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Chroniques du Pokédex - Le souffle de Drad



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Informations

» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 25/11/2014 à 20:17
» Dernière mise à jour le 25/11/2014 à 20:57

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Organisation criminelle

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Chapitre 3 - La nuit - Le froid
Un rugissement adressé aux étoiles.

Un mur d'acier, monté sur des cervicales dures comme le roc, se tourne vers la plaine. Il s'arrête de mastiquer, un moment. Une brise, dans les arbres, agite leurs feuillages.
C'est sous un quart de lune brumeux que le petit bipède en est venu à ramper, à traîner sa patte dans les herbes humides, laissant une longue trace. Toute une grande plaine se trouve déjà derrière lui ; tout ce chemin, parcouru, dans la fourrure frémissante de la terre. Elle était parsemée de brillance, et ci et là, de grands joncs, qui poussaient à même la roche, tendaient leurs épis vers les nuées galactiques. Péniblement, le point d'eau, calme comme un miroir, est atteint. Le petit Kranidos la renifle, la fait trembloter, puis y plonge sa patte. Une traînée rouge se dilue dans l'eau froide qui vient noyer sa plaie. Un petit vagissement, égosillé, est poussé ; son crâne bleu, craintif, luit sous l'éclat lunaire.

De l'autre côté, les pas lourds et épais d'un Tyran. D'un coup d'yeux perçants, il perçoit, entre les joncs tremblants, le petit Pokémon au crâne bleu. Il renifle l'air, un souffle rauque, puis il s'avance, ses piliers de muscles écrasent la terre humide ; sa barbe blanche se courbe sous le zéphyr. Il arrive, juste derrière. Le petit Kranidos l'entend, et le voit. Sa respiration s'accélère. Il vagit, encore, tristement, il appelle. Il retire sa patte de l'eau, mais trébuche, faible. Son crâne ne luit plus, caché par une ombre. Sa frêle pupille se dilate, en voyant une grosse rangée de crocs s'ouvrir, baver un peu. Le zéphyr se mêle un instant à une haleine de carnivore ; un flairement ; des palpitations. Puis, entre la fine végétation, une langue vient appliquer sa bave tiède avec attention, sur une cuisse lésée, tremblante comme une feuille.


***

Tout roulait bien. Le moteur ronronnait, semblait content. Elle s'en félicita, les premières minutes ; maintenant, elle était simplement pressée d'arriver, et de ramener cette foutue remorque à destination. La route, creusée par le temps et les hommes à flanc de pente, longeait une petite falaise, et bordait ces forêts touffues, humides, propre à la région, où la chlorophylle abondait en lianes et suintait de chaque stomate. Elle avait une teinte sombre, presque violette ; la nature s'endormait à cette heure, perdait une certaine vivacité au fur et à mesure que la nuit se faisait. Les phares s'étaient allumés sans problème, et envoyaient une lumière crue sur le sable qui défilait. Elle s'en foutait totalement, cela dit ; elle avait mis la radio à fond, et, tapant le rythme avec ses doigts sur le bord du volant, elle chantonnait de la musique pop. Elle n'était en tout cas pas vraiment concentrée lorsqu'un bloc de glace déboula sur le côté, emportant et déchiquetant de la nature sur son passage. Plein de la vitesse de sa chute, il s'écroula sur la route, frappa le camion, et, dans un fracas épouvantable et le crissement de l'acier, il le fit basculer en contre-bas.


Une convulsion prit le Professeur Hellébore aux tripes. Il se réveilla brutalement, crispé ; il se mit sur ses mains, respira fortement, plusieurs fois, s'étouffa, avant de tousser, cracher sur la terre. Il la serra avec ses doigts ; il sentit la roche lui râper la peau. Il leva la tête. Il ne voyait rien. Tout était noir. Il cligna des yeux, plusieurs fois, mais cela n'y changea rien. Il était plongé dans l'obscurité. Son bras droit était tenaillée par une douleur aiguë ; il gémit. Il plongea une main flageolante à l'intérieur de sa veste, et ses doigts tâtèrent avec bonne surprise deux petites boules. Il en sortit une, une Super Ball qu'il reconnut au toucher, en bon Dresseur, et la lança dans le vide. Il y eut un éclat bref qui éclaira l'endroit ; trop bref pour voir quoi que ce soit, d'ailleurs il aveugla un peu le jeune Professeur. Après le bruit de l'ouverture, un coup de froid se répandit aux alentours ; il entendit une voix grave prendre un ton interrogateur. Enfin, il demanda, en se prenant le bras :

– Oni, c'est moi, c'est Basile. Utilise Flash, s'il-te-plaît...

