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Des vacances mouvementées... de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 19/03/2011 à 17:18
» Dernière mise à jour le 05/07/2012 à 17:26

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Comme une impression de déjà-vu...
Cela devait bien faire une heure depuis le départ de Ténébrax. Une heure que Célinda avait passée à ruminer de bien sombres pensées – sans aucun doute les plus noires de sa vie – en espérant l'arrivée de Vitalio. Une arrivée qui tardait. Cependant, cette arrivée était-elle vraiment prévue ? Le garçon y avait-il fait une seule fois allusion ?

À force d'attendre, Célinda ressentait sa solitude de manière de plus en plus intense. Solitude qu'elle décida de rompre en sortant Fouineur de sa Pokéball, après avoir longuement hésité, pensant que Vitalio ne tarderait pas à faire son apparition. Le souvenir du réconfort que lui avait procuré son Pokémon avait tout de même fini par l'emporter. Elle fila dans sa chambre pour saisir la Pokéball du Pokémon Fouine qui depuis peu était en sa possession puis s'en retourna dans le salon pour reprendre place sur le fauteuil qui faisait face à la télévision du salon. Longtemps, elle fit tourner la Pokéball dans sa main droite, l'air absent, songeant que Vitalio allait très bientôt frapper à la porte de sa maison... Plus que quelques secondes...

Célinda appuya finalement sur le bouton de la Pokéball d'où jaillit Fouineur qui vint se placer debout sur sa queue au milieu de la table basse du salon, face à sa maîtresse à laquelle il lança un regard désolé. La jeune fille se rappela alors que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, il avait essayé de la prévenir du piège que lui tendait le Pokémon qui hantait alors Vitalio. Sans succès. Célinda en déduisit qu'il avait donc remarqué son état de faiblesse, ce sentiment d'enfermement, de non-liberté qui la taraudait à présent... Comme pour se justifier, elle avança quelques arguments :

« Je... c'était très gentil de ta part d'essayer de me prévenir du danger que je courais... Mais... Même si j'avais compris, je... enfin, j'aime Vitalio, je l'aime, tu comprends ? Est-ce que les Pokémons peuvent éprouver de l'amour ? Je... je suis consciente d'avoir mis fin à ses jours à l'un des tiens à travers mon sacrifice pour Vitalio mais... je... c'était la seule façon que j'aie trouvée de lui faire comprendre que je l'aimais réellement... »

Le Fouinette contempla sa dresseuse d'un air de dire : « Et ça a changé quelque chose ? »

« Je... À vrai dire... non, pas vraiment, en fait... Je... Plus le temps passe, moins j'ai l'impression que la possibilité d'une relation amoureuse puisse un jour voir le jour entre nous deux... ce... c'est idiot mais c'est comme ça que je ressens la chose... »

Fouineur bondit de la table basse pour atterrir souplement sur sa dresseuse contre laquelle il se blottit tandis qu'elle se retenait de verser les quelques larmes que lui inspiraient la désastreuse relation qu'elle entretenait avec Vitalio faute de mieux.

« Tu crois qu'un jour, nous aurons une relation... enfin... une relation amoureuse ? » dit Célinda, à haute voix, plus pour elle que pour son Pokémon.

Ce dernier releva la tête, et Célinda vit dans les yeux de Fouineur comme un éclat de haine, qui semblait lui dire : « Je t'interdis de dire ça ! Le sacrifice du Pokémon qui sommeillait en toi n'aurait donc servi à rien ? Tout mais pas ça ! »

« Je... Tu as raison, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça... je... je ferais tout pour que ce sacrifice n'ait pas été vain... Tout. »

Fouineur et sa dresseuse restèrent ainsi, l'un contre l'autre, pendant un long moment. Lorsqu'ils se séparèrent pour que Célinda pût prendre sa douche – midi était en effet déjà loin derrière eux –, plus décidée que jamais à séduire Vitalio, les deux êtres sentirent quelque chose mourir entre eux. Ou peut-être naître...

