La malédiction [OS] de Praxy

Elle et moi, on se connaissait depuis toujours. Mais j'ai tout gâché. Pourtant, elle m'a pardonné...

Tous les deux, on a grandi et voyagé ensemble. Lorsqu'on s'est rencontré, chacun a compris les sentiments de l'autre et on est vite devenu inséparable. Elle était toujours prête à tout pour moi ...
Mais tout a changé le jour où j'ai accepté ce stupide défi.
Avec des amis, on s'était rendus dans la montagne de glace. À l'époque, j'adorais démystifier les légendes de ce genre de lieux, tout comme eux. On racontait que la montagne était un passage entre notre monde et un autre, peuplé uniquement de Pokémon.
Mais ce pourquoi on était là, c'était le Feunard qui vivait là-bas. Les légendes qui entourent ce Pokémon sont tellement nombreuses que je ne pourrais pas toutes les citer, et celles entourant celui que nous allions rencontré l'étaient encore plus. Nous avions fait un pari. Celui qui arriverait à toucher sa queue pour prouver que rien ne se passerait gagnait le poste de chef de la bande. On s'est rué vers la montagne. Elle était à mes côtés, elle y était tout le temps, elle n'aurait voulu m'abandonner pour rien au monde. On a cherché longtemps dans la grotte, toute la journée, jusqu'à la nuit. Tous les deux, nous nous sommes finalement aventurés dans une caverne où des parois glacées nous reflétaient tel des miroirs, et donnaient l'impression d'une multitude de mondes qui nous entourent. C'était peut-être de là que venait la légende ...

Quand nous sommes sortis, un autre magnifique spectacle s'offrait à nous. Des aurores boréales aux couleurs de l'arc-en-ciel qui dansaient dans le ciel comme un voile mystérieux. On s'est assis dans la neige, et on a admiré le spectacle, malgré le froid. Puis on s'est remis en route. On avait un Feunard à trouver après tout ! Et on l'a trouvé ...

C'en était presque trop facile ... Il était simplement installé sur un rocher juste un peu plus loin. Lorsque je l'ai vu j'ai foncé sur lui. Il a voulu m'esquiver mais j'ai réussi à m'accrocher à sa queue. À ce moment-là, on aurait dit que le monde se refermait autour de nous. Le ciel est devenu sombre et orageux, les aurores boréales formaient comme un mur violet autour de nous. Nous ne pouvions plus nous échapper. J'ai alors entendu une voix comme si elle résonnait dans ma tête.
« Tu seras maudit, humain. »

Le Feunard s'approchait de moi, entouré d'une aura nébuleuse. Mais elle s'interposa entre nous et me protégea. À cet instant, je vis une brèche dans la barrière et je m'y suis engouffré en vitesse. J'ai pris mes jambes à mon cou.

Cependant, alors que je fuyais, d'un coup, j'ai été tout simplement incapable de bouger. De nouveau, cette voix résonna dans ma tête.
« Humain ... tu m'as déçu ... La punition que je te réserve sera terrible. »

Puis plus rien, tout semblait être revenu à la normale. Je suis revenu en arrière. Je n'ai pas retrouvé Feunard, mais seulement le corps inerte de ma partenaire. Je l'ai prise dans mes bras et je me suis mis à pleurer et à crier.
Je l'ai ramenée à notre campement, proche d'un village du pied de la montagne. En arrivant, la première chose que me demanda l'un de mes amis était :
« Hé ! T'as trouvé l’Feunard ? »
Je n'ai même pas eu le courage de dire la vérité. J'ai prétendu un accident qui avait entraîné la mort de ma partenaire. Mes soi-disant amis, plutôt que d'essayer de comprendre ma douleur, tentèrent chacun leur tour de me rassurer sans succès.
«  Bah ... tu sais les Pokémon c'est comme les femmes, une de perdue dix de retrouvées !
- Puis il était pas si puissant que ça ...
- Si ça te rassure on peut te prêter l'un des nôtres. Et puis ...
- Assez ! »
Je leur ai coupé la parole. Mon sang n'a fait qu'un tour. Je n'en pouvais plus, je me sentais seul face au monde entier. J'ai laissé exploser ma rage.
« Vous pouvez pas comprendre ! Gardevoir était plus qu'un simple Pokémon pour moi ! Elle était ma partenaire, ma confidente, ma sœur ! Oui, je tenais à elle comme si c'était ma sœur ! Et personne, et surtout pas vous, ne pourras jamais la remplacer ! »
Et sur ces mots, je suis parti en courant le plus loin que j'ai pu.