Ce fut exécuté sur-le-champ. Une lueur poignit entre les deux cornes noires, et s'intensifia assez pour éclairer la grosse tête de glace d'Oniglali, et enfin l'endroit. Ils se trouvaient dans une grotte. Basile essaya de se lever, mais trébucha ; son Pokémon, voyant l'état de son Dresseur, s'empressa de léviter jusqu'à lui pour le soutenir. L'humain le remercia. Une fois sur ses deux pieds, il inspecta les lieux. Un éboulis se trouvait juste derrière lui, les parois étaient d'une roche lisse, presque brillante, et de l'autre côté, la caverne se poursuivait. Il ramassa la Super Ball de Face gelée, puis ils avancèrent de quelques mètres, en longeant un mur, pour trouver un coin. Il suivaient ce mur, quand Basile demanda à Oniglali d'intensifier Flash. Là, ils s'aperçurent qu'ils se trouvaient dans une grande salle, à peu près rectangulaire, sans autre semblant d'issue que l'éboulis.

– Ah. Super, fit l'humain. Pas de sortie.

Il gémit de plus belle, en s'agrippant le bras. Inquiété par la douleur, il retroussa sa manche ; il s'aperçut qu'il avait le membre tout à fait meurtri. Oniglali, en voyant cela, s'attrista de l'état de son Dresseur. Ce dernier le rassura, mais cela n'empêcha pas la Face de souffler un air froid sur la blessure. Hellébore sourit, serrant les dents de douleur :

– Haha, merci, merci. Ça va aller un peu mieux, maintenant.

Il se laissa tomber à terre, s'asseyant sans soin. Oniglali, qui n'avait jamais voulu laisser tomber quoi que ce fût, refit le tour de la grotte, de son propre chef. Le Professeur se passa la main dans les cheveux, se rendit compte de son état, couvert de poussière et de sueurs froides ; il soupira. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire, maintenant ? Qu'est-ce qu'il s'était passé, déjà, exactement ? Son arrivée à Nénucrique... Des Chartor... Le concours... Ah ! C'étaient ces abrutis à capuche, là ! Bon sang, où est-ce qu'ils l'avaient traîné ?! Comment avait-il pu se retrouver ici ? Oh ! Et Arthur ! Et Flingouste ! Il plongea rapidement la main dans son revers de veste, mais non. Il n'y trouva que celle d'Oniglali, la Poké Ball de son Tropius, mais pas celle de Flingouste. Rah ! Ces imbéciles doivent l'avoir pris, à tous les coups ! Il fallait qu'il sorte d'ici, coûte que coûte, sauver Flingouste, et savoir si Arthur... Mais il revenait au même problème. Que faire, ici ? Tropius ne serait pas d'une grande utilité, en sous-sol... Et il n'avait aucune paire de bras pour avoir un espoir de déblayer, ou même de Pokémon Sol pour tenter de creuser... Hm.

Tout à coup, les murs s'ébranlèrent, et la terre trembla. Basile releva la tête ; Oniglali, qui n'avait rien fait d'autre que léviter ici et là, fut surpris lui aussi, et rejoignit vite son Dresseur. Ce fut court et intense ; ils entendirent un éboulement qui les paniqua, et cela s'arrêta, peu à peu. Du sable s'éboulait du plafond, puis tout redevint comme avant. La tête de glace, qui continuait le Flash, s'avança en premier, pour voir si quelque chose avait pu changer. Ils retrouvèrent les mêmes murs, la même grotte ; au seul point près que le mur du fond s'était écroulé, au milieu, révélant une ouverture. Les deux compagnons avancèrent côté à côté jusqu'à cette entrée cachée... Comment est-ce que, soudain... ? Lorsqu'ils l'atteignirent, le regard de Hellébore passa sur des roches lisses, qui jouxtaient l'entrée : sur celles-ci, il observa quelques petites traces étranges, comme des points. Son Pokémon, lui, poursuivit plus avant, et entra dans la partie qui leur était dévoilée. Il découvrit une autre pièce, de même dimensions que la première. Mais de curieux rochers, équidistants, y formaient un cercle, et entouraient le centre de cette grotte ; à cette place se dressait une imposante statue. Là, Oniglali grogna "Oni !" et se retourna vers son Dresseur.

– Tu as trouvé quelque chose, Oni ?

