Solea de Elysandre

Après une nuit difficile, n’ayant pas fermé l’oeil, Dario se rendit en cours, les yeux gonflés et le visage pâle. En le voyant entrer, le professeur vint le voir.
-Dario, es-tu sûr que c’est une bonne idée de venir en cours ? Tu n’as pas l’air en forme.
-Je n’ai presque pas dormi, mais je ne veux pas avoir de problème en ne venant pas…
-Oh ne t’en fais pas pour ça. Écoute, je vais faire un mot au principal pour lui expliquer que tu as fait preuve de bonne volonté, mais que tu n’es vraiment pas assez en forme pour suivre un cours. Tu devrais rentrer chez toi, et restes-y autant de temps que tu auras besoin.
-Merci, monsieur.
Dario quitta la salle, étonné qu’il n'ait même pas eu à user de stratagème pour se faire porter pâle.



Il avait failli s’endormir plusieurs fois sur le dos du Dracolosse de l’école, qui avait dû l’empêcher de tomber en poussant des cris pour le réveiller. Mais finalement, il arriva chez ses parents sans encombres. La maison était silencieuse ; il commença à se préparer un sac de voyage qu’il remplit avec des vêtements, de la nourriture, des bouteilles d’eau… Il allait partir pour un petit voyage autour de son île natale et ne savait pas quand il reviendrait. L’île n’était pas très grande, mais il fallait qu’il soit minutieux dans ses recherches. Il était prêt à y passer des semaines si nécessaire. Il s'était persuadé qu'il ne retournerait pas à l'école avant que cette affaire ne soit résolue. Les minutes passèrent, et finalement la porte de la maison s'ouvrit. Dario cacha son sac sous son lit. Inutile d'inquiéter ses parents pour le moment.
-Vous êtes rentrés, ça y est !
Ses parents ouvrirent grand leurs bras quand ils l'aperçurent, et la surprise se lut dans leurs yeux. Ils s'installèrent dans la cuisine et Dario essayait de calmer le réflexe de sa jambe gauche bougeant sous la table.
-Est-ce que tu sais où en sont les recherches à l'école de police ? demanda son père.
-Aucune idée, ils me laissent en dehors de cette affaire, répondit Dario.
-Si tu veux mon avis, ils ont tort, répliqua son père. Tu connais ta sœur mieux que quiconque !
-Question de sécurité. Si jamais j'apprenais qu'on lui avait fait du mal, j'aurais moins de volonté pacifique. C'est comme...
Il s'arrêta au milieu de sa phrase. Sa mère venait de fondre en larmes, la tête dans les mains. Le sang de Dario ne fit qu'un tour, et il sentit son visage s'empourprer, comme quand il était petit et qu'il voyait quelqu'un de sa famille pleurer.
-Pardon maman, je ne voulais pas...
Elle mis sa main devant elle en signe d'abandon, et se leva pour se rendre dans sa chambre. Il y eut un silence gênant.
-Je suis désolé, murmura Dario.
-Ne t'en fais pas, mon grand, répondit doucement son père. Tu sais, il y a beaucoup de choses difficiles en ce moment, et je ne parle pas que de Solea. Le pire est sa disparition, qui nous fait perdre les pédales aux moments où on devrait garder la tête froide. Mais il y a aussi des soucis à l'association, et je pense que ça fait un peu trop d'un coup pour ta mère et moi. Nous n'avons simplement pas les mêmes... manières d'exprimer nos soucis.
-Il y a des problèmes à l'association ? Je ne savais pas.
-Rien d'interne à l'association, rassure-toi, c'est qu'en ce moment, de plus en plus de pollution arrive sur les côtes, malgré tous nos tracts et nos discours. C'est vraiment beaucoup plus que d'habitude.
-Et vous savez à quoi c'est dû ?
-Sûrement des jeunes qui font la fête sur une île un peu plus loin – mais n'entends pas le mot "jeunes" comme un mot pessimiste, c'est seulement une constatation – mais en vérité nous n'en savons rien.
-Vous ne pouvez pas aller voir ?
-Problème de budget.
L'étudiant coupa court à la conversation.
-Hum. Je vais aller faire un tour dehors. Besoin de prendre l'air.
Dario se leva sous le regard incompris de son père et fouilla dans le sac qu'il avait préparé. Il en sortit quelques affaires, puis quitta la maison. Il n'arrivait pas à comprendre comment il avait pu oublier ça. Comment il avait pu passer à côté de cette piste si évidente. Il marcha d'un pas rapide jusqu'à la plage, s'obligeant à ne pas courir. Quelques mois de cela, sa sœur lui avait parlé d'une cabane qu'elle avait construite avec un ami, dans le bois près de la plage. Il se doutait qu'elle n'y serait pas, mais peut-être au moins avait-elle laissé un indice pour lui ? L'après-midi était bien avancée, et la marée était haute. C'était le temps idéal pour une baignade. Pourtant, la belle plage qu'il avait connue avait légèrement changé. Bien que l'association de ses parents soient passée ici à peine quelques heures plus tôt, le sable était jonché de débris de bois, de bouteilles, et d'un tas d'autres choses répugnantes. Il faudrait vraiment faire quelque chose. Dario s'approcha des débris et commença à en ramasser quelques uns. Il pouvait au moins les éloigner de la mer pour éviter qu'elle ne les remporte. Il songea en souriant que ses parents seraient fiers de lui s'ils le voyaient. Quand soudain, il se figea. Il souleva un morceau de bois dans lequel étaient piqués des clous, et découvrit avec horreur un morceau de tissu coincé dans l'un des pics de métal. Il était d'un violet pâle, et on y reconnaissait un œil et un bout de la feuille qui ornait le plumage d'un Brindibou. Dario aurait reconnu ce morceau de tissu entre mille. Il venait d'une robe de Solea. Il n'avait jamais vu d'autre enfant porter la même robe pour la simple et unique raison que c'était sa mère qui l'avait cousue. Alors sans réfléchir, il se déshabilla, fourra ses vêtements dans son sac et se jeta à l'eau.
