Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Misanthropie, mon Amour. de HamsterNoeliste



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : HamsterNoeliste - Voir le profil
» Créé le 21/07/2011 à 22:11
» Dernière mise à jour le 03/01/2012 à 20:39

» Mots-clés :   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Romance

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Hors-Série #5 : Appelez-moi Kamon
~Regret~
-Jacques Brel - La Chanson des Vieux Amants
-Ico - You were there
-Jacques Brel - Orly

Elle avait perdu conscience. Elle dormait dans le centre abusivement architecturé de Jadielle. Sa mémoire avait besoin d'oublier. Sans lumière, sans plus de souffrance, sans plus de raison d'avoir peur, elle vivait et dormait sur un lit d'hôpital d'un blanc industriel. Parfois, elle ouvrait les yeux. Ils n'étaient pas blanc. Quand elle était seule, elle voyait la neige flotter par les fenêtres en verre. Cela la reposait et elle pleurait. Blue était enfin mélancolique. Après les sommeils causés par la mort de son homme, ils venaient lui chuchoter. Sa fille qui était devenue une femme, Kafei qui était devenu fou, Zelda qui était devenue, ainsi que les anciens hommes qui avaient cru en son mari, avaient plus envie de l'aimer qu'elle n'avait besoin de l'être. Elle oubliait alors en souvenant aux autres.

Dans le temps qui n'avait pas suspendu son vol, Blue et son amour s'étaient quittés. Elle se souvenait vaguement de quelques jours, ou de quelques semaines. Elle savait simplement qu'il vivait encore et que l'hiver n'était pas encore éteint.
Depuis le commencement de l'hiver, Blue prenait peur lorsque Silver parlait de l'inconnu. Elle concevait qu'il voulait finir de perdre une partie perdue qui n'en finissait pas. Alors qu'elle se refusait à le comprendre, il finit par lui expliquer peu à peu sa raison, sa réalité, son affabulation. Il savait quand il allait mourir, comment, et pourquoi. Sa femme survivait, son dernier jour venait.

Silver était assis en face de la fenêtre à travers laquelle il contemplait la pluie tomber.
-Elle n'est pas tombée depuis un ennui, déclara-t-il.
-Oui, et elle ne tombera plus longtemps.
Silver posa doucement la main sur un livre de maroquin rouge orné de dorures par côtés. Sa taille correspondait précisément à l'envergure de sa main. Il releva la couverture en cuir plus épaisse, la première page était aspergée de sang. Il la contempla longuement en baissant les yeux, puis la huma en les fermant. Dès les premières lignes, son écriture manuscrite craquait le papier. En introduction, une date était effacée par le temps. L'on y lisait " Lettre au Néant.
Désormais mon avenir ne souffrira plus de mon passé. J'en offre pour unique preuve ma pathétique écriture. "
Il leva alors rapidement les pages pour atteindre la prochaine page blanche. Blue vint l'accompagner, derrière le fauteuil sur lequel il contemplait la pluie. Il se leva alors, son livre à la main.

Lui et elle se fixèrent longuement silencieux.
-Je t'aime, cria-t-il en saisissant sa plume nageant dans son encrier.
Elle n'osa pas répondre.
-Je sais que tu n'oses pas me répondre, continua-t-il. Dis-moi que tu m'aimes. Tu le sais.
-Je t'aime. Je t'ai toujours aimé. Je t'aimerai encore. Je t'aime à m'en crever les veines, je t'ai toujours aimé plus que l'amour ne le peut, je t'aimerai à en abjurer mon cœur.
-M'aimeras-tu jusqu'à respecter ma fin ?
-Je t'aimerai jusqu'à respecter ta fin.
-Me promets-tu de respecter ma fin ? demanda-t-il, fixant la pluie.
-Je te promets de respecter ta fin. Je ne me cacherai pas plus longtemps ton désir de partir sur le sommet sous le givre, de te confronter à ton passé, d'assassiner tes peurs, et de mourir dans ton néant, déclara-t-elle d'une respiration sourde.
Il se retourna doucement, en se levant pour la rejoindre. Il finit par soupirer dans ses bras.

-Mon amour, je pense regretter d'être brûlé par le remord, lui confia-t-il appuyé sur son épaule.
-Quel remord ? se souleva-t-elle.
-Celui de ne pas m'être assassiné dans mon passé. Mais dans mon passé, je n'aurais pu raisonner sur ma condition, je n'aurais pu savoir que ma mort achèverait ma vie sur un cycle parfait.
Une larme naissait déjà aux paupières de sa femme.
-Écoute, lui soupira-t-elle. Tout le monde vit de regrets. Tout le monde finit empoisonné. Tout le monde vit en compagnie de son passé.
-Mais tout le monde ne vit pas en confrontation avec son passé ! cria-t-il, craquant sa main sur le fauteuil. Tu es parmi les seules avec qui je vis en alliance. Tu es la seule à connaître ma haine de la nature humaine. Tu es la seule à savoir que cette haine n'est autre que ma haine face à moi-même, autrui n'est qu'un substitut pour la lui crier. Or, j'ai il y a longtemps assassiné autrui. Mais dans ce temps, je ne suis pas moi-même tombé. Aujourd'hui, il est trop tard pour regretter ; je n'ai plus de raison de jouer avec ce crime que je trouvais honorable dans mon passé ; je n'ai plus de raison de jouer avec moi.

