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Misanthropie, mon Amour. de HamsterNoeliste



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Informations

» Auteur : HamsterNoeliste - Voir le profil
» Créé le 24/10/2011 à 22:16
» Dernière mise à jour le 24/10/2011 à 22:16

» Mots-clés :   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Romance

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Épilogue : Memento Vivere.
~ Scars of Time. ~

Un jour, un soir, un crépuscule ou peu importe, Kafei s'accouda au promontoire, confronté à sa dague. Il savait qu'il allait partir, parce qu'il le voulait ou bien qu'il le fallait. Il croyait savoir qui il avait été, il ne savait pas ce qu'il sera, mais fatalement, il devait être.

-Ceux qui savent qui ils sont seront toujours quelque chose. Savoir qui l'on est ne relève plus que du rêve. Mais aujourd'hui, tout le monde est quelque chose dans notre pauvre époque qui ne mérite même pas d'être méprisée. Je ne sais plus ce que j'ai renié, je ne sais plus ce que je regrette. Mais je regrette et je regretterai encore. Soit, déclama-t-il face à son orgueil. Je me bats pour une cause perdue mais je ne veux pas que tout ce qu'il me reste à dire soit « peu importe ».

Pourtant il attendait une réponse de sa dague.

-Peu importe, entendit-il.

Sa surprise retourna Kafei brusquement. Il recueillit, de la douceur la plus lente, la main de Zelda posée sur son épaule.
-Tu ne finiras jamais ? lui affirma-t-elle.
-Finir. Doux rêve.
Il hésita un instant, le regard dans la mer que surplombait le promontoire.
-Je ne peux plus que le croire. Croire, moi qui ai voulu rêver si peu souvent.
-Il faut te résoudre à croire ; la logique est morte. Il y en aura bien d'autres, Kafei, que l'avenir te lira.
-Il n'y a pas d'avenir. Il n'y a plus de présent. J'ai été assez lâche pour ne pas assassiner mon passé ; mais ce que j'en ai fait, je le regrette.
-Tu le regrettes. Tu n'as même plus la force de te le voiler.
Alors qu'elle lui parlait, Zelda approchait peu à peu ses lèvres de son oreille.
-Alors pars ! s'emporta-t-elle. Les hivers sont morts ! Tu t'es forcé à le savoir ! Jette-toi dans le passé, peu importe, aime, oublie !
-Oublier. C'est ce qu'il me faut croire, lui déclara-t-il le regard noyé dans la mer. Il n'y a pas plus d'amour dans ce monde que de logique. Il y a des choses qui sont soumises au hasard et d'autres qui ne le sont pas.
-Tu le sais. Tu le sais depuis le début.
-Bien sûr. J'en ai peur.
-Moi aussi.

Ils ne se retournèrent pas quand Laël apparut. Elle ouvrit la main, un papier glissa, continua sa descente de l'air jusqu'à l'eau si Kafei ne l'avait agrippé. Il y voyait des déchirures sur les côtés, un papier craqué, qui même s'il était récent semblait déjà vieilli, une écriture manuscrite hachée, mais un texte parfaitement lisible et écrit.
-C'est tout ce qu'il reste, déclara Laël derrière lui.

Kafei avança un instant face à elle, puis s'interrompit. Zelda ne parla pas. Elle le regarda. Laël regarda Kafei. Kafei regarda Laël. Laël regarda Zelda. Kafei ne regarda pas Zelda. Zelda ne regarda pas Laël. Kafei regarda Zelda. Laël ne regarda pas Zelda. Zelda regarda Laël. Kafei ne regarda pas Laël. Zelda ne regarda pas Kafei. Laël regarda Kafei. Kafei regarda Laël.

Kafei jeta sa dague violemment sur le sol.
-L'herbe est coupée. L'herbe de ce cap. Ce cap d'Azuria sur lequel j'ai enfin été. Tu ne t'en souviens pas. Tu ne t'en souviens pas et tu avais raison. Tu n'as plus à vivre dans mes souvenirs, je n'ai encore moins à errer dans les tiens. Je ne le mérite pas. Tu diras que je suis peut-être fou, je ne fais peut-être que le croire, tu dis que j'ai toujours cru. Tu dis que j'ai cru et tu en as raison. Tu ne te souviendras pas de ce que je dis là, je m'en souviendrai trop. Je dirai qu'il n'y a pas d'avenir, je dirai que je suis fou, je dirai que je n'ai pas de raison, je dirai que je n'ai plus l'ardeur de te haïr. Je dirai que j'espère, que je crois, que je t'aime, que je ne suis que mon passé, parce que je le sais et que je ne mens plus. Tu comprendras trop ce que je te dis là, je le sais, je le crois. Tu diras que j'ai tort et tu auras raison.

-Tu ne te retourneras pas, dit-elle.