-Aquali, on y va mon grand !
La pokéball laissa apparaître son Pokémon, auquel il s'accrocha.
-Il faut qu'on essaye de trouver une île, d'accord ? Suis les détritus mais fais attention aux rochers !
Aquali acquiesça et plongea. Dario battait furieusement des pieds dans l'eau pour aider son Pokémon à avancer. Quand il sortait la tête de l'eau pour reprendre sa respiration, le soleil lui tapait sur la tête et il préférait replonger. Ils suivirent les déchets pendant une bonne heure, déviant plusieurs fois leur trajectoire à cause du courant. Jusqu'à ce que, finalement, ils virent apparaître une île. Elle était petite, et il n'y avait que quelques mètres de sable avant d'arriver à ce qui semblait être une grotte. Des bouteilles vides et des papiers jonchaient la petite plage. Ils accostèrent, et Dario rappela Aquali. Il se sécha rapidement, remis ses vêtements, et avança prudemment. De la lumière émanait de la grotte. En s'approchant de l'entrée, il entendit des voix plutôt fortes et des rires.
-Il serait quand même temps qu'ça arrive, sinon l'patron nous f'ra la peau.
-Ouais faut dire qu'il l'attend depuis un moment maintenant. C'est la loose...
-Ça c'est clair qu'vous allez passer à la casserole si jamais i' vient jeter un œil dans l'coin !
-Parle pour toi wesh, j'te rappelle qu't'es autant dans l'pétrin qu'nous aut'.
-Ouais mais c'pas moi qu'j'ai eu l'idée de v'nir m'enterrer dans c'trou paumé au milieu d'la mer !
Des cris commencèrent à fuser dans la pièce.
-HEP TOI LA-BAS ! Tu crois qu'on t'voit pas te dém'ner ?
Une voix plus aiguë transperça le cœur de Dario.
-Je pensais que vous étiez trop occupé à vous disputer à mon propos, je devais avoir tort.
SOLEA ! Il devait mettre au point un plan. Il était hors de question de repartir, pourtant il pourrait alerter quelqu'un. Oui, c'était ça. Il sortit la pokéball de Plumeline. Mais à cet instant, quelque chose se referma sur son bras.
-Tu croyais quand même pas qu'on allait t'laisser déjouer nos plans gamin, non ?
Dario se retourna et décocha une droite dans le visage de l'homme qui le retenait. L'autre le lâcha, et Dario mit la main à sa ceinture pour attraper la pokéball de Lougaroc. Mais c'était sans compter sur un deuxième homme qui se jeta sur lui, lui faisant perdre l'équilibre. Du sable dans la bouche et les yeux, Dario se débattit de son mieux. Mais le type le tenait fermement.
-Eh, v'nez voir c'qu'on a chopé les gars !
Trois hommes sortirent de la grotte et relevèrent Dario sans ménagement. L'un d'eux lui pris ses pokéballs.
-Arrêtez ! Vous n'avez pas le droit ! hurla Dario. Rendez-moi ça !
-Tu sais qu'on n'aime pas les fouineurs nous ? susurra un des hommes à son oreille.
-On les aimes pas du tout même, ajouta un autre.
Ils poussèrent Dario dans la grotte et le saucissonnèrent à l'aide d'une grosse corde avant de le lancer dans le fond de la pièce.
-La gamine va parler avec lui, au moins elle nous cassera pas les oreilles.
-'va quand même falloir trouver où qu'on va se débarrasser de lui.
Mais Dario n'écoutait déjà plus. Ses yeux étaient rivés sur Solea, dont les larmes commençaient à monter.
-J'arrive pas à croire que tu es là, murmura-t-elle.
-Comment tu t'es retrouvée ici ? demanda Dario.
Cette fois les larmes de Solea perlèrent sur ses joues.
-Ils... ils veulent mon œuf, mais comme ils peuvent pas le toucher, ils attendent l'éclosion, mais moi je sais qu'il éclora jamais sous la pression, et il doit sentir que je ne vais pas bien. Il n'éclora jamais Dario...
-Le plus important pour le moment, c'est qu'on sorte de là. Ils ont pris mes pokéballs, alors il va falloir faire à l'ancienne.
-Tu sais..., ils ne parlent pas très bien français mais ils savent faire des nœuds, ça c'est sûr.
-On va trouver une solution. Maintenant qu'on est ensemble, tout va aller mieux, d'accord ?
Solea acquiesça, mais elle était assez intelligente pour comprendre que Dario bluffait. En réalité, ils n'avaient absolument aucun moyen de sortir d'ici. Tous ces hommes, qui correspondaient à celui des dessins de Solea, avaient des pokéballs, et ils étaient supérieurs en nombre. Dario avait beau se tortiller dans tous les sens, les liens ne céderaient pas. Il avait regardé autour de lui à la recherche de quelque chose de tranchant, mais tout ce qu'il y avait c'était un couteau sur la table où mangeaient les kidnappeurs. Il n'allait pas pouvoir aller bien loin... A moins que...
Oui, Dario avait un plan.