L'humain se releva non sans peine, et le rejoignit. La Face de glace éclairait alors cette grande silhouette, totalement lisse, et, chose surprenante, arrondie. Le forme semblait avoir des bras, qui partaient de demi-sphères, et se terminaient en trois doigts simples. Son corps – si c'en était bien un – était globalement rond, avait fusionné avec un socle, et celui-ci reposait sur deux larges pieds cylindriques. Au beau milieu de son corps étaient incrusté un, deux... Sept petits trous, positionnés de manière hexagonale, le dernier allant au centre. Était-ce censé représenter son visage ? Hellébore se maudit de n'être pas du coin ; en ayant étudié à Hoenn (ou peut-être en ayant davantage suivi les cours d'Histoire ancienne), il aurait sûrement connu cette figure. Ils étaient là, à regarder cette forme inconnue, quand le jeune Professeur, cherchant évidemment un rapport avec les points de la salle précédentes, eut l'idée de grimper, pour les voir de plus près.

Il demanda à Oniglali de l'aider, et ce fut chose faite ; l'humain approcha son visage de l'hexagone, qu'il étudia attentivement. Bon sang, c'était rudement bien taillé : l'arrondi était parfait, et pourtant cette statue semblait si ancienne ! Il effleura ce visage sommaire du bout des doigts... Un point s'alluma rouge. Basile sursauta, laissa échapper un cri de surprise, et manqua de tomber à la renverse. Oniglali le rattrapa, mais la statue s'emballa ; ses points lumineux se mirent à clignoter rouge, à toute allure, l'un après l'autre, jusqu'à ce qu'ils soient tous illuminées de la même lueur. Ils clignotèrent en synchronie trois fois ; puis une série de bips retentirent, mêlés à des bruits sourds, étouffés. Les bras sortirent soudain de la pierre, et la roche se brisa. Devant les taches rougeoyantes naquit alors une étincelle, qui se grossit rapidement en sphère d'énergie lumineuse ; Basile et Oniglali se jetèrent sur le côté, juste avant que la sphère ne déflagre en un Ultralaser destructeur. Le rayon fusa dans la grotte, explosa le mur, et alla atteindre l'éboulis ; la statue s'arracha subitement de la roche, et, dans un nuage de poussières, se mut le temps d'un, de deux pas. Le golem émit de nouveau bips, et, prit d'une frénésie nouvelle, fila en ligne droite, en martelant le sol de ses pieds. Il laissa l'humain et le Pokémon derrière lui, alla s'élancer contre ce qui restait de roche, et creusa une ouverture en un, deux coup de bras, qui reluisirent de la puissance de Marto-Poings. Puis, ayant percé un trou ainsi, il bondit au-dehors, et fila en ligne droite, dehors.


Basile et Oniglali s'étaient écartés à temps. Malgré la blessure de l'humain, ils parvinrent à se relever promptement, et coururent sur les traces de la statue qui venait de prendre vie. Ils sortirent de cette salle, traversèrent la première grotte, puis l'un grimpa les débris rocheux qui menaient jusqu'à la lumière blanche et naturelle d'un ciel de pleine lune. Poussé par son Pokémon, l'humain parvint à s'extirper de ce tombeau, pour enfin respirer à l'air libre. Il se trouvaient en plein dans un terrain forestier, au pied d'une falaise. Ils virent alors le golem, qui avait tracé un sillon sur son passage, se frapper à répétition contre la falaise, comme un fou furieux. Basile s'approcha, suivit par Oniglali ; cet étrange Pokémon, sous la lune de cette nuit-là, brillait d'un éclat métallique sur tout son corps. Hellébore eut alors un éclair, et plongea la main dans sa sacoche ; il en sortit son Pokédex, qu'il pointa vers la créature :

Registeel. Pokémon Fer. Son corps est plus dur que n'importe quel métal et est composé d'une substance mystérieuse. En plus d'être dur, il peut également raccourcir ou s'allonger.

La créature émettait toujours ces sons étranges, un peu comme s'ils fussent électroniques, et se cognaient incessamment contre la paroi de pierre, sans flancher, dans des chocs violents. Puis, il s'écria aussitôt :

– Arrête ça, Registeel ! Calme-toi !

Le Pokémon Fer persistait cependant ; il se frappait, se frappait, se frappait. La roche en était fissurée. Basile se serait bien approché, s'il ne craignait pas d'être blessé par une telle agressivité. Il essaya de réfléchir à ce qu'Oniglali pourrait faire, ou peut-être Tropius... Mais Registeel s'arrêta, d'un coup. Il fit des sons distordus, étranges. Puis, sans prévenir, lentement, il bascula en arrière, et tomba sur le dos, inanimé. Seules ses lumières clignotaient encore, un tout petit peu, d'une manière désordonnée. Et le silence retomba.

