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Des vacances mouvementées... de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 07/05/2011 à 11:06
» Dernière mise à jour le 09/02/2013 à 18:06

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Entre compréhension, compassion et jalousie : ultimes tentat
Entre compréhension, compassion et jalousie : ultimes tentatives

Célinda laissa ses metavêts décider pour elle le maillot de bain qui lui convenait le mieux puis enfila sa robe tout en reprenant ses esprits. Elle sortit ensuite de sa chambre pour rejoindre ses deux amis qui l'attendaient patiemment et silencieusement dans le salon.

« Bon, vous êtes prêts ? » s'enquit Éliana.

Ses deux amis hochèrent la tête.

« Vous avez perdu votre langue ? » fit la jeune fille, d'un air moqueur.

Célinda et Vitalio ouvraient à peine la bouche pour répondre que leur amie se mit à courir à une vitesse impressionnante, un « Je vous ai eus ! » suivi d'un rire léger flottant dans les airs. Vitalio et Célinda échangèrent un regard ; pouvaient-ils, eux aussi, encore courir à une telle vitesse ? Il n'y avait pas trente-six moyens pour le savoir : il suffisait d'essayer... Ce qu'ils firent sans plus attendre, afin de ne pas se faire plus distancer par leur amie. Célinda goûta alors une nouvelle fois au plaisir de la course sans effort ni essoufflement. Comme si elle était faîte pour ne pas connaître de limites... Son Pokémon n'était donc pas mort ? Comment ce miracle était-il possible ?

« Au fait, de quoi parliez-vous, tout à l'heure ? s'enquit pensivement le jeune homme alors qu'ils rattrapaient Éliana. Comment comptiez-vous vieillir Ténébrax ?
– En faisant appel à un Pokémon du Temps...
– Ingénieux... Mais encore faut-il en connaître, objecta Vitalio.
– Pourquoi pas Celebi ou Dialga ? proposa Célinda.
– Mmmh... Encore faut-il savoir où les trouver... s'opposa de nouveau le jeune homme.
– Pour Celebi, rien de plus facile. Pour Dialga, en revanche... Selon la légende, les Cré's l'auraient enfermé dans une dimension parallèle pour éviter qu'il ne se batte avec Palkia, son ennemi juré...
– Pourquoi Celebi serait-il facile à trouver, selon toi ?
– Je ne faisais que comparer les possibilités qu'on avait de le trouver par rapport à celles de Dialga, en parlant ainsi...
– Si tu le dis...
– On est arrivés ! » les informa Éliana.

Les trois jeunes gens se retrouvaient à présent face à une plage déserte baignée par la lumière déclinante des derniers rayons du soleil couchant. Ils contemplèrent pendant un instant ce paysage surréaliste, puis descendirent une volée de marches qui permettaient d'accéder au sable fin de la plage. Ils restèrent encore quelques dizaines de secondes debout, immobiles, après s'être avancés en direction de la mer avant de commencer à se dévêtir... à part Éliana.

« Eh bien, c'est à ton tour de ne pas vouloir exposer ton corps de rêve ? » ironisa gentiment le jeune homme.

L'interpellée fixa le garçon, comme déroutée.

« Pars devant, on te rejoint... » lui ordonna Célinda, intriguée par le comportement de son amie.

Elle attendit qu'il soit suffisamment loin pour qu'il ne les entende pas pour murmurer à l'adresse de l'autre jeune fille :

« Eh bien, tu ne réponds plus quand on t'adresse la parole ?
– Je... pendant l'ombre d'un instant je... j'ai cru qu'il me narguait... qu'il m'incitait à me déshabiller pour me voir... comme si tu n'existais pas... confia timidement Éliana en repoussant une mèche qui volait au gré de la bise derrière son oreille, en évitant soigneusement le regard de son amie.
– Comment ça ?
– J'ai eu l'impression que mon corps avait plus d'importance que le tien, à ses yeux... comme si c'était moi qu'il aimait...
– Il existe bien des raisons pour qu'il te préfère à moi ; le physique n'est qu'une seule de celles-ci...
– Non, mon corps ne vaut pas le tien...
– Vraiment ? Et pourquoi donc ? Je serais curieuse de voir ce que tu peux bien trouver à mon corps pour que tu le préfères au tien...
– Je... excuse-moi, je ne sais pas ce que je dis...
– Oh si, tu es parfaitement consciente de ce que tu dis ; alors, quelle est donc la raison de cette préférence ?
– Je... Arrêtons là cette discussion, je t'en prie... supplia Éliana, rouge comme une pivoine.
– Mais... je tiens à savoir ce qui peut bien te fasciner, chez moi ! Je veux dire, physiquement !
– Je...
– Allez, dis-le moi ! implora à son tour Célinda.
– Et pourquoi donc ?
– Sinon, je te dévêts moi-même !
– Tu n'en es pas capable...
– C'est un défi ?
– Je... non, pas du tout ! Et puis, je peux très bien me dévêtir toute seule...
– Alors je t'embrasserais, Vitalio trouvera ça louche, notre relation se ternira et... enfin, je te laisse deviner la suite...
– Tu n'oserais pas ? s'étrangla Éliana.
– Allez, quelle est donc cette mystérieuse partie de mon anatomie qui t'attire chez moi ? Réponds-moi ! éluda Célinda.
– Pourquoi pas faire une étude comparative de nos deux corps, tant qu'on y est ?
– C'est une excellente idée que tu as là ! approuva la jeune fille puis, en notant la moue de son amie : Quoi ? Je ne suis pas assez dévêtue à ton goût ? Ou bien ne trouves-tu rien à redire qui pourrait contredire l'impression selon laquelle tu es la plus belle de nous deux ?
– Célinda, il faut que tu arrêtes de penser que ton corps ne recèle que des défauts !
– C'est pourtant la vérité !
– La vérité, c'est que la beauté ne devrait jamais servir de motif pour aimer quelqu'un ; au contraire, c'est lorsqu'on aime qu'on devient beau. Et c'est cette gentillesse qui est remarquable, chez toi...
– Je n'ai pas toujours été très gentille... Surtout ces derniers temps...
– Arrête de faire ta modeste. Et surtout, arrête de te mentir à toi-même ! Tu es belle, point final.
– Je veux bien, mais pourquoi ? Le fait d'être gentille ne rassasie pas du tout ma soif de savoir ce que tu peux bien m'envier ! Pourquoi rechignes-tu à ce point à me révéler ce que tu désires avoir que je possède ?
– Pourquoi pas ?
– Si tu me répondais, cela m'aiderait à savoir mon point fort et à jouer avec pour charmer Vitalio...
– Il est déjà sous ton charme...
– Tu n'en semblais pas aussi convaincue, tout à l'heure... Admets qu'il y a une faille dans ton raisonnement.
– Je le reconnais, oui.
– Alors dis-moi donc ce qui peut bien mériter ton attention à ce point, chez moi ! Et je trouverai les mots justes pour justifier ton refus de te baigner... »

Ce marché sembla, au grand désespoir de Célinda, tenter Éliana.

« Promis ? »

Célinda hésita l'ombre d'un instant ; mais si elle n'acceptait pas le marché, elle risquait de perdre toute crédibilité auprès de son amie....

« Je... oui, promis...
– Eh bien, pour tout te dire, ce qui me plaît tant chez toi, c'est ta... fraîcheur... révéla Éliana, après avoir sélectionné soigneusement chacun de ses mots. J'ai peut-être des formes à faire rêver tous les garçons de la terre, mais toi, tu as encore l'apparence d'une jeune fille... Les regards des garçons ne s'attardent par conséquent pas sur toi... enfin, pas plus que nécessaire pour te reconnaître ; tu es comme transparente, à leurs yeux... Sauf à ceux de Vitalio, bien sûr.
– Et aux tiens... Mais pourquoi cela t'importe-t-il à ce point d'être invisible ?
– Je... peut-être parce que mon physique ne correspond pas à ma personnalité...
– C'est-à-dire ?
– ...ce qui m'intéresse, ce n'est pas attirer les garçons...
– ...mais les filles, poursuivit Célinda à la place de son amie. Mais ton physique est aussi celui dont désire toute fille normalement constituée...
– Alors tu penses que je suis... bien faîte ?
– Bien faîte ? Ce serait peu dire...
– Je veux dire, tu trouves que mon physique correspond à ma personnalité ? murmura Éliana, fuyant le regard de son amie.
– Eh bien, je pense que toutes les filles voudraient être tes amies pour savoir comment tu fais pour avoir des formes si... parfaites. Donc tu as le profil parfait pour attirer à toi celles que tu désires...
– N'exagérons rien, mes formes n'ont rien de parfait...
– Vraiment ? Montre-les moi donc, pour voir !
– Bon, d'accord, c'est vrai, elles sont peut-être exceptionnellement belles, mais ton tour viendra... ta croissance n'est pas tout à fait terminée. Elle a même à peine commencé, à vrai dire...
– Qu'en sais-tu ?
– Je croyais que tu avais deviné quel Pokémon sommeillait en moi...
– Bien sûr que je l'ai deviné, mais je n'ai aucun mérite ; tu m'as donné tellement d'indices que même un nouveau-né aurait trouvé ! Enfin, cela dit, je ne vois pas quel est le rapport...
– Il n'y en a aucun. Je voulais seulement dire par là que tu as toujours ta silhouette de jeune fille... et que c'est ce qui me fait fondre chez toi...
– En d'autres mots, c'est l'absence de courbes affolantes chez moi qui t'attire ?
– En plus de ton caractère si particulier... ajouta Éliana, soucieuse de ne pas froisser son amie en la réduisant à un corps. Et peut-être ces étonnantes aptitudes qui sont les tiennes m'ont-elles aussi un peu attirées... C'est assez intrigant ; moi, j'attire les autres de par ma beauté et toi de par ta... de par ton incroyable liberté. »