L'eau bouillante de la douche se révéla être un puissant stimulant pour la jeune fille, bien qu'elle n'en eût pas réellement besoin. Tout en se lavant, elle fit silencieusement l'inventaire des choses qui plaisaient à Vitalio, de celles qu'il détestait et de celles qu'elle ignorait. Elle se rendit compte que cette dernière catégorie était bien plus remplie que les deux premières. Loin de se décourager cependant, elle chercha le moyen d'interroger le garçon sans éveiller ses soupçons. La seule manière qu'elle trouva de lui soutirer ces informations se révéla être un dîner en tête-à-tête. De même, elle essaya d'imaginer la façon dont elle pourrait amener le garçon à l'inviter à dîner. Une promenade en ville lui déplairait-il ? Elle n'en savait vraiment rien...

Alors que la jeune fille se séchait, elle se prit à regretter l'absence de son ex-amie Éliana. Lui revinrent alors en mémoire les derniers mots qu'elles lui avaient adressés. Elle se contempla alors dans la glace face à elle, observant avec attention le galbe de son ventre. Était-il réellement trop prononcé ? Célinda n'avait jamais vraiment prêté d'attention à celui de son amie – la relativité de sa remarque ne faisait aucun doute. Tandis qu'elle se tournait pour la énième fois pour mieux apprécier la silhouette de son reflet, elle entendit la porte d'entrée claquer légèrement. La jeune fille se saisit précipitamment de son peignoir, ayant par inadvertance laissé entrouverte la porte de la salle de bain. Alors qu'elle essayait de former un nœud avec la ceinture de son peignoir, Vitalio fit son entrée dans la salle de bain.

« Tu n'arrives pas à faire de nœud avec ta ceinture de peignoir ? Tu veux que je t'aide, peut-être ? » s'enquit-il en s'approchant par derrière de la jeune fille pétrifiée à l'idée d'être si peu vêtue en présence d'un garçon.

Sa respiration s'accéléra lorsque les mains du jeune homme s'emparèrent de chacune des extrémités de la ceinture. Elle se calma presque instantanément lorsqu'ils formèrent un nœud parfait avec le bout de matière aussi doux au toucher que du velours.

« Je... en fait, je me demandais si... si j'allais un jour avoir la chance de porter un enfant... Entre toi qui ne veux pas me toucher et Vitalio qui ne supporte pas que je le touche, j'ai l'impression d'avoir la poisse... Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas, chez moi... À moins que... Tu crois que c'est parce qu'on a été des Poké-humains que... que ça me fait ça ?
– Ainsi, tu m'as démasqué ? la questionna Ténébrax en reprenant son apparence véritable.
– Ce ne fut pas réellement très difficile...
– Pourquoi ?
– Vitalio n'est pas aussi... direct, répondit Célinda, un sourire aux lèvres.
– Beaucoup moins que moi ?
– Pourquoi veux-tu le savoir ? Tu sais déjà qu'il ne veut pas que je le touche et qu'il est moins direct que toi, ça ne te suffit donc pas ? Tu es jaloux ?
– Je ne peux rien te cacher... Mais toi non plus. Ce n'était pas à la possibilité d'une grossesse que tu songeais quand j'arrivais...
– Non, en effet. À quoi alors ? »

Le garçon rougit puis dit :

« Oublie ce que je viens de dire... Bon, je t'attends dans le salon, je t'emmène dîner dans un restaurant, fais-toi belle...
– Je... tu m'emmènes dîner ? Je veux dire... en tête-à-tête ?
– Oui, pourquoi ? »

Célinda eut un haut-le-cœur ; la dernière fois qu'elle avait aperçu un restaurant, c'était la soirée où elle avait tout perdu... De plus, inexplicablement, le fait d'être invitée à un dîner en tête à tête avec quelqu'un lui donna l'impression d'être vieille, tout à coup...

« Pourquoi cet air triste ?
– Je... j'aurais aimé accéder à ta requête, hélas, je ne me sens pas vraiment dans mon assiette... Je comptais aller me coucher juste après avoir pris ma douche...
– Comme ça, sans manger ? »

La jeune fille se rappela qu'elle n'avait pas touché un aliment depuis ce matin ; aucune douleur à l'estomac n'était pourtant présente...

