Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

φ Les récits de Feather φ
de Feather17

                   



Si vous trouvez un contenu choquant, vous pouvez contacter la modération via le formulaire de contact en PRECISANT le pseudo de l'auteur du blog et le lien vers le blog !

» Retour au blog

Sociologie Pokémon #1 : Quel est le statut des Pokémon ?

Sociologie Pokémon #1
Quel est le statut des Pokémon ?


« Ce monde est peuplé de créatures du nom de Pokémon. Pour certains, les Pokémon sont des animaux domestiques. Pour d’autres, ils sont un moyen de combattre. » — Professeur Chen, Bourg-Palette, 1996.


Ce sont par ces mots que débute la quête de Pokémon de Red, dans les versions Rouge et Bleu. S’il ne s’agit que d’une brève introduction au parcours qui l’attend, ces deux phrases contiennent en elle-même bien des informations intéressantes sur la manière d’appréhender les Pokémon par les humains.

Quel est le statut des Pokémon ? Ont-ils des droits et des libertés ? À quel point sont-ils domestiqués, utilisés, ou, pire, esclavagisés par les humains ? En d’autres termes, comment les humains se sont-ils appropriés les Pokémon et comment ont-ils organisé leur mode de vie ?

Afin de répondre à ces questions, et parce que le format des articles Sociologie pokémon me contraint à de courts textes, je ne me baserai que sur les premiers instants vécus par Red lors du démarrage de ses aventures.

Il est nécessaire de revenir un instant sur les faits afin de bien comprendre la suite de l’analyse. La quête de Red commence sur les chapeaux de roue. Lorsque le jeune dresseur désire quitter Bourg-Palette, le village où il habite, il ne peut le faire que de deux manières : via un chenal au sud (il apprendra plus tard qu’il nécessite l’utilisation d’un Pokémon de type eau), ou en empruntant la Route 1 au nord, parsemée de hautes herbes. Seulement voilà, à peine pose-t-il un pied dans ces hautes herbes que le Professeur Chen l’accoste en lui interdisant de faire un pas de plus. L’avertissement est sérieux : « [d]es Pokémon sauvages infestent les hautes herbes ! Il te faut un Pokémon pour te protéger » (1).

À ces mots, le Professeur Chen conduit le jeune Red à son laboratoire où il lui révèle que dans ses jeunes années, il était « un sacré dresseur de Pokémon » (1) mais qu’aujourd’hui, il ne lui en reste que trois. C’est alors que Red obtient l’autorisation par le scientifique de s’en procurer un pour lui, à la suite de quoi son rival lui propose un duel afin de tester leurs Pokémon respectifs. C’est ainsi qu’à peine obtenu, sous les yeux du Professeur Chen et dans son propre laboratoire, les deux Pokémon au niveau 5 s’affrontent dans un combat qui fera rapporter 175 Pokédollars à Red.

Après sa défaite, Blue annonce qu’il va entraîner son Pokémon afin de gagner son prochain combat contre Red. Red est alors libre de tracer son chemin sur la Route 1 en compagnie de son Pokémon qui le protégera des « Pokémon sauvages [qui] infestent les hautes herbes » (1), pour reprendre les propos du scientifique. Afin de traverser la route, deux options s’offrent à Red : fuir les Pokémon sauvages qui l’attaquent ou les terrasser. Plus tard, lorsqu’il aura fait le plein de Pokéball, il aura aussi le droit de se les approprier en les capturant. Une fois son équipe de six Pokémon remplie, il pourra même stocker ses Pokémon de trop dans une boîte PC, un ordinateur capable de garder les Pokémon dans leurs Pokéball.

Arrivé à Jadielle, Red découvre les lieux publics en lien avec sa quête de dresseur : un Pokéshop ainsi qu’un Centre Pokémon. Le premier est un magasin entièrement dédié aux biens de la consommation lié aux Pokémon. Il montre à quel point le dressage et les combats de Pokémon sont institutionnalisés dans le quotidien des humains de Kanto (la Ligue Indigo en est une autre preuve). Le second, en revanche, est d’autant plus intéressant à analyser : le Centre Pokémon permet aux dresseurs de soigner gratuitement ses Pokémons blessés, de stocker gratuitement ses Pokémons dans un ordinateur, de les échanger ou de combattre gratuitement avec un autre dresseur (étranger ou non). L’information la plus capitale, ici, est bien entendu la gratuité de chacun des services offerts.


Ce premier tableau dressé, il est intéressant de se référer à quelques définitions théoriques.