Il recula peu à peu puis ouvrit son livre page par page. Après avoir frénétiquement tourné la première sur laquelle le temps avait envolé la date de rédaction, la deuxième que des dates manuscrites avaient obsessionnellement craquée, Silver relisait en douleur la troisième. Il ne se permit pas de la citer à haute voix. Il se décida à déclarer :
-J'ai écrit ici pourquoi j'ai assassiné Eusine dans mon passé. Toute ma vie est transcrite ici. Après avoir agi, j'ai saisi mon encre et mon livre pour conclure mon passé. J'explique sur cette première lettre comment j'ai usé de ma raison pour assassiner d'une perniciosité parfaite cet éminent scientifique qui a longtemps nourri ma jalousie. Ma jalousie envers lui, ainsi qu'envers Gold, mon plus amer ennemi, qu'il fut le seul à avoir accompagné. Ah, j'en étais fier ! Ah, j'en avais bien raison, tant personne n'a jamais pu ni trouver ni prouver ma culpabilité !
Blue se rapprocha de son homme. Il ne refusa pas de la caresser ni de l'aimer dans ses bras. Laissant une place au silence, il continua calmement par la suite.
-J'ai autant vécu dans ma froideur que dans ma fausseté après ce crime. Mais inutile de te le prouver ; tu m'as connu.
-Par rapport à ce jour de l'hiver que j'ai également connu. C'est parce que tu as revu Eusine bel et bien vivant alors que tu le savais assassiné, que tu comptes, te suicider selon ta raison ? confirma-t-elle en retenant son affectif.

Silver regarda face à la fenêtre. La pluie était devenue traversière. Il ne lui trouvait même aucun intérêt. Il méprisait avant de déclarer, le regard perçant dans le même sens :
-Amère, amère est la victoire. Nonobstant je ne renierai pas ma fierté. Je suis fier de l'orgueil de Gold, qui m'a peut-être caché sa vérité. Peut-être a-t-il autant voulu jouer avec la vie que j'ai voulu jouer avec la mort. S'il méritait d'être le dernier des Dresseurs, il m'a peut-être admirablement égalé dans son plan. Peut-être. Mais il ne me donnera certainement pas à connaître sa vérité. Alors je ne donnerai pas la mienne. Je ne donnerai par mon honorable parole que mon illusion. Lorsque je partirai mourir, personne ne saura rien. Ils ne pourront que croire. Tout est prévu.
Il s'arrêta un temps, puis reprit violemment son livre à la main.
-Croire sera leur peine comme elle a été la mienne. Seul l'avenir saura ce que ce livre a écrit.

Il se retourna face à sa femme.
-Sont-ce tes derniers regrets ?
-Oui. Ne t'inquiète pas, je mentirai comme durant toute ma vie. Pour Laël, entourée de ceux qui recherchent la vérité, elle sera expliquée. Personne d'autre que moi ne tombera. J'ai assez perdu.

La pluie lancinait dans sa monotonie. Elle ouvrit la porte. Il avança lentement dans la pluie, puis referma la porte violemment.
-Jamais à clé, déclara-t-il en fermant les yeux.
Ils marchèrent en se tenant par les yeux. Ils ne distinguaient ni le paysage ni la population. Ils ne distinguaient pas s'ils pleuraient. Plus il avançait, plus il marchait avec douleur, plus il s'accrochait à sa femme. Il penchait vers le sol, avançant du rythme irrégulier d'un homme déjà mort. Sombrant sur le sol, il finit par s'écrouler. Ils s'enlacèrent à genoux.

-Ta vie a penché à cause d'une imprévisibilité, commença Blue. Alors même si je suis absurde, tu peux finir par détruire tes calculs pour soudainement, sans rien d'autre, continuer à vivre !
-On ne choisit pas de commencer à vivre. Donc la liberté, c'est de choisir sa mort.
-Mon unique souhait est que tu sois libre. Peu importe.
-Mon unique souhait est de respecter le tien. Mais tout ce qui doit être dit ne peut parfois l'être avec des mots.

Blue, couchée sur son lit, conclut son récit auprès de ses enfants.
-Je me souviens que je ne sais pas combien de temps nous sommes restés. Des secondes ? Des minutes ? Des heures ? Le temps, l'unique temps qu'un couple s'aime pour la fin d'une partie. Puis, la pluie s'est éteinte. Il a fermé les yeux, puis s'en est allé. Avant que je n'ai pu crier son nom sous mon désespoir, il se retourna pour me témoigner son amour. Je me suis retournée. J'ai tenté d'ouvrir les yeux sous le soleil, j'ai marché abandonnée sous ma solitude. J'ai fini peut-être par attendre sur le sol aux portes de l'Arène.

Kafei s'assit auprès d'elle.
-Depuis sa mort, j'ai compris que j'ai tout appris de lui, continua-t-elle. Tout le monde finit empoisonné. Tout le monde finit par regretter. Tout le monde finit par finir. Mais, peu importe, tout le monde finit.

Elle fit place au silence. Kafei resta autant de temps qu'il le fallait, puis sortit en refermant la porte d'une douceur respectant même le silence. Il leva sa dague, fixa la porte, attendit. Sans qu'il n'ait calculé le temps, les filles refermèrent la porte de la même douceur. Zelda se baissa, Laël lui rendit sa dague qui avait sans qu'il n'en prenne conscience chuté.