« Je... Eh bien oui, vois-tu, j'allais au lit sans manger !
– Tu es punie ?
– Vois ça comme tu veux... » murmura Célinda en quittant la salle de bain après avoir saisi ses nouveaux sous-vêtements, plantant là Ténébrax.

Lorsque ce dernier courut après son amie, la porte de la chambre de celle-ci lui claqua au nez. Il l'entendit alors éclater en sanglots.

« Cé... Célinda ? Quelque chose ne va pas ? »

Après moult hésitations, Ténébrax entrouvrit la porte de la chambre de la jeune fille qui ne répondait pas. Ou, tout du moins, il essaya. Son amie se trouvait en effet juste derrière ladite porte et s'appuyait contre elle, empêchant ainsi quiconque d'y entrer.

« Laisse-moi entrer, Célinda... s'il te plaît... supplia le jeune homme.
– Pourquoi te laisserai-je entrer ? fit Célinda entre deux sanglots.
– Je... Pourquoi pas ?
– Je ne sais plus où j'en suis... Je ne veux pas faire de choses dont je ne connais pas les portées futures...
– De quel genre de choses parles-tu ?
– De tout !
– Ce n'est pas une réponse concise comme tu as l'habitude d'en faire... Allez, laisse-moi entrer, je ne te forcerai pas à faire un de ces choix que tu redoutes tant... »

La jeune fille avait fini de pleurer. Un silence s'installa alors. Aucun des deux Poké-humains n'aurait pu dire le temps qu'il dura. Toujours est-il qu'à un moment, la porte finit par s'ouvrir sur une Célinda aux yeux rougis devant un Ténébrax rongé par l'inquiétude. Du moins en surface...

Les deux adolescents se toisèrent intensément du regard pendant un nouveau silence que Célinda finit par briser :

« Je... je suis désolée, je suis vraiment fatiguée. Tu... tu as sans doute un peu sommeil, toi aussi. Je... Tu veux qu'on dorme ensemble, peut-être ? demanda timidement la jeune fille.
– Je ne sais pas si je pourrais dormir... Mais je veux bien essayer... Et puis, une place à tes côtés me permettra de veiller sur toi... et ton sommeil... »

Célinda acquiesça silencieusement puis passa devant le jeune homme, l'entraînant par la main dans la chambre de ses parents. Elle s'allongea doucement dessus, invitant Ténébrax à faire de même, ce que ce dernier fit – à son grand étonnement – sans réticence d'aucune sorte. La jeune fille ferma les yeux mais ne parvint pas à trouver le sommeil. Le garçon, la voyant grelotter, lui suggéra de s'allonger sous le drap et non dessus. Célinda s'exécuta et sentit aussitôt une douce quiétude l'envahir lorsqu'elle ferma de nouveau ses paupières – elle n'avait cependant rien en commun avec celle qu'avait parue ressentir Éliana lorsqu'elle l'avait aperçue depuis la fenêtre de sa chambre. Elle se sentait néanmoins mieux qu'avant.

« Je... je peux compter sur toi pour me réveiller si jamais tu changeais d'avis ?
– Changer d'avis ? À propos de quoi ? »

Célinda ouvrit les yeux, s'allongea de profil sur le lit et toisa intensément du regard le jeune homme toujours allongé sur la couette à côté d'elle.

« Ah, de ça... fit Ténébrax en levant les yeux au ciel, puis les reposant sur elle en affichant un sourire moqueur. Excuse-moi, j'avais oublié à quel point mademoiselle était pénétrée d'un certain désir lié à une certaine personne masculine...
– En attendant d'être pénétrée par autre chose...
– Tes réparties sont de plus en plus... provocantes...
– J'ai ta parole ? » répéta la jeune fille en ignorant la remarque, imperturbable.

Ténébrax sembla hésiter pendant une poignée de secondes.