La domestication est le processus durant lequel l’interaction prolongée et délibérée d’une espèce animale par des communautés humaines provoque « l’acquisition, la perte ou le développement de caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux nouveaux et héréditaires. […] Elle se traduit par une modification plus ou moins profonde du patrimoine génétique de l’espèce, voire la formation d’une espèce génétiquement disjointe (non interféconde avec l’espèce originelle » (2). L’exemple le plus courant est le passage du loup au chien au fil de milliers d’années d’interaction avec les êtres humains.

Le Professeur Chen, dans son premier discours à Red, mentionne le fait que certains êtres humains ont domestiqué les Pokémon comme des animaux. Cela signifie-t-il que les Pokémon ont, comme lointains ancêtres, des animaux aux caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux différents des leurs ? Autrement dit, les Pokémon proviennent-ils d’animaux sans pouvoirs magiques, ayant été domestiqués au fil des millénaires par les ancêtres des habitants de Kanto ? Cela est une des possibilités. Cependant, dans ce cas, n’y a-t-il plus aucun animal ? A l’instar du loup dans notre réalité, les animaux ancêtres des Pokémon sont-ils toujours contemporains ? A cette question, il est difficile de répondre car jamais il n’est fait mention, dans le jeu, de la présence d’autres espèces.

Néanmoins, il s’agit de s’intéresser à une deuxième compréhension du terme « domestication » : « la transformation d’une espèce sauvage en espèce soumise à une exploitation par l'homme, en vue de lui fournir des produits ou des services » (3). Il est à présent facilement démontrable que la domestication des Pokémon se retrouve dès les premières secondes des aventures de Red, avec la possibilité pour lui de s’en procurer à loisir en les enfermant dans des Pokéball et d’en tirer des services, tels que des prestations dans des combats Pokémon.

De cette manière, si pour certains les Pokémon ont été domestiqués, le Professeur Chen explique aussi que d’autres les utilisent dans des combats. Les combats d’animaux ont toujours existé, à toute époque et partout dans le monde, et sont décrits de la manière suivante : ils mettent en scène des animaux domestiques ou semi-domestiques (animaux qui vivent principalement à l'état sauvage, mais qui ont des contacts et des expériences avec les humains (4)) dans des combats (à mort ou non) organisés par les propriétaires et dont l’issue peut résulter à une récompense pour le propriétaire de l’animal vainqueur (5).

Les Pokémon entrent aussi bien dans la catégorie des animaux domestiques (étant donné la description du Professeur Chen) que dans celles des semi-domestiques : en effet, les dresseurs ont aussi la possibilité de les relâcher une fois leur besogne accomplie. De plus, les combats Pokémon offrent bel et bien une récompense pécuniaire pour l’humain victorieux ainsi qu’une récompense symbolique (un badge d’arène) dans le cadre d’un combat d’arène. Le Pokémon, lui, ne reçoit aucune récompense à la suite de son combat. Cependant, jamais un combat Pokémon ne débouche sur la mort d’un des deux combattants.

Voici donc les deux manières d’aborder les Pokémon selon le Professeur Chen : la domestication, résultant sur la naissance d’une nouvelle espèce, ou le combat, résultant dans l’utilisation des espèces présentes pour le divertissement et l’enrichissement pécunier de leurs propriétaires. Ceci dit, le Professeur Chen omet (volontaire ou non) une troisième possibilité quant à la description du statut des Pokémon : l’esclavage.

L’esclavage se définit par « l'état d'une personne qui se trouve sous la dépendance absolue d'un maître qui a la possibilité de l'utiliser comme un bien matériel. Il est la privation de la liberté de certains hommes par d'autres hommes, dans le but de les soumettre à un travail forcé, généralement non rémunéré. Juridiquement l'esclave est considéré comme la propriété de son maître. A ce titre, il peut être acheté, loué ou vendu comme un objet » (6).

A bien des égards, ce statut est révélateur de certains vices dans la société de Kanto. Premièrement, les Pokémon, une fois attrapés, sont bel et bien sous la « dépendance absolue » de leur maître. Utilisés comme des biens matériaux, ils sont privés de libertés lorsqu’ils sont enfermés dans leurs Pokéballs et interdits de s’enfuir de l’équipe de leurs maîtres, et soumis à un travail forcé non rémunéré (que ce soit lors d’un match d’arène, d’un combat entre dresseurs ou même l’édification d’un bâtiment à Carmin-sur-mer). Un Pokémon peut être acheté et vendu, en témoignent les dresseurs qui tombent dans l’arnaque de l’achat du Magicarpe près du Mont Sélénite, mais aucun exemple de location n’a encore été identifié, ce système étant remplacé par l’échange gratuit de Pokémon d’un dresseur à l’autre.