Je suis allé enterrer le corps de Gardevoir au pied du mont. Je n'ai même pas réussi à remonter là-haut pour lui rendre le dernier hommage qu'elle aurait mérité. Je n'ai jamais été particulièrement courageux, mais ce jour-là j'ai été lâche, et ma lâcheté m'a coûté la vie de ma compagne de toujours, la honte face à mes amis, et même bien plus encore ...
Les nuits qui ont suivi, je n'ai pas fermé l’œil. Je me sentais très mal de ce que j'avais fait. Ou plutôt de ce que je n'avais pas fait. Quand j'arrivais à dormir un peu, j'étais agité par d'horribles cauchemars. Je revoyais Feunard et Gardevoir face à face. J'imaginais la douleur qu'elle devait ressentir. Et j'avais l'impression que quelqu'un m'observait et me jugeait dans mon dos.

Le temps a passé mais ma blessure ne s'est pas refermée ... Au contraire c'est devenu de pire en pire ...

J’ai été hanté en permanence par ce cauchemar. La nuit, comme le jour, j’y pensais tout le temps, sans arriver à m’en détacher. Ma vie était devenue un véritable enfer. Alors j’ai commencé à chercher du soutien. J’ai tout essayé : thérapies, séances avec des psychologues, hypnoses … rien ne marchait. Je supportais de moins en moins ce poids et j’avais l’impression qu’il devenait de plus en plus lourd pour moi.

Au bout d’un an, je me suis rendu me recueillir sur la tombe de Gardevoir et j’ai prié pour elle. Je n’aurais jamais fait ça avant mais le surnaturel ne me semblait plus si étranger, je voulais croire qu’elle avait droit à une seconde chance dans un monde meilleur. J’ai pleuré un moment, j’aurais presque voulu la rejoindre. Puis j’ai ressenti quelques choses de plus profond. Tout ça c’était la faute de ce Feunard ! Il m’avait tout pris ! Et il allait me le payer … De toutes façon, je n’avais plus rien à perdre.

J’ai gravi de nouveau la montagne, et j’ai retrouvé l’endroit où je l’avais rencontré. Au début, il ne s’est rien passé, puis de nouveau la brume, les nuages et les aurores sont apparus, et j’ai vu au-dessus de moi, trônant sur un rocher, mon ennemi. Feunard. J’ai voulu lui sauter dessus pour le piéger, le torturer, le tuer, accomplir ma vengeance. Il s’est contenté de descendre de son piédestal et de me juger de son regard brûlant. Il avait le don de m’énerver celui-là ! Je lui ai hurlé dessus et il s’est enfui. J’étais étrangement à la fois satisfait de lui avoir fait peur et dégoutté de ne pas lui avoir fait payer plus cher. Mais j’ai rapidement compris que ce n’était pas de moi qu’il avait eu peur. Mon cri avait provoqué une véritable avalanche juste au-dessus de nous. Je n’ai pas été assez rapide pour me mettre à l’abri. J’ai été totalement emporté dans cette masse de neige, dans laquelle je pouvais à peine respirer, et je me suis évanoui.


Je ne sais pas combien de temps je suis resté inconscient. En fait, dire que j’étais "inconscient" n’avait pas vraiment de sens. Quand je me suis "réveillé", pendant un instant, j’ai été un peu perdu, comme si je sortais d’un rêve étrange. Mais tout ce que j’avais vécu était bien réel. Où étais-je donc ? Autour de moi, il n’y avait que le noir total, le silence parfait, le froid absolu, le vide. Ou plutôt j’étais privé de tous mes sens, je ne ressentais plus rien qui venait de l’extérieur, ni lumière, ni sons, ni odeur, ni chaleur. Je n’arrivais même pas à sentir ou à bouger mon corps.

Mais je ressentais tout ce qui venait de l’intérieur de moi. Ma tristesse, ma colère, mes peur, ma joie perdue. Je me suis laissé aller à la nostalgie et je me suis rappelé de tous les bons moments que j’avais passés avec ma partenaire. C’était la seule chose à laquelle je voulais me rattacher, j’aurais voulu effacer tout le reste. Rien avant elle, rien après, et seulement elle quand elle était encore là. J’ai entendu une voix qui m’a dit de me libérer et il m’a semblé que c’était la sienne. À cet instant, je me suis dispersé. Au sens littéral : j’avais l’impression d’être partout et nulle part à la fois. En me rassemblant, j’avais effacé toute trace de ce que j’avais été. Il ne me restait que deux choses. Un nom. Gardevoir.