« Et c'est moi qui est possédée d'un certain désir... observa Célinda, en levant à son tour les yeux au ciel.
– Je te faisais marcher ! Bien sûr que tu peux compter sur moi, n'est-ce pas là ce que toute moitié de couple normalement constitué est censée faire vis-à-vis de l'autre ?
– Je te ferais remarquer que nous ne formons pas vraiment un couple normalement constitué.
– Mais nous ferons tout notre possible pour paraître comme tel, bien entendu...
– C'est bien à toi de dire ça... Un couple normal ne fait donc jamais...
– Pas un couple de notre âge, Célinda... soupira le jeune homme, visiblement irrité.
– Évidemment... approuva sans conviction la jeune fille en levant les yeux au ciel une nouvelle fois – des yeux remplis de rage et de désespoir – et en s'allongeant sur le dos. Raison de plus pour vieillir, justement...
– Tu es... fâchée ? »

Célinda resta muette, contemplant le plafond d'un air absent. Elle sombra bientôt dans un profond sommeil sous le regard inquiet de Ténébrax.


À son réveil, la jeune fille sentit aussitôt le regard du garçon braqué sur elle.

« Tu n'as pas dormi de la nuit ? lui demanda-t-elle en ouvrant lentement les yeux.
– Je... crois-le ou non mais je suis tellement fasciné par ta personne que je me suis révélé incapable de fermer l'œil de la nuit... »

Ces paroles regorgeaient d'une telle sincérité que Célinda rougit.

« Bon, je... je vais préparer ton petit-déjeuner, tu dois mourir de faim... » bredouilla le jeune homme, en se levant du lit et se dirigeant vers la porte de la chambre, confus.

« Les garçons sont décidément tous les mêmes... » songea la jeune fille.

« Comment ça ? s'enquit Ténébrax en revenant sur ses pas.
– Je... Eh bien, Vitalio m'a également préparé mon petit-déjeuner, une fois...
– Ce type de galanterie te révulse donc à ce point ?
– Non, pas du tout, bien au contraire, c'est juste que... enfin... les garçons ne sont pas très originaux... d'après ce que je vois...
– En même temps, y a-t-il plusieurs façons d'être galant en début de journée ? »

Célinda s'empourpra de nouveau tandis que le garçon s'éloignait avec un soupir que l'adolescente n'était pas sûre d'apprécier. Elle ôta son peignoir puis enfila son pyjama, après mûre réflexion. Quelque chose lui disait que moins de temps elle passerait aux côtés de Ténébrax, mieux ce serait. Pas question donc de gaspiller du temps en allant trop vite – soit en mettant tout de suite ses vêtements pour la journée. De même, pas non plus question de garder sur elle son peignoir ; moins elle en montrerait à Ténébrax, mieux elle se porterait. Une fois dans la cuisine, elle s'installa à la table que Ténébrax avait déjà préparée. Celui-ci se tenait près du micro-ondes comme Vitalio une éternité auparavant, sauf qu'à la grande différence de ce dernier, il s'était retourné à son arrivée. Son attention était à présent entièrement portée sur Célinda. Celle-ci parvint à se contenir à grand-peine de le prévenir que la cuisson de son bol était terminée. Au début, en tout cas. Elle finit effectivement par s'éclaircir la gorge, réveillant ainsi Ténébrax de son état contemplatif quelque peu déroutant.

« Je peux te poser une question ? s'enquit le garçon en déposant le bol de lait devant Célinda qui ne semblait pas avoir faim le moins du monde.
– Du moment que ça n'a rien à voir avec tu sais quoi...
– Pffff... Et après c'est moi qui pense toujours à ça... Enfin, je voulais savoir pourquoi je te captive tant...
– Pourquoi cette question ?
– Tout simplement parce que tu devrais me haïr pour ce que je t'ai fait ! Je t'ai sans aucun doute fait le plus de mal moral possible, et tout ce que tu trouves à faire c'est... m'autoriser à dormir à côté de toi... c'est invraisemblable !
– D'une, tu n'as pas vraiment dormi avec moi... et de deux, ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ?
– Aveugle au premier sens du terme, oui...
– Pourquoi pas aux autres ?
– Je ne sais pas, moi, c'est comme ça que je voyais ça, en tout cas...
– Non, la vérité, c'est que tu veux que je t'oblige à te faire pardonner avec... un baiser, ou un truc du genre... » répliqua doucement Célinda, grimaçant intérieurement en voyant le garçon hésiter.