Le jeune Professeur Hellébore n'avait jamais vécu ça. Bien sûr, personne d'autre ne l'avait vécu avant ce soir-là, mais Basile n'avait jamais été autant sur le terrain. Il en avait fait, des observations à l'état naturel, mais chaque escapade avait été préparée. Cette nuit-là, tout avait commencé sans explications, s'était enchaîné vite, trop vite pour essayer de trouver des réponses, l'extraordinaire avait fait irruption tout aussi rapidement ; et son bras devait pouvoir porter son calepin pour prendre des notes. Il respirait alors un moment, lorsque Registeel restait étendu sur le sol ; la tombée du silence redevenait naturelle, peu à peu, lorsque les bruissements des feuilles leur parvenaient. Il hésita à s'approcher ; Oniglali s'avança en premier, moins doucement que son Dresseur. La carcasse de métal gisait toujours sans autre signe de vie que ses clignotements ; lorsqu'une voix s'écria, au-dessus d'eux :

– Hé ! Laissez-le, vous voulez bien ?

Tombant des branches qui avoisinant le dessus de leurs têtes, une silhouette atterrit habilement sur le sol. Elle se redressa. Elle avait une grande trace de saletés, mêlées à du sang encore liquide sur le visage ; c'était une jeune femme. Oniglali ne parut guère surpris par cette apparition, ou, dans ce cas, moins que ne l'était Basile, qui ouvrit des yeux incrédules, en proie au calme de l'incompréhension. La jeune femme lança son bras vers la grotte :

– Je vous ai vus sortir de là-bas. C'est toi qui l'a réveillé, non ? Ouais, désolé pour l'accident, aussi.

Basile, sans dire mot, se retourna vers la direction qu'elle pointait d'un bras un peu tremblant. Il constata en effet, chose qu'il n'avait pas eu le temps de cerner jusqu'ici, qu'un semi-remorque cabossé gisait, affalé sur la carcasse de pierres d'où ils venaient de s'extirper en courant. Le véhicule était disposé de telle façon que la remorque ouverte, qui était tombée sur l'édifice rocheux détruit, avait été éventrée par l'Ultralaser du golem. Dans la cabine du conducteur aux vitres brisées, un éclat lunaire rendait visible la blancheur d'un airbag dégonflé. La jeune femme s'avança vers Registeel, et continua de parler avec une désinvolture et une logique qui semblait échapper au Professeur.

– Chance que tu n'aies rien. Je veux dire, vu la chute qu'on a fait. Pas si grave que ça ; on aurait pu faire un tonneau, mais heureusement bibi gérait. Bon, maintenant, va falloir trouver un moyen de porter ce truc.

Hellébore regarda deux fois cette femme, puis le camion, puis l'escarpement, où étaient tracées de profondes traces de chocs, puis Registeel, puis la grotte écroulée, puis à nouveau la jeune femme. Au bout de la deuxième fois, il remarqua le sweat à capuche qu'elle portait. Il était aussi immaculé que celui des abrutis qui avaient fait irruption en plein concours. Il s'exclama alors :

– Hé ! Mais... C'est... !

La fille, bien que visiblement blessée, sembla n'avoir perdu aucune vivacité, énergie ou adresse. Elle se retourna avec une répartie qui déconcerta le jeune Professeur, encore chamboulé par les événements.

– Écoute, mon gars, je te demande simplement de la fermer et de faire ce que je te dis, okay ?

Une de ses mèches de cheveux, après avoir un peu volé sous l'effet du mouvement, vint se coller sur sa joue ensanglantée.

– Sois heureux que tu n'aies pas crevé. Ça te sauvera ptêt la vie.

Hé ! Mais cette jeune femme ! L'encyclopédie, sur le bateau... Tant de choses se bousculèrent dans son esprit qu'Oniglali, impassible jusque là, remarqua bien que l'humain peinait à comprendre. Hellébore ne balbutia que deux mots.

– Vous... Vous...

Puis, brutalement, il se passa inconsciemment une main fébrile dans les cheveux, et pointa à son tour du doigt, cette fois-ci la jeune femme :

– Vous êtes avec les abrutis qui ont... !

– La Team Anima ? Oh, ouais. On voulait s'appeler la Team Terra au début, mais ça rappelait trop la Team Magma, et les origines. Alors après on s'est fait appeler la Team Materia ; mais bon, ça ne faisait allusion qu'aux golems, la matière et tout ça, ce nom, et pas à nos projets, ni à leur pouvoir, d'ailleurs.