En entendant le dernier mot de la réplique de son amie, Célinda frémit ; il avait provoqué en elle une étrange sensation, à la fois désagréable et enivrante ; en un mot : vertigineuse. Elle avait ressenti comme une intrusion au plus profond de son intimité, comme si on avait violé le sanctuaire sacré de son esprit et que ça lui plaisait néanmoins vu que cela signifiait qu'on la comprenait bien, dans le fond... Une question s'imposa alors à la jeune fille : Éliana avait-elle éprouvé un sentiment semblable lorsqu'elle-même avait mis le doigt sur son identité Pokémon ? Elle espérait que non... Tout chose, Célinda se força à faire comme si de rien n'était...

« Je ne te comprends pas...
– Moi, en bikini, je ne suis qu'un objet de désir, alors que toi... tu as cette connotation péjorative en moins... Quand on te voit, on ne pense pas forcément au désir, enfin, Vitalio et moi mis à part. Tu as toujours eu l'air enfant – du moins à mes yeux. Il faut vraiment faire très attention pour que tes rondeurs te fassent femme. Les yeux des hommes n'y arrivent pas encore – ou pas souvent – ; les yeux des femmes : jamais.
– Tu es pourtant toi-même une femme...
– Je suis l'exception qui confirme la règle. Et puis tu ne vas pas me contredire : toutes les femmes te parlent comme à une enfant. Tu as de grands yeux innocents que tu sais très bien agrandir – comme les enfants. Tu t'enjolives de bêtise à ton gré – comme les enfants. Si, par là-dessus, tu fais la moue... Tu es comme une poupée. Quand on te regarde, on voit plus une jeunesse bien sympathique, à l'âme innocente qu'autre chose...
– Mon âme n'est pas si innocente que ça...
– Oui... depuis que je t'ai pervertie... admit tristement Éliana puis, en poussant gentiment son amie vers la mer : Allez, va vite retrouver Vitalio, qu'il rattrape mon erreur. »

Célinda s'était mise à marcher dans la direction de son ami lorsqu'elle se souvînt qu'elle avait encore une chose à lui dire...

« Au fait... Merci pour la gifle, tout à l'heure...
– Ce n'est pas la peine de me remercier... Je... Ce serait plutôt à moi de m'excuser pour le mal que je t'ai fait...
– Cette violence était tout à fait justifiée.
– Peut-être mais...
– Écoute, tu as fait ce que tu avais à faire, et pour cela je te suis reconnaissante... Il faudra d'ailleurs que je te revaille ça...
– Et de quelle façon, s'il te plaît ?
– Celle que tu voudras... » laissa échapper Célinda puis, en se rendant compte de son erreur, se précipita vers la silhouette du jeune homme qui patientait au bord de l'eau en contemplant le coucher de soleil...

...sans voir le pâle sourire qui flotta sur les lèvres de son amie, l'espace d'un instant. Cette dernière s'assit sur le sable, toute son attention désormais uniquement concentrée sur la scène qui allait se dérouler devant ses yeux.

« Le dernier à l'eau est une poule mouillée ! lança joyeusement Célinda en passant à côté de Vitalio à toute vitesse. Eh ! » s'exclama-t-elle lorsqu'elle sentit qu'il la soulevait de terre.

Il l'installa sur ses épaules puis la porta ainsi jusqu'à ce que l'eau lui arrivât aux mi-cuisses puis il la fit descendre de ses épaules.

« Et voilà, tu es la dernière à l'eau... » plaisanta Vitalio.

Le regard que lui lança Célinda le troubla l'espace d'un instant.

« Eh bien, tu es devenue muette, toi aussi ?
– Non, je suis juste un peu... surprise.
– Surprise ? Pourquoi ?
– Je ne m'attendais pas à ce que tu me portes comme ça... Je veux dire...
– Oh, ça t'a gêné ? s'enquit Vitalio, en rougissant légèrement, comprenant soudainement l'origine de l'embarras de son amie.
– Je... non, pas vraiment, en fait... »

Les deux amis restèrent silencieux quelques instants, face à face, un magnifique coucher de soleil à l'horizon.

« Tu sembles tout de même quelque peu préoccupée... remarqua le jeune homme.
– Je... oui. Une question me trotte dans la tête depuis ce fameux soir où vous m'avez délivrée, tous les deux... Tu te rappelles, lorsque je t'ai demandé pourquoi tous les deux vous aviez enfilé une paire de sous-vêtements... tu m'as dit tenir à ta virginité... Je... Pourquoi ?
– Ce n'était pas avec elle, que je souhaitais la perdre...
– Avec qui alors ?
– Devine !
– Oh, Vitalio... murmura Célinda.
– Et toi, pourquoi gardes-tu constamment cette robe sur toi ?
– Parce que tu m'as dit l'apprécier, et que mon seul but dans la vie est de faire ton bonheur...
– Mais toi, quel est ton rêve, que je puisse le réaliser ?
– Je ne rêve plus que d'une chose, depuis que tu m'as révélé avoir une préférence pour cette robe noire : que tu me l'enlèves...
– Ne précipitons pas les choses...
– Je n'en avais pas l'attention... Tu veux que je te dise ?
– Mmmh ?
– Nous ne formons peut-être pas un couple ordinaire, mais je trouve qu'il est romantique... à sa façon... » fit Célinda en approchant lentement sa tête de celle du jeune homme.

Les lèvres des deux adolescents s'entrouvrirent alors pour ensuite s'unir. Longtemps. La tête de Célinda se mit à tourner... mais pas à cause du manque d'oxygène. Non, tout simplement parce qu'elle goûtait enfin à un vrai baiser – de la part de Vitalio –, les autres n'ayant jamais vraiment eu de dimension réelle, à ses yeux. Elle entoura le cou de son ami de ses bras puis lui enserra doucement la taille de ses jambes tandis qu'il passait ses bras autour du dos de la jeune fille qui soupira d'aise aux différents contacts de leurs peaux. Les décharges électriques qu'ils avaient constatées lors de leur dernière union se reproduisirent, mais ils n'y prêtèrent aucune attention, cette fois. Ils se doutaient qu'il s'agissait là d'une – pâle – tentative du Pokémon qui habitait Vitalio pour les séparer, mais loin de les désunir, ces décharges excitèrent le désir que chacun nourrissait vis-à-vis de l'autre. Ils n'allèrent néanmoins pas plus loin qu'un baiser – Célinda veillait effectivement à observer une certaine retenue dans leur relation pour le moment –, ce qui sembla étonner quelque peu Vitalio, mais il n'en fit pas part à son amie...

À quelques mètres de là se tenait, assise, Éliana ; elle avait eu comme un pincement au cœur lorsque les deux tourtereaux qu'elle observait avaient commencé à s'embrasser puis s'étaient enlacés. La terreur, la satisfaction aussi bien que la jalousie la taraudaient ; la terreur de les voir aller plus loin qu'une simple étreinte et qu'un simple baiser ; la satisfaction du devoir accompli – celui de les avoir rapprochés – ; la jalousie de les voir "enfin" si proches l'un de l'autre, aussi bien sentimentalement que physiquement, plus proches qu'elles deux ne pourraient – plus – jamais l'être – elle se le promettait.

Lorsque les lèvres de Vitalio et Célinda se désunirent enfin, la jeune fille posa sa tête sur l'épaule du jeune homme, aux anges.

« Et Éliana ? Elle ne vient pas ?
– Tu sais, derrière son air assuré et fort sympathique se cache en fait une grande timide... Mais pourquoi cette question ? Ma compagnie ne te suffit donc pas ? plaisanta Célinda.
– Non, c'est juste que... ça me fait de la peine de la voir seule, comme ça... D'autant plus que sa compagnie ne sera bientôt qu'un souvenir...
– Moi aussi, ça me fend le cœur, je dois bien l'avouer... mais que peut-on y faire ?
– Eh bien, on n'a qu'à l'amener jusqu'ici de force, histoire qu'elle s'amuse avec nous... Et ensuite, on verra...
– C'est-à-dire ? questionna la jeune fille, méfiante tout-à-coup.
– Je ne sais pas moi ! Commençons d'abord par la balancer à l'eau !
– Pourquoi pas, après tout ? » acquiesça Célinda, en desserrant doucement l'étau de ses jambes et de ses bras.