Un sentiment de plénitude m’a envahi à ce moment mais s’est brisé d’un seul coup. Une autre voix qui me semblait familière m’a dit que je n’avais pas le droit d’oublier si facilement. Et quelques autres souvenirs me sont remontés immédiatement. J’avais été humain. J’étais responsable de la mort de quelqu’un. Le pire, c’est que ça ne m’a pas gêné. Je m’en fichais. Et mes autres souvenirs me reviendraient petit à petit, tant mieux. Mais j’allais quand même profiter de ma nouvelle vie.

J'ai eu un peu de mal à me lever, comme si je ne contrôlais pas bien mon corps. J'ai regardé mes mains, puis je suis allé voir mon reflet dans une source d'eau un peu plus loin. J'étais donc devenu un Ectoplasma ... Après tout ça me paraissait presque logique, même si j'étais un peu déstabilisé. Au bout de quelques jours, je m'y suis habitué. J'ai rencontré un duo assez spécial. Il était composé d'un Abo et d'un Charmina, et se nommait l'Équipe Perfide. Ils s'amusaient à faire les quatre cent coups au village le plus proche. Je les ai rejoints sans conviction, mais très vite j'y ai pris beaucoup de plaisir. On volait, parfois on se battait, et le reste du temps on se la coulait douce. Puis j'ai eu une idée. Les villageois ne nous aimaient pas du tout et nous empêchait d'entrer dans le village autant que possible. On a alors formé une "Équipe de Secours". En gros, on plumait les gens en échange de services, et en plus on se rendait indispensable pour les habitants du village. On pouvait donc continuer nos magouilles tranquillement. J’ai profité de tout ça durant des années ... jusqu'à ce qu'il arrive... L'Humain ...

Lorsqu'ils sont arrivés, on aurait dit simplement deux petits Pokémon qui ne payaient pas de mine. Après avoir secours un gamin, ils s'imaginaient déjà devenir une grande équipe de secours. Je voulais les laisser savourer un peu leurs rêves avant de les détruire. Des rêves… Les miens étaient devenus un peu étrange quand ils sont arrivés …

Le seul petit problème, c'est qu'ils étaient plus appréciés que nous au village, alors on devait faire profil bas. Les catastrophes naturelles se multipliaient, notamment les tremblements de terres qui devenaient assez fréquents même si ils restaient faibles, et la petite équipe en profitait bien pour sauver les Pokémon en danger comme ce minable Taupiqueur enlevé par un Airmure … Ils profitaient simplement des conditions actuelles ! Au bout d'un moment, ils commençaient à être reconnus et à recruter alors j'ai décidé d'agir. Mais le jour même, une rumeur s'est répandue comme une traînée de poudre dans le village : la célébrissime et puissante équipe d'Alakazam était là ! Cette épique était de rang Or, c’est à dire que c’était la plus puissant des équipes actuelles. Et effectivement, il passait par ici, accompagné de ses partenaires, Dracaufeu et Tyranocif. J'ai écouté la conversation qu'il avait avec un autre meneur d'équipe : Tengalice. Il lui reprochait de refuser une mission qui n'était pas bien payée. Personnellement, je ne voyais pas où était le problème. Mes deux petits naïfs sont passés à ce moment-là. Étrangement, Alakazam a un l'air curieux par rapport à l'un d'eux. À surveiller donc, ça pouvait être intéressant. Ça m'a d'ailleurs rappelé que j'avais un piège à leur tendre mais pas tout de suite, pas en public.


Dès le lendemain, j'étais prêt. Je leur ai pris leur courrier sous leur nez. Ils faisaient une de ces têtes ! En plus, ces lettres étaient des missions plutôt bien payées, on ne s’est pas privés pour les réaliser à leur place et s’en mettre plein les poches. Le pire, c’est que ça n’a pas suffi pour les décourager. On a donc élaboré un plan B. Le petit Chenipan les admirait beaucoup car ils étaient venus les sauver. On allait vite utiliser ça à notre avantage. Alors qu’il jouait avec son meilleur ami Chrysacier, on s’est débrouillé pour que ce dernier se perdre dans la forêt. L’effet prévu arriva immédiatement : le petit Pokémon courut demander de l’aide à ses héros. On s’est alors proposé pour accomplir ce sauvetage, contre une jolie récompense évidement. Le gamin s’est mis à trembler :
« Mais, monsieur … Ma mère est pauvre, je n’ai pas de quoi payer …
- Ne tant fais pas pour ça … on va s’arranger …
- Qu’est-ce que vous mijotez ?! »
J’avais réussi à attirer leur attention, tout se déroulait comme prévu.
« Vous voulez participer au sauvetage ? Bien … faisons une course et disons que Chenipan rejoindra l’équipe des gagnants ! »

