Champ de Bataille de Hardcase

Teimar pénétra dans la salle de commandement située en haut de la tour. Son supérieur, le Général Cobaltium, observait le ciel d'un noir d'encre de la région depuis une baie vitrée. Il lui tournait le dos. Hésitant, Teimar s'annonça.

- Monsieur, je suis venu vous... proposer une stratégie alternative.

- Une stratégie alternative? demanda son supérieur sans se retourner.

Sachant qu'il ne pouvait plus faire marche arrière, le Gallame pris une profonde inspiration.

- Mes... Pokémons sont parvenus à craquer les codes d'accès. Ils proposent de prendre le contrôle d'une escadrille de chasseurs pour aller détruire le vaisseau de ravitaillement.

- Et qui se propose de piloter ladite escadrille? fit le général en coupant presque la parole à son subordonné. Vos Pokémons seraient devenus des pilotes?

- Non. Mais ils sont capables de s'adapter si on leur donne le temps. De plus, il n'y aura besoin que de quelques volontaires.

Un silence angoissant descendit. Cobaltium semblait peser le pour et le contre des mots de Teimar. Celui-ci commençait à se sentir mal à l'aise.
Puis la réponse fusa, aussi violente qu'un impact de laser sur un plastron blindé:

- Non.

Teimar sentit le monde s'effondrer autour de lui. Ce simple "non" même pas argumenté le condamnait, lui et les autres, à une mort certaine dans douze heures.

- Alerte, monsieur! s'exclama un soldat sur une console. Missiles longue portée en approche!

À peine ces mots avaient-ils été prononcés que trois traînées rouge apparurent dans le ciel, piquant vers la base. Cependant, au dernier moment, les projectiles changèrent de trajectoire et explosèrent dans la forêt alentour avec fracas. Teimar constata avec effroi que les missiles ne leur laisseraient aucune chance.

---

La mort dans l'âme, Teimar rejoignit ses coéquipiers dans les baraquements.

- L'assaut général aura lieu comme prévu. dit-il en baissant les yeux.

Un silence résigné suivit cette affirmation. Tout le monde avait cessé de travailler, cherchant vainement un échappatoire à cette situation. Puis Hardcase brisa le silence.

- Il y a une autre option: on s'en tient à notre plan! Quitte à en subir les conséquences.

- Vous finirez en cour martiale, fit le capitaine en s'asseyant sur une caisse. Si ça ne tenait qu'à moi et que Cobaltium ne soit pas là, je vous aurait dit "allons-y!". Sauf que nous n'avons pas le temps pour l'entraînement nécessaire.

Le Tyranocif répliqua d'un ton optimiste que, si Longshot et Sev y étaient parvenus, alors ils pouvaient y arriver aussi.

- On peut pas vraiment appeler ça "voler", rétorqua Tup d'un ton dubitatif. Disons plutôt qu'il évite de s'écraser.

- On se fera abattre avant même d'atteindre le vaisseau de ravitaillement, ajouta Kix.

- Pas si on se sert des appareils des Umbrellans! intervint Lucario. Personne n'aura l'idée de nous tirer dessus! De plus, nos armures contiennent toutes une puce électronique pour nous tracer sur le champ de bataille. Tout les pilotes alliés sauront qui nous sommes et ne feront pas de nous des statistiques de tir ami!

La porte des baraquements s'ouvrit dans un bruit mécanique, et Nerezza entra dans la pièce.

- Que se passe-t-il, ici?

- Rien du tout, mentit Longshot.

Depuis que Cobaltium avait pris le commandement, la Sidérella s'était toujours montrée de son côté. De par son zèle, elle pouvait rapporter l'idée au Général. Celui-ci ayant déjà été mis au courant, il comprendrait que plusieurs de ses Pokémons refuseraient d'obéir à ses ordres.

Nerezza plissa les yeux, soupçonneuse. Afin de désamorcer la situation, Teimar sortit. Sev le suivit. Se sachant suivi, le Gallame s'arrêta. Une aura de révolte émanait d'elle, à l'instar de Longshot, Hardcase et Lucario.

- Il n'est pas seulement question de suivre les ordres.

- Non, c'est également une question d'honneur. répondit le Gallame en se retournant à moitié.

Sev tiqua. Des souvenirs peu agréables lui revenaient en mémoire. Où était l'honneur lorsqu'il s'agissait de tirer des balles de .338 Magnum sur des enfants parce qu'ils portaient un objet semblable à un explosif? Où était l'honneur lorsqu'il s'agissait de torturer quelqu'un pour lui extorquer des informations? Où était l'honneur lorsqu'il s'agissait de sniper quelqu'un dans le dos, à distance, d'une balle dans la nuque sans aucune chance de riposte? Puis elle comprit que Teimar ne faisait pas référence à cet honneur-là. Il faisait référence à un autre honneur: la dignité de chaque être-vivant.

- Où est notre honneur lorsqu'il s'agit de suivre mécaniquement des ordres complètements suicidaires?

- Nous ne devons pas discuter les consignes. Nous sommes pris dans un engrenage qui nous dépasse. Nous n'avons pas notre indépendance dans cette histoire.

- Peut être, mais je refuse de suivre ces consignes qui nous mettent inutilement en danger. En tant qu'être-vivant.

Teimar se tourna complètement vers elle. Ses yeux brillaient d'une lueur de reproche. Il pointa un doigt accusateur vers la commando.

- Tu obéirais si tu cautionnais le système pour lequel nous combattons!

C'est vrai, il avait raison, elle ne cautionnait pas ce système. Plus depuis qu'elle était rentrée de son... stage chez le crâne, la couronne de lauriers, l'as de pique et la dague ailée.

- Mais eux, ils le cautionnent, capitaine! rétorqua la commando d'un ton furieux en désignant le baraquement où logeaient les troupes du 212ème. Et je refuse, tout comme eux, d'être un simple matricule! Un simple numéro! Nous valons mieux que ça!

La porte du baraquement s'ouvrit, laissant passer Lucario, Longshot, Kix, Vanyali et Hardcase.

- Attends, Sev, où est-ce-qu'ils vont? demanda le Gallame en voyant les cinq compères prendre la direction d'un hangar.

- Au bout de leur projet.