Les deux amoureux sortirent de l'eau et se dirigèrent vers leur amie, main dans la main.

« Déjà de retour ? » les interrogea Éliana, en faisant celle qui n'avait rien vu – Célinda n'eut cependant aucun mal à percevoir une fêlure dans sa voix, qui lui fit regretter d'avoir embrassé Vitalio.

Les deux adolescents saisirent sans répondre les bras et jambes de leur amie et la traînèrent de force jusqu'à l'eau tandis que celle-ci se débattait :

« Mais ? Que faîtes-vous ? Lâchez-moi ! Je ne suis même pas en maillot !
– Il fallait te déshabiller avant ! » répliqua sournoisement le garçon.

Célinda et Vitalio balancèrent doucement Éliana d'avant en arrière puis ils accélérèrent le rythme jusqu'à ce qu'elle attînt une vitesse de balancement qu'ils jugèrent suffisante. Ils la lâchèrent alors simultanément.

« Vous voulez jouer à ça ? » fit la jeune fille, toute trempée, ses vêtements moulant – bien trop au goût de Célinda – les courbes avantageuses de son corps, un sourire aux lèvres.

Et, sans laisser à ses amis le temps de répondre, elle se précipita sur Vitalio, lui entoura la taille de ses bras puis repartit vers la mer où elle le plaqua de toute la force de son poids. Elle se releva ensuite rapidement et fit subir le même sort à Célinda. Sauf qu'avant qu'elle eût pu se détacher d'elle après l'avoir plaquée au sol, Vitalio avait bondi sur elle et l'avait plaquée sur Célinda.

« Alors, tu t'avoues vaincue ?
– Pas le moins du monde ! »

Et Éliana se défit – non sans mal – de l'emprise qu'exerçait sur elle le jeune homme, si bien qu'il se retrouva à son tour sur Célinda. Il se redressa précipitamment et tendit une main secourable à son amie allongée dans le sable.

« Ça va ? » lui demanda-t-il.

Mais elle ne lui répondit pas : elle avait aussitôt bondi sur son amie une fois sur pied. Mais Éliana se révélait insaisissable et, même lorsque Vitalio se mit à la poursuivre, lui et Célinda n'arrivèrent pas à ne fût-ce que l'arrêter momentanément.

« Bon, c'est bon, tu as gagné, j'abandonne... maugréa Vitalio, tandis que les derniers rayons de soleil disparaissaient à l'horizon.
– Gagné ? Gagné quoi ? l'interrogea Éliana en s'arrêtant à côté du jeune homme.
– Un aller simple pour l'eau ! » s'exclama Célinda en percutant son amie de plein fouet et l'entraînant avec elle dans l'eau.

Les trois compagnons partirent d'un même rire. Combien de temps cela faisait-il donc qu'ils n'avaient pas joué comme ça, qu'ils ne s'étaient pas détendus, qu'ils n'avaient pas pris autant de plaisir à rire ensemble ? Longtemps, bien trop longtemps, sans aucun doute...

Ils s'amusèrent ainsi, à s'éclabousser les uns les autres et à se courir après pendant de longues heures encore, ravis de goûter au bonheur de s'être enfin retrouvés pour de bon. Lorsqu'ils furent rassasiés de leur soif de joie de vivre, chacun se mit à faire l'étoile de mer sur le dos ; la nuit était déjà alors bien avancée, si bien qu'ils purent contempler une magnifique voûte étoilée dans un silence presque parfait, seulement ponctué par le roulis régulier des vagues. Ils contemplèrent ainsi le spectacle que leur offrait une bonne centaine d'astres étincelants pendant une éternité, chacun perdu dans ses pensées, parfaitement immobile et silencieux.

Soudain, Célinda fut assaillie par un doute. Croyant d'abord pouvoir ignorer en être habitée, elle fut bientôt trop tentée par l'idée de repousser – une nouvelle fois – les limites que tout esprit humain se fixait au fur et à mesure de ses expériences, et de celles des autres, pour continuer à faire comme si de rien n'était. Elle ramena alors les bras le long de son corps, hésita un ultime instant, puis appuya ses paumes sur la surface de l'eau, concentrant toute sa volonté sur une seule et unique pensée ; elle s'assit alors, comme si l'eau était devenue solide. Abasourdie par le fait qu'elle se tînt dans une position tout à fait non propice au flottement, elle laissa vagabonder son regard quelques instants, cherchant un horizon qui semblait ne plus exister ; en effet, la mer, en reflétant à la perfection le ciel étoilé, avait comme fusionné avec lui, s'inscrivant ainsi dans son prolongement. Après s'être difficilement arrachée de cette vision à la fois vertigineuse et enivrante, Célinda se retourna puis, toujours en s'appuyant sur l'eau de la même manière qu'elle l'eût fait sur de la terre, elle s'approcha à quatre pattes d'Éliana qui avait finalement ôté ses habits. Célinda eut alors tout le loisir de comprendre cette étrange – et incompréhensible, à première vue – envie d'être moins belle. Car, c'était indéniable, même en faisant fi de toute jalousie mal fondée et bien fondée, Célinda ne pouvait que noter le physique dont toute femme rêvait d'avoir que son amie possédait... Oui, elle avait tout ce dont une femme pouvait rêver... au moins physiquement. Célinda observa d'un air absent les courbes généreuses de son amie, laissant sa jalousie habituelle s'emparer d'elle, avec toutefois un semblant de contrôle sur elle... Car un autre sentiment bien plus profond s'insinuait en elle au fur et à mesure qu'elle détaillait son amie, comme une réponse à ses interrogations silencieuses. La compassion commençait effectivement à se frayer un chemin dans son esprit. Car vivre dans un tel corps de rêve ne devait pas tous les jours être facile, étant donné que parfois, les garçons pouvaient se révéler maladroits, voire désagréables lorsqu'on se refusait à écrire une histoire d'amour avec eux, ou même simplement à l'imaginer. De plus, à mieux y réfléchir, – contrairement à ce que Célinda avait affirmé dans un premier temps – un corps pareil ne devait pas vraiment être idéal pour inspirer l'amitié de filles de son entourage, surtout si celles-ci se sentaient laides à un point indescriptible, en passant à proximité d'elle.

« Malgré tout, j'avais croisé son chemin, et accepté de faire un bout de chemin ensemble... » songea la jeune fille.

Par quel miracle ? Elle n'en savait rien, et avait arrêté d'y réfléchir depuis qu'Éliana lui avait soutenu qu'elles étaient faîtes pour s'entendre. Même si cela ne fonctionnait pas pour elle – « L'exception qui confirme la règle... », pensa-t-elle ironiquement –, Célinda se dit que, désormais, les seules filles qui pourraient s'intéresser à son amie seraient celles dont la beauté égalerait la sienne, ou au moins, l'avoisinerait. Mais parmi ce nombre de filles – que Célinda devinait extrêmement réduit –, combien se trouveraient sur le chemin d'Éliana ? Combien, parmi celles-ci, y en aurait-il donc qui trouveraient plus à son goût les filles dans son genre plutôt que les garçons ; les trouveraient plus dignes d'intérêt – car Célinda, ayant pris l'habitude de se voiler la face le moins possible, se doutait bien que rares devaient être les filles possédant un corps aussi généreux qu'Éliana, et qui cherchaient à attirer l'attention d'une femme plutôt que celle d'un homme puisque se trouvant naturellement disposée à agir ainsi, compte tenu des avantages que lui procureraient son corps par rapport à ceux des autres filles... C'était pourtant le cas d'Éliana... – ? Et combien de filles la jugeraient encore digne d'intérêt ? Éliana éprouverait-elle alors une attirance envers une de ces filles ? Au fur et à mesure que ces questions se formaient dans l'esprit de Célinda, une bien triste vérité s'y frayait un chemin ; celle qu'elle était peut-être la seule à pouvoir jamais rendre heureuse son amie, et que, par conséquent, cette dernière ne goûterait peut-être plus jamais au bonheur qu'elle avait dû éprouver en embrassant celle qui était jusqu'alors son amie d'enfance...

Malgré le désespoir que lui inspirait la situation paradoxale de son amie, Célinda se dit qu'elle pouvait toujours rencontrer un homme qui la ferait chavirer, et alors, elle changerait de camp. Définitivement. Mais, même en restant réaliste, les chances qu'Éliana rencontrât son âme sœur n'étaient-elles pas plus faibles que celles de rencontrer une femme à son image et qui éprouveraient l'une pour l'autre un même degré d'attirance ? Célinda eut tôt fait de chasser cette idée de son esprit, ne voulant pas l'asphyxier de pensées négatives alors que l'heure du départ de son amie approchait à grands pas... Non, il fallait qu'elle reste forte... au moins jusqu'à son départ. Ensuite elle pleurerait, se maudirait, se haïrait... Elle aurait été prête à tout pour rendre à son amie son apparence d'antan, celle que justement, elle haïssait, et pourtant... Il était vrai qu'avec le temps, l'attention qu'on portait à une femme aussi jolie qu'Éliana devait parfois peser lourd... si lourd qu'on en venait à regretter le temps passé où les formes n'étaient pas encore réellement prononcées, ou alors seulement un tantinet... Célinda était d'ailleurs tout à fait dans cette situation, Éliana avait eu raison en parlant ainsi de son corps ; son physique évoquait celui d'une jeune fille fraîche, pas encore mûre. La subtilité que Célinda pensait que son amie appréciait chez elle, c'était qu'elle ne paraissait peut-être pas très mature à l'extérieur, mais qu'à l'intérieur, c'était absolument tout le contraire. Et ce contraste était si marqué qu'Éliana en était tombée amoureuse...