Tous se sont indignés, et ont voulu refuser, mais je ne leur ai pas laissé le temps. On est parti le plus vite que possible. Abo et Charmina ricanaient et me félicitaient alors que nous nous rendions au cœur de la forêt. Je savais que les deux autres n’abandonneraient pas alors on leur a tendu un piège. Notre petite embuscade était prête, et il n’a pas fallu beaucoup de temps avant qu’ils n’arrivent. On leur a sauté dessus et on les a défiés en combat. Ceux à quoi on ne s’attendait pas, c’est qu’ils soient aussi forts. Leurs apparences faiblardes cachaient leur vraie force ! On s’est battus tant bien que mal mais ils nous ont mis une raclée, et ils nous ont fait la morale. Au final, c’est eux qui ont gagné la course et dont l’estime a grandi dans le village. Cette fois, je ne voulais plus juste les faire tourner en bourrique. Je voulais me venger. Leur faire vraiment du mal. Et rien ne pourrait m’en empêcher.

Pendant des jours, j’ai cherché un moyen de leur faire payer. Ils devenaient de plus en plus insupportables. De missions en missions, ils gagnaient en puissance. Des cauchemars de mon passé resurgissait sans que je puisse rien faire. J’ai commencé à craquer lorsqu’ils sont revenus victorieux d’un combat contre le légendaire Élector tout en ayant sauvé Tengalice. Même Alakazam était impressionné. J’ai espionné la discussion qui a eu lieu juste après. Je n’ai pas tout compris, mais il leur a conseillé d’aller voir voir Xatu pour qu’il leur explique quelque chose.

Intéressé, je les ai suivis le lendemain en me cachant dans les ombres. Le donjon qu’ils devaient traverser était un grand ravin, et je pouvais me tapir un peu partout dans l’obscurité. J’étais obligé de rester derrière ces deux idiots, c’était eux qui nous dégageaient le passage de tous les autres Pokémon qui barraient leur chemin et le mien du même coup.

Depuis le sommet, le paysage était magnifique, des dizaines de petites montagnes sous le soleil couchant. D’après ce qu’avait dit Alakazam, ce lieu s’appelait la Colline des Anciens. Les deux petits se sont approchés et s’adressèrent au Pokémon qui admirait ce panorama. Au début, il ne répondit rien. Puis d’un coup, il poussa un cri incompréhensible :
« L’équilibre du monde rompu !… La malédiction ! … La fin du monde approche ! »

Personne n’a compris ce qu’il voulait dire. Après cet instant de folie, il s’est retourné et s’est mis à leur parler comme si de rien n’était.
« Vous êtes là tous les deux, je vous attendais.
- Qui vous a prévenu de notre arrivée ?
- Les astres. Ils me disent tout du passé, du présent et de l’avenir. De la raison qui vous amène ici. De l’identité de ton partenaire.
- C’est vrai ? Vous savez qui je suis et pourquoi je suis là ?
- Bien sûr. Tu n’es pas un Pokémon comme les autres. Tu es humain. Ta venue dans ce monde … C’est probablement lié au danger que ce monde court …
- Probablement ? Je pensais que vous saviez tout ...
- Les astres ne montrent que ce qu’ils veulent montrer. L’équilibre du monde est menacé. Je ne peux rien dire de plus. Vous devriez rentrer chez vous. Le temps finira par vous montrer ce que vous cherchez. »

Je n’ai pas perdu une miette de cette discussion. Toutes les informations que j’avais pu récupérer allaient bien me servir. J’ai continué de les suivre jusqu’à ce qu’ils aillent se coucher. Cette nuit-là, un cauchemar de mon ancienne vie est revenu me hanter, toujours plus fort. Le lendemain, grâce à moi, tout le village s’agitait. J'ai raconté tout ce que j'avais vu et entendu à la Colline des Anciens. La menace d’un équilibre brisé avait ranimé une vieille légende. Je ne la connaissais pas moi-même mais Barbicha, le conteur du village, s’est fait un plaisir de la raconter à tous.