Néanmoins, il est une caractéristique de la notion d’esclavage qui ne peut être omise : l’esclavage se pratique au sein d’une même espèce. Les Pokémon n’appartenant pas à la même espèce que les êtres humains, il ne peut être question d’esclavage dans le cas d’un Persian combattant pour le compte de la Team Rocket sans son consentement.

Ceci dit, n’y a-t-il vraiment aucun consentement de la part d’un Pokémon ?


Lorsque Red revient de sa commission et livre son colis au Professeur Chen, ce-dernier lui soutient que son Pokémon semble bien l’apprécier (1). Cette scène se déroule après quelques combats menés sur la Route 1. Ainsi, l’affection que porte le Pokémon à son dresseur a-t-il un rapport avec les combats que celui-ci le force à mener ?

Dans le monde des Pokémon, les humains ont attribué des niveaux de force à leurs Pokémon. Le Pokémon que choisit Red au début de sa quête est au niveau « 5 », et il augmente de niveaux au fur et à mesure de ses combats gagnés, ce qui lui permet d’apprendre de nouvelles capacités, à l’image d’un bébé qui, au fur et à mesure des années, gagne en compétence dans la vie.

De cette manière, le Pokémon de Red ayant combattu sur la Route 1, est monté de niveau lors de la deuxième rencontre avec le Professeur Chen. Le scientifique déclare alors : « [j]e crois qu’il t’aime bien » (1). Si l’on en croit les propos du Professeur Chen, il a fait de l’étude des Pokémon la mission principale de sa carrière tout au long de sa vie. Se fier à son ressenti, c’est faire confiance à ses longues années d’étude. Ainsi, si l’on considère qu’il est compétent, doit-on en comprendre que les combats gagnés ont permis au Pokémon de se sentir à l’aise avec son dresseur ? Y a-t-il une nécessité de la part du Pokémon d’être violent pour aimer son dressage ?

Une autre observation peut être faite dans ce sens : les Pokémon surentraînés n’écoutent plus leurs maîtres tant que ces derniers n’ont pas obtenus un badge d’arène supplémentaire. Les Pokémon auraient donc la conscience du progrès de leurs maîtres et refuseraient d’obéir tant que leurs maîtres n’ont pas obtenu la reconnaissance de leur progrès à travers un badge. En résumé, le Pokémon serait-il une espèce de créature consciente de son niveau de pouvoir et désireuse d’obtenir de son maître la reconnaissance d’un tel pouvoir afin de lui présenter du respect ?

Dans ce cas, peut-on parler de domestication de la part des êtres humains ? Se peut-il que dans le passé de ces individus, leurs ancêtres aient été contraints par les Pokémon eux-mêmes de gérer leur violence en leur octroyant la possibilité de se battre sous des ordres et en leur octroyant des reconnaissances symboliques ? En d’autres termes, il est possible que l’organisation de la vie des Pokémon se soit développée de cette manière à cause de la nature-même de ces Pokémon.

En conclusion


Si l’on ne peut vraisemblablement pas parler d’esclavage, les Pokémon font bel et bien l’objet d’une domestication par les êtres humains qui se sont appropriés leurs corps en se permettant de les enfermer dans des Pokéball, et leurs pouvoirs en les dressant afin de combattre les uns contre les autres. Cette domestication utilitariste des Pokémon se traduit dans la réorganisation politique de la société humaine, avec le développement de commerce entièrement centré sur le dressage et l’utilisation des Pokémon, et de services gratuits (tels que les Centres Pokémon) pour permettre un développement rapide de ce dressage. Enfin, quant au statut politique des Pokémon, aucune mention n’en est faite dans les jeux, mais la privation de liberté ainsi que l’utilisation capitaliste des Pokémon rapprochent ces créatures d’un statut de bien matériel destiné à l’économie humaine. Toute l’organisation politique centrée autour des combats de Pokémon ne mérite-t-elle pas une attention particulière ? Les Pokémon pourraient être conscients ou non de leur domestication, consentants ou non, les êtres humains ne demeurent pas moins responsables de la création d’une Ligue Pokémon qui mérite en elle-même une étude approfondie.[/i]


Sources


(1) Pokémon Version Rouge, 1996.
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Domestication#cite_note-2
(3) https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/domestication/26363
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Semi-sauvage
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Combat_d%27animaux
(6) http://www.toupie.org/Dictionnaire/Esclavage.htm

Article ajouté le Dimanche 26 Juillet 2020 à 17h16 | |

Commentaires

Chargement...