Célinda se rendit compte qu'elle omettait tout de même un détail important : Éliana voulait – et allait, elle en aurait mis sa main au feu – travailler dans le domaine impitoyable de la mode. Pour peu qu'elle arrivât à se faire embaucher dans une agence à la renommée déjà faîte – ou à faire –, ce qui ne devrait pas réellement poser de problème à la jeune fille, elle aurait l'occasion de rencontrer un nombre plus vraiment négligeable de jolies jeunes femmes – un accès de jalousie dévora soudainement Célinda –... Mais pas d'aussi jeunes et fraîches à l'image de Célinda – la jeune fille se calma instantanément –, qu'Éliana semblait tout particulièrement apprécier... Peut-être créerait-elle elle-même son entreprise de mode qui recruterait des adolescentes... Mais le fait de s'installer dans un endroit ne signifiait-il pas ancrer durablement sa vie ? La recherche de l'âme sœur ne deviendrait-elle donc pas plus ardue, voire même plus inefficace ? Ne passerait-elle même pas au second plan, ainsi ?

Après avoir contemplé une dernière fois son amie récemment retrouvée avec une lueur de compassion mêlée de chagrin dans le regard, Célinda se dirigea aussi silencieusement qu'auparavant à quatre pattes sur l'eau vers Vitalio. Elle le contempla sans bruit, le souffle coupé comme à chaque fois qu'elle le regardait avec un peu trop d'attention ; il était si beau dans son corps si finement musclé... Un sentiment de sérénité absolue l'envahit soudainement, sans qu'elle sût vraiment pourquoi. Se pouvait-il que, malgré qu'elle eût toujours pensé être forte, elle fût comme soulagée, comme apaisée, d'être proche de quelqu'un en qui elle avait une confiance absolue et qui pouvait se révéler protecteur et attentionné quand il fallait ? Elle observa sa poitrine se soulever régulièrement, se demandant pour la énième fois si son cœur battait réellement pour elle. Se doutant qu'elle pourrait obtenir un semblant de réponse en collant son oreille à son torse, elle commença à s'approcher du garçon puis s'allongea sur lui pour finalement se blottir contre lui – Vitalio ne broncha pas à son approche ; dormait-il donc ? La sensation de réconfort grandit lorsqu'elle se blottit contre lui. Un réconfort qui crût encore de façon exponentielle lorsqu'elle sentit le pouls du jeune homme accélérer alors qu'elle posait doucement son oreille au-dessus de l'endroit exact où se trouvait le cœur de Vitalio. N'était-ce cependant pas une réaction normale ? Répondant négativement à cette dernière question – elle était décidée à voir les choses sous un meilleur jour, puisque cela contribuait au bonheur de son amie, seul moyen qu'elle trouvait pour le moment de lui rendre la pareille –, Célinda redressa la tête jusqu'à sentir le menton du garçon qu'il abaissa alors, lui donnant une impression de sécurité encore plus importante. Elle se sentait bien. Du moins à l'intérieur...

« V... Vitalio ? interrogea-t-elle le jeune homme par la pensée, soucieuse de ne pas briser le silence extérieur.
– Mmmh ?
– J'ai froid...
– Tu as raison, il se fait tard. Il est grand temps que nous rentrions...
– Oui mais... nous ne savons même pas où nous sommes.
– Éliana le sait.
– Oui, mais Éliana dort.
– Il ne nous reste alors plus qu'à trouver une chambre à louer dans les environs. Allez, on y va... »

Célinda quitta – à regret – le buste du jeune homme pour l'eau qui lui sembla glaciale, tout à coup. Elle se dirigea ensuite vers Éliana puis la porta. À son grand étonnement, Vitalio ne lui proposa pas de porter leur amie à sa place ; savait-il donc qu'elle aurait refusé ?

Les trois compagnons récupérèrent leurs effets – Célinda s'occupa d'abord de revêtir Éliana avant elle – tandis que Vitalio cherchait des yeux un hôtel qui pourrait les accueillir. Le trio quitta la plage lorsque Célinda eut pris son amie épuisée dans ses bras pour se diriger vers l'hôtel qu'avait repéré Vitalio. Ce ne fût qu'une fois après que le garçon eût payé une chambre – à deux lits, à la demande de Célinda – pour la nuit que la jeune fille réalisa qu'ils n'avaient rien à se mettre pour la nuit. Elle partagea cette pensée avec Vitalio après avoir délicatement allongé Éliana sur le lit à deux places, à la grande incompréhension du jeune homme.

« Elle ne va quand même pas prendre le lit à deux places à elle seule... » avait-il fait, sur le ton de plaisanterie.

Pour seule réponse, Célinda avait contemplé ses pieds et marmonné un tout petit « Non. ». Le garçon s'était douté qu'elle avait quelque chose derrière la tête aussi l'avait-il laissée s'expliquer.

« Je... je préfère dormir avec elle, si tu n'y vois pas d'inconvénients... Je... je ne me sens pas encore assez... mûre... assez sûre de moi pour dormir à côté d'un garçon...
– Tu l'as pourtant déjà fait avec un certain Ténébrax, non ?
– Vous n'avez rien à voir ensemble ! Je veux dire par là que... Enfin que Ténébrax ne m'évoquait aucun réel désir alors que toi... Je ne pense pas pouvoir résister à ton magnétisme très longtemps, surtout si je suis dans le même lit que toi... » s'était-elle justifiée en rougissant légèrement.

Le garçon avait fait mine de comprendre, bien qu'il n'eût pas été très convaincu par l'idée qu'il pût provoquer un tel désir chez son amie. Cette dernière n'avait cependant pas été dupe du scepticisme du jeune homme. Aussi avait-elle développée son argumentation :

« Je... Il y a également quelques trucs à propos desquels je dois m'entretenir avec Éliana, quelques sujets que j'aimerais aborder avec elle avant qu'elle ne s'en aille.
– Et tu vas coucher avec elle "juste" pour que vous puissiez discuter en toute tranquillité ?
– Tu n'as aucune raison d'être jaloux, tu sais ; de plus, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas dormir avec Éliana : à mon âge, ce qui paraîtrait bizarre, ce serait de déjà dormir avec un homme, tu ne penses pas ?
– ...Mmmh... Oui, tu as sans doute raison, comme d'habitude... »

Mais Célinda n'avait pas voulu s'en tirer à si bon compte ; elle avait bien vu que Vitalio était encore plus sceptique quant aux arguments qu'elle avait développés. Il n'était pas convaincu le moins du monde, et ça se voyait. Aussi avait-elle ajouté :

« Et puis, quelque chose me dit qu'elle se sentira bien seule, une fois après nous avoir quittés, alors autant qu'elle fasse le plein d'émotions positives avant son départ... Avec un peu de chance, peut-être cela lui fera-t-il même retarder son départ, alors autant en faire le plus possible pour la retenir... Je ne vois rien de mieux que l'expérimentation d'une fraternité intense et sincère pour la faire changer d'avis...
– Dois-je en déduire que tu t'es finalement rangée à mon avis ? Tu es finalement de mon côté ? Tu tiens à la voir rester, comme moi ? s'était étonné Vitalio.
– Je... oui.
– Pourquoi ce soudain revirement ?
– Je... c'est mon amie d'enfance et... je n'envisage pas l'avenir sans elle. »

Vitalio était resté silencieux. Célinda s'était alors rendu compte de sa maladresse et s'était empressée de se rattraper :

« Sans toi aussi bien sûr, mais toi, tu resteras pour toujours à mes côtés, pas vrai ?
– Merci, j'avais compris ! s'était renfrogné Vitalio.
– Tu ne vas tout de même pas croire que je te préfère à elle ? »

Vitalio avait de nouveau adopté une attitude muette. Célinda était alors restée figée par la surprise – ou la terreur que Vitalio sût le secret de son amie – l'espace d'un instant.