La jeune fille avait conscience des risques qu'elle prenait. Mais sa langue commençait à fonctionner plus vite que son cerveau. Était-ce donc la raison pour laquelle elle avait perdu Éliana et Vitalio ? La cruauté de son comportement la frappa de plein fouet. Même si Ténébrax n'était pas le parfait gentil garçon, il n'avait certainement pas voulu ce qu'il était devenu. Ni même ce qu'elle lui faisait endurer. Elle se trouvait tout à coup bien plus horrible que toutes les sorcières des contes pour enfant. Ténébrax sembla remarquer son trouble, mais ne le prit pas pour ce qu'il était réellement :

« Je... c'est tellement vital pour toi les... enfin je veux dire... entre deux personnes qui forment un couple, il faut forcément qu'il y ait... des...
– Des quoi ?
– Enfin, tu sais bien, des... des...
– Tu n'arrives pas à dire un mot particulier ? »

Les regards des deux adolescents se croisèrent l'espace d'un bref instant.

« Je... Pourquoi n'y arrives-tu pas ? s'enquit la jeune fille, intriguée. As-tu manqué d'amour au point de ne plus savoir ce que c'est ? Comment il s'exprime ?
– Si tu crois qu'on peut se faire des amis avec une apparence comme la mienne... Des employés, à la limite, oui, mais des amis... La seule chose pour laquelle on puisse m'aimer, c'est mon argent.
– Ton argent ?
– Oui. Je ne sais pas pourquoi mais au fur et à mesure que je grandissais, j'avais pas mal d'argent sur mon compte en banque...
– Mais qu'est-ce donc au juste que cette fumée noire qui t'entourait ?
– Qui m'entourait ?
– Oui, pourquoi ?
– Tu as bien utilisé l'imparfait ?
– Oui, mais je ne vois pas où est le problème...
– Eh bien... c'est-à-dire que... nous ne sommes plus en contact...
– Et ?
– J'ai l'impression que les nuages noirs qui m'entouraient ont complètement disparu lorsque nous nous sommes embrassés pour la première fois...
– Ça fait si longtemps...
– Célinda, je suis sérieux ! Je ne suis plus entouré de ténèbres ?
– Je sais pas, moi, peut-être ne l'es-tu plus seulement à mes yeux... suggéra la jeune fille. Pourquoi ? C'est si important ? Ne devrait-on pas justement se réjouir ?
– Se réjouir ? Tu ne comprends donc pas ce que la perte de ce nuage ténébreux peut signifier pour moi ?
– Bah, la possibilité de se faire des amis, non ? »

Le garçon eut un petit sourire.

« Une petite-amie me suffit amplement... Non, ce dont je voulais parler, c'est le risque de perdre toute crédibilité auprès de mes employés s'ils s'aperçoivent du fait que je ne suis qu'un adolescent ! »

Ce fut au tour de Célinda d'afficher un sourire.

« Personnellement, je doute que des employés regardent leur patron de travers tant que celui-ci les paye convenablement... »

Ténébrax médita un instant cette remarque, pesant les réelles conséquences de sa perte d'anonymat.

« Et puis au fond, est-elle si importante, ton entreprise ? Quel était son but ?
– Quel est son but, tu veux dire :elle est toujours sur pied... Tu n'as donc pas de petite idée ?
– Eh bien... pas vraiment, non, mentit la jeune fille.
– Vraiment ? Pas la moindre ? Tu m'étonnes... enfin bref, ce que je cherche à faire par l'intermédiaire de cette société, c'est réveiller le Pokémon qui sommeille en chacun de nous...
– Encore faut-il que chacun en ait un au fond de soi...
– Ça ne m'étonnerait pas beaucoup.
– Et pourquoi réveiller cet instinct ?
– Parce qu'ainsi, plus personne n'éprouvera de douleur vis-à-vis de la perte d'êtres chers puisque la mort sera totalement éradiquée !
Totalement éradiquée ?
– Tu as une idée derrière la tête, toi...
– Je... enfin je me disais qu'il était peut-être possible de mourir de vieillesse, tout de même... Ça m'aurait laissé un espoir de voir un jour une délivrance s'effectuer...
– Vivre pour mourir ?
– Cela te semble choquant ; c'est pourtant comme cela depuis la nuit des temps ! Et puis, imagine, si on vainquait définitivement la mort, on s'ennuierait, au bout d'un moment, et la planète serait vite surpeuplée... »