Laël jeta furtivement un œil sur le sol. Elle se baissa pour ramasser sa dague au fur et à mesure que Kafei avançait pour l'en empêcher. Il la leva. Il ne la fixa pas. Il fixa la balle d'un blanc pur tombée de la main de Laël, descendant sur la pente du sol, ralentie, jusqu'à la barrière qui surplombait la mer.

-À quoi joues-tu ? sortit Kafei entre ses dents.
Personne ne répondit. Il ramassa doucement la balle entre ses mains, la posa sur le sol, l'accompagna pour qu'elle roule jusqu'à Laël. Elle la saisit entre ses jambes. Personne ne dit rien.

-Suicune, déclara Zelda sans regarder personne.
-Oui. C'est fini maintenant. Je ne te défierai plus, répondit Laël.
Zelda courut devant lui.
-Pourquoi ? cria-t-elle.

Kafei essaya de la retenir. Il la retint.
-C'est trop tard, finit Laël.
-Oui. C'est fini. Calme-toi, Zelda. Calme-toi, tu le sais. Tu le crois.

Elle retourna s'accouder dos à eux. Lentement. Elle regarda son équipe à sa ceinture.

Laël n'avançait pas.
-Je suis désolée, dit-elle.
-Bien sûr que non. C'est ridicule. Je regrette.
-Et que pourrais-tu regretter à ma place ?
-Je regrette de t'avoir aimé et de t'avoir haï.
-Je regrette de...
-Je suis désolé.

-Nous ne nous battrons plus, déclara Zelda face à la mer. Nous sommes partis, vous repartirez peut-être, chacun oubliera sûrement. Personne n'aura de dernier mot à dire. Tout aurait pu continuer.

-Tout continuera. On m'a donné Suicune, on t'a donné la lettre de mon père, de Kamon, de ton père. On t'a donné une dague, tu m'as aimée, tu m'as haïe, j'ai cru, tout le monde a cru. Le temps nous a bouffés. Maintenant je vais partir, parce que je l'ai dit. Que tu l'aies cru ou que tu l'aies su, peu importe, c'est ce qu'on attendait tous. Je ne sais ni où, je ne sais ni comment, ni ce que ce sera, je sais peut-être pourquoi, mais je sais quand. Moi aussi j'ai su m'ennuyer. Moi aussi j'ai vécu et attendu l'hiver. J'y survivrai peut-être. Je délaisserai le feu, je regretterai peut-être. Je brûlerai de froid, je partirai où personne ne part, j'aurai des raisons de vivre, j'aurai des fous à défier. Encore, encore et encore. Peut-être. Puisqu'il faut vivre. Il y a un temps pour l'hiver et un temps pour l'été. Il y a un temps pour espérer et un temps pour regretter. Il y avait un temps pour nous et un temps pour eux. Il y a un temps pour commencer et un temps pour finir. Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir.

Laël ne partait pas encore. Elle reprit :

-Il n'y aura plus de dagues, il n'y aura plus de lettres. Il n'y aura plus d'amour, il n'y aura plus de raison. Il n'y aura plus de haine, il n'y aura plus de regret. Il n'y aura plus d'équipes, il n'y aura plus de voyages. Il n'y aura plus d'hommes, plus de misanthropie. Il n'y aura plus de passé, plus d'avenir ; il n'y aura plus rien.

-Merci, déclara Zelda.
Kafei resta fixe.
-Sois libre.

Quelqu'un s'était peut-être décidé à respecter ou à briser le silence. Kafei n'avait pas besoin de lui prononcer ses derniers mots ; dans l'horizon, dans le brouillard glacial de l'hiver renaissant, elle était enfin partie. Dans le temps.

Kafei s'en retourna. Il déploya la lettre de Kamon agrippée par son poing, savait ce qui était écrit, pourquoi, quand et comment. Il saisit sa dague. Il était près de Zelda. Elle laissa sa main recouvrir le plus doucement au monde sa dague, baissa lentement son pommeau pour embrasser sa main. Elle savait ce qu'il dissimulait dans la poche de son habit, ce que lui avait possiblement oublié. Sa main vint dans sa poche, leva une carte ornée d'un nom à l'écriture manuscrite hors du temps. Kafei la fixa.
-La carte de Laël...
Il l'effleura.
-Mon passé.
Il versa les larmes qu'il regrettait de ne pas avoir pleurées avant.

Zelda laissait sa main sur la carte. Il posa la lettre de Kamon sur la barrière écorchée, baissa sa dague, et la transperça sur le bois.
-Assassins du temps perdu.

Lentement, il laissa sa main glisser dans celle de Zelda, lui cédant la lettre. Zelda l'aimait.
-Je t'aime...
Il ne répondit pas.
-Kafei !
Elle força sur sa main. Il eût mal. Elle relâcha un peu.
-Pars ! Partons !
Il se détacha de ses abandonnés.
-Viens Kafei, partons vite !
Il voulut fermer les yeux. Il la regarda.
-Le moins illusoire, Kafei, c'est de croire en l'illusion.
-Soit.

Il regarda en arrière.

Il n'y avait plus rien.