« Je plaisantais, je plaisantais ! l'avait-il tranquillisée, voyant que sa moue n'avait pas vraiment l'effet voulu sur son interlocutrice...
– Je... je suis vraiment désolée de devoir une nouvelle fois te délaisser pour elle mais... »

Célinda s'était tournée vers Éliana, le regard vague et absent avant de poursuivre :

« ...mais je tiens vraiment à faire tout mon possible pour la retenir. Il faut vraiment que l'on ait une conversation en privé, elle et moi... Seulement si tu n'y vois pas d'inconvénients, je souhaiterais que tu nous laisses le lit deux places pour nous deux... J'ai beau ne plus supporter de te savoir loin de moi je... Il faut que je parle avec Éliana. C'est une nécessité. Promets-moi d'ignorer tout ce que l'on se dira cette nuit...
– Comme d'habitude, en somme... avait fait Vitalio en esquissant un sourire las.
– ...alors ?
– ...
– Ce sera la dernière fois... avait supplié la jeune fille.
– Vraiment ? Promis ? Tu lis dans le futur, maintenant ? Qu'est-ce qui nous dit que tu n'auras plus besoin de t'entretenir seule à seule avec elle, après cette nuit ?
– Parce qu'après, c'est seulement avec toi que je voudrais partager mon lit. »

Célinda, qui jugeait encore son argumentation bien trop bancale pour tenir la route, n'en crut pas ses oreilles lorsque, finalement, Vitalio accepta. Elle avait alors laissé un intense soulagement l'habiter, tout en se promettant de lui revaloir ça. Pour le moment, elle envisageait de se coucher, chassant l'idée selon laquelle elle ne lui avait pas tout dit – peut-être pensait-il la même chose qu'elle, après tout –, notamment le fait que si elle désirait dormir avec son amie, c'était en fait pour ne pas qu'elle s'imaginât qu'ils eussent fait des choses pendant qu'elle dormait – choses auxquelles Célinda préférait mieux ne pas penser histoire de ne pas céder à la tentation de finalement abandonner Éliana pour Vitalio...

Elle aborda alors le sujet qui lui brûlait à présent les lèvres :

« Je... On se couche tout habillés ?
– Je ne vois pas vraiment d'autres solutions... »

Éliana remua dans le dos de Célinda – elle s'éveillait – et lui livra un semblant de réponse :

« Je ne sais pas si ça répondra à tes attentes, mais j'ai confectionné une ou deux nuisettes...
– Et pour moi ? l'interrogea Vitalio.
– Tu n'as qu'à en enfiler une également...
– Tu plaisantes, là ?
– Oui, bien sûr, qu'est-ce que tu crois ? Que j'oserais mettre un seul article un tant soit peu féminin dans la collection masculine ?
– Avec toi, je ne sais jamais à quoi m'attendre... »

Célinda s'éclaircit la gorge, gênée.

« Enfin, quoi qu'il en soit, reprit Vitalio, je crois que je vais dormir avec un caleçon...
– Fais comme tu le sens. Après tout, il est vrai que je n'ai pas vraiment pensé à un quelconque habit masculin pour la nuit... Je... Désolée.
– On ne peut pas tout prévoir. Et puis, tu as tout le temps d'élargir tes collections... Allez, bonne nuit... souhaita le garçon aux deux filles en se glissant sous la couette du lit une place et éteignant la lampe de chevet juste à côté.
– Pourquoi est-il si... morose, tout à coup ? murmura Éliana à l'adresse de son amie qui s'approchait d'elle tout en se dévêtant.
– Je... Il est jaloux de toi.
– Pourquoi ?
– Je dors avec toi.
– C... comment ?
– Glisse-toi sous la couette, je te rejoins tout de suite... » répondit Célinda en faisant volte-face et en se dirigeant vers le lit de Vitalio.

Éliana regarda son amie s'éloigner, ahurie ; cette dernière se retourna et lui lança un regard qui voulait dire « Allez ! Qu'est-ce que tu attends ? ». Éliana s'exécuta alors aussitôt. Célinda reporta son attention sur le jeune homme qui, de toute évidence, boudait. Elle se pencha puis effleura son front de ses lèvres en lui souhaitant une agréable nuit. Leurs regards se croisèrent l'espace d'un instant avant que Célinda ne se fût complètement détournée de lui. Elle lut dans le sien de la compréhension teintée d'excuse pour son comportement. Elle lui fit un clin d'œil complice et compréhensif puis rejoignit son amie qui l'attendait patiemment sous la couette, allongée de profil, en jetant un dernier coup d'œil au lit de Vitalio, se sentant coupable, avant d'éteindre la lampe de chevet.

« Bon, maintenant, explique-moi pourquoi on se retrouve toutes les deux dans le même lit alors que Vitalio est seul dans le sien... s'emporta pensivement Éliana, soucieuse de ne pas ébruiter leur conversation.
– Je ne voulais pas te faire de peine...
– Tu m'en fais encore plus en étant aussi proche de moi, et aussi peu vêtue, qui plus est !
– Et puis, j'avais quelques questions à te poser.
– Vraiment ? Et quel genre de questions ? s'enquit pensivement Éliana, suspicieuse.
– Pas ce genre de questions, rassure-toi...
– Quel autre type de questions peut donc bien te préoccuper au point de laisser Vitalio crever de jalousie dans son lit ? »

Voyant que son amie n'était pas prête à l'écouter calmement, Célinda fit mine de quitter le lit.

« Non ! Reste, s'il te plaît ! Je suis désolée ! Je t'écouterais sans t'interrompre, je serais sage, je te le promets ! Croix de bois, croix de fer, si je...
– Ne jure pas, tu n'y arriveras pas !
– Tu veux parier ?
– Pas la peine, je reste, répondit Célinda en se réinstallant confortablement, soit en s'allongeant de profil, face à son amie.
– Sous-entendrais-tu par là que je ne sois pas capable de rester sage tout le long de ton discours ? Réponds-moi franchement !
– Je... oui.
– Et pourquoi doutes-tu à ce point de ma capacité à me contrôler ?
– Parce que je sais les questions que je veux te poser.
– Et quelles sont-elles donc, ces fameuses questions, à la fin ?
– Je... Pour commencer, je voulais avoir si tu savais approximativement quand est-ce que tu partirais...
– Dans les prochains jours, pas plus.
– Tu... tu en es sûre ?
– Certaine. Pourquoi tant de peine ?
– Je... je me projette peut-être un peu trop dans l'avenir, après tout...
– Dis toujours !
– Eh bien... si tu pars, qui sera mon témoin à notre mariage ? Et qui sera la marraine de notre premier enfant ?
– Tu trouveras sans doute quelqu'un pour me remplacer...
– ...mais... tu es irremplaçable ! Enfin, pour moi... Mais bon, je dois sans doute me faire une raison... Je voulais également savoir, si... enfin, est-ce que tu as ressenti quelque chose de... spécial lorsque j'ai posé un nom sur le Pokémon qui t'habitait ?
– Je... Oui.
– Comment c'était ?
– Tu tiens vraiment à le savoir ? »

Célinda resta silencieuse, ce qui valait une approbation.

« J'ai... j'ai ressenti comme une sensation malsaine, et... et à la fois pourtant si agréable, paradoxalement... Pourquoi ? Je... ça t'est aussi arrivé ?
– Je... oui.
– Vitalio a réussi à percer ton identité Pokémon ?
– Non. Pas lui.
– Qui alors ? Ténébrax ?
– Non.
– Tu... Pas moi quand même ?
– Si.
– Je... Vraiment ? Tu plaisantes, c'est impossible !
– Et pourtant...
– Je... je suis désolée, vraiment je... je n'ai jamais voulu je... désolée.
– Que penses-tu que cela puisse bien vouloir dire ?
– Je... aucune idée. »

Les deux amies restèrent silencieuses un instant. Puis Célinda saisit au vol une autre question qui la titillait :