Le jeune homme sembla réfléchir à la série d'arguments que son amie avait développée. Cette dernière l'interrompit bientôt dans sa réflexion :

« Mais tu n'as pas répondu à ma question : selon toi, il est impossible à tout Poké-humain de mourir de vieillesse ? Vous avez tout essayé ? Où en sont rendues vos expériences ? Quels sont vos résultats ?
– Pour tout te dire, j'hésite à te communiquer les résultats de nos "expériences", comme tu dis...
– Pourquoi ? Ils sont top secrets ? fit Célinda sur un ton moqueur. Ne sommes-nous donc pas censés n'avoir aucun secret l'un pour l'autre ?
– ... tu as raison... mais ne m'en cacheras-tu jamais, toi ?
– ...
– Pourquoi hésiter ?
– Je... tu le sais très bien...
– Pas du tout !
– Arrête de jouer avec moi ! s'emporta la jeune fille. J'en ai marre des mensonges, des maux, de souffrir ! Quand donc le comprendras-tu ?! Je ne suis plus une jeune fille innocente qui croit aussi bien en la Vie que l'Amour ! Je suis trop vieille, trop mûre pour ne pas remarquer les travers de notre relation !
– Parce que tu crois que celle que tu entretiens – ou que tu pourrais entretenir – avec Vitalio est meilleure ?
– Pourquoi dis-tu ça ? Pour me blesser ? s'écria Célinda, des larmes de rage aux yeux. À quoi ça t'avance ? Quel est ton intérêt dans ma souffrance ? Réponds-moi !
– Arrête Célinda, tu es sur le point d'exploser !
– Mais bien sûr... Comme si, n'étant plus un Pokémon, je pouvais exploser. Tu me fais pitié... Comment parviens-tu donc encore à me faire mal ? » fit la jeune fille en s'éloignant en direction de sa chambre, dégoûtée.