« Celui qui essaie d’attraper l'une des neufs queues d'un Feunard, sera maudit pour 1000 ans.
Un jour, un humain imprudent attrapa l'une des queues d'un Feunard.
Alors qu'il allait être maudit, une Gardevoir le protégea et sacrifia sa vie pour sauver l’humain.
Pris de pitié pour le pauvre Pokémon, Feunard demanda à l’humain s'il voulait sauver Gardevoir.
Malheureusement, le lâche abandonna sa sauveuse et s'enfuit.
Feunard, déçu par le comportement de l'humain, transforma alors sa malédiction en une prédiction :
''Cet humain renaîtra un jour en tant que Pokémon... Et quand cela arrivera... L’équilibre du monde sera rompu.''
Personne ne sait ce qui arriva à l’humain, mais il ne pourrait pas échapper au destin qui lui avait été imposé. »

J’ai eu un frisson qui m’est remonté dans le dos lorsque j’ai entendu cette histoire, sans vraiment savoir pourquoi. Mais certain villageois commençaient à se dire que c’était bien réel, c’était ma chance. Je me suis avancé et j’ai clamé bien fort qu’Alakazam n’avait pas tout dit. En effet, l’humain de la légende n’était autre que le Pokémon prometteur qu’ils admiraient tant. Il a été obligé d'acquiescer, même d’un simple hochement de tête. J’avais gagné.

Finalement, Alakazam prit la parole pour tout le village. La sentence fut directe. L'Humain devait mourir pour que le monde soit sauvé. Il avait jusqu'au lendemain pour quitter le village avant que l'équipe d'Alakazam ne lui règle son compte. Et il ne se fit pas prier ! Lui et son partenaire sont vite partis, avec des équipes de secours de toute la région aux trousses. Notre équipe à nous pouvait de nouveau reprendre son activité et nous, nos magouilles.

J'avais l'impression d'être revenu à l'époque avant que l'Humain n'arrive. On pouvait profiter des gens comme on le voulait, un pur plaisir. Les villageois nous demandaient souvent pourquoi on ne participait pas à la traque, mais on se trouvait toujours une excuse pour se justifier. La belle vie …

Mais le bonheur fut de courte durée. En à peine quelques jours, l’équipe de rang Or était de retour, accompagnée mes deux ennemis ainsi que d’un autre Pokémon. En le voyant, les villageois prirent peur. L’un d’eux cria même :
«  Vas-t-en Absol ! Ne nous apporte pas le malheur ! »
Mais ce dernier répondit calmement
« Je n’apporte pas le malheur, je sens les catastrophes arriver et je tente de prévenir les autres avant qu’il ne soit trop tard. Je ne suis pas la cause mais le signe.
- Exactement, reprit Alakazam, et c’est également le cas de notre jeune ami ici présent. »

Malgré les murmures qui se répandaient un peu partout, il demanda à tout le monde de se calmer et de l’écouter. Il annonça que son équipe avait rencontré Feunard, et que celui-ci leur avait appris deux choses. Premièrement, la fin du monde et l’arrivé de l’Humain ne sont pas liés par un lien de causes ou de conséquences, juste deux événements qui devaient arriver en même temps. Deuxièmement, l’Humain n’était de toute façon pas celui de la légende. Il était venu ici, appelé par les esprits de ce monde, avec pour mission de le sauver. Troisièmement, il a dénoncé le véritable responsable des tremblements de terre, le légendaire Groudon. C’était un revers auquel je ne m’attendais pas. Plus personne n’a eu confiance en moi à partir de cet instant. Je ne pouvais même plus approcher le village.

Tous croyaient maintenant en lui pour sauver le monde. Tout ce que j’ai pu récupérer comme informations, c’était que son partenaire lui avait demandé si cette histoire de mission était vraie, et qu’il lui avait répondu que quelqu’un, une sorte de gardienne, lui avait dit en rêve qu’il avait une fonction, tout comme elle.