« Je voulais aussi savoir si... enfin, tu ne m'as pas dit comment tu avais trouvé notre baiser...
– Et pourquoi voudrais-tu le savoir ?
– Je... Vitalio pense peut-être que j'embrasse mal...
– Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
– Je... Une... intuition.
– Eh bien il va falloir que tu te méfies de tes pressentiments, désormais... constata simplement Éliana.
– V... Vraiment ?
– Suis-je vraiment obligée de mettre des mots sur... ce que notre baiser m'a fait ?
– Je... c'est important pour moi...
– Alors tu feras de même avec moi.
– Si tu veux. Alors, comment c'était ?
– Je... C'était comme... goûter à un fruit interdit infiniment savoureux et découvrir, dans le même temps, pourquoi il l'est tant – interdit. Et toi, pour ta part, comment as-tu trouvé notre baiser ?
– Je... comme toi.
– Ce n'est pas vraiment ce que j'appellerai un compte-rendu détaillé...
– Je... je ne me souviens plus très bien, en fait...
– ...j'embrasse si mal que ça ? demanda Éliana, paniquée. Tu peux quand même me dire comment j'embrasse, par rapport à Vitalio, non ?
– Je... vous embrassez à peu près aussi bien l'un que l'autre...
À peu près ? Tu te moques de moi ?
– Comment ça ?
– Tu cherches à m'embrasser ou bien...
– Je penche pour le "ou bien".
– Même si le "ou bien" est suivi de... "tu cherches à m'embrasser et plus encore" ?
– Je penche encore plus pour le "ou bien", dans ce cas.
– Incroyable, commenta Éliana, en détachant bien chaque syllabe tout en s'allongeant sur le dos. J'étais plus proche du but que jamais et... et il a encore fallu que je fiche tout en l'air...
Encore ? Comment ça ?
– Je... Non, rien.
– Si, je veux savoir !
– Je... Étant un Pokémon du Temps, je peux voyager dans le temps et... je l'ai fréquemment fait pour... permettre à une relation de naître et de se développer entre toi et Vitalio...
– Tu veux dire que... notre relation n'est pas... naturelle ? Qu'elle ne vient pas du cœur ?
– Non, pas du tout ! contredit Éliana, catastrophée. J'entends juste par là que vous aviez besoin d'un coup de pouce pour... entamer une relation... sérieuse. Parce qu'autrement, vous passiez à côté l'un de l'autre, trop timides pour faire quoi que ce soit... alors que vous êtes faits l'un pour l'autre. Disons que j'ai "juste" donné un coup de pouce au Destin...
– Raison de plus pour te remercier en exauçant quelques-uns de tes désirs les plus... intenses. Si ce n'est plus...
– Pourquoi tiens-tu absolument à... à ce que l'on...
– Je ne veux que ce que tu attends réellement de moi, et tu le sais bien...
– Mais je n'attends rien de toi si ce n'est que tu vives heureuse pour toujours avec Vitalio !
– J'ai dit "réellement". Et tu l'as omis dans ta réplique.
– ...
– Pourquoi refuses-tu à ce point de voir la vérité en face ? Pourquoi refouler encore ces désirs qui te taraudent au plus profond de ton être alors qu'ils sont réalisables, en ce moment même ? Tu as tout fait pour que je sois heureuse, et tu comptes partir comme ça, sans que je ne t'aie rendu la pareille ? Tu rêves !
– Je... Arrête de parler comme ça ! Comme... Comme si c'était normal que je sois attirée par toi ! Comme si tu savais de quoi tu parlais !
– Mais je sais très bien de quoi je parle !
– Oh non ! Tu ne sais strictement rien des désirs qui m'animent !
– Je n'en serais pas si sûre, à ta place...
– Vraiment ? Alors quels sont-ils, selon toi ? »

Célinda resta silencieuse.

« Ah, tu vois ? Tu ne sais pas de quoi tu parles !
– Je ne le sais que trop bien. C'est juste que... des choses pareilles, je préfère encore les faire à les dire... ou même à les penser.
– Ne compte même pas me toucher !
– On peut pourtant tout faire sans aucun problème, tu sais : Vitalio a promis d'ignorer toutes nos paroles...
– Il a... promis ?
– Oui pourquoi ?
– Ne me dis pas que tu lui as fait promettre ça ?
– Et pourquoi pas ?
– Depuis quand deux personnes qui s'aiment plus que tout se promettent-elles autre chose à part amour et fidélité, autre chose que de s'aimer à la vie à la mort et de prendre soin l'une de l'autre ?
– Tout simplement depuis que j'ai lu cette détresse infinie dans ton regard. Une détresse qui m'a plongée dans un profond désarroi au point de vouloir à tout prix faire ton bonheur !
– ...
– Écoute, ce soir est sans aucun doute le dernier où on peut... réaliser tes rêves les plus fous, les plus insensés, où j'aurais l'occasion de me plier au moindre de tes désirs, des plus inavouables jusqu'aux plus enfouis dans les recoins les plus noirs, les plus sombres de ton âme pervertie. Je n'attends qu'un seul mot de toi pour accomplir le moindre de tes souhaits, pour me plier entièrement à ta volonté et à tes désirs. Un seul mot de toi et je me donne à toi pour toute la nuit.
– Tu oublies la protection qui entoure tes metavêts.
– Rafraîchis-moi un peu la mémoire ; qu'est-elle donc exactement sensée faire, cette protection ?
– M'empêcher de te voir entièrement nue. »

Éliana se rendit alors compte de la faille de cette modification. Faille que ne tarda d'ailleurs pas à mettre en évidence Célinda :

« Oui, mais là, tu ne risques pas de me voir puisqu'il fait nuit noire... Je peux donc les enlever sans prendre le risque de les retrouver sur moi contre ma volonté, pas vrai ?
– Je... En toute logique, oui...
– Maintenant que j'y pense, ce n'est pas vraiment mes metavêts qui importent, mais plutôt les tiens. Ont-ils également subi une modification au même titre que les miens ? »

Éliana resta muette.

« Eh bien, que t'arrives-t-il encore ? Tu as peur ?
– Peur ? Ce serait peu dire ! Je suis terrifiée ! balbutia la jeune fille.
– Et pourquoi donc ?
– Nous... on ne sait même pas où on va...
– Moi, je ne sais pas, mais toi, tu as rendez-vous au septième ciel... fit Célinda en caressant tendrement le visage de son amie.
– Si tu ne sais pas où tu vas, pas... pas question d'aller plus loin ! répliqua Éliana, frémissant à la caresse de son amie – sans la repousser, cependant.
– Peut-être rejoindrai-je le septième ciel, moi aussi.... Qui sait ? Tu m'as l'air d'avoir froid, dis-moi ! Viens donc dans mes bras... Je ne te ferai rien, promis. »

Éliana s'exécuta, confiante en son amie. Les deux jeunes filles s'enlacèrent pour la seconde fois. Sauf qu'à la différence de la première fois, seul un mince tissu les séparait, empêchait leur corps de se toucher vraiment.

« Bien. Comment te sens-tu, à présent ? demanda pensivement Célinda.
– Je... mieux. »

Célinda avait senti la tension de son amie se relâcher lentement après cette réplique platonique, aussi en déduisit-elle que son amie était sincère et, par conséquent, résignée à passer quelques moments exclusifs avec elle. Prudente, toutefois, elle jugea utile de commencer par des caresses... qui ne franchirent pas le stade d'idée. Parce que Célinda se rendit compte qu'elle aussi avait peur. De passer à l'action. De pénétrer en territoire, en zone inconnus. Peut-être autant que son amie. Peut-être même plus... Célinda savait que si elle faisait transparaître une seule once d'hésitation dans ses gestes une fois commencés, son amie s'en rendrait compte. Infailliblement. Et elle romprait leur fragile étreinte pour ne plus jamais la renouveler. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. La jeune fille tempéra toutefois sa crainte en se disant qu'elle avait déjà la complicité d'Éliana. Ne restait plus qu'à acquérir son accord, voire même, dans le meilleur des cas, son soutien...

« Éliana ? s'enquit Célinda, par la pensée.
– Mmmh ?
– T'opposes-tu toujours à ce que nous ayons des rapports plus... approfondis ? Plus intenses qu'amicaux ?
– Je trouve que les liens qui nous unissent l'une à l'autre sont déjà assez forts comme cela...
– Ils pourraient l'être bien plus, tu sais...
– Je n'en doute pas un seul instant.
– Et ?
– Et quoi ?
– Comment ça : "Et quoi ?" ? Tu ne vas pas me dire que le fait qu'on ait la possibilité de les approfondir ici et maintenant te laisse de marbre ?
– Et pourquoi pas ?
– Tu ne vas tout de même pas dire ne pas avoir envie de... enfin, de... "jouer" avec moi ? songea maladroitement Célinda. C'est pourtant indéniable !
– Pourquoi ne sommes-nous alors pas en train de... "jouer", comme tu dis ?
– Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.
– Je n'y ai déjà que trop répondu, pour ma part. »

Le silence s'abattit une nouvelle fois sur les deux filles. Silence que brisa Célinda :

« Éliana ?
– Oui ? fit celle-ci, l'air quelque peu énervé.
– Je pourrais attendre que Vitalio s'endorme mais... j'aime prendre des risques et... je peux parfois me révéler très impatiente, comme c'est le cas en ce moment même, alors... que dirais-tu d'une caresse ou deux ? Me permettrais-tu de te... caresser ?
– Si tu en éprouves l'intense besoin et que ce besoin ne se justifie pas par celui de me faire plaisir à tout prix, alors oui, tu peux y aller. »

Célinda hésita face à cette réponse. Oserait-elle la prendre pour un "oui" ? Au prix d'un immense effort de volonté, elle réussit à faire se mouvoir ses avant-bras qui entouraient le dos de son amie, qui fut parcourue d'un frisson – d'expectative ? De plaisir ? De terreur ? Célinda aurait donné cher pour le savoir... La jeune fille sentit également la respiration de l'autre s'accélérer. Pourquoi haletait-elle ? Comment pouvait-elle le savoir ? De peur que ce ne fût là l'expression d'un sentiment négatif, Célinda cessa aussitôt ses caresses.