Une fois la porte de sa chambre fermée, Célinda s'adossa contre elle et tenta tant bien que mal de se calmer. Car Ténébrax avait dit vrai : elle était réellement au bord de l'explosion. Comment, elle ne le savait pas, et pourtant, le fait était là : il y avait en elle un mécanisme qui était sur le point de s'enclencher pour provoquer son explosion. Une sorte de bombe qu'elle seule pouvait contrôler, et qui menacerait d'éclater à chaque fois que la colère s'emparerait de la jeune fille...
Lorsqu'elle sentit enfin la tension de son corps se relâcher définitivement, Célinda se laissa glisser le long de la porte. Elle était épuisée à cause de l'effort qu'elle avait dû fournir pour contenir sa rage et ainsi empêcher l'explosion de se produire. Il ne lui fallait cependant pas montrer cette fatigue à Ténébrax. C'était le meilleur moyen de tout fiche en l'air entre eux. Et elle ne voulait pas que tout soit fini à cause d'elle. Parce qu'elle haïssait cette part de méchanceté surprenante qu'elle avait découvert depuis peu.
Une fois après avoir retrouvé un peu de forces, Célinda se releva. Ayant décidé de s'habiller, elle se saisit des sous-vêtements que lui avait offerts Éliana qu'elle avait pris soin de cacher au fond d'une des poches de son peignoir. Elle nota qu'ils avaient repris leur blancheur et leurs formes originelles. Elle les contempla un instant, notant non sans nostalgie qu'il s'agissait d'un des seuls vestiges de sa relation passée avec Éliana.
Les deux jeunes filles s'étaient en effet interdit depuis toujours de s'offrir des cadeaux entre elles. Un tel comportement aurait pu provoquer une certaine jalousie – Célinda se rendait à présent compte de l'importance de cette précaution ; Vitalio avait été le seul cadeau qu'Éliana lui avait cédé sans accepter aucun retour d'aucune sorte et il en était né une jalousie maladive, difficile – voire impossible – à contrôler. La jeune fille refusa de pleurer ; elle obligea ses larmes à rester en elle. Le temps des regrets était passé. Elle ne devait plus y penser, ou, du moins, penser à ce que les choses auraient pu être si ses choix avaient été différents. Ces choix étaient faits et elle n'y pouvait plus rien. C'était comme ça, un point c'est tout. Célinda s'arracha au doux souvenir de cette complicité qui lui semblait si lointaine, en se disant qu'Éliana l'aurait voulu ainsi. Oui, elle aurait voulu qu'elle agisse comme ça. Elle avait toujours dit : à chaque choix que tu fais, c'est autant de voies qui se ferment et qui s'ouvrent. Une fois ses choix faits, on ne peut plus reculer ; il faut savoir vivre avec, aller de l'avant. Oui, c'était ainsi qu'Éliana voyait le monde. « Et c'est ainsi que je le verrais moi aussi... » songea Célinda en enfilant ses sous-vêtements, déterminée. « Ce n'est pas parce que j'ai perdu tous mes amis que ma ligne de conduite va s'en trouver affectée... va changer... ou ne pas s'améliorer. » Une fois après avoir passé ses dessous, ceux-ci changèrent plusieurs fois d'apparence pour finalement recouvrer leur forme originale. « Une sorte de mise à jour ? Éliana n'a donc rien trouvé d'autre à faire ? » s'interrogea la jeune fille, intriguée. Avait-elle donc renoncé à tout espoir de réconciliation possible entre elles deux ? Ou, au contraire, avait-elle besoin de s'occuper les mains pour mieux réfléchir à un plan pour la sortir de la situation périlleuse dans laquelle se trouvait – une fois de plus – son amie ? Célinda n'était pas fille à se bercer d'illusions ; elle savait tout le temps de quel côté se trouvait la Vérité. Pour la première fois de sa vie cependant, elle se mit à espérer. Que rien n'était perdu. Que tout était encore à jouer. Qu'il existait bel et bien un moyen de se sortir de là. Un fol espoir... qui fit battre la chamade à son cœur lorsque la jeune fille se rendit compte qu'il n'était peut-être pas si fou que ça ; elle venait en effet de demander pensivement des sous-vêtements qui la protégeraient de toute tentative de caresse et un article avait immédiatement répondu à l'appel – article qu'elle avait vu défiler lors de la mise à jour si particulière des articles disponibles. Oh oui, tout espoir ne semblait pas être perdu, malgré les apparences... Confiante, Célinda se rendit dans la salle de bain pour récupérer et passer la robe de sa mère en prenant bien garde à ce que Ténébrax ne la vît pas avant de revenir dans la salle de séjour pour se rendre compte que le garçon ne s'y trouvait pas. Un mot avait été laissé à son attention : « Il y a encore des problèmes qu'il me faut régler au plus vite. Je reviens dès que possible. À plus. »

Célinda se doutait qu'elle avait là une chance inespérée de pouvoir chercher à revoir ses amis. Mais qu'allait-elle bien pouvoir leur dire une fois qu'elle les eût retrouvés ? Qu'elle était désolée et qu'elle souhaitât que tout recommençât ? Qu'elle s'était rendu compte de son comportement envers eux, de cette méchanceté si inhabituelle qui faisait d'elle une personne très irritable ? Non, cela ne suffirait pas. Mais peu importait ; tout ce qui comptait pour elle en ce moment présent, c'était de les revoir : le vide laissé par leur absence prolongée prenait une place de plus en plus importante. Trop importante pour qu'elle l'ignorât encore. En priant pour que Ténébrax ne revînt pas avant elle, la jeune fille referma la porte de sa maison le plus silencieusement possible, comme pour ne pas qu'on remarque qu'elle sortît.