Finalement, ils se rendirent affronter l’avatar des continents. Et ils ont réussi au-delà de toute espérance en le battant alors que l’équipe constituée spécialement pour cette mission ainsi de celle d’Alakazam avaient échoué. Auréolés de gloire, ils sont rentrés et ont fêté leur victoire toute la nuit. Les gardiens du village avait baissé leur vigilance, quand l’Humain est retourné chez lui, je l’attendais juste derrière sa maison. J’ai attendu qu’il dorme et j’ai lancé une attaque Dévorêve. Il n’a pas trouvé ça très agréable. À cause de moi, son rêve était sombre et glauque. Pourtant, d’un seul coup une lumière a jailli, comme pour me repousser. En tenant bon, j’ai aperçu qui en était la source. Gardevoir. Je l’ai immédiatement reconnue, ça ne pouvait être qu’elle. Elle a pris l’Humain contre elle pour le rassurer. Il lui a demandé si elle regrettait de ce qu’elle avait fait. Sa réponse m’a tout simplement bouleversé.

« Non, je ne regrette absolument pas, et si c’était à refaire, je ne changerais rien. Cet humain a toujours été à mes côtés, moi aux siens, je ne pouvais pas l’abandonner. C’était un ami irremplaçable. J’espère qu’on se reverra un jour. Feunard a été clément avec moi, je suis devenue une servante des esprits de ce monde. Je suis très heureuse de ma condition actuelle, je n’ai rien à regretter. »

Je suis parti à ce moment-là. Les paroles de Gardevoir m’avaient touché en plein cœur. Elles avaient à la fois rouvert une blessure que je croyais guérie et calmé mes inquiétudes les plus profondes. Gardevoir m’avait pardonné, malgré ma lâcheté elle continuait de croire en moi.

Abo et Charmina commençaient à s’inquiéter pour moi. Je ne leur adressais déjà plus beaucoup la parole, mais cela devenait de pire en pire. J’ai fini par leur dire que j’avais besoin de réfléchir et que j’allais rester seul un moment. Ce n’était même pas vraiment un mensonge. J’étais troublé par cet Humain … Je voulais comprendre qui il était vraiment.

À peine quelques jours plus tard, Xatu prévint tout le monde du grand danger. Une météorite fonçait droit sur notre planète ! Lui et Alakazam décidèrent d’unir leurs pouvoirs psychiques afin de permettre à l’Humain et son partenaire de rencontrer le seul qui avait le pouvoir de tous nous sauver, Rayquaza. Ils les téléportèrent du domaine du gardien des cieux. Chacun levait les yeux au ciel en espérant que tout se passe bien, y compris moi. Nous nous sommes tous rendus sur la Colline des Anciens avec Xatu. De là, on pouvait déjà voir au loin la menace venue de l’espace approcher. Il ne s’est rien passé durant un long moment. Alors que certains commençaient à perdre espoir, un rayon incandescent a jaillit des nuages et a détruit la météorite en mille morceaux. La puissance de l’attaque avait dissipé les nuages qui composaient le donjon de Rayquaza, et nos deux sauveurs tombaient comme des pierres dans notre direction. Xatu les a rattrapés mais ils étaient inconscients …

Discrètement, je me suis glissé dans l’ombre et j’ai rejoint le monde des ténèbres. Je l’ai trouvé là, le petit héros humain. Il était dans la même situation que moi il y a des années, coincé entre la vie et la mort. Il m’a vu arrivé et a tenté de bouger, probablement pour s’enfuir, mais n’a réussi qu’à trembler. Il était sans doute moi amoché que moi … qu’à cela ne tienne j’allais l’entraîner jusqu’au trépas. Cependant, alors que je l’emmenais vers les ténèbres, je me suis senti coupable. J’étais déjà la cause de la mort de Gardevoir … Non, je ne voulais pas avoir une autre mort sur la conscience. Je l’ai aidé à revenir à la vie.

De retour avec les autres, je suis resté caché. Je n’avais pas envie de me montrer. Tout le monde avait l’air si heureux, je ne voulais pas gâcher l’ambiance. L’Humain était un peu à l’écart lui aussi. J’avais l’impression qu’il murmurait quelque chose. Puis j’ai compris. J’ai vu apparaître Gardevoir comme un mirage. Elle lui parlait. Elle lui disait que sa mission était terminée. La joie est retombée tout autour, remplacée par la tristesse. L’Humain s’est envolé dans une lueur doré, ne laissant derrière lui que son ami et son cœur brisé.

Gardevoir a disparu elle aussi. J'ai souhaité de toutes mes forces la revoir mais je savais que c'était inutile. Elle ne reviendrait pas. Tout le monde autour de moi devait se demander ce qu'il m'arrivait. Moi, je les ignorais. Je ne savais plus quoi faire. Tous ces événements m'avaient rappelé tous mes souvenirs de lorsque j'étais humain. Je ne pouvais plus simplement continuer à faire comme si de rien n'était.