« Tu... tu as aimé ?
– Qu'est-ce que je t'ai dit ?
– Oh, mais moi, j'ai tout particulièrement apprécié ce... contact. C'est juste que... enfin, je trouve ça mieux quand ça fait plaisir aux deux personnes en même temps. Alors, tu as aimé ? Réponds-moi sincèrement...
– Je... non, c'était atroce.
Atroce ? À... à ce point ? Je... je suis vraiment désolée.
– Je plaisantais, je plaisantais... la rassura pensivement Éliana, en émettant un petit rire nerveux. Ça n'était pas si... mal.
– Ce n'est pas assez pour moi...
– Peut-être parce que tu peux faire mieux ?
– J'en doute...
– "Pas si mal", c'est pas mal pour un début... Je suis sûre que tu peux faire mieux...
– Tu... Il y a des endroits où tu es particulièrement sensible ?
– Si tu crois que je vais t'aider... »

Célinda nota tout de même l'émotion qui habitait son amie. Sa voix pensive exprimait-elle également pareil transport ? Tout en réfléchissant à cette question, Célinda fit remonter – sensuellement, bien entendu – une de ses mains le long du dos d'Éliana afin de sentir la chevelure de cette dernière.

« Tu n'es pas très... naturelle... ne put s'empêcher de remarquer Éliana, la respiration saccadée. Tu... tu retournes mes enseignements contre... moi. »

Célinda choisit de ne pas répondre à ce constat. Elle savait que son amie appréciait à leur juste valeur chacun des gestes qu'elle faisait, quoi qu'elle pensât. C'était un juste retour des choses, en quelque sorte...

Célinda enfouit profondément ses doigts dans les cheveux doux et soyeux de son amie qui avait placé sa tête dans le creux de l'épaule de cette première, puis les fit lentement remonter jusqu'à leur racine pour ensuite dévier vers l'oreille droite de la jeune fille. Cette dernière retint alors sa respiration ; Célinda devina qu'elle avait trouvé ce qu'elle cherchait. Loin de se dégonfler – car tel était le but visé par l'inspiration de son amie –, Célinda concentra toute son attention sur les mouvements de ses doigts. Ils devaient être parfaitement ajustés pour lui procurer un maximum de plaisir – afin qu'elle baissât enfin sa garde. Tout le temps que dura sa caresse, Célinda sentit le souffle de son amie se glisser sous sa nuisette, lui offrant une sensation grisante de plaisir, semblable à celle qu'elle avait éprouvé lorsque son amie avait évoqué avec une étonnante précision certaines caractéristiques du Pokémon qui l'habitait.

Une fois le souffle de son amie complètement expiré, Célinda passa de nouveau sa main dans les cheveux d'Éliana afin d'atteindre l'autre oreille. Éliana retint alors de nouveau sa respiration, sauf que cette fois-ci, Célinda attendit qu'elle commençât à expirer – toujours dans sa nuisette –, puisqu'elle ne pouvait s'arrêter de respirer indéfiniment – contrairement à elle –, pour alors répéter les mouvements qu'elle venait tout juste de faire subir à l'autre oreille. Cette fois, ce fut un souffle saccadé qui gonfla et dégonfla l'étoffe légère dont elle était seulement vêtue, Éliana n'ayant pas eu le temps de reprendre correctement sa respiration. Célinda repartit ensuite à la recherche d'une troisième caresse digne de ce nom en faisant glisser son doigt sur le visage lisse de son amie – après que celle-ci l'eût relevé sur l'ordre implicite des doigts de Célinda – puis en lui faisant observer des oscillations entre une épaule et l'autre dont l'amplitude augmentait timidement. Célinda arrêta sa main à l'endroit exact du cœur de son amie pour prendre connaissance de son pouls. Son cœur battait la chamade, c'était une certitude. Mais à quelle vitesse exactement ? « Trop vite » jugea Célinda, avant d'ajouter, un petit sourire sur les lèvres : « C'est bien... ». Sa main reprit alors lentement sa trajectoire. Mais l'autre étape qu'elle souhaitait franchir était pour le moment hors de portée...

« Dis, je... je peux ôter ta... nuisette ?
– Je... Pour quoi faire ? »

Célinda ne répondit pas à sa question. Elle n'arrivait – ou ne voulait – pas à mettre des mots sur ce qu'elle faisait ou avait dans l'idée de faire. Les vêtements d'Éliana changèrent alors d'apparence.

« Que... ?
– Ne t'inquiète pas, je me mets juste un peu plus... à l'aise... » la tranquillisa Éliana.

Elle avait en fait revêtu un uniforme de collégienne que l'on rencontrait souvent dans les mangas – notamment dans ceux qu'elles avaient déjà eu l'occasion de lire, toutes les deux.

« Allez, dégrafe-moi cette jupe, pour commencer... »

Célinda n'en revenait pas ; les dernières défenses de son amie venaient-elles enfin de tomber ? L'avait-elle enfin convaincue de ses bonnes intentions ? Elle fut paniquée, tout à coup.

« Je... non, toi d'abord ! lui dit Célinda, en faisant prendre à ses metavêts une apparence semblable à ceux de son amie.
– Je tiens d'abord à savoir de quoi tu es capable... sans mes conseils.
– Ôte-moi au moins ma chemise, avant !
– Je ne sais pas non plus de quelle manière tu déboutonnes les chemises...
– Je promets de le faire comme si tu ne l'avais pas fait avant...
– Comment pourrais-je te faire confiance ?
– Parce que je suis ton amie.
– Bon... Mais tu le fais aussitôt après que je te l'aie fait, histoire que tu ne réfléchisses pas trop à modifier ta manière de faire...
– Tout ce que tu veux... »

Éliana se rangea donc à son argument, ignorant les sous-entendus que pouvaient cacher sa dernière réplique, et commença alors à se détacher de l'étreinte de son amie pour inspirer à fond et commencer à défaire son amie de sa chemisette – en fait, elle ne fit que la déboutonner.

« Tu ne me l'enlèves pas ? s'étonna Célinda.
– Je... j'ai peur de frôler ta peau...
– Je savais que je n'avais rien à offrir dans une relation... de corps à corps... Que je dégoûterais plus que je n'attirerais... révéla tristement Célinda, sur un ton mélancolique. Tu l'as pourtant dit toi-même : je suis grosse. Qu'est-ce qui m'a pris de... Qu'est-ce qui a bien pu me passer par la tête ? Comment ai-je pu m'imaginer que... ?
– Je... Non non ! Tu ne te faisais pas d'idées, c'est moi qui... qui fais un blocage, c'est idiot je... Enfin... Excuse-moi si je t'ai fait mal en parlant ainsi je... je ne le pensais pas vraiment.... Sur le moment, je pensais surtout à me défaire de ton étreinte alors... tous les moyens étaient bons pour te faire lâcher prise... j'ai peut-être été un peu dure... J'y suis peut-être même certainement allée un peu fort je... je regrette terriblement. Je... tu m'en veux ?
– Oui. Terriblement.
– Comment pourrais-je me racheter ?
– ...Que dirais-tu de finir de me dévêtir ?
– Je n'ai même pas commencé...
– À peine : tu as "juste" déboutonné ma chemise... ironisa Célinda. Alors ?
– ...
– Pourquoi cette réticence ? J'avais en fait raison, c'est ça ?
– Non, ce n'est pas ce que tu crois, c'est juste que... j'ai peur que le contact de nos deux peaux te rebute...
– Ne t'en fais pas tant pour moi...
– Une personne qui en aime une autre ne peut faire autrement qu'attention au ressenti de l'autre à travers chacun de ses faits et gestes...
– A... alors tu... Tu m'aimes... vraiment ?
– Tu n'avais pas encore remarqué ? plaisanta Éliana, quelque peu étonnée.
– Si, bien sûr mais... enfin, je ne pensais pas que... enfin laisse tomber.
– Non, vas-y, continue, je t'en prie. Chacune de tes paroles est chère à mes yeux...
– Je... enfin, je n'imaginais pas que tu m'aimais au point de me porter tant... d'attention...
– Eh bien tu le sauras, désormais... Je... tu me dis si... je m'y prends mal, d'accord ?
– Oui. Mais quoi qu'il arrive, sache que je te fais confiance. »

Célinda aurait bien ri de l'inquiétude de son amie si elle n'avait pas désiré avec tant d'ardeur lui faire plaisir – ne pas la vexer – ; en effet, elle, faire mal quelque chose ? Ça lui semblait absurde...

La jeune fille attendit donc patiemment que son amie retirât sa chemise – l'aidant un peu étant donné qu'elles étaient toutes deux allongées de profil –, se concentrant sur sa respiration afin qu'elle ne devînt pas saccadée – ou pas trop – lorsqu'elle sentait la présence des doigts de son amie non loin de sa peau. Lorsqu'Éliana eut terminé, elle retira précipitamment ses mains et patienta à son tour que Célinda fît ce qu'elle venait tout juste de faire pour elle. Cette dernière déboutonna comme promis le chemisier de son amie puis l'ôta de son corps, de la façon dont elle avait promis à son amie de procéder. Elle sentit entretemps qu'elle avait pensé à faire apparaître un soutien-gorge, contrairement à elle – « Cela m'aurait-il cependant vraiment été nécessaire ? » ne put-elle s'empêcher de penser (ironiquement, bien entendu, étant quelque peu agacée par ses formes si plates). Elle s'employa donc à l'enlever également après avoir doucement rapproché son amie contre elle et l'avoir enlacée. Elle défit lentement les bretelles dudit soutien-gorge et essaya de le séparer du corps d'Éliana sans se détacher d'elle mais, à sa grande surprise, elle n'y parvint pas.

