aussitôt auprès de lui, pour le prévenir qu'on va soigner sa mère. Enthousiaste à cette idée, mais toujours aussi bruyant, il me suit. Il pleurniche encore. Je lui somme de sécher ses larmes et de me suivre en silence.
Nous y voilà. L'endroit est bien éclairé et spacieux. Il y a pas mal de gens avec leurs divers Pokémon, blessés ou pas. Et plein d'infirmières circulant dans tous les sens, accompagnées de Leveinards et autres Leuphories. Un souvenir éphémère me revient à l'esprit, me rappelant des fois où j'allais à des centres pareils, quand mon ancien dresseur était encore de ce monde.
Tout à coup, une des infirmières tourne la tête vers nous deux. Elle vient d'apercevoir le petit Osselait perdu, mais pas moi. Elle s'approche, curieuse.
- Tiens, qu'avons-nous là ? Un Osselait, mais d'où vient-il...
Elle s'accroupit pour l'examiner.
- Pauvre petit bout de chou... Ah, je vois ! La pauvre Ossatueur qu'on a apportée tout à l'heure doit être ta mère, n'est-ce pas ? Pauvre petit, il se peut que tu deviennes orphelin...
L'Osselait reste impassible à ses paroles, ne les comprenant même pas. L'infirmière le porte dans ses bras, il se laisse faire.
- Allez viens, je vais m'occuper de toi. Au pire des cas, je serais là pour prendre soin de toi. Merci qui ?
Elle lui caresse le crâne en l'emmenant avec elle. Elle disparaît derrière une porte en disant :
- Au fait, il faudrait te donner un surnom, toi...
Il a plutôt de la chance, il ne sera pas tout seul face aux aléas de la vie, quelqu'un d'autre que sa mère sera là pour le protéger. Quant à moi, cette histoire close – quoique l'avenir de l'Ossatueur reste incertain, je m'en vais en passant par un mur, alors qu'un dresseur vient d'entrer par la porte, un Pifeuil dans les bras.

Mon ventre gargouille un peu ; j'ai besoin de me nourrir. Pas de sentiments négatifs cette fois-ci, mais bien quelque chose de comestible. J'avance un peu avant d'apercevoir un marchand de fruits au loin ; j'y vais. Je vole discrètement une pomme. Petit larcin pour remplir des besoins naturels. Le marchand sans clients ne se rend compte de rien, j'en profite pour filer en douce. J'use de mes quelques pouvoirs psychiques pour maintenir la pomme en suspension dans l'air, puis la déguste. Rassasiée, je lâche les restes qui tombent par terre. Ils ne tardent pas à se faire écraser par le poids d'un passant étourdi, qui met un moment à réaliser sur quoi il vient de marcher. Je reprends mon errance à travers les rues sombres de la ville, en frissonnant à cause du froid qui commence à se faire sentir de plus en plus.

Plouf !
Enfin, je n'ai rien entendu mais je me suis imaginée ce son quand quelque chose tombée du ciel m'a picoté le front. Je lève les yeux vers le ciel sombre, chargé d'une horde de nuages à peine visibles. Une goutte d'eau, peut-être ? En effet, c'est bien ça : une seconde goutte tombe, et une troisième, quatrième, et ainsi de suite. Bientôt, tout d'un coup, une forte averse s'enclenche, chassant les passants qui courent pour se réfugier. D'autres, plus clairvoyants, ouvrent leurs parapluies et continuent leurs chemins comme si de rien n'était. Moi, je pars m'abriter sous un arbre, car bien que j'aime la pluie, je n'ai guère envie de me prendre une douche ; mes cheveux en pâtiraient.
La pluie est plutôt fréquente durant cette période de l'année, que les humains appellent « Novembre ». J'observe les innombrables gouttes d'eau qui mitraillent le sol dans un doux fracas incessant. Lugubre mélodie, au rythme unique...

Ennui. C'est la sensation qui me taraude voilà un joli bout de temps. Je pousse un long soupir pour la énième fois cette nuit, en attendant que cette pluie morose veuille bien cesser. Après un temps – que je serais incapable de quantifier – passé à attendre, les gouttes d'eau commencent à se faire moins nombreuses, moins agressives. Bientôt presque plus rien. Je sors de ma cachette...
Seule dans la nuit, je continue mon chemin incertain, ne sachant où aller. Je commence à bailler un peu ; il serait peut-être temps de retourner vers mon immeuble pour me coucher. Et après un beau jour de sommeil, je me réveillerais une fois de plus la nuit tombée pour parcourir la ville nocturne. Bon sang, mais quelle routine lassante... même si de temps en temps il se passe des choses assez intéressantes, comme l'Osselait d'il y a quelques heures ou le dresseur au Malosse, cette vie de vagabonde nocturne m'ennuie. Marre d'explorer tant d'endroits qui se ressemblent presque tous...
C'est alors que, perdue dans le noir et la solitude, une idée et pas des moindres me traverse l'esprit : et si je quittais cette ville ? C'est vrai quoi, il n'y a plus grand chose à découvrir ici ; à peu près le même décor se répète chaque nuit. Même mes tours malicieux me laissent de marbre ces derniers temps...
Je commence à me persuader d'accomplir cette idée excitante... J'ai besoin de changement, de briser la routine, sinon ma vie n'aura que peu de sens, si je passe le reste de mes jours à errer sans cesse dans ces innombrables rues. On dit qu'il y a une forêt à la sortie de la ville ; j'irais voir ça de mes propres yeux. Et de toutes façons, je n'ai rien à perdre ou laisser ici. Oui, je pense que c'est ça : Je vais quitter cette ville de malheur, et aller explorer la nature, qui est bien mon habitat originellement naturel. Là-bas, il est possible que je me fasse capturer de nouveau par un dresseur quelconque, ou que j'aie à affronter de puissants Pokémon sauvages, mais ça m'importe peu ; je saurais apprécier le goût du risque. Ma vie pourra enfin prendre un tournant, un vrai sens. C'est décidé : demain je pars. Mais pas maintenant : J'ai sommeil, et l'aube est proche.

Le lendemain, la petite Fadette quitte la ville sans se retourner derrière elle. Elle ignore ce que lui réserve un futur proche...