Et elle s'en retourna vers Registeel, s'accroupit à ses côtés. Basile, toujours un peu tremblotant, s'avança d'un pas décidé vers cette personne, jusqu'à se retrouver à côté d'elle, de manière à au moins voir le profil de la personne à qui il s'adressait.

– Bon, je ne sais pas qui vous êtes, m-

– La Team Anima.

– Fermez-la. J'ai une quest- Non, en fait, j'ai des tas de questions à vous poser, mais déjà, dites-moi ce que vous avez fait de Flingouste. Et d'Arthur.

– Qui ?

– Le Coordinateur que vous avez interrompu, à Nénucrique.

Elle mit un temps avant de comprendre.

– Oh, pendant le Concours Pokémon ? J'en sais rien, je suppose qu'ils l'ont laissé sur place, ou traîné dans les coulisses. Faudra demander à Freddy ; c'est lui qui aime bien avoir la scène pour lui.

Cette garce, pensa Hellébore, restait foutrement effrontée.

– Et pour mon Pokémon ?

– Ils me l'ont refilé.

Basile déglutit.

– Oh.

Il tendit la main en serrant les dents.

– Hé bien, rendez-le moi.

A cet instant seulement, la jeune femme baissa le regard. Elle se releva en s'appuyant sur ses genoux, puis fit face à Basile.

– Je ne crois pas que ça va être possible, Monsieur Hellébore.

– Ça l'est tout à fait. Plongez votre main dans votre poche, madame...

– Lydie.

– Bien. Lydie.

– Et puis, je vous l'ai déjà dit, il faut vraiment que vous la fermiez, sinon je serai obligé de vous bâillonner. Mais Freddy n'aime pas faire ça aux otages, il dit que ça use des chiffons.

A cet instant, Oniglali réagit au quart de tour ; la Face de glace lévita promptement aux côté de son Dresseur, et émit un grognement agressif et intimidant en direction de l'humaine. Basile garda son sang-froid, alors qu'il eût pu profiter de l'évidente position de force dans laquelle il était pour regagner en assurance. Il la regarda droit dans ses yeux clairs.

– Je pense que je n'ai pas besoin de vous traduire les paroles de mon ami.

Lydie, sous ces cheveux en désordre, regarda Oniglali, l'air glacé qu'il exhalait d'entre ses crocs, puis elle regarda Basile, sa paume tendue, ses doigts raides. Elle enleva la mèche qui était venu se coller sur sa joue en souriant.

– Ah ! Professeur, vous avez gagné. Je suis décidément nulle.

– Pas mon problème. Mon Pokémon. S'il-vous-plaît.

– Je ne vous le rendrai qu'à une condition ! continua-t-elle en minaudant soudain.

L'air qu'elle prit, l'air qui les entoura, tout ces airs gonflèrent Basile. Ses yeux se décalèrent un court instant sur Registeel, qu'il constatait toujours là, à terre. Lydie sortit la Poké Ball de Flingouste avec des manières appuyées, puis, en la regardant avec une fausse envie, elle courba curieusement l'échine, et lança un regard en coin au Professeur. Elle essaya de cacher la douleur que ses pommettes subirent sous un petit sourire.

– Entre vous et moi, vous êtes plutôt pas mal, opina-t-elle. Dites-moi si vous êtes célibataire, et je vous la rendrai !

– Je suis déjà avec quelqu'un.

– Oh ?! Avec qui ?

– Mon Pokémon, s'il-vous-plaît. J'ai répondu à votre question – rendez-le moi.

– Changement de règles ! Dites moi qui c'est et vous l'aurez ! piailla-t-elle.

– Le Coordinateur que vous avez interrompu.

Lydie perdit son sourire et arrêta brusquement de minauder. Oniglali trouva cet instant jouissif ; il fit un petit sourire fier en voyant l'effet de quelques mots sur la hors-la-loi. Basile, lui, ne perdit pas son calme, et n'afficha aucun sourire fier. Il tendait toujours la main.

– Flingouste. S'il-vous-plaît.

– Tenez, prenez-le, fit-elle en se redressant.

A peine le froid métallique de sa Poké Ball avait-elle effleuré sa paume qu'il referma avec force ses cinq doigts, et la saisit à pleine poigne. Il aurait pu l'arracher de Lydie si elle avait opposé une quelconque résistance physique. Une fois qu'il l'eut en sa possession, il souffla, et son visage perdit un temps son sérieux pour se dérider, satisfait. Puis, il lança froidement :

– Merci.

– Pas de quoi.