« Qu'est-ce que... s'interrogea Célinda, intriguée.
– Comme c'est cocasse... fit l'autre, à la fois gênée et excitée. Je... mes metavêts ne s'enlèvent que si on les saisit par... enfin, ils collent à ma peau, en fait, comme si elle les aspirait, comme s'il s'agissait de ventouses : pour m'en défaire, il te faut donc créer suffisamment d'échappements pour permettre à l'air de pénétrer. Dans le meilleur des cas (ou le pire, tout dépend du point de vue), tu auras juste à séparer les contours de ma peau, et... et après, ils s'enlèvent comme des normaux... C'était une manière de m'assurer que l'on n'irait pas plus loin ; j'étais persuadée que tu n'aurais pas la force d'aller aussi loin...
– C'est pourtant ce que je compte faire... Et, tiens-le toi pour dit : je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin... Allez, recule-toi un peu, ma belle... »

Éliana fit glisser ses bras le long du torse – complètement nu – de son amie avec appréhension tandis que celle-ci défaisait lentement l'étau de ses bras, au fur et à mesure qu'elle s'éloignait d'elle en se penchant en arrière. Éliana sut ainsi lorsqu'elle fut suffisamment loin de son amie pour que celle-ci menât à bien ce qu'elle avait entrepris. Une fois qu'Éliana se fut stoppée, Célinda fit pivoter ses mains – qu'elle avait auparavant pris soin de glisser sous les élastiques de son soutien-gorge – autour du buste de son amie. Elle voulut faire en sorte de frôler au minimum la poitrine de son amie et y parvint, à son grand soulagement... sauf qu'après avoir déposé sur le matelas le soutien-gorge de son amie, ses mains se dirigèrent malgré elle vers sa poitrine, tels des aimants attirés par une source jusque-là invisible.

« Non, pas... prévint Éliana, interrompue par la sensation du contact des mains de son amie se refermant sur sa généreuse poitrine.
– Celebi tu es... magnifique... » murmura Célinda, d'une voix tout à fait sensuelle, en raffermissant sa prise puis laissant son instinct guider – définitivement – ses doigts de petite fille après avoir fait délicatement basculé son amie sur le dos et avoir placé chacune de ses fines jambes de part et d'autre de son buste, de façon à la surplomber.

Éliana frissonna à l'évocation du nom du Pokémon qui l'habitait ; ce sentiment intense qu'elle avait décrit avec tant de justesse à son amie l'avait de nouveau assaillie. Et il redoubla d'intensité sous l'effet des caresses de Célinda, qui se révélaient être d'une douceur diabolique incroyable – une manière qu'elle ne lui avait pas enseignée, faute de la connaître, et pourtant ô combien plaisante... Malgré le bonheur qu'elle éprouvait, Éliana sentait cependant que quelque chose n'allait pas. Elle ne savait pas se l'expliquer, et pourtant, le fait était là. Peut-être était-ce le fait de la voir comme une dominatrice... Cela ne lui ressemblait pas vraiment, mais ça semblait lui faire tellement plaisir... Et ce n'était pas Éliana qui allait s'en plaindre ; il y avait pourtant bien quelque chose qui clochait, aussi, au prix d'un immense effort de volonté, Éliana réussit à gifler son amie dont les mains quittèrent immédiatement la poitrine de la jeune fille.

« Je... que... qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Célinda, d'une voix bizarre.
– Rien, sans doute un mauvais coup de Ténébrax... prétexta Éliana, sans trop réfléchir. Allez, vas-t-en, tu ferais mieux de rejoindre Vitalio dans son lit...
– Mais... je... Nous étions bien parties, pourtant !
– Ça n'a déjà que trop dérapé...
– Ce sont pourtant ces "dérapages" que tu apprécies, non ?
– Oui, mais seulement lorsqu'ils sont contrôlés.
– Je... Dois-je en conclure que... tu ne veux pas refaire un essai ? »

Éliana resta silencieuse, ce que Célinda déchiffra comme une désapprobation irrévocable, sans aucune possibilité de revirement aucune. Malgré l'obscurité, Éliana parvint à distinguer une perle d'eau rouler le long d'une joue de son amie. Perle d'eau qui vint s'écraser sur son bassin dénudé. La jeune fille dût une nouvelle fois user de sa volonté de fer – déjà bien sollicitée – pour résister à la tentation d'approcher de son amie pour lécher ses larmes, et ainsi faire s'évanouir sa peine.

« Tu... tu es sûre que... qu'on en reste là ? fit-elle à voix basse, pour la première fois depuis leur échange.

Éliana ressentit avec une intensité redoublée la tristesse de son amie – sa voix était littéralement brisée. Mais elle resta de marbre. Devant son absence totale de réaction, Célinda s'avoua vaincue ; puisqu'Éliana ne voulait pas de sa tendresse, elle allait en faire profiter quelqu'un d'autre...

« Tu... ne le regretteras pas, tu me le promets ? » s'enquit-elle cependant une dernière fois avant de quitter (pour de bon) le lit à deux places, espérant de tout son cœur que son amie l'enlacerait et lui demanderait de ne plus la quitter, jamais.

Éliana continua de regarder fixement la silhouette de son amie – plus précisément là où se trouvaient exactement ses yeux – comme assise sur son ventre – infiniment désirable –, signe qu'elle était bien déterminée à ne pas changer d'avis avant... longtemps. Celle-ci respira enfin lorsque Célinda fut sortie du lit pour rejoindre celui de Vitalio. Une fois encore, Célinda avait mis ses défenses à rude épreuve. Elle espérait juste qu'elle ne revînt pas de sitôt, ou bien elle flancherait bientôt. Lorsqu'Éliana fut sûre que son amie ne pût l'entendre, elle fondit en larmes. Elle avait gagné, elle n'avait pas cédé. Mais elle était malheureuse. Infiniment malheureuse. Pour sa part, tout le temps que dura son trajet du lit deux places d'Éliana vers celui d'une place de Vitalio, Célinda pria Arceus que son amie la suppliât de revenir. Alors qu'elle allait s'installer dans le lit du garçon, Éliana lui parla enfin par la pensée... mais elle n'entendit pas ce à quoi elle s'attendait – ou ce qu'elle désirait entendre plus que tout –...

« Célinda !
– O... Oui ? fit pensivement l'interpellée, d'une "voix" pleine d'espoir qui fit vaciller la désormais fragile volonté d'Éliana.
– Tu... Tu portes toujours... ton uniforme de collégienne.
– Je... merci. »

Et ce fut tout. La jeune fille, mélancolique, pensa à la nuisette qu'elle portait tout à l'heure, et elle en fût instantanément vêtue, tandis que le goût amer de la défaite se faisait ressentir lorsqu'elle déglutissait, en même temps que le sentiment d'être passée tout près de quelque chose de dangereux... et d'extrêmement excitant. Dans une dernière tentative, afin d'être certaine d'avoir vraiment tout fait pour la tenter, elle lui avoua tristement, toujours par la pensée :

« Je suis au courant de l'ineptie de mes propos mais... Tu veux – et tu vas – travailler dans la mode, tu vas peut-être même créer toi-même ta propre boîte. Parce que tu rechercheras d'abord une clientèle jeune – clientèle qui n'est actuellement pas vraiment exploitée. Bien. Et tu auras sans doute quelques... amourettes avec tes mannequins mais... Je veux dire que... j'aurais tellement aimé connaître ta douceur... sanglota Célinda. Je crois que... je vais en mourir de jalousie...
– Et moi, tu crois que je ne vais pas crever de jalousie à la pensée de vos... ébats à venir, de ces relations inédites que Vitalio entretiendra avec toi ?
– Pourquoi ne pas y mettre fin ? Pourquoi ne pas faire taire une fois pour toutes ces jalousies qui nous font souffrir, toi et moi ? Puisque "chacune de mes paroles est chère à tes yeux", pourquoi ne pas aller les puiser directement à la source ?
– Parce que deux sœurs n'entretiennent et n'entretiendront jamais de pareilles relations.
– Nous nous sommes pourtant déjà embrassées. Tu l'as toi-même dit : cela faisait de nous tout autre chose que des sœurs.
– Peut-être mais...
– Il n'y a pas de "mais". La vérité, c'est que tu n'as pas envie d'être la première à exaucer tes vœux avec celle que tu considères comme ta sœur.
– C'est ça... » grommela Éliana en se recouvrant de la couette qu'elle avait auparavant soulevée – afin d'avertir son amie de sa tenue qui aurait paru quelque peu singulière aux yeux du garçon, mettant ainsi définitivement fin à leur conversation.

Célinda resta ainsi, debout, perdue, à contempler la silhouette de son amie camouflée par le drap. Longtemps.