Un jour, une lueur descendit du ciel. Je pensais que c'était un signe, comme pour me redonner espoir. Mais ce n'était que l'Humain qui avait usé de toute sa volonté pour revenir dans ce monde. Quelque part, cela restait un signe. Tant qu'une lueur d'espoir brille, rien n'est perdu. Rien. Elle non plus. Je me suis mis à chercher tout ce que j'ai pu à ce sujet. J'ai fini par trouver une piste. Un Pokémon capable d’exaucer les vœux.

Avec Abo et Charmina, nous nous sommes rendus dans l’antre de ce pokémon, la Grotte des Vœux. L’endroit était protégé par une sorte d’enchantement qui nous a remis dans ce que la légende appelait notre état initial. Aussi faibles, nous n’avons pas pu venir à bout de ce donjon et nous sommes enfuis. Seulement en sortant, je me suis rendu compte que Charmina était restée coincée à l’intérieur. Je n’avais pas la force de retourner la chercher. J’avais voulu aller trop vite, tout ça c’était encore ma faute. Abo a réagi et il est allé demander de l’aide au deux petits héros. Malgré nos différents, ils ont accepté et se sont rendus là-bas pour la mission de sauvetage.

Lorsqu’ils sont revenus avec elle, j’ai lâché un soupir de soulagement. En récompense, nous leur avons donné la Pierre Chant que nous avions emmenée, ils la méritaient après tout. Nous leur avons raconté qu’elle permettait de demander à un mystérieux Pokémon d’exaucer un souhait, si on l’amenait au fond du donjon. Mais eux même ont dit qu’ils ne seraient pas capables d’atteindre ce lieu. J’étais de retour à la case départ. Je me suis demandé si Feunard aurait la solution. Il était bien à l’origine de la malédiction… Mais je me suis vite rendu à l’évidence. Je n’avais tout simplement pas la force d’aller le trouver.

Cependant, j’ai finis par trouver une solution. J’ai demandé à ces deux-là de m’escorter jusqu’au Mont Glacial, où ils l’avaient rencontré. Ils ont paru plutôt étonnés de cette demande, mais ils ont fini par accepter. L’ascension fut difficile. L’air était glacial et les Pokémon que nous rencontrions étaient sauvages. Si j’avais été seul ou accompagné de mes deux compères habituels, je n’aurais jamais réussi. Mais arrivé au somment du pic, Feunard était là. Je tremblais comme une feuille, mais je me suis avancé et je lui ai expliqué pourquoi j’étais là. Il m’a regardé tout le long d’un air triste. Quand j’eus fini, il prit la parole.
« Je suis désolé mais je ne peux rien pour toi. La malédiction a été lancée, elle ne peut plus être annulée. Du moins, je ne peux l’annuler. Cependant, il existe peut-être un moyen pour ramener Gardevoir. Cela ne dépend que de toi. »
Sur cela, il me donna un emblème représentant neuf queues et me dit de me rendre dans un lieu nommé la Grotte Ténèbres.

Une fois rentrés, j’ai de nouveau supplié leur aide pour aller au fond cette fameuse grotte. Nous nous y sommes rendus dès le lendemain. Il s’agissait bien plus de ruines abandonnées que d’une simple grotte. Comme un endroit sacré … Une fois arrivés au niveau le plus profond de la grotte, l’ambiance nous a soudait paru plus pesante. Les roches sombres donnaient l’impression d’être en train de fondre et de nous engloutir. J’ai alors aperçu un piédestal et j’y ai placé l'emblème que m’avais confiés Feunard.

Une voix retentit soudain dans toute la pièce.
« Bienvenue dans la Grotte Ténèbre ! Je suis le juge des ténèbres. Tu n’as rien à craindre de moi, je ne te veux aucun mal. Tu es ici pour briser une malédiction ? La malédiction … Serait-ce … celle qui pèse sur Gardevoir ? »
J’ai répondu que oui avec empressement. Cependant cela ne pouvait pas être aussi simple. La voix me répondit :
« Je ne peux permettre cela tout de suite. Je dois d’abord savoir si tu en as gagné le droit.
Je dois t’évaluer si tu préfères. Tu vas devoir me montrer tes vrais sentiments. Réponds à mes questions. Cependant… Soit prudent. Ton cœur est rempli d’émotions contradictoires. Si tu n’arrives pas à définir tes vrais sentiments… La malédiction ne sera jamais brisée. Tu n’as droit qu’à un seul essai. Es-tu prêt ?
– Oui je suis prêt !
– Bien, alors commençons. Pourquoi veux-tu briser cette malédiction ?
– Je veux sauver Gardevoir.
– C’est un mensonge pas vrai ? N’est-il pas vrai que tu l’as abandonnée il y a fort longtemps ? Pourquoi voudrais-tu la sauver maintenant ?
– Parce qu’elle m’a protégé de la malédiction ! Je lui dois bien ça …
– Gardevoir t’a effectivement protégé de la malédiction. En se sacrifiant pour cela. Mais qu’as tu fais alors ? »
Je me suis mis à trembler et j’ai senti que je commençais à pleurer en repensant à ça mais je me suis forcé à ne pas le montrer et à continuer ce questionnaire.
« Je … je l’ai abandonnée …et …
– Oui … Tu as fui. Pourquoi donc ?
– J’avais … peur… J’avais eu peur…
– C’est exact. Tu ne voulais pas être maudit. Tu as préféré la laisser à son sort. Elle était ta partenaire, mais tu n’as rien fait.
– Oui … »
Il disait la vérité, je ne pouvais pas le contredire. Mais je redoutais déjà la question suivante. Je voulais cela se termine au plus vite.
«  Tu n’as pas de regrets.
– Si, beaucoup …
– Bien. J’en ai fini de mes questions. »

Après quelques instants de silence le juge rendit son jugement. La malédiction de Gardevoir durera mille ans. En entendant cela, j’ai éclaté en sanglot. Tout ce que j’avais fait n’avait servi à rien. Je n’étais même pas capable de corriger mes propres erreurs. Je me suis mis à crier. Crier tout ce que j’avais sur le cœur. Crier que j’aurais voulu qu’elle me pardonne. Que je n’ai jamais voulu l’abandonner. Que je n’étais tout simplement pas digne d’elle. Que j’aurais préféré être à sa place plutôt que de la laisser se sacrifier pour moi.

Des éclats de lumières sont apparus partout autour de nous. Dans un immense flash, Gardevoir est alors apparue, endormie sur le piédestal. Elle était vraiment là, vivante. Je n’en croyais pas mes propres yeux. Feunard est arrivé juste derrière moi et m’a annoncé que Gardevoir se réveillerai sans aucun souvenir de ce que nous avions fait tous les deux, car la malédiction était née et n’existait que par mon ressentiment et que même s’il s’était en grande partie dissipé, il en restait encore quelque chose en moi. C’était probablement mieux comme ça. Elle aussi méritait une autre vie.

Je suis resté discret les jours qui suivirent. Gardevoir avait rejoint l’équipe de l’Humain et avait l’air d’y prendre beaucoup de plaisir. De mon côté, j’essayais de faire de la nôtre une vraie équipe de secours. Ça avait surpris Abo et Charmina, mais je ne voulais plus faire de mal aux autres. Je me devais de devenir quelqu’un de meilleur. Un jour alors que Gardevoir se promenait au village, je lui ai proposé de rester un peu avec elle. Elle a accepté en souriant. A la fin de la journée, nous nous sommes retrouvés devant la Poste Békipan. Nous l’avons contourné et sommes allés admirer le coucher de soleil sur la mer du haut de la falaise. Au fond de moi, je sentais quelque chose, comme une boule au ventre. Je l’ai regardée et j’ai pris mon courage à deux mains.

« Gardevoir, je … je t’aime…
– Ectoplasma …c’est vrai ?
– Oui … je t’aime parce que je t’admire. Tu es tellement forte et toujours prête à aider les autres. Je … je t’ai toujours aimé et t’aimerai toujours ! »
Alors, elle a fait une chose à laquelle je ne m’attendais pas. Elle m’a appelé par mon nom. Celui que je portais en temps qu’Humain, que j’avais presque oublié depuis le temps. Devant mon air stupéfait, elle ajouta :
« Ce que tu m’as dit … ça m’a rappelé nos souvenirs d’avant. Je ne sais pas pourquoi mais cela importe peu après tout… non ? »
Puis j’ai enfin comprit. C’était ce que je n’aurais jamais pu révéler dans mon ancienne vie. Mon dernier ressentiment. Mon amour pour Gardevoir, qui avait traversé les mondes et le temps. Tous les deux, on est bien plus heureux ici que là-bas